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Le supervolcan de Yellowstone

Le supervolcan Toba de Sumatra et sa caldera engloutie en perspective accentuée. Document Google Earth.

Les effets d'un supervolcan (III)

L'éruption du supervolcan Toba situé au nord de Sumatra s'est produite il y a environ 73000 ans (à 4000 ans près). Un lac se forma dans sa caldera mesurant 100 km de longueur, 30 km de largeur et 505 m de profondeur. Ce fut une explosion méga-colossale (VEI 8) dont les cendres ont été disséminées sur des milliers de kilomètres à la ronde.

Les scientifiques commencent seulement à comprendre les effets de la libération d'autant de cendres volcaniques sur le climat de la planète.

Si on analyse les carottes géologiques relevées aux quatre coins du monde au fond des océans et aujourd'hui précieusement conservées à l'Université américaine de Columbia, on peut découvrir ce qui s'est passé à l'époque où Toba explosa.

Le professeur Michael Rampino de l'Université de New York étudia ces échantillons et conclut aujourd'hui que la taille de l'éruption de Toba fut gigantesque. On parle ici de quelque 3000 km3 de matière qui furent éjectés du volcan dont 800 km3 de cendres. Cela représente environ 20 à 37 fois l'éventuelle explosion des Champs Phlégréens situés à l'ouest de Naples (~100 km3 ou VEI 7), 1000 fois l'explosion du Santorin (>40 km3 ou VEI 6) et 10000 fois l'éruption du St.Helens en 1980 (1.2 km2 ou VEI 5).

L'énergie libérée par l'éruption du Toba aurait été équivalente à 1 GT de TNT, soit environ 67000 fois la bombe d'Hiroshima. C'était une VEI 8 dix fois plus intense que le seuil minimum, produisant des effets similaires à celui de l'impact d'un astéroïde d'au moins 800 m de diamètre sur un sol granitique ! Nous en avons la preuve car à 2500 km de Toba, on a découvert dans le fond des océans une couche de cendre épaisse de 35 cm qui s'est déposée juste après l'éruption. Elle révèle que Toba provoqua un évènement supervolcanique d'une puissance bien supérieure à toutes les autres éruptions volcaniques connues à ce jour.

L'analyse des cendres révéla que l'éruption fut riche en soufre et aurait libérée une énorme quantité de dioxyde de soufre et d'autres gaz jusqu'à la stratosphère, d'où ils seraient retombés sous forme d'aérosols composés d'acide sulfurique, affectant le climat de la Terre durant des années.

L'éruption du Pinatubo le 12 juin 1991. Voici une autre photo. Document USGS restauré par l'auteur et D.R.

Suite à l'éruption du Pinatubo en 1991, nous savons que les cendres transportées jusqu'à la stratosphère, à plus de 18 km d'altitude à cette latitude, ont obscurcit la lumière du Soleil et entraîné un refroidissement du climat à l'échelle mondiale. L'année qui suivit cette éruption, on assista en effet à une chute de la température globale moyenne de 0.5°C. 

En comparant la quantité de matière éjectée par le Pinatubo mais également le St.Helens (VEI 5), le Krakatoa (VEI 6) et le Tambora (VEI 7) ainsi que sur base de simulations, Rampino ainsi que des experts de la NASA ont calculé que la chute de température provoquée par l'éruption du Toba atteignit 20°C à cinq ans après l'éruption avec un albedo planétaire qui passa de 69% à 52%. L'anomalie de température se réduisit à 5°C environ dix ans après l'éruption mais l'albedo chuta à 30% et cette anomalie se serait maintenue pendant plus de 20 ans.

