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Ubuntu ou le combat de Nelson Mandela

Madiba, Nelson Mandela, un homme de convictions avec une vision politique, une icône pour la démocratie. Doc France TV.

La volonté d'agir (I)

Nelson Mandela, héros de la lutte contre le régime raciste d'Apartheid et premier président noir de l'Afrique du Sud démocratique, est mort le 5 décembre 2013 à l'âge de 95 ans.

Mandela est décédé d'une rechute d'une infection pulmonaire, une maladie datant de la tuberculose qu'il avait contractée quand il était en prison.

Leader du Congrès National Africain (ANC, African National Congres) et du combat des Noirs contre la ségrégation de l'Apartheid qui régna en Afrique du Sud entre 1948 et 1994, luttant en faveur de la liberté du peuple, Nelson Mandela a passé 27 ans de sa vie en détention, dont 18 ans dans l'enfer de la prison de Robben Island à casser des cailloux.

Libéré en 1990, le plus célèbre prisonnier politique du monde devint quatre ans plus tard le premier président noir démocratiquement élu d'Afrique du Sud.

Le décès de Nelson Mandela a suscité une grande émotion dans le monde entier tant ce qu'il représente touche aux aspirations de tous les hommes et aux fondements même de notre société. On y reviendra page 3.

Rendre hommage à une personnalité est facile si on se contente de décrire chronologiquement sa biographie. Mais comprendre ses idées, les principes qui ont dirigé sa vie et son combat, les défendre et en tirer des leçons concrètes ne sont possibles que si on a conscience des inégalités et des injustices qui existent autour de soi et qu'on a la volonté de lutter pour qu'elles disparaissent.

Ainsi, l'ONU déclara en 1971 (voir page 2) que l'Apartheid était un crime contre l'humanité. Pourtant ni la Reine Elisabeth II d'Angleterre (avant que l'Afrique du Sud devienne une République et quitte le Commonwealth en 1961) ni aucun des dix présidents qui se succéderont jusqu'à Frederik de Klerk ne feront le moindre geste en faveur de la démocratie.

Pas plus que les présidents Nikita Krutchev et John F.Kennedy, en place à l'époque de l'emprisonnement de Mandela, ne feront de geste en faveur de sa libération.

Seuls quelques chefs d'états des pays communistes supporteront sa cause durant son procès, et tout spécialement le président Léonid Brejnev.

C'est dans ce contexte qu'on prend conscience combien le combat de Mandela fut héroïque à plus d'un titre et mérite une deuxième lecture.

Rappelons-nous le combat de Nelson Mandela. Retournons sur les traces de cet homme hors du commun qui lutta toute sa vie contre toutes les formes d'injustices et d'oppressions pour comprendre combien son parcours fut exemplaire et une source d'inspiration.

Biographie de Madiba

Nelson Rolihlahla Mandela, dit Madiba (son nom de clan), est né le 18 juillet 1918 dans le hameau de Mvezo, dans le bantoustan du Transkeï (aujourd'hui province de l'Eastern Cape), dans le clan royal des Thembu, de l'ethnie xhosa.

Mandela entre à l'ANC en 1944, afin de lutter contre la domination politique de la minorité blanche et la ségrégation raciale qu'elle faisait régner.

En effet, depuis 1913 la ségrégation raciale était légalisée en Afrique du Sud. Le "Native Land Act" interdisait aux Noirs d’être propriétaires de terres en dehors des "réserves" indigènes existantes qui représentaient seulement 7 % du territoire de l’Union sud-africaine.

En 1936, le gouvernement remis en cause le droit de vote des Noirs et en 1942 il interdit le droit de grève aux travailleurs noirs.

1948 : L'Apartheid

En 1948, le gouvernement du Parti National vote la politique d'Apartheid. Dorénavant c'est le statut racial de l'individu qui détermine son rattachement territorial, sa nationalité et son statut social.

Les effets de la politique d'Apartheid qui fut instaurée en Afrique du sud de 1948 à 1994; cette plage de Durban est réservée aux Blancs.

Conséquence de cette loi, les Blancs et les Noirs devront vivre séparément et ne pourront plus fréquenter les mêmes lieux ni prendre les mêmes transports publics. La mixité raciale est interdite, y compris les mariages. Les Noirs feront l'objet de contrôles incessants, ils n'auront plus accès aux postes clés du gouvernement, ils seront exclus de la vie sociale et refoulés dans des townships, des ghettos miséreux, et devront présenter un laissez-passer pour voyager.

