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Les communications spatiales avec Mars

L'antenne DSS-14 de 70 m de Goldstone. C'est la plus grande parabole orientable jamais construite pour les communications spatiales.

Le réseau du Deep Space (II)

Le réseau DSN est un réseau international de télécommunication qui fut créé en 1987. La première antenne, la station de poursuite DSS-13 (Deep Space Station 13), fut construite entre 1988 et 1989. Elle vit sa "première lumière" début 1990.

Le réseau DSN est constitué de grandes antennes équipées d'amplificateurs cryogéniques à faible bruit (la température de bruit est d'approximativement 20 K) qui assurent les communications entre le JPL et d'autres laboratoires scientifiques ainsi qu'avec les sondes spatiales placés en orbite ou qui ont atteint la surface des autres planètes. Bien sûr ce réseau est également utilisé pour entrer en contact avec la plupart des autres sondes spatiales d'Ulysse à New Horizons.

Afin d'assurer un contrôle permanent des sondes spatiales pendant que la Terre tourne sur son axe, les équipements de communications du DSN sont répartis approximativement à 120° d'écart autour du monde : la première antenne est située à Goldstone, dans le désert de Mojave en Californie; la seconde près de Madrid, en Espagne et la dernière près de Canberra, en Australie. Aujourd'hui une dizaine de paraboles sont érigées à Goldstone.

Les antennes du DSN sont semblables aux paraboles des radiotélescopes : DSS-13 mesure 34 m de diamètre et DSS-14 mesure 70 m de diamètre[1]. Ces dimensions sont nécessaires pour communiquer avec les dizaines de sondes spatiales situées à des centaines de millions de kilomètres de la Terre et dont les signaux sont très faibles; plus l'antenne est grande, plus le signal est fort et plus la quantité de données que l'antenne peut envoyer et recevoir est importante. De leur côté chaque sonde spatiale, qu'il s'agisse d'un orbiter ou d'un lander, dispose de plusieurs antennes utilisées lors des différentes phases de la mission ainsi que pour communiquer avec d'autres sondes spatiales relais à différents débits.

A consulter : Images de Goldstone

A lire : Comment s'oriente une sonde spatiale ?

Capacités des antennes

Grâce à la technologie du guide d'onde (Beam Wave Guide) utilisée sur l'antenne DSS-13 dès 1998 et sur la DSS-14 en 2003 et l'utilisation de composants à faibles pertes (préamplificateurs, amplificateurs, récepteurs et filtres), le réseau du DSN a pu utiliser de plus hautes fréquences et est aujourd'hui capable d'opérer sur plusieurs bandes micro-ondes. Il peut ainsi travailler en interférométrie VLBI, poursuivre les sondes spatiales avec une très haute précision et transférer de grands volumes de données à haut débit (plusieurs MB/sec sur la bande Ka).

Les antennes DSS travaillent dans les bandes suivantes :

- Bande S/X à 2.3/8 GHz : récepteur interférométrique à très longue base (VLBI) et double fréquence, polarisation circulaire à gauche ou à droite (LCP ou RCP)

- Bande X à 8 GHz : récepteur standard du DSN en polarisation RCP. Les mêmes fréquences uplink et downlink que la précédente

- Bande X à 13.8 GHz : principalement utilisée durant la mission Cassini-Jupiter (JMOC), elle est adaptée à la fréquence des instruments radios embarqués à bord de la sonde spatiale Cassini-Hygens

- Bande K à 22 GHz : radar monopulse, polarisation RPC, pointage de précision des sondes spatiales

- Bande Ka à 32 GHz : récepteur à faible bruit à bande large

- Bande Ka à 34 GHz : récepteur maser Zeeman refroidit par maser hélium liquide, double polarisation simultanée RCP/LCP.

- Bande Q à 43 GHz : récepteur de recherche et de développement, transistors cryogéniques HEMT, double polarisation simultanée RCP/LCP

- Bande W à 90 GHz : récepteur en cours de développement pour le futur VLBI spatial (par ex. ARISE) et les observations astronomiques au sol.

L'antenne DSS-13 maintient une modeste puissance de transmission de 20 kW en uplink dans la bande X et de 80 W dans la bande Ka à 34 GHz. Les fréquences intermédiaires (FI) transitent à travers le piédestal de l'antenne par un commutateur matriciel 16x4 et sont transmises par fibres optiques à la salle de commande. Ces signaux sont alors distribués à un certain nombre de systèmes :

- un radiomètre de précision à double voie

- un enregistreur spectral (FSR)

- un downconverter radar

- un analyseur de spectre à large bande (WBSA)

- un terminal VLBI Mk IV d'acquisition de données (MkIV DAT) complété par un corrélateur temps réel.

 

La fréquence est-elle occupée ?

A l'image des activités radioamateurs où il arrive que la fréquence que l'on désire utiliser soit occupée par un autre amateur, les canaux de transmissions spatiales sont également très sollicités. Le réseau DSN communique avec presque toutes les sondes spatiales explorant le système solaire.

L'antenne de 34 m de Goldstone.

