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L'univers de Stephen Hawking

Hawking vers 1990.

L'oeuvre littéraire de Stephen Hawking (VII)

En 1976, Steven Weinberg publia "Les trois premières minutes de l'Univers", un ouvrage de vulgarisation scientifique qui fait le pari d'expliquer la cosmologie et l'évolution de l'univers au grand public.

Appuyé par un marketing bien organisé, l'ouvrage est également très bien écrit et a mérité son succès. Il est à classer parmi les meilleurs du genre, auprès de ceux de Gamow, Reeves, Alan Guth ou Fang Lizhi.

A la même époque, donnant progressivement plus de conférences, des séminaires, et accordant beaucoup d'interviews aux médias, Hawing apprit à connaître les attentes de ses auditeurs et en 1982 il prit la décision de remanier ses notes de conférences et d'écrire un livre de vulgarisation sur la cosmologie.

Mais ainsi que nous l'avons évoqué, suite à une pneumonie contractée en 1985 suivie d'une bronchite,  il devra postposer sa publication. Il dut en effet subir une trachéotomie qui lui fait perdre l'usage de la parole.

Grâce à un ordinateur et un synthétiseur vocal, quelques mois plus tard Hawking put à nouveau écrire des articles scientifiques et reprit son travail d'écriture. Ainsi qu'il le dira dans la préface de son ouvrage, "j'ai décidé d’écrire un livre sur l'espace et le temps à l'intention du grand public".

1988, Une brève histoire... qui dure

L'ouvrage de 230 pages illustré de 16 planches noir et blanc sera publié en 1988 chez Bantam Books sous le titre "A brief history of time", "Une brève histoire du temps". Il s'agit d'un ouvrage de vulgarisation sur la cosmologie, reprenant non seulement l'état d'alors des connaissances en la matière mais également passant en revue 2000 ans d'histoire de la physique d'Aristote à Steven Weinberg.

Ainsi que nous l'expliquerons dans la dernière partie, en pleine guerre commerciale, l'éditeur offrit à Hawking une avance sur recette de 250000 dollars. Un cachet flateur pour un écrivain alors inconnu et sans expérience mais qui s'explique par une politique marketing de haut niveau. Le vice-président du département publicité déclara que "l'histoire d'Hawking" était un important projet "à la fois pour le marché de l'édition haut-de-gamme et les principaux médias." Mais n'oublions pas que l'image de Hawking a aussi été modelée par les médias depuis les années '70 et que cet ouvrage diffère notablement de sa véritable oeuvre scientifique. Nous y reviendrons.

Quelques-unes parmi le bon millier d'éditions papier éditées en 40 langues depuis 1988 du best seller de Stephen Hawking "Une brève histoire du temps".

Hawking précise dans les premières pages de son livre que ni l'excellent livre de Steven Weinberg ni aucun autre "ne [répondaient] vraiment à la question d'où vient l'Univers ? Comment et pourquoi a-t-il commencé ? Connaîtra-t-il une fin, et si oui, comment ? Questions qui intéressent tout le monde .[...] On m'a dit que chaque équation incluses dans le livre en diminuerait les ventes de moitié, j'ai donc décidé qu'il n'y en aurait aucune. A la fin, toutefois, j'en ai mis une, la fameuse équation d'Einstein; E = mc2. J'espère que cela n'effraiera pas la moitié de mes lecteurs potentiels." L'ouvrage sera traduit en français et publié chez Flammarion en 1989.

Et de faitl'appréciation de Hawking des goûts du public s'est avérée prémonitoire : l'ouvrage devint un bestseller. Le 13 juin 1988, Hawking fit la couverture du magazine "Newsweek"; il faisait dorénavant partie de l'actualité. Selon le "Sunday Times", son livre "marie l'émerveillement de l'enfant à l'intelligence du génie. Nous voyageons dans l'univers de Hawking tout en nous émerveillant de son esprit."

En 1993, on publia la 40e édition reliée aux Etats-Unis et la 39e au Royaume-Uni. En 1995, le 6 avril exactement, la version brochée devint un best seller en 3 jours ! Elle resta dans le top des best sellers durant 237 semaines consécutives, soit près de 8 mois, battant le record précédent de 184 semaines. Ce fait figura dans le "Livre des Records" de 1998. Aujourd'hui cet ouvrage s'est vendu à plus de 10 millions d'exemplaires et a été traduit en 40 langues ! 

Après les résultats des missions spatiales du Télescope Spatial Hubble lancé en 1990 et COBE en 1992 confirmant certaines prédictions astrophysiques et cosmologique (le Big Bang), Hawking fera une première mise à jour illustrée en 1996 dans une édition reliée (19.7x25.8x2 cm) intitulée "The Illustrated Brief History of Time, Updated and Expanded Edition" contenant 256 pages et pas moins de 240 illustrations couleurs. Cette édition comprend des images enregistrées par le Télescope Spatial Hubble et des simulations informatiques en 3D et 4D qui viennent renforcer ses théories cosmologiques. Outre les mises à jour attendues, il consacre le chapitre 10 aux trous de vers et au voyage temporel. Il a également rédigé une nouvelle introduction. Etonnemment, cette édition reliée fut traduite en allemand et d'autres langues mais pas comme telle en français bien qu'elle fut par la suite intégrée dans les mises à jour au format poche et numérique.

