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Histoires d'impacts

A ce jour la plupart des comètes et des astéroïdes sont passés à plus de 450000 km de la Terre. Parfois cependant certains d'entre eux passent 10 fois plus près ou entrent en collision avec la Terre (Tunguska, une fois par millénaire). Toute les décennies ou presque des météorites de quelques kilos tombent dans nos villes. Le risque est bien réel. Illustration de Tobias Roetsch dont voici l'originale.

Fréquence des impacts météoritiques (IV)

D'un point de vue statistique, les impacts météoritiques sont des processus aléatoires, tant dans l'espace que dans le temps. Car non seulement un corps de quelques kilomètres de diamètre peut s'écraser demain sur Terre mais plusieurs d'entre eux frôlent périodiquement notre planète à très courtes distances.

Quand on discute du risque d'impact météoritique avec l'homme de la rue et même avec certains chercheurs, jusqu'il y a peu le public souriait gentillement et se moquait des scientifiques. En 1993, on s'en moquait encore, mais un an plus tard plus personne n'en rit. Comment le public et la communauté scientifique avaient-ils si soudainement changé d'attitude ? Il fallut en effet un évènement de taille pour changer l'opinion des gens et celui des scientifiques les plus réticents à cette idée.

En mars 1993, le couple Shoemaker et David Levy de l'Observatoire Jamac découvrirent grâce au télescope du Mont Palomar une comète en chapelets, Shoemaker-Levy 9 qui, selon toute vraisemblance avait été secouée par un évènement majeur. Mais plus étonnant encore, on s'aperçut qu'elle suivait une orbite de collision... avec Jupiter. C'était un scoop !

En juillet 1994, tous les amateurs et les professionnels assistèrent comme prévu à son impact sur la planète géante. Pour la première fois dans l'histoire, on observait une collision dans le système solaire. C'était une collision à l'échelle cosmique, l'impact ayant détruit un volume deux fois plus grand que celui  de la Terre et porté le sommet de l'atmosphère de Jupiter à plusieurs milliers de degrés !

C'est alors qu'on réalisa que ce qui s'était produit là-bas sur Jupiter pouvait se produire sur Terre... Tout d'un coup les astéroïdes devenaient des objets de préoccupation.

Les faits étant ce qu’ils sont, le pessimiste voulait donc bien savoir quand le prochain astéroïde nous percutera ou quand tombera la prochaine comète qui nous rayera tous de la surface de la Terre ainsi que l’ont habilement suggéré les films “Deep Impact” et “Armageddon” sortis en 1998. Objectivement c’est une question qui devrait tous nous préoccuper; rappelez-vous l'évènement de la Tunguska en 1908 et celui de Tchéliabinsk survenu en 2013 (cf. ces vidéos).

Les astéroïdes géocroiseurs, ennemis publics N°1 (NEO)

La grande question est de savoir si un astéroïde (ou un fragment de comète) n'est pas en train de se diriger vers la Terre ? En 2000, et après 10 ans de recherche, les astronomes découvrirent ce qu'ils redoutaient : 1950DA. Mais était-il l'ennemi cosmique N° 1 ? A l'époque il l'était.

Aujourd'hui nous savons que sa trajectoire devrait croiser celle de la Terre en 2880. Mais il a moins d'une chance sur 300 de percuter la Terre. Mesurant un peu plus d'1 km de longueur, son impact sur Terre libérerait une énergie équivalente à 100 GT de TNT sachant que 10 MT équivaut à l'explosion d'une bombe à hydrogène... Ainsi, dans un peu plus de 800 ans, dans une fraction de seconde à l'échelle cosmique, il est possible que nos descendants aient rendez-vous avec l'Apocalypse, peut-être même avant. Et ce petit corps n'est sans doute pas le seul à se diriger vers la Terre...

Mais relativisons tout de même le danger, car les effets du chaos à long terme s'allient à nous pour perturber les orbites planétaires, et généralement, pour écarter le risque de collision. Ceci dit, le danger potentiel qu'un astéroïde NEO, dit géocroiseur percute la Terre est bien réel, d'autant plus qu'on en dénombre plus de 21000 et actuellement on en découvre plus de 2000 chaque année (cf. ces statistiques du CNEOS) !

Risques d'impacts avec un géocroiseur

Connaissant le risque de collision, sa fréquence et sa gravité éventuelle, un défi s'offre à la communauté scientifique : que peuvent faire les experts pour éviter que ce plan catastrophe ne se réalise ?