Actuellement plus de dix sondes spatiales voyagent dans l'espace, observant les planètes, le Soleil, les astéroïdes ou les comètes. Les antennes du DSN sont donc extrêmement occupées à essayer de poursuivre toutes ces sondes spatiales simultanément.

De ce fait chaque sonde spatiale travaille en temps partagé sur les antennes du DSN, chacune recevant un timeslot prédéfini durant lequel elle peut communiquer avec la Terre et vice versa. Un système de planification sophistiqué géré par une équipe d'une centaines de négociateurs autour du monde assure que les priorités de chaque mission sont satisfaites.

Ce système a démontré toute sa puissance et son efficacité fin 2003 et début 2004. En effet, à ce moment-là les ressources du DSN furent extrêmement sollicitées.

Pratiquement en même temps, les sondes spatiales envoyées par les Etats-Unis (Mars Odyssey), l'Europe (Mars Express) et le Japon (Nozomi mais défaillante) sont arrivées sur Mars, deux autres comètes furent visitées par des sondes spatiales (Deep Impact et Stardust), et une troisième sonde (Rosetta) a été lancée vers la comète Churyumov-Gerasimenko. Plusieurs autres missions, y compris Cassini visitaient Saturne, requérant des besoins continus de télécommunication.

Pendant les phases critiques des missions tel que la rentrée atmosphérique et l'atterrissage sur Mars, plusieurs antennes terrestres ainsi que l'Orbiter MGS dépistent les signaux de la sonde spatiale en cours de manoeuvre afin de réduire au minimum le risque de perte des communications. Pendant la phase d'atterrissage, les rovers d'exploration de Mars utilisent les ressources du "Multiple Spacecraft Per Aperture" (MSPA) du DSN qui permet à une seule antenne du DSN de recevoir les signaux de downlink (lorsque les sondes renvoient leurs données vers la Terre) de deux sondes spatiales simultanément.

Une rover martienne telle Opportunity peut utiliser quatre antennes différentes : une antenne UHF ou une antenna à gain faible, moyen ou élevé. Ces possibilités permettent à l'équipe chargée de mission d'envoyer directement des commandes aux rovers sans passer par l'orbiter et de récupérer des données de plusieurs manières différentes. Les sessions downlink des rovers sont généralement limitées à deux heures par période, avec un maximum de deux sessions de downlink par jour martien (sol) pour chaque rover.

La technique MSPA permet seulement à une sonde spatiale à la fois de bénéficier d'un uplink (lorsque la Terre transmet des données vers les sondes). Cette session permet de transmettre les ordres aux rovers au début de chaque sol (jour martien) pendant une heure environ afin qu'elles disposent des instructions à exécuter durant la journée.

Représentation artistique de la sonde spatiale Mars Reconnaissance Orbiter. Document JPL.

Poursuite d'une sonde spatiale en vol

Au cours du vol d'une sonde spatiale, les antennes du réseau DSN doivent capter ses signaux afin que les navigateurs au sol puissent calculer sa position actuelle.

La sonde spatiale n'étant pas visible visuellement, ni même à l'aide d'un télescope, pour la localiser les ingénieurs essayent de la dépister en recherchant sa signature micro-onde à une heure déterminée. Dans la pratique l'équipe du DSN écoute les signaux radios de l'espace extra-atmosphérique, et essayent, en utilisant un logiciel de traitement numérique des signaux (DSP), de détecter d'où provient le bruit et donc de localiser la sonde spatiale. Ce service de navigation s'appelle le "tracking coverage" et tient compte de l'effet de Doppler, de la distance et du "delta DOR".

L'effet Doppler

L'effet de Doppler affecte les ondes électromagnétiques, radios ou lumineuses, émises par un corps se déplaçant relativement à un observateur.

Le signal change de fréquence selon qu'il se rapproche ou s'éloigne de l'observateur ou de l'antenne. Voici deux exemples typiques d'effet Doppler sur le son d'un jet F-16 volant à basse altitude et sur des Indy cars roulant à pleine vitesse.

L'amplitude de l'effet Doppler dépend de la vitesse à laquelle la source d'émission se déplace par rapport à l'observateur. Si le signal de la sonde spatiale se dirige vers l'antenne le front d'ondes est comprimé dans cette direction et se décale vers les fréquences plus élevées, les plus courtes longueurs d'ondes, on dit qu'il se décale vers le bleu (blueshift) par comparaison avec un spectre de raies. A l'inverse, lorsque la sonde s'éloigne, le signal se décale vers les basses fréquences et nous observons un décalage vers le rouge (redshift).

L'effet Doppler s'applique à tout champ électromagnétique émis par un corps se déplaçant par rapport à un observateur, qu'il s'agisse de la lumière d'une galaxie distante, du signal d'un satellite ou du son d'une voiture passant près de vous. Document Steve Roy/Science@NASA.

Les contrôleurs au sol assurant les communications avec Mars Odyssey connaissent la fréquence du signal au repos qui est émis par la sonde spatiale. Mais étant donné que la sonde se déplace dans l'espace cette fréquence subit un effet Doppler et est décalée un peu plus haut ou un peu plus bas en fréquence. Connaissant la vitesse des ondes électromagnétiques, un simple calcul permet de déterminer la vitesse de la sonde spatiale.