La version illustrée, mise à jour et étendue de 1996 du livre "Une brève histoire du temps" et les versions en turque, russe, coréen et japonais parmi d'autres.

Après 10 ans de progrès scientifique, Hawking sortit une seconde mise à jour en 1998 intitulée, "A Brief History of Time : The Updated and Expanded Tenth Anniversary Edition" toujours chez le même éditeur et présentée sous trois formats : couverture souple, format Kindle et avec une couverture rigide et reliure traditionnelle (dont les plats débordent des feuillets, ce que les éditeurs appellent une reliure en carapace de tortue ou "Turtleback school and library binding").

L'ouvrage de Hawking est différent de celui de Steven Weinberg dans ce sens où il discute également de l'histoire de la cosmologie, de la théorie du Big Bang, du modèle inflationnaire, des trous noirs, de la flèche du temps, etc. Mais comme Weinberg il ne discute pas réellement de ce qui s'est produit avant la première seconde. Or depuis 1988,  nous pouvons nous prononcer jusqu'à l'échelle de Planck, 10-43 seconde après le Big Bang, raison pour laquelle Hawking fit plusieurs mises à jour à partir de 1996.

Hawking discute longuement de l'inflation et de l'éventuelle transition de phase, du choix "d'histoires" qu'aurait eu l'Univers pour se matérialiser mais rien de précis sur son passé primordial du point de la physique et de la chimie. Toutefois, il s'étend sur le pourquoi de l'univers, un sujet qui reste au demeurant métaphysique mais qui a toujours passionné son public.

Hawking vers 2000.

Dans le premier chapitre de son livre "Une brève histoire du temps", Hawking traduit de façon très clairvoyante les limites de l'imagination humaine (traduction personnelle que je préfère à celle de l'éditeur qui est par ailleurs incomplète) : "La plupart des gens pourraient trouver notre représentation de l'univers plutôt ridicule considérant une tour infinie faite de tortues empilées, mais pourquoi pensons-nous mieux le savoir ? Que savons-nous de l'univers, et comment le savons-nous ? D'où vient l'univers et où va-t-il ? L'univers a-t-il eu un commencement, et si oui, qu'y avait-il avant ? Quelle est la nature du temps ? Aura-t-il une fin ? Les récentes découvertes faites en physique, rendues en partie possibles par les fantastiques nouvelles technologies, suggèrent des réponses à quelques-unes de ces questions de longue date. Un jour, ces réponses nous sembleront aussi évidentes que le fait que la Terre tourne autour du Soleil, ou peut-être aussi ridicules que la tour de tortues. Seul le temps (quoiqu'il puisse être) nous le dira."

Et de conclure un peu plus loin, "Même s'il n'existe qu'une seule théorie unifiée possible, c'est juste un ensemble de règles et d'équations. Qu'est-ce qui fait que le feu couve dans les équations et rend l'univers descriptible de cette manière ? L'approche habituel de la science consistant à construire un modèle mathématique ne permet pas de répondre aux questions du pourquoi il devrait y avoir un univers répondant au modèle descriptif. Pourquoi l'univers prend-il la peine d'exister ? Une théorie unifiée serait-elle si irrésistible qu'elle entraînerait sa propre existence ? Ou a-t-elle besoin d'un créateur, et si oui, a-t-il un autre effet sur l'univers ? Et qui l'a créé ?."

En posant sa théorie, comme tous les cosmologistes Hawking se met en porte-à-faux avec le dogme et la religion chrétienne. Le 3 octobre 1981, durant la cérémonie pontificale académique, le Vatican organisa une conférence sur la cosmologie en l'honneur de Stephen Hawking. Le Pape Jean-Paul II rappela que "nous avons raison d'étudier l'évolution de l'univers depuis le Big Bang , mais nous ne devrions pas explorer le Big Bang car il s'agit de l'instant de la Création et donc l'oeuvre de Dieu."

Et de poursuivre : "La cosmogonie elle-même nous parle des origines de l'univers et de sa formation, pas afin de nous fournir un traité scientifique mais afin d'énoncer le rapport précis entre l'homme et Dieu et avec l'univers. Les textes sacrés souhaitent simplement déclarer que le monde a été créé par Dieu, et afin d'enseigner cette vérité, il s'exprime dans les termes de la cosmologie utilisés à l'époque de sa rédaction. Le Livre Sacré souhaite de même dire aux Hommes que le monde n'a pas été créé comme le siège des dieux, comme a été enseigné par d'autres cosmogonies et cosmologies, mais plutôt qu'il a été créé pour servir l'Homme et la gloire de Dieu. N'importe quel autre enseignement au sujet de l'origine et la formation de l'univers est étranger aux intentions de la Bible, qui ne souhaite pas enseigner comment va le ciel mais comment on va au ciel", une réflexion déjà soulevée... à l'époque du procès de Galilée !