Tout d'abord rappelons quels sont les risques de collisions avec un astéroïde géocroiseur. Depuis qu'on les surveille, d'innombrables géocroiseurs de quelques mètres à centaines de mètres de longueur nous frôlent régulièrement à une vitesse comprise entre 5 et 20 km/s (15 km/s en moyenne). La plupart gravitent sur une orbite très elliptique et reviennent périodiquement, au plus tôt tous les 4-5 ans, sinon dans quelques siècles. Certains ne sont découverts que quelques heures avant leur passage comme 1996 JA1, voire même et c'est plus ennuyeux, après leur passage comme ce fut le cas en 1989 avec le NEO 1989 FC Asclepius qui mesure 500 m de longueur. Grâce aux programmes de veille permanente du ciel, on espère que ce genre de surprise ne surviendra plus. On reviendra sur les conséquences d'un impact

Le célèbre astéroïde 4179 Toutatis mesure 4.6 km de longueur. Il ne présente cependant aucun risque. Il est passé à 1.5 millions de km de la Terre en septembre 2004 et ne se rapprochera plus aussi près avant 500 ans. Cliquez sur l'image pour lancer l'animation (MPG de 281 KB).

Parmi les géocroiseurs qui nous ont frôlé de très près, le 10 août 1972, un bolide de 1000 tonnes mesurant une quinzaine de mètres est passé à 58 km d'altitude au-dessus de l'ouest de l'Amérique du Nord puis est reparti dans l'espace (cf. cette vidéo).

Il y eut également des rencontres très rapprochées :

- l'objet 2023 BU de 3.5 à 8.5 m de longeur passa à 3600 km de distance le 26 janvier 2023, un record de proximité !

- l'objet 2017 GM du groupe Apollo de 4 m de longueur passa à 11520 km de distance le 4 avril 2017

- l'objet 2017 EA de 2 à 4.4 m de longueur passa à 14500 km de distance le 3 mars 2017

- le NEO 2012 DA14 de 50 m de longeur qui à 27700 km de distance le 15 février 2013.

On pourrait encore citer de nombreux autres exemples.

D'ici 2101, l'étude des orbites des astéroïdes connus confirme que près de 40 astéroïdes NEA et autre NEO mesurant entre 10 m et 2060 m de longueur (2002 NT7) peuvent potentiellement entrer en collision avec la Terre ! Heureusement, la probabilité potentielle d'un impact est très faible, de l'ordre de 1 chance sur 5500 à 1 chance sur 25000 pour les corps les plus dangereux, ce qui représente un risque d'impact 0 sur l'échelle de Turin qui va jusqu'à 9 (voir plus bas), donc sans conséquence locale. Cela concerne par exemple le NEA 2000 SG344, un astéroïde très pâle de magnitude absolue +24.8 qui mesure 40 m de diamètre et qui se déplace à hauteur de l'orbite terrestre à 1.37 km/s, donc au moins 4 fois plus lentement que la plupart des autres candidats. Il a une chance sur mille de percuter la Terre entre 2068 et 2101.

Citons également le NEO 99942 alias 2004 NM4 mieux connu sous le nom d'Apophis. Il s'agit d'un bloc de fer (sidérite) de 250 mètres de diamètre découvert en 2004 qui a 1 chance sur 12000 de percuter la Terre le 13 avril 2036. Actuellement, le risque d'impact est de 0 sur l'échelle de Turin (voir plus bas) et sera de 1 au maximum, donc avec potentiellement des conséquences locales.

Il y a de nombreux autres géocroiseurs potentiellement à risque comme 2002 NT7 de 2 km de diamètre mais à mesure que les années passent et que les trajectoires se précisent, on découvre que tout risque de collision est écarté.

Il en est de même de la Tesla d'Elon Musk lancée par la première fusée Falcon Heavy le 6 février 2018. L'objet à présent considéré comme un NEA a été référencé par le JPL sous le code ou Target Body 143205 ou 2002 XQ92. Il devrait passer au plus près de la Terre en 2091. Au cours des trois millions d'années à venir, la probabilité que cette voiture percute la Terre est de 6% et de 2.5% qu'elle percute Vénus. Le risque est donc nul sur l'échelle de Turin (voir plus bas).

Car il faut relativiser ce genre d'évènement. Selon Donald Yeomans du JPL à Pasadena, "un objet de cette taille n'a une chance de nous percuter qu'une fois tous les quelques millions d'années et des données plus précises permettront sans doute d'éliminer ce risque." Et de fait, un mois plus tard les nouvelles données écartaient tout risque de collision.

