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Les impacts météoritiques terrestres Comment déterminer l'origine extraterrestre d'un impact ? (I) Il arrive parfois que des témoins observent un bolide dans le ciel et assistent quelques secondes plus tard à la chute d'une météorite à quelques dizaines ou centaines de kilomètres de distance. A cinq reprises au moins au cours du XXe siècle, le point d'impact a pu être localisé et des fragments de météorites furent récoltés dont le poids oscillait entre quelques grammes et près d'une tonne. Ce genre d'évènement reste exceptionnel vu la faible quantité de gros météorites tombant sur Terre (moins d'un par an dans un lieu habité). Dans tous les autres cas les chercheurs doivent réunir des indices pour corroborer l'hypothèse extraterrestre de la structure qu'ils ont découverte. C'est ici que commence une véritable enquête scientifique. Dans certains cas, Richat par exemple, la dépression circulaire est tellement symétrique que durant des décennies les scientifiques l'ont considérée comme résultant de l'impact d'une météorite juusqu'à ce qu'une étude sur le terrain confirme qu'il s'agit d'une formation géologique érodée, il est vrai particulièrement symétrique et bien préservée.
Documents MIAC, Carlos Roberto de Souza Filho et Fernando de Gorocica. Les géologues de l'Université de New Brunswick au Canada nous expliquent qu'au moins six indices permettent d'authentifier un impact météoritique, basés à la fois sur des analyses morphométriques et stratigraphiques macroscopiques et des analyses microscopiques d'échantillons prélevés sur le site. Ces indices sont également de bons indicateurs pour découvrir l'éventuelle. A. Indices primaires 1. La présence sur le site de cônes de percussions (ou cônes de choc, shatter cones) c'est-à-dire des éclat de roche altérés sous le choc, affichant d'importantes lignes de fractures. Ils ont une forme en éventail dont la pointe est dirigée vers le point d'impact. Ils se sont formés lorsque l'onde de choc s'est propagée dans les roches, l'onde se ramifiant de manière arborescente en fissurant les roches. Les éclats prennent ainsi une forme dite en "queue de cheval". Ces cônes apparaissent sous des pressions de 2 à 30 GPa (20-300 millions d'atmosphères) 2. Présence de structures déformées planaires (PDF) de taille micro et macroscopique (dizaines de cm) dans les roches trouvées in situ. Le quartz est un minéral qui retient facilement la mémoire des pressions extrêmes générées durant un impact. Sous des pressions de 8 à 25 GPa, les cristaux de quartz choqués présentent des PDF qui s'étendent à différentes échelles en suivant les plans cristallographiques. Ils apparaissent dans les affleurements sous forme de fractures striées formant une structure conique partielle ou complète. Ils sont communs sous le plancher du cratère, dans la partie surélevée des structures d'impacts mais on peut également en découvrir isolément dans les brèches et les zones de mégabrèches.
3. Présence de minéraux polymorphiques formés à haute pression sur le site (analyse par DRX, diffraction rayons X notamment). Sous des pressions de plus de 25 GPa certains minéraux stables (il en existe plus de 4000 sur Terre dont 295 que l'on retrouve dans les météorites), voient leurs arrangements atomique et structurel se transformer en phase amorphe (non cristalline) et sans fusion. Disons un petit mot sur cette propriété. Malgré ce nom digne de la science-fiction, le polymorphisme est une propriété commune des cristaux. Parmi les minéraux polymorphes les plus connus citons évidemmentle carbone (C) qui a pour polymorphes le graphite à structure hexagonale et le diamant à structure isométrique. Citons également la pyrite (FeS2) à structure isométrique (bar32m) et la marcassite qui est son polymorphe altéré orthorhombique (2/m2/m2/m). Dans certaines conditions, il est même difficile de les différencier l'une de l'autre. Enfin citons la silice pure (SiO2, l'un des constituants du verre) dont les polymorphes sont le quartz, la tridymite, la cristobalite, la coésite et la stishovite. Dans le cas des minéraux associés à un cratère d'impact, ces polymorphes sont créés sans phase de fusion et renseignent les géologues de l'occurrence d'un phénomène violent à très haute presion. B. Indices secondaires 4. La morphométrie basée sur l'analyse comparée des cratères terrestres et ceux observés sur la Lune ou Mars par exemple. Ainsi un cratère d’impact fait théoriquement 24 fois la taille de la météorite mais certains cratères peuvent atteindre 30 fois cette taille si l'impulsion est très élevée et le corps très dense. Voici une calculette qui permet de calculer les effets d'un impact. L'analyse morphométrique est rendue difficile sur Terre car elle se complique par deux facteurs : l'action de l'érosion (intempéries, vent, tectonique déformante, etc) et le fait que des phénomènes naturels peuvent créer des structures circulaires (voir second tableau ci-dessous : cône volcanique, diapir, déformation anticlinale, structure glaciaire, lac, etc.). Certains cratères enterrés n'ont été découverts que grâce à des techniques géophysiques (sismographie, anomalies gravimétriques ou magnétiques, sondage micro-onde, etc) mais un forage au coeur de la formation suspecte est souvent nécessaire pour révéler des indices micro et macroscopiques sur l'origine de la structure. A ce jour sur l'ensemble des cratères météoritiques confirmés, 58% ont fait l'objet d'un forage.