Bref, les Noirs seront déchus de tous leurs droits, considérés comme des parias, vivant dans la crainte des Blancs.

Révolté par cette ségrégation qui isolait les Noirs dans leur propre pays, Mandela renonce au trône de sa tribu et devient en 1951 le deuxième avocat noir du pays, aux côtés d'Olivier Tambo.

Pour mieux se battre, Mandela apprend la langue des Boers, celle des Blancs, l'Afrikaner pour mieux toucher les consciences et les coeurs.

Comme il le dira lui-même : "If you talk to a man in a language he understands, that goes to his head. If you talk to him in his language, that goes to his heart" (Si vous parlez à un homme dans une langue qu'il comprend, cela ira à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, cela ira à son coeur).

1951 : La Defiance Campaign

En 1951, avec l'ANC Mandela lance la "Defiance Campaign" qui prône la désobéissance civique et lutte sans violence contre les lois de l'Apartheid. Leurs actions sont pour ainsi dire sans effets et n'améliorent pas la condition des Noirs, que du contraire. Les manifestations de l'ANC agacent le gouvernement car elles se transforment souvent en émeutes et déstabilisent le pays.

Mandela résuma ainsi son long combat pour la liberté : "J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales. J'espère vivre assez longtemps pour l'atteindre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir".

Face aux réactions violentes du gouvernement, Mandela déclara aux journalistes : "Le combat sera long et difficile. On emprisonnera des Noirs et des dirigeants, mais on ne pourra jamais écraser la volonté du peuple tant qu'il n'emportera pas la victoire".

A gauche, Nelson Mandela, jeune avocat en 1952. A droite, des manifestations pour les Droits des Noirs. Documents BBC.

1960 : L'ANC interdit

L'ANC est interdit en 1960 et Mandela se rend compte que la lutte pacifique ne change rien à la politique des Blancs. Aussi, en 1961 Mandela fonde la branche militaire de l'ANC, "Umkhonto we Sizwe" (La Lance de la Nation) qui mène une campagne de sabotage contre des installations publiques et militaires. Devenu un chef de guérilla, Mandela est activement recherché par la police.

1963 : Le procès de Rivonia

La dernière page du discours de Mandela lors du procès de Rivonia en 1964. Document Nelson Mandela Centre of Memory.

Le 12 juillet 1963, sur indication de la CIA, Mandela et neuf dirigeants de l'ANC sont arrêtés par la police sud-africaine.

Le procès de Rivonia débute le 9 octobre 1963. Les dirigeants de l'ANC sont jugés pour 221 actes de sabotages, destruction de biens - deux faits passibles de la peine de mort - et violation de la loi.

Le 20 avril 1964, en clôturant sa déclaration de défense, Mandela déclara à propos de son long combat pour la liberté : "J'ai consacré ma vie à lutter pour le peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie avec des chances égales. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre assez longtemps pour l'atteindre. Mais si besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir".

Son speech qui fut publié dans tous les médias à travers le monde résume toute la philosophie de Mandela et deviendra la feuille de route de l'ANC.

Au terme de 8 mois de procès, malgré la demande d'indulgence d'Alan Paton, dirigeant du Parti Libéral et du support du président russe Léonid Brejnev notamment, le 11 juin 1964 Nelson Mandela, Andrew Mlangeni, Ahmed Kathrada, Govan Mbeki, Walter Sisulu, Elias Motsoaledi, Raymond Mhlaba, Wilton Mkwayi et Denis Golberg sont reconnus coupables et condamnés à la prison et aux travaux forcés à perpétuité. Mandela avait 46 ans.

Le Conseil de Sécurité de l'ONU condamna immédiatement le procès de Rivonia et demanda aux états membres dans sa résolution 181 du 7 août 1964 d'imposer un embargo sur la livraison d'armes à l'Afrique du Sud. Mais il faudra attendre 1977 pour que le monde réagisse enfin.

1964 : La prison de Robben Island

Le 12 juin 1964, Golberg est conduit à la prison Centrale de Pretoria tandis que Mandela et les sept autres accusés sont conduits à la prison de haute sécurité de Robben Island située au large du Cap. Mandela portera le numéro 46664. Son voisin de cellule est Andrew Mlangeni.

Mandela a été élevé comme un chef de clan. Il a appris à diriger des hommes et convaincre par la seul force de ses paroles et de ses actions, avec la volonté d'obtenir un résultat concret. Ce comportement l'aide beaucoup dans son combat, même en prison.