A consulter : Near-Earth Objects, The Watchers

Liste des découvertes récentes et des rencontres rapprochées

PHA Close Approaches To The Earth, MPC

A l'heure actuelle le programme NEO a attribué un risque compris entre 0 et 1 sur l'échelle de Turin à une quarantaine d'objets. La plupart de ces corps présentent un risque "0"; ils sont considérés comme des objets à surveiller mais sans importance. Du reste il ne fait aucun doute qu'un jour ou l'autre nous devrons faire face à un impact.

Passage des petits corps, le cas de 2020 QG

Outre les NEO, de nombreux petits corps mesurant moins de 30 m frôlent régulièrement la Terre et sont rarement détectés. Ces "near miss" sont nombreux (tout dépend de leur taille) et pour les moins "chanceux" cela se termine en bolide et, plus rarement, en (micro)météorite. Ceux qui pénètrent dans l'atmosphère ont en général entre 1 et 20 m de longueur. Vu qu'ils se désintègrent, ce ne sont pas les cibles du programme NEO (qui suit en priorité ceux de 30-50 m).

Nous avons assisté au passage de l'un d'entre eux le 16 août 2020. L'astéroïde 2020 QG alias ZTF0DxQ fut observé avec la nouvelle caméra installée en 2018 sur le télescope Samuel-Oschin de l'observatoire du mont Palomar. Mais comme le révèle cette photo prise dans le cadre du sondage Zwicky Transient Facility du Caltech, il fut découvert le 16 août 2020 à 12h08 TU, c'est-à-dire 6 heures après son passage. La NASA admit : "Nous ne l'avions pas vu venir". Sa magnitude d'environ 17.9 à cette époque indique qu'il mesure entre 2 et 6 m de longueur. Il se déplaçait à 12.3 km/s et frôla la Terre au-dessus de l'océan Indien à seulement 2950 km d'altitude. C'est le premier astéroïde qui frôla la Terre à une si courte distance.

Ce petit astéroïde appartient au groupe Apollo (la même famille que Cérès). Le demi-grand axe de son orbite mesure 1.94 UA et est incliné de 5.5°. Sa période est de 990.38 jours soit 2.71 ans. Il repassera donc dans quelques années mais généralement à plus de 1 ou 2 UA de la Terre. Il repassera à 0.875 UA soit 130.9 millions de kilomètres de la Terre le 10 mai 2031 (cf la simulation du JPL). Sa magnitude sera de 33 et donc inacessible aux amateurs.

A voir : Gravity Simulator

A gauche, illustration de l'astéroïde 2020 QG de 2 à 6 km de longueur qui frôla la Terre à 2950 km de distance le 16 août 2020 au petit matin. Document Tangoas/Adobe Stock. A droite, une simulation de la trajectoire de 2020 QG réalisée par Tony Dunn. Cliquez sur ce lien pour lancer l'animation HD (GIF de 12 MB).

2020 QG ne représente aucun risque. En revanche, il permit de voir comment la trajectoire d'un petit astéroïde est déviée par la gravité de la Terre. Comme le montre les simulations, la trajectoire de cet astéroïde s'est infléchie d'environ 45° lorsqu'il frôla notre planète.

Les mini-lunes ou les Orbiteurs Capturés Temporairement (TCO)

Les Objets ou Orbiteurs Capturés Temporairement (TCO) sont des satellites naturels de la Terre, des géocroiseurs captifs du groupe des NEO. Ils constituent une sous-population extrêmement importante d'objets gravitant près de la Terre, car ils constituent la cible la plus facile pour de futures missions spatiales ayant pour objectif de ramener des échantillons, de rediriger ou à exploiter les astéroïdes. Les TCO restent en orbite autour de la Terre avant de se consumer dans l'atmosphère ou d'être déviés vers l'espace. A ce jour, un seul TCO a été observé au télescope, 2006 RH 120, qui gravita autour de la Terre durant environ 11 mois avant de se consumer dans l'atmosphère. Mais sa désintégration n'a pas été observée.

Un autre bolide catalogué DN160822_03 explosa au-dessus du désert australien le 22 août 2016 comme on le voit ci-dessous. En examinant les données enregistrées par six observatoires d'Australie méridionale affiliés au réseau Desert Fireball Network (DFN) - un réseau de caméras mis en place à travers l'Australie pour capturer des images de bolides pénétrant dans l'atmosphère - et en étudiant sa trajectoire, Patrick M. Shover de l'Université Curtin d'Australie et ses collègues estiment qu'il s'agissait de la désintégration d'un TCO. Sa vitesse initiale était d'environ 11 km/s soit 39600 km/h. Les chercheurs ont publié les résultats de son étude dans la revue "The Astronomical Journal" en 2019 (en PDF sur arXiv).