Documents Stelvio Staffieri et al., D.R. via Reddit et NASA/EO. 5. La présence de feuillets ou strates fondues ou de veines (dikes) et de brèches (breccia) qui ont été formées suite à un impact à grande vitesse (plusieurs km/s). Toutefois les veines peuvent avoir une origine volcanique qu'il faut pouvoir exclure. Ces objets présentent une croûte superficielle typique contaminée par la roche cible qui est entrée en fusion (on n'observe par exemple aucun apport du manteau dans la fusion). Ces roches fondues peuvent avoir été contaminées par les projectiles libérés par la météorite au moment de l'impact (l'analyse géochimique le confirma). Ces feuillets de matière peuvent être recouverts de brèches d'impacts fondues appelées suévite (parfois vitrifiée ou cristalisée), tandis que la matière soufflée hors du cratère peut former des éjecta que l'on retrouvera autour de la cavité centrale. Pour les grandes structures d'impacts, les éjecta peuvent être distribués à travers tout le site et atteindre des proportions monumentales avec des hauteurs atteignant plusieurs centaines de mètres. Dans tous les cas une cartographie géologique minutieuse du site et des analyses microscopiques et géochimiques viendront confirmer la nature des roches et éventuellement appuyer l'hypothèse extraterrestre. 6. Les pseudotachylites et les brèches : la tachylite est un verre volcanique noir qui se forme au cours du refroidissement du magma basaltique. Des roches y ressemblant ont été découvertes à Vredefort. Les géologues les baptisèrent pseudotachylites. Selon l'IUGS, il s'agit de brèches ressemblant à des veines qui se sont formées par fusion frictionnelle dans le soubassement des structures d'impacts et contenant notamment des minéraux ordinaires, choqués ainsi que des nodules. La pseudotachylite est une roche présentant des fractures à l'échelle micro et plus souvent macroscopique (toute un rocher sur plusieurs mètres peut-être est fracturé avec des zones fondues). On peut également découvrir des pseudotachylites dans les brèches. Notons que les pseudotachylites sont également associées à des failles sismiques générées par des processus endogènes (tremblement de terre notamment) et on ne peut donc pas conclure à partir de ce seul indice que nous sommes en présence d'une structure d'impact, d'autant qu'on trouve aussi des pseudotachylites dans les carrières ou dans des lieux ayant subit le passage de fluides hydrothermaux. Mais associées aux autres indices décrits ci-dessus, ces deux types de roches apportent un indice supplémentaire en faveur de l'impact.
Les brèches apparaissent généralement sous 2 GPa et sont de manière générale constituées des fragments de la roche cible contenant différentes proportions de roches plus ou moins fondues (mais pas exclusivement ce qui les différencie des pseudotachylites) et d'inclusions minérales choquées. Dans son sens fort, les brèches d'impacts concernent uniquement des brèches lithiques et suévites. On peut observer des traces de métamorphisme de choc dans les grains de quartz trouvés dans les zones de brèches (analyse macroscopique ou microscopique en lumière polarisée). On retrouve de tels fragments sur la Lune. On parle de mégabrèches lorsqu'elles s'étendent à grande échelle, recouvrant des centaines de mètres carrés. Les brèches peuvent se développer de différentes manières au cours de l'impact (y compris sous la forme 5.) et apparaître sur le terrain sous au moins trois générations (aspect et couleur) différentes. Toutefois, elles peuvent également se former par des processus endogènes, par exemple le long d'une ligne de failles. L'interprétation des brèches requiert donc elle aussi une attention particulière. Ensemble, ces six facteurs permettent de s'assurer que la structure géologique est bien d'origine extraterrestre. Sur l'ensemble des cratères découverts sur Terre, seuls 3% répondent à ces critères et ont une origine météoritique. Toutes les autres formations ont une origine volcanique ou sont liées à un dégazage ou un phénomène éolien, sans parler des erreurs d'interprétation (formation anticlinale, méandre de rivière, lac naturel, etc). Deuxième partie Liste des cratères d'impacts météoritiques terrestres |