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Le mythe martien

Mappemonde de Mars de 30 cm de diamètre réalisée par PKM sur base des dessins de Percival Lowell, Giovanni Schiaparelli et Camille Flammarion.

Des canaux martiens aux petits hommes verts (I)

Il est intéressant de se pencher sur l'idée que certains astronomes ont pu se faire de la vie sur Mars. Nous en parlons au passé bien qu'aujourd'hui rien ne vient confirmer ou infirmer la présence d'une quelconque forme de vie sur la planète Rouge. 

Si tout le monde a entendu parlé des martiens, peu de lecteurs connaissent réellement l'histoire de ce mythe qu'il est intéressant de rappeler. En effet, il met en évidence l'influence des méthodes de travail des astronomes sur l'évolution de leurs idées. Rien ne vaut en effet de bons instruments, des idées claires et des méthodes rigoureuses pour éviter de verser dans la science-fiction. Mais nous verrons que cette propension à voir des extraterrestres partout est toujours d'actualité, notamment en radioastronomie.

L'histoire des planisphères et des canaux de Mars

Les premières esquisses de Mars remontent aux observations de l'astronome et avocat italien Francesco Fontana vers 1620 mais ses dessins sont très approximatifs en raison des moyens limités dont il disposait, à savoir une lunette de Galilée de fabrication personnelle probablement de 50 mm de diamètre.

En revanche, Christian Huygens (et son frère Constantine) fut le premier en 1659 à observer et esquisser la formation caractéristique de Syrtis Major grâce à une lunette également de fabrication personnelle. Dans son livre "History of the Telescope" (Dover Publ., 2003, p51), Henry C. King précise que l'instrument grossissant 50x. Il s'agissait d'une lunette d'un peu plus de 50 mm de diamètre et de 3.6 m de focale, soit d'un rapport focal de f/70 tout à fait normal à cette époque (rappelons qu'Huygens observa également l'anneau de Saturne).

Il faut remonter au milieu du XIXe siècle pour trouver des télescopes ou des lunettes capables d'observer la surface de Mars avec suffisamment de détails.

Planisphère de Mars réalisé en 1877 par Nathaniel E. Green sur base d'observations faites avec un télescope de 33 cm de diamètre installé à Madère. Ce planisphère est repris dans l'ouvrage "Mapping the Mars Canal Mania: Cartographic Projection and The Creation of a Popular Icon" de Maria D.Lane, Imago Mundi, Vol.58, 2, 2006.

L'idée que Mars fut habitée était dans l'air du temps, d'autant plus que la planète Rouge changeait de couleurs au fil des "saisons" et présentait deux calottes polaires qui disparaissaient pratiquement en été, autant d'indices la rendant a priori très semblable à la Terre.

Les véritables croquis complets de Mars furent réalisés à partir de 1830 par les astronomes allemands Wilhem Beer et Johan Mädler au moyen d'un télescope de 10.8 cm de diamètre. Ils réaliseront le premier planisphère de Mars sans nomenclature en 1840. Il s'agissait d'une projection azimutale (gnomonique et orthographique), celles-là même qu'inventèrent respectivement Thalès et Hipparque il y a plus de 2200 ans.

La premières nomenclature fut inventée par William Dawes dont s'inspira Richard A.Proctor en 1867 dont la carte reprenait 45 noms, tous anglicisés. Elles seront suivies en 1867 par la carte de Camille Flammarion cette fois totalement francisée. Comme le rappelle la NASA, c'est également Proctor qui définit le méridien de référence pour la longitude de 0° pour déterminer la période de rotation de la planète. Il choisit une tache sombre qui était en fait double que Flammarion rebaptisa Sinus Meridiani. La "tache" de Proctor est aujourd'hui associée au cratère d'impact Airy-0 mesurant 500 m de diamètre.

En 1877, l'éminent peintre britannique et professeur d'art Nathaniel E. Green, astronome amateur à ses heures, profita de l'opposition périhélique de Mars durant laquelle la planète Rouge se rapprocha jusqu'à 56 millions de kilomètres de la Terre, atteignant un diamètre record de 24.87" et une magnitude visuelle de -2.87 le 3 septembre 1877. Green l'observa depuis Madère au moyen d'un télescope newtonien de 33 cm de diamètre, grâce auquel il dressa le premier planisphère objectif de la planète Rouge présenté à gauche. Malheureusement Green n'était pas connu et son travail fut pratiquement ignoré de la communauté des astronomes.

La même année l'astronome et ingénieur italien Giovanni Schiaparelli de l'Université de Turin et directeur de l'Observatoire Astronomique de Brera (de 1862 à 1900) à Milan, profita également de l'opposition périhélique pour observer Mars au moyen d'une lunette Merz de 22 cm de diamètre installée sur le toit du Palais Brera. Son rapport focal est inconnu mais on sait que Georg Merz fabriqua en 1872 une lunette de 26 cm de diamètre et de 3.1 m de focale soit  f/11.9 pour l'Observatoire de Marseille. En général ses lunettes offraient un rapport focal entre f/11 et f/16. Vu l'intérêt pour les longues focales à l'époque, la lunette de 22 cm de Schiaparelli devait être similaire et donc offrir une focale d'au moins 2.6 m. Dans de très bonnes conditions, elle supportait aisément des grossissements jusque 400 fois (avec un oculaire de 13 mm de focale avec une Barlow 2x ou un oculaire de 6.5 mm).

Schiaparelli était un habile dessinateur et était réputé "pour transcrire rapidement sur papier les impressions presque cinématographiques de ce qu'il observait dans le champ du télescope" (cf. G.Cossavella, 1914). Il était également daltonien, ayant des difficultés pour différencier les tonalités rouges et vertes. Cette anomalie de la vision était en fait un avantage pour l'observation planétaire.

Schiaparelli n'utilisait qu'un oeil, le gauche. Son oeil droit était affecté d'un strabisme infantile non corrigé et ne lui servait pas pour la vision précise. En astronomie planétaire, les daltoniens ont une vue plus détaillée que les personnes ayant une vision normale, notamment quand il s'agit de discerner les limites subtiles sur le terminateur (la zone du globe délimitant  l'ombre et la lumière). Toutefois, si on compare les dessins de Mars de Schiaparelli à ceux réalisés par d'autres astronomes ayant une vision normale des couleurs, il apparaît que Schiaparelli a forcé les caractéristiques de la surface martienne, les rendant plus contrastées et plus nettes qu'elles ne l'étaient réellement. Ainsi Nathaniel E. Green précité, qui était un rival de Schiaparelli dans l'observation de Mars écrit que Schiaparelli et d'autres qui ont dessiné la planète Rouge comme il l'a