A l'échelle du climat de la planète, une chute de 5°C représente un hiver global. Aux latitudes élevées (50-70°) cela représente un refroidissement de 15°C durant les mois d'été : l'Europe qui supporte 30°C parfois 40°C en été verrait tomber de la neige en juillet; on assisterait à un hiver volcanique. Les effets sur l'agriculture, sur la croissance des plantes et sur la vie océanique seraient catastrophiques. Ce temps hivernal où l'Angleterre, la Scandinavie et le Canada subiront un climat polaire devrait persister durant des années portant un coup fatal à beaucoup d'êtres vivants, animaux et végétaux.

Mais quel serait l'impact sur l'homme ? La réponse n'est malheureusement pas inscrite dans les roches. Nous pouvons nous en faire une idée si nous remontons à l'époque où l'homme de Néandertal dut affronter les grands froids il y a 75000 ans, durant la glaciation de Würm qui dura plus de 20000 ans. Mais ce sont des témoignages indirects (abris sous roche, peaux de bêtes et quelques ustensiles grossiers).

On peut en savoir plus si nous séjournons au Canada, dans les pays Scandinaves ou en Asie centrale en hiver; c'est à peu près le climat que l'Europe occidentale devrait supporter durant un hiver volcanique, mais avec des ressources beaucoup plus réduites et sachant que ces conditions climatiques et économiques très rudes dureront toute l'année. Quand je vous parlais de sueurs froides, cette fois c'est beaucoup plus concret...

Les mitochondries au secours des anthropologues

Ayant appris ce bouleversement écologique, deux professeurs spécialistes de génétique humaine à l'Université d'Utah, Lynn Jorde, généticien à l'Ecole de Médecine et Henry Harpending, anthropologue, ont relié cet évènement à la question de l'évolution génétique des mitochondries, l'un des organismes les plus anciens et aujourd'hui totalement intégré à la biologie humaine.

En analysant le taux de mutation de l'ADN mitochondrien au cours des âges, Jorde et Harpending s'aperçurent qu'un étrange phénomène émergeait de leurs résultats. Il s'attendaient à observer une taille relativement constante des populations, avec localement des pics de croissance et des périodes de stagnation voire de décroissance, y compris des mélanges de population. Or ils observèrent que la population humaine avait franchement diminué à une certaine époque.

A gauche, représentation d'une mitochondrie. A droite, quelques-unes des mutations que peuvent subir les mitochondries et les maladies associées. Documents FSU/Microscopy/Hybrid Medical Animation et CSTL/NIST.

Cette observation confirma ce que pensaient déjà d'autres généticiens. On s'est longtemps demandé pourquoi l'humanité actuelle présentait un patrimoine génétique contenant si peu de variantes alors qu'il était si riche au départ ? Quel phénomène avait bien pu être à l'origine de cette évolution à rebours ? On constate en effet qu'aujourd'hui toutes les sociétés humaines, qu'elles vivent en Afrique, en Europe, en Asie ou en Amérique présentent pratiquement le même patrimoine génétique alors qu'en l'espace de cent mille ans nous aurions dû obtenir une diversité génétique bien plus abondante du fait des combinaisons génétiques. Quel pouvait en être la cause ? 

La réponse est qu'il y eut une diminution dramatique de la population quelque part dans le passé. Les scientifiques situent cet évènement il y a moins de 100000 ans : un goulet d'étranglement eut lieu pour une raison qui restait à découvrir.

L'ADN humain est si similaire aujourd'hui à travers les populations que les scientifiques en ont conclu qu'il y eut certainement une réduction catastrophique de la population par le passé. Comment l'imaginer ?

Selon Harpending, l'évènement qui s'est produit correspond à une extinction quasi totale où seuls quelques milliers d'individus auraient survécu. En fait notre espèce était sur le point de disparaître.

Mais en corollaire cela en dit long également sur notre évolution. D'une extraordinaire diversité antérieurement à l'éruption, nos ancêtres seraient passés par un goulot d'étranglement qui expliquerait la pauvreté de notre patrimoine génétique actuel. Concrètement, cela signifie que nous descendons tous d'une même famille.