Le bolide DN160822_03 observé en Australie le 22 août 2016 serait à l'origine un TCO. Document P.M.Shover et al. (2019).

En étudiant les trajectoires de ces mini-lunes, les chercheurs espèrent mieux comprendre comment nous pourrions empêcher ces objets de percuter la Terre et comment nous pourrions explorer ces objets afin d'exploiter les ressources qu'ils renferment. On y reviendra.

Ceci dit avec deux observations en 13 ans, les TCO sont extrêmement rares.

Le risque d'impact

En général, un corps de quelques mètres de diamètre pèse quelques dizaines de tonnes et s'il pénètre dans l'atmosphère, il devrait totalement s'y consumer. Des petits astéroïdes de la taille d'un rocher (1-5 m de diamètre) ayant une trajectoire de collision avec la Terre sont quelquefois découverts moins d'un jour avant leur impact.

Comme il y en a pratiquement chaque année, dans quelques heures, cet astéroïde géocroiseur (NEO) de quelques dizaines de mètres de longueur passera entre la Terre et la Lune. Document T.Lombry.

Parmi eux, il y eut 2018 LA de 2 m de diamètre qui fut découvert le matin du 2 juin 2018 alors qu'il était à hauteur de l'orbite lunaire, juste quelques heures avant de percuter la Terre à 16h44 TU. Animé d'une vitesse de 17 km/s, il se consuma heureusement totalement dans l'atmosphère à quelques kilomètres d'altitude et fut même filmé lors de son passage au-dessus de l'Afrique du Sud comme le montre la vidéo ci-dessous. Notons que quelques heures après sa découverte, les astronomes savaient déjà à quel endroit il pouvait potentiellement tomber; c'était une bande étroite située en Afrique du Sud. Finalement, les données infrasons ont détecté son explosion au-dessus du Botswana. Elle était équivalente à 0.5 kT de TNT.

Un phénomène similaire s'était produit le 7 octobre 2008 au-dessus du Nord-Soudan avec l'astéroïde 2008 TC3 de 4 m de diamètre qui fut découvert 19 heures seulement avant son impact. La plus grande partie de l'objet se consuma dans l'atmosphère mais quelques débris ont touché le sol dont on récupéra quelque 280 fragments. Son explosion fut équivalente à 1 ou 2 kT de TNT.

Il y eut également l'astéroïde 2014 AA découvert le 1 janvier 2014 quelques heures seulement avant de tomber dans l'océan Atlantique.

Dans les trois cas, c'est l'observatoire de Catalina Sky Survey de l'Université d'Arizona qui découvrit l'objet.

Bien sûr, il est toujours possible qu'un noyau métallique arrive jusqu'au sol. S'il tombe dans une zone habitée, on peut craindre le pire.

Dans un article publié dans la revue "Nature" en 1994, Clark Chapman[1] de l’Institut américain de Planétologie et David Morrison du Centre Ames de la NASA notaient qu'à l’heure actuelle, la haute atmosphère de la Terre subit en moyenne chaque année l’explosion d’un météoroïde qui libère une énergie équivalente à l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima (0.015 MT). On en déduit que ces astéroïdes mesurent entre 5 et 10 m de diamètre mais sont heureusement peu denses et relativement fragiles.

A voir : Entrée dans l'atmosphère de 2018LA le 2 juin 2018

Simulation de l'impact d'un grand astéroïde, Discovery Channel

Asteroids size comparison, MetaBallStudios

Fréquence et amplitude des impacts

A gauche, les énergies dégagées par différents types d'impacts ou explosions et leurs relations. Noter en bas à droite de l'échelle la puissance de l'impact qui provoqua l'extinction des dinosaures à la limite C/Pg. A titre de comparaison, tous les millions d'années une météorite ayant la puissance de l'arsenal nucléaire mondial pourrait percuter la Terre. A droite, statut du sondage des géocroiseurs (NEA) fin 2017. Documents C.Chapman et White House adaptés par l'auteur.

Selon une étude publiée le 29 novembre 2013 dans la revue "Science" par Olga P. Popova de l'Académie des Sciences de Russie et ses collègues, l'explosion de Tchéliabinsk survenue en Oural le 15 février 2013 correspondait à la désintégration d'un météoroïde d'environ 20 m de diamètre. Elle libéra une énergie équivalent à environ 500 kT de TNT soit 30 fois l'énergie de la bombe d'Hiroshima selon une étude de Peter Brown de l'Université de Western Ontario publiée dans la revue "Nature" en 2013.