Mesure de la distance

Le "ranging" permet de calculer la distance nous séparant de la sonde spatiale avec précision. Les ingénieurs envoient un code à la sonde qui le renvoie immédiatement à la Terre en utilisant sa propre antenne. Le retard entre l'envoi et la réception du code, soustraction faite du retard engendré par le traitement dans la sonde elle-même, est de deux fois le temps lumière qui nous sépare de la sonde spatiale. Ainsi, en divisant le résultat par deux et en le multipliant par la vitesse de la lumière nous pouvons calculer la distance de la station DSNà la sonde spatiale. Cette distance est précise à 5-10 m près bien que la sonde se trouve à 200 millions de kilomètre de distance ! Pour la sonde Voyager 2, au niveau de l'orbite de Pluton situé à l'époque à quelque 4.5 milliards de km, lesingénieurs avaient calculé sa trajectoire avec une précision "sur site" de 30 km, une ponctualité de 10 minutes et l'orientation de son antenne fut précise à 0.05° !

Delta DOR

Le delta DOR (Differential One-way Ranging) est une mesure de distance semblable au ranging, mais il prend également en considération un troisième signal issu d'une source radio naturelle tel qu'un quasar, ce qui permet aux scientifiques et ingénieurs de localiser la sonde spatiale avec encore plus de précision.

Bien que les quasars soient situés à quelques millions ou milliards d'années-lumière, depuis 1979 leur position a été précisément estimée grâce aux observations du réseau VBLI. Notons que les positions optiques estimées par le satellite astrométrique Hipparcos dépendent également des mesures de position de ces quasars. Le catalogue reprenant les positions delta DOR utilisées par le DSN est produit par le JPL et ses valeurs sont en accord avec le Cadre de Référence Céleste International (ICRF).

Le Delta DOR fournit des moyens de calibration précis échelonnés toutes les dizaines de minutes les uns des autres. En soustrayant les mesures de "ranging" du delta DOR des quasars, on supprime toute une série d'erreurs qui sont présentes dans les deux systèmes de mesure et induits par l'atmosphère et l'équipement.

Le "ranging" se base en fait sur la mesure de la différence de distance qui existe entre la source et deux stations terrestres (par exemple Goldstone et Madrid ou Goldstone et Canberra). A partir de cette mesure un angle peut être déterminé dans le ciel relativement aux stations. L'angle du quasar est soustrait de l'angle de la sonde spatiale, donnant la séparation angulaire entre le quasar et la sonde spatiale. Connaissant la position du premier, on connaît la position de la seconde. Cet angle est précis à environ 5-10 nanoradians (1 radian = 180°/π ou approximativement 57.29578°), ce qui signifie qu'à la distance de Mars soit environ 200 millions de kilomètres, on peut déterminer la position de la sonde spatiale à moins de 1 km.

Les tonalités de contrôle

L'aéroshell (la coiffe de protection) protège la sonde durant l'entrée dans l'atmosphère. Document Mars Odyssey/JPL.

Pendant les phases de rentrée atmosphérique, de descente et d'atterrissage (EDL), la sonde Mars Odyssey comme toutes les autres rencontre des conditions turbulentes. Les navigateurs doivent manoeuvrer les sondes Spirit et Opportunity avec beaucoup de précautions durant ces phases critiques du vol afin qu'elles atteignent avec précision leur zone d'atterrissage respective à la surface de Mars.

En seulement six minutes, la sonde spatiale doit passer de la vitesse incroyable de 5.3 km/s ou 19600 km/h à presque zéro, soit six fois plus rapidement qu'une navette spatiale.

Pendant ces quelques minutes, la sonde spatiale subit un échauffement intense provoqué par le frottement atmosphérique, elle est secouée lorsque le parachute se déploie et malmenée lors des rebonds successifs du lander lorsque les ballons d'air rebondissent sur la surface de Mars. Ces mouvements rapides et intenses rendent difficile la localisation exacte de la sonde spatiale durant ces différentes phases de l'EDL.

C'est pour cette raison que les ingénieurs ont installé des canaux supplémentaires de communications qui sont chargés d'envoyer des tonalités particulières au DSN pendant les différentes phases de la manoeuvre et tout le long du processus d'atterrissage.

Afin que les ingénieurs sachent si le parachute s'est déployé par exemple, une tonalité bien particulière retentit dans la salle de contrôle. Lorsque les ballons d'air se déploient une autre tonalité est émise. Les ingénieurs sur Terre peuvent ainsi suivre les différences phases de l'EDL en écoutant simplement la succession des 128 tonalités distinctes (sur 256), qui toutes ont un sens particulier.

Dernier chapitre

Temps de réponse et interférences

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[1] L'antenne DSS-14 de 70 m de diamètre est la plus grande parabole orientable jamais construite à ce jour pour les communications spatiales. Le radiotélescope de Jodrell Bank (VA., USA) mesure bien 95.4 m de diamètre, le radiotélescope allemand de l'Effelsberg mesure bien 100 m de diamètre mais tous deux sont dédiés à la radioastronomie plutôt qu'aux communications spatiales.


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