Selon Lynn Jorde, les mutations des mitochondries s'effectuent avec une grande régularité et le nombre de mutations peut servir d'horloge génétique pour dater les évènements majeurs. Dans le cas de notre étranglement, Jorde et Harpending ont estimé qu'il s'était produit  voici 70 ou 80000 ans. Reste à savoir quel évènement provoqua cette mortalité majeure qui ne laissa sur Terre que 5 ou 10000 survivants ?

Les acteurs

Les professeurs Lynn Jorde, Henry Harpending et Stanley Ambrose. Documents Deseretnews/Laura Seitz, Harpending et U.Illinois/News Bureau.

Jusqu'à présent les généticiens n'avaient aucune idée de ce qui avait pu causer cet accident. Henry Harpending commença alors une série de conférence dans les universités américaines pour discuter de ce "bottleneck". C'est à cette occasion qu'il fut invité par le prof. Stanley Ambrose, paléoanthropologue à l'Université de l'Illinois pour donner une conférence à ses élèves.

C'est en lisant l'histoire de l'étranglement de la population humaine et en se demandant qu'elle pouvait bien en être la cause qu'Ambrose trouva l'explication. Il communiqua immédiatement son idée à Harpending qui ne lut son message qu'une semaine plus tard. Ambrose parlait de la super éruption d'un volcan appelé Toba de Sumatra...

Ainsi que nous l'avons dit, l'équipe de chercheurs partit de l'hypothèse que l'étranglement est survenu entre 70 et 80000 ans bien que cette date soit encore largement débattue. Le supervolcan Toba explosa voici 73000 ans, juste au milieu de cette période. La super éruption de Toba aurait donc provoqué l'extinction de la plupart des êtres humains.

Rappelons qu'à cette époque l'homme avait déjà conquit la plupart des terres immergées d'Afrique, d'Europe, d'Amérique et d'Asie, et voici 500000 ans la population comptait déjà plusieurs millions d'âmes. Avant l'explosion on pense que des centaines d'espèces d'hominidés plus ou moins ramifiées et affiliées vivaient sur Terre. Après l'explosion une seule espèce aurait survécu, celle qui aboutit à l'Homo sapiens.

Si les deux évènements sont vraiments reliés, cela a des implications terrifiantes sur la future éruption de Yellowstone. Son éruption pourrait être de la même ampleur que celle de Toba et aurait un effet dévastateur, et pas seulement sur la région alentour, mais sur toute la Terre.

Scénario de la super éruption de Yellowstone

Eruption de l'Etna. Document http://www.photowildworld.com/

Eruption de type strombolienne de l'Etna en juillet 2001 qui dura trois semaines. Catane fut menacée, le téléphérique fut détruit et l'aéroport fut fermé à plusieurs occasions. Document Daisy Gilardini.

Pour Michael Rampino, la super éruption de Yellowstone serait entre 1000 et 2500 fois plus puissante que celle du Mont St.Helens, une puissance que le Yellowstone a déjà mis en oeuvre par le passé.

Imaginez plus de 1000 volcans comme le St.Helens ou le Pinatubo entrant en éruption simultanément... L'explosion libérera dans l'atmosphère entre 1000 et 2500 km3 de cendres et de matière volcanique. Des blocs de magma incandescents de plusieurs mètres cubes tomberont sur le sol à une vitesse supersonique. En quelques minutes des centaines de milliers si pas des millions de personnes succomberont aux Etats-Unis, instantanément incinérées, pulvérisées. Les grandes plaines fertiles seront recouvertes de cendres.

Si cela se produit en hiver les cendres se mêleront à la neige pour former des flots de boues, des lahars encore plus dévastateurs du fait de leur densité élevée et de leur plus forte inertie. En quelques jours le nuage de cendres atteindra le Golfe du Mexique. Le souffle de l'explosion transportera dans la haute atmosphère des milliards de milliards de tonnes de cendres, de poussière et de dioxyde de soufre qui obscurciront graduellement la lumière du Soleil.