Les effets de la pénétration du météoroïde dans l'atmosphère furent ressentis dans une zone de 90 km le long de sa trajectoire. L'explosion fut 30 fois plus brillante que le Soleil et l'onde de choc endommagea 7000 bâtiments à Tchéliabinsk et fit des dégâts dans un rayon de 50 km, notamment à Yemanzhelinsk où des batiments et même une statue de Pouchkine furent endommagés. Au total, 1210 personnes furent blessées, principalement par des débris de verre volants mais plus d'un million de personnes furent affectées par l'explosion. 

Erik Galimov, directeur de l'Institut de géochimie et de chimie analytique de l'Académie des Sciences de Russie estime que 1000 tonnes de débris soit 10% de la masse de l'astéroïde sont tombés sur Terre mais seules 6 tonnes de météoritiques furent récoltées, ce qui représente 0.05% de la masse du corps original.

Selon une étude publiée en 2013 dans la revue "Nature" par Jirí Borovicka de l'Académie des Sciences de la République Tchèque, l'analyse de la trajectoire de cet objet suggère qu'il était associé à l'astéroïde 86039 alias 1999 NC43 du groupe Apollo (comme Cérès). Ce NEA mesure 2.2 km et est de magnitude 18. Il s'approche effectivement de temps en temps de Vénus, la Terre et de Mars. Sa période est estimée à 2.33 ans. Autrement dit, s'il subit un autre stress gravitationnel important, au prochain passage près de la Terre (prévu le 14 février 2173 à 0.03361 UA ou 5 millions de km), il pourrait de nouveau libérer un fragment qui produira le même type de dégâts. Mais ce n'est qu'une probabilité.

A voir : Meteorite Explosion over Russia - HD Compilation

NPP Sees Aftermath of the Chelyabinsk Meteor, NASA, 2013

Un météoroïde se consumant dans l'atmosphère. Documents T.Lombry.

Une explosion de 1 MT se produit une fois par siècle. Les météoroïdes capables de produire une telle énergie se brisent et se consument en général avant d'atteindre les basses couches de l'atmosphère. Ils ont un diamètre de quelques dizaines de mètres et subissent fortement les contraintes aérodynamiques en haute altitude. Ce sont les roches denses de plus de 50 m de diamètre (énergie de 10 MT) ou les comètes de plus de 100 m de diamètre (énergie de 100 MT) qui sont potentiellement dangereuses.

La Terre a conservé plusieurs impacts de cette amplitude dont le mieux conservé est le Meteor Crater en Arizona. Cette cicatrice remonte à environ 49000 ans et mesure 1186 m de diamètre. Les météorites associés à cet impact sont des sidérites IAB nommées Canyon Diablo. Le plus gros fragment est la météorite de Holsinger qui pèse 639 kg. Elle est exposée dans le Meteor Crater Visitor Center situé en bordure du cratère.

Si la météorite dont la taille est estimée entre 30 et 50 m était tombée de nos jours dans une ville, il aurait rayé de la carte toute la population dans un rayon de plus de 1000 km et provoqué un hiver permanent durant plusieurs mois avec un arrêt temporaire des activités agricole et sylvicole dans l'hémisphère nord. Un impact comme celui du Meteor Crater a une chance de se produire tous les 1500 ans en moyenne, ce qui n'est pas négligeable.

A consulter : Fireball and Bolide Reports, JPL/NEO Program

Liste des explosions atmosphériques et impacts éventuels de corps célestes

Etudes sur la fréquence des impacts, IMO

Relation entre la fréquence et l'énergie des impacts dans l'échelle de Turin graduée de 0 à 10. Tous les objets, NEA et NEO repris dans cette échelle sont surveillés par le centre CNEOS de la NASA, tel NEA 2002 NT4 ou NEO 1996JA1.

Un objet d’environ 300 m comme Apophis percute la Terre tous les 25000 ans environ. Il libère une énergie pouvant dépasser 1 GT et provoque un cratère de 5 km de diamètre, provoquant catastrophe locale. Un objet de plus de 600 m de diamètre et d’une énergie d’au moins 15 GT percutant la Terre provoquerait une catastrophe globale qui tuerait le quart de la population mondiale et ruinerait l’économie. Nous assisterions à des raz-de-marées et des éruptions volcaniques soudaines, qui seraient autant d’autres coups fatals pour les populations survivantes. Les zones agricoles seraient dévastées.