A gauche, l'entrée principale de la prison de haute sécurité de Robben Island. Le slogan affiché au-dessus du portique (Nous servons avec fierté) rappelle celui des camps nazis (Arbeit macht frei, le travail rend libre). A droite, la cellule de la prison de Robben Island dans laquelle vécu Mandela durant 18 ans. Documents T.Lombry et Le Temps.

Mandela est un homme grand (1.83 m) et costaud. Il est placé dans une toute petite cellule carrée de 2.5 m de côté et 2.7 m de haut. Elle comprend une fenêtre à barreaux donnant sur l'extérieur, un tabouret en bois, un seau et quelques couvertures posées à même le sol en guise de lit.

Les conditions de vie étaient très dures : réveil à 5h30, un seau d'eau froide pour la toilette, petit déjeuner dans la cour avec un bol de porridge. Les prisonniers devaient ensuite casser des cailloux extraits de la carrière de chaux, jusqu'au repas frugal de midi, et reprendre le travail jusqu'à 16 heures. Une demi-heure de toilette, et ils étaient reconduits dans leur cellule. Le couvre-feu était à 20 heures, mais les cellules restaient éclairées toute la nuit par une ampoule de 40 watts.

Même en prison l'Apartheid s'applique. Les Métis ont le droit de porter un pantalon, les Noirs doivent porter un short. Mandela se battra pour que les Noirs puissent également porter un pantalon et disposer de lunettes solaires pour travailler dans la carrière.

C'est pendant son emprisonnement à Robben Island que Mandela s’abîma les yeux et finit par ne plus supporter la lumière forte.

Mandela impose son style

L'une des stratégies du gouvernement et du système carcéral fut de tourmenter Mandela, l'affaiblir, le blesser psychologiquement et l'isoler afin qu'il perdre tout espoir et abandonne la lutte. Le système joua notamment sur la fidélité de sa femme Winnie et des membres de l'ANC envers leur leader.

Nelson Mandela travaillant dans les jardins de Robben Island en 1977. La photographie fut prise par un journaliste envoyé sur demande expresse du gouvernement d'Apartheid. Document des Archives Nationales, Nelson Mandela Foundation.

Mais Mandela a aussi une stratégie. Comme ses autres camarades de l'ANC faits prisonniers, Mandela pense sincèrement qu'un jour il retrouvera la liberté. Cet espoir renforce sa détermination, soutenue par la lecture du poème Invictus de William E. Henley qui dit en substance : "Je ne sais ce que me réserve le sort mais je suis et je resterai, sans peur. Aussi étroit soit le chemin Nombreux les châtiments infâmes Je suis le maître de mon destin Je suis le capitaine de mon âme."

La méthode de Mandela consiste à défier les gardiens à chaque action dégradante, au point qu'il lui est arrivé de sermonner un gardien.

Finalement il leur imposa sa volonté. Quand les gardiens lui imposaient de courir, Mandela marchait. Quand on lui demandait de marcher plus vite, il ralentit le pas : les gardiens ont fini par marcher à son rythme. Mandela finit même par présenter ses huit gardiens à ses visiteurs comme "sa garde d'honneur".

Cette attitude est significative quant aux risques qu'était prêt à prendre Mandela.

A côté de cette malice sans grand mal, son principal défi est de rallier les jeunes à sa cause et que les membres de l'ANC n'abandonnent pas le combat.

Pendant que Mandela et les dirigeants de l'ANC sont en prison, dehors la répression continue. Les combattants de l'ANC emploient des méthodes de guérilla, explosifs et armes blanches, pour répondre aux moyens mis en oeuvre par la police, armée à balles réelles et équipée de blindés.

A propos du rôle de Winnie Mandela

Mandela avait vécu moins de 2 ans avec son épouse Winnie avant d'être incarcéré. Durant une grande partie de sa détention à Robben Island, Mandela n'eut aucun contact avec les journalistes, et fut très rarement autorisé à voir sa femme. Il lui écrivit donc souvent comme en témoignent ces quelques lettres extraites de son livre autobiographique.

Pendant toute cette période c'est donc Winnie Mandela qui le soutena dans son combat et fut la porte-parole de son mari, luttant avec l'ANC pour l'émancipation des Noirs. Malgré tout ce qui s'est passé ensuite et notamment les accusations d'enlèvement et de complicité, jusqu'à son divorce en 1996 Winnie joua un rôle clé dans la vie de Mandela et a bien mérité le surnom de "mère de la nation".

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