Extension des deux dernières éruptions de Yellowstone. Les 2/3 des Etat-Unis furent touchés. Cela risque-t-il de se reproduire ? Les scientifiques le pensent. Document préparé par Dan Brennan et Mary Diman/UW-Madison News Graphics adapté par l'auteur.

Comment nous l'avons connu à plus petite échelle avec l'éruption du volcan islandais Eyjafjallajoekul en 2010, tant qu'il y aura des nuages de cendres dans l'atmosphère tous les vols d'avions seront interrompus. En 2010, l'interdiction de vol dans la région dura 6 jours et coûta 1 milliard d'euros à l'économie. Vu l'ampleur du supervolcan, cette interdiction de vol pourrait durer des mois sinon davantage.

Le climat sera altéré à l'échelle mondiale en l'espace de quelques mois comme ce fut le cas avec Toba qui expulsa quelque 3000 km3 de lave, de cendres et de pluies acides qui retombèrent sur le globe. La chute globale de température entraîna un hiver volcanique qui dura au moins 10 ans, au point que l'hémisphère nord subit un âge glaciaire qui dura plusieurs milliers d'années conduisant à l'extinction de la plupart des êtres humains.

Avec l'explosion du Yellowstone nous assisterons au même phénomène. Nous subirons un hiver volcanique permanent qui pourrait durer plusieurs années. Les récoltes seront détruites durant plusieurs saisons voire plusieurs années, et en particulier les réserves de blé des Etats-Unis qui sont aujourd'hui le grenier à blé de toute la planète.

La crise économique sera catastrophique, son prix incommensurable et il faudra sans doute une génération ou deux pour voir la vie renaître, soit un demi-siècle de privations durant lequel la vie sera excessivement pénible pour tout le monde !

Les plus pessimistes prédisent même que cet évènement sera fatal pour l'humanité du fait qu'il n'y aura plus aucune ressource disponible avec tous les débordements sociaux que cette situation entraînera. Si cette théorie semble confirmée par les évènements du passé, quelques scientifiques s'opposent à cette conclusion jugée trop hardie. Pour notre survie, espérons que ces derniers aient raison.

A voir : Le supervolcan de Yellowstone

Si cette théorie s'avère exacte, et elle semble a posteriori confirmée par plusieurs évènements distincts, on comprend mieux pourquoi les scientifiques eurent des sueurs froides quand on leur apprit que Yellowstone était non seulement un supervolcan, mais qu'il était prêt à se réveiller... Une histoire qui pourrait conduire à la 6e extinction, celle de l'Humanité.

Vu l'état de la planète après cette catastrophe, il serait peut-être préférable que nous disparissions dans l'éruption, car mieux vaut peut-être conserver le souvenir de l'herbe verte et du ciel bleu ponctué ci et là de cumulus de beaux temps plutôt que de voir de l'herbe sèche, des arbres morts rongés par l'acide sulfurique, un ciel gris à perte de vue et devoir vivre le restant de notre vie dans le froid et sous les lumières artificielles... :-( Mais gardons espoir; la Terre a déjà connu de tels cataclysmes et l'homme a toujours conservé son instinct de survie.

Quelle histoire !

Un extrait de cet article fut publié dans Futura-Sciences en 2005.

Pour plus d'informations

Activité actuelle du Yellowstone, Réseau de surveillance de l'USGS

Volcano Discovery (aussi en français)

Séismogrammes de la région de Yellowstone (UUSS)

Supervolcano (2005), BBC-One

Supervolcanoes (1999), BBC-One

Supervolcanoes could trigger global freeze, BBC-One

Yellowstone Caldera Complex, LPI

USGS Volcano Hazards Program

Deadliest Volcanic Eruptions, USGS

Volcano World

The Electronic Volcano

Yellowstone National Park

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