Quant à la rencontre avec une météorite mesurant 1 km de diamètre, une énergie équivalant à 200 GT, cet évènement n’a de chance de se présenter, au mieux, qu’une fois tous les 50000 ans.

Au-delà de 10 km de diamètre, l'énergie du météorite est voisine d'un milliard de mégatonnes... et produit une catastrophe similaire à celle qui mit fin à l'ère des dinosaures à la fin du Secondaire.

Ainsi que vous le constatez la courbe Taille/Probabilité d'impact est logarithmique et les risques d'être radiés de la surface de la Terre deviennent rapidement négligeables.

A titre d'information, vous trouverez ci-dessous la liste des candidats potentiels, NEA et NEO frôlant ou pouvant percuter la Terre à l'avenir. Mais rassurez-vous, le ciel nous ne tombera pas sur la tête d'ici demain ! A mesure que les observations s'affineront certains objets repris dans ces liste disparaîtront car ils s'avèreront finalement n'offrir aucun danger pour l'Humanité.

A consulter : Asteroid Watch - CNEOS (JPL)

Sentry - Earth Impact Monitoring (CNEOS/JPL)

Liste des NEA pouvant percuter la Terre d'ici à 2101  (NEO/JPL)

Liste des NEO passant à moins de 0.05 U.A. de la Terre entre 2000-2179 (.xls)

Fréquence des explosions atmosphériques

N = 7.2 E-0.73

avec N, le nombre de corps explosant chaque année en altitude dont l'énergie est supérieure à E kilotonnes de TNT.

A titre d'information, entre 1988 et 2000 le Département de la Défense américain enregistra plus de 130 explosions atmosphériques d'une énergie voisine de celle de la bombe d'Hiroshima et un évènement d'environ 1 MT.

En 1995, Owen B. Toon et son équipe du centre Ames de la NASA (ARC) ont estimé que le seuil d'énergie nécessaire pour provoquer une catastrophe globale était de 1000 GT. Sa fréquence oscille entre 200000 - 2000000 d'années. Pour une population de 5.5 milliards d'habitants (en 1994) cela donne un taux de mortalité supérieur à 2000 individus par an, avec une chance sur 3 millions pour qu’une personne passe de vie à trépas durant ses 65 années d’existence. Le nombre de victimes serait supérieur à 1.5 milliard. Chapman et Morrison sont plus pessimistes, estimant le risque de fatalité à une chance sur 20000, ce qui donnerait 3300 décès par an. 

Mais cela nous concerne-t-il ? Quelques faits divers vont vite nous convaincre que les impacts météoritiques ne sont pas une légende ou des "fake news" pour reprendre une expression à la mode.

Chutes de météorites sur des habitations

Statistiquement, environ 9 météorites d'au moins 1 kg tombent chaque année sur une surface de 1 million de km2 (soit 2 fois la France ou le quart de la Russie). Sur la même superficie tombent chaque année 54 kg de météorites pesant  entre 0.01 et 100 kg (cf. I.Halliday et al., 1989). Heureusement, une grande partie de cette surface est inhabitée (océan, désert, etc).

Selon un inventaire réalisé par Walter Branch et tenu à jour par Ken Newton, au moins 87 météorites ont frappé des infrastructures humaines au XXe siècle avec un record de 33 impacts signalés entre 1975 et fin 1999. Entre 2000 et 2013, on signala 22 impacts. Entre l'an 861 et 2013, on enregistra la chute de 133 objets météoritiques.

Selon l'astronome Peter Brown, spécialiste des météorites à l'Université Western en Ontario, "Un fragment frappe une infrastructure [...] quelque part dans le monde environ une demi-douzaine de fois par an. En Amérique du Nord, il y a un immeuble touché tous les trois à cinq ans."

Parmi les impacts récents, le 30 novembre 1954, Ann Hodges, une femme au foyer d'Alabama, faisait une sieste sur son canapé lorsqu'elle fut réveillée par une météorite de 1.4 kg qui venait de s'écraser sur le toit de sa maison, rebondit sur un meuble et l'a blessa à la hanche, causant une grosse ecchymose.

Le 9 octobre 1992, une boule de feu fut aperçue dans l'est des États-Unis, explosant finalement en plusieurs morceaux. À Peekskill, dans l'État de New York, l'un des fragments tomba sur une automobile Chevrolet appartenant à Michelle Knapp qui n'était pas dans sa voiture à ce moment-là.

Le 21 juin 1994 en Espagne, José Martin conduisait en compagnie de sa femme près de Madrid lors qu'une météorite de 1.4 kg percuta sur son pare-brise, plia le volant et finit sa course sur le siège arrière.

La météorite de 1.3 kg qui traversa le toit de la maison de Ruth Hamilton au Canada le 3 octobre 2021. Le bruit la réveilla et elle eut le temps de sauter de son lit pour éviter un accident qui aurait pu être fatal. Document Vancouver Sun.

Le 3 octobre 2021 au Canada, Ruth Hamilton, une résidente de Golden, en Colombie-Britannique, dormait dans son lit lorsqu'elle fut réveillée par un grand bruit semblable à une explosion; quelque chose tombait à travers le toit et l'avait recouverte de débris. Elle sauta du lit et alluma la lumière lorsqu'elle découvrit une pierre posée entre ses oreillers, juste à côté de l'endroit où sa tête se trouvait quelques instants plus tôt; il s'agissait d'une météorite de la taille d'un poing et pesant environ 1.3 kg (cf. space.com).

Chute d'un fragment de la comète de Halley

Le 8 mai 2023 vers 13 heures HAE ou 17h TU, une météorite provenant probablement de la comète de Halley s'est écrasée sur le toit d'une maison résidentielle dans le comté de Hopewell, dans le New Jersey (cf. Northjersey.com).

Selon CBS News qui rapporta la nouvelle le 9 mai, Suzy Kop fut témointe de la chute de la météorite : "Il semble que tout ce qui est venu du ciel soit tombé à travers le toit de la fenêtre du haut - c'est la chambre de mon père". La famille était à la maison à ce moment-là, mais personne n'a été blessé lorsque la pierre tomba à travers le toit de la maison. La météorite défonça le parquet de la chambre et rebondit jusqu'au plafond, où elle perça un autre trou du fait de sa vitesse très élevée lors de l'impact. Elle tomba ensuite sur le sol où elle fut découverte par Kop. Elle déclara qu'elle avait d'abord pensé que quelqu'un avait jeté une pierre sur leur maison.

La police mena son enquête et les services sanitaires sont intervenus par sécurité à la recherche d'éventuelles traces de radioactivité notamment mais n'ont rien trouvé de suspect.

La météorite de 10x15 cm tombée sur une maison résidentielle dans le comté de Hopewell, dans le New Jersey, le 8 mai 2023, juste après le pic de l'essaim Eta Aquarides. Selon ces données orbitales et sa composition, il s'agirait d'un fragment de la comète de Halley.

Comme illustré ci-dessus la météorite est d'aspect métallique et noire en surface, mesure environ 10x15 cm et est de forme ovale. Il s'agit d'une chondrite ordinaire. Elle ferait partie de l'essaim de météores Eta Aquarides qui apparut à cette époque et culmina juste avant l'aube du 6 mai 2023. Cette pluie de météores se produit lorsque la Terre traverse le nuage de débris abandonnés par la comète de Halley sur son orbite. Pour rappel, lors de son passage en 1986 la comète de Halley libéra ~20 tonnes de gaz par seconde et 10 tonnes de poussière par seconde. C'est une moyenne, sachant que cette "poussière" peut contenir des débris de roche pesant plusieurs kilos dont ce spécimen est un bel exemple.

Tué ou blessé par une météorite

A ces dégâts matériels, ajoutons que 15 humains furent blessés par des météorites (dont un adolescent allemand de 14 ans blessé à la main en se rendant à l'école en 2009) ainsi que 6 animaux (cf. IMCA).

Quelque part sur la Terre une personne risque d'être frappée par une météorite 1 fois tous les 9 ans (sauf à Wethersfield dans le Connecticut qui a connu 2 chutes de météorites en 11 ans, en 1971 et en 1982) et chaque année 16 bâtiments risquent d'être endommagés par des impacts de météorites d'au moins 500 g (cf. I. Halliday et al., 1985; C.E. Spratt, 1991).

Selon Chapman et Morrison le risque d’être tué par une météorite est beaucoup plus élevé que celui d’être tué dans un attentat ou dans un kidnapping, calamités qui semblent nous toucher de beaucoup plus près. Pourtant au cours depuis le XXe siècle personne n'a été tué par une météorite.

Le seul cas historique d'une personne tuée par une météorite daterait du 22 août 1888 et se serait produit en Irak, d'après trois manuscrits écrits en turc ottoman découverts à la Direction générale des archives d’État de la présidence de la République de Turquie. Selon le rapport des autorités locales de l'époque transmis au gouvernement, le 10 août 1888 (du calendrier julien soit le 22 août du calendrier grégorien), une "grosse boule de feu" a été vue dans le ciel vers 20h30 locale. En l'espace d'une dizaine de minutes, plusieurs météorites seraient tombées sur un village nommé aujourd'hui Sulaymaniya, la capitale de la province d'As-Sulaymaniya située au nord-est de l'Irak. Un homme aurait été tué et un autre fut gravement blessé et en serait resté paralysé. D'autres personnes auraient également été blessées et les champs furent très abîmés.

La ville de Sulaymaniya en Irak en 2015. Document Nawa Mukerji.

C'est le premier récit historique où la chute d'une météorite entraîna la mort d'une personne. L'étude de ces manuscrits a fait l'objet d'un article publié le 22 avril 2020 dans la revue "Meteoritics & Planetary Science" (voir aussi "Science"). 

Plus récemment, le 6 février 2016, on relata la mort d'une personne et de trois blessés dans une mystérieuse explosion survenue dans le district de Vellore, en Inde. L'explosion créa un cratère de 60 cm de profondeur dans le sol. Par manque de trace d'explosif, la police scientifique évoqua la chute d'une météorite. Mais à ce jour il n'y a aucune preuve validant cette hypothèse (cf. Twitter et NDTV).

Mortalité liée aux autres risques

Statistiquement parlant les impacts les plus petits mais aussi les plus fréquents, plus grands que ceux de la classe de la Tunguska (plus de 10 MT) présentent un taux de mortalité de quelques dizaines d'individus par an pour toute la population du monde (valeur calculée en 1994).

Un impact d'une énergie inférieure à 1 million de MT de TNT (100 fois inférieur à l'impact de la météorite qui extermina les dinosaures il y a 66 millions d'années) reste localisé et n'entraîne pas de catastrophe globale. Document David H.Hardy.

Considérant que de tels impacts se produisent sur la Terre une fois par millénaire, on peut dire que ce risque est faible. Il l'est tout autant si cet impact touchait une région très urbanisée : une fois tous les 10000 ans avec le taux de population actuel. C'est la raison pour laquelle il n'existe aucun enregistrement de ce type dans les annales historiques. Dès lors on peut estimer le risque moyen annuel de tels impacts à moins d'une chance sur 100 millions.

Les chiffres indiqués paraissent négligeables, mais selon Chapman et ses collègues, un taux de mortalité de 2 à 3000 individus par an est tout à fait comparable au taux de mortalité occasionné par les accidents d’avions ou par noyade. Ils rappellent qu'aux Etats-Unis, environ 10000 personnes sur 300 millions d'habitants meurent chaque année par accident.

Mais il est encore plus intéressant de comparer le risque d'impact avec les autres risques naturels (séismes, tornades, inondations, éruptions volcaniques). En moyenne, en Europe et aux Etats-Unis, il n'y a qu'un habitant sur 10 millions qui meurt suite à un désastre naturel, le risque est 3000 fois plus faible. Mais en Turquie, en Chine, au Japon ou au Bengladesh, la malchance de mourir d'un accident naturel s'élève à 50 individus par million, soit 500 fois plus élevée qu'en Europe.

Toutefois, qualitativement parlant il y a une grande distinction à faire entre un désastre naturel et un impact quand on parle de catastrophe globale associée à des énergies supérieures à un million de mégatonnes. Indépendamment du potentiel de destruction, mise à part l'explosion volcanique, les impacts sont localisés. Même les tsunamis qui peuvent toucher les antipodes en longeant le profil des côtes ne peuvent pas toucher l'intérieur des continents. La hauteur maximale de la vague d'un mégatsunami a été estimée à 4 km.

Quelle que soit la dimension d'une catastrophe naturelle autre qu'un impact, de nombreuses nations seront à l'abri des tremblements de terre, des inondations ou des tempêtes. A l'inverse, un impact de plus d'un million de mégatonnes est le seul évènement capable de produire une catastrophe globale à une échelle si vaste et quasi simultanément qu'aucune nation ne serait épargnée. Oui, ce seul fait justifie que nous soyons concernés par ces phénomènes.

En conclusion, Champan et Morrison suggéraient qu'il serait prudent pour l'humanité de mettre sur pied un programme de recherches des plus gros astéroïdes et des comètes et de calculer leur orbite. Face à ce risque avéré, les autorités ont entendu leur avertissement.

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[1] C.Chapman et D.Morrison, Nature, 367, 1994, p33.


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