Dans son livre, Hawing souligne son "très fort sens de l'identité" avec Galilée lorsqu'il découvrit la conjecture de "l'univers sans bord" et ses implications théologiques. Cette fois-ci, il fut tout de même heureux de ne pas avoir à subir le même sort que son illustre mentor. Au contraire, si Galilée dut abjurer ses découvertes, Hawking sera récompensé pour la seconde fois par le Vatican.

Si de l'aveu même d'Einstein, la théorie de la Relativité ressemble à une rencontre avec Dieu par son élégance et la simplicité de ses concepts fondamentaux, à contrecoeur Hawking a accepté ce qu'il appelle la "nécessité d'un commencement" et la "présence d'un puissance de raison supérieure" pour expliquer le monde. Mais il n'a jamais accepté l'idée d'un Dieu "personnel".

Hawking accepta à reculons cette solution faute de disposer d'une explication rationnelle plus satisfaisante, et accepta tout au plus celle du prix Nobel Leon Lederman qui, dans le même style que David Schramm, écrivit :

Le Big Bang. Document T.Lombry.

"Au commencement il y avait un vide, une forme curieuse de vide, un néant ne contenant aucun espace, ni temps, aucune matière, aucune lumière, aucun bruit. Pourtant les lois de la nature étaient en place et ce curieux vide a maintenu le potentiel. Une histoire commence logiquement au début, mais cette histoire concerne l'univers et malheureusement il n'y a aucune donnée sur les commencements mêmes -- aucune, zéro. Nous ne savons rien au sujet de l'univers jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge mûr d'un milliard de trillionième de seconde. C'est-à-dire, un instant très court après la Création dans le Big Bang.

Quand vous lisez ou entendez quelque chose à propos de la naissance de l'univers, la personne l'invente -- nous sommes dans le royaume de la philosophie. Seul Dieu sait ce qui s'est produit au commencement même."

C'est pour éviter l'écueil du Dieu Créateur qui ne lui plaît pas en tant que scientifique, bien que sa famille soit chrétienne, que Hawking a tiré profit de ce temps imaginaire qu'il a trouvé dans les mathématiques pour évacuer les infinis et essayer de concilier relativité générale et physique quantique, une oeuvre à laquelle il se consacrera problablement le restant de sa vie. Mais on reviendra dans la dernière partie sur cette idée de Dieu.

Pour les critiques du "New Yorker", "The Economist", du "New York Times" ou "US New", "Une brève histoire..." est considéré comme un ouvrage séduisant et empreint de lucidité mais d'autres l'ont trouvé difficile et décevant. Richard Cohen par exemple confessa dans le "Washington Post" qu'il "ne l'avait tout simplement pas compris", et Michiko Kakutani avoua dans le "New York Times" "qu'il contenait quelques passages ardus [...] que le lecteur [...] aurait du mal à suivre". Et il est vrai que discuter de l'échelle de Planck, de désintégration spontanée, de quarks, de réactions thermonucléaires, des scénarios de Guth, de l'univers inflationnaire ou encore de la courbure de l'univers  sont autant de notions qui requièrent un bagage scientifique certain. A ce demander comment un ouvrage scientifique de ce nouveau à trouver un écho auprès du grand public. C'est ici que le travail promotion a prouvé son efficacité. On y reviendra.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, beaucoup de critiques dont Marcia Bartusiak du "New York Times" ont regretté qu'Hawking n'ait abordé dans son livre que l'histoire de l'univers et n'ait pas un peu plus parlé de sa propre personne. Ce à quoi il répondit : "'Une Brève Histoire' était consacré à l'histoire de l'univers, pas à la mienne." Et encore aujourd'hui, sauf cas de force majeur, Hawking ne laisse rien transpirer de sa vie privée comme nous le verrons dans la troisième partie.

1989, 300 years of gravitation

En collaboration avec W.Israel, en 1989 Hawking publia "300 years of gravitation", passant en revue tous les travaux réalisés sur le sujet depuis Newton; une bible de 700 pages de notes historiques et d'arguments qui constituent probablement la compilation la plus complète écrite sur ce thème à ce jour.

Hawking s'adresse au public mais l'ouvrage est avant tout destiné aux étudiants de physique qui recherchent une bonne base documentaire. Tout y est abordé : le principe d'inertie, la formation des galaxies, l'inflation, les supercordes et les théories unifiées dont la gravitation quantique. Malheureusement destiné à un public très restreint, cet ouvrage de référence n'a jamais été traduit en français.

Livre, cassette VHS, DVD en anglais ou en français, cassette ou CD audio de ses livres ou de ses conférences, Hawking a diversifié son offre, à la plus grande joie de son public.

Notons à toute bonne fin que ce livre est un excellent complément à celui encore plus épais (944 pages) écrit par les mêmes auteurs dix ans plus tôt, "General Relativity: An Einstein Centenary Survey" et publié chez le même éditeur. Il fut financé par l'UNESCO et eut un gros succès dans la communauté scientifique.

Prochain chapitre

1991, le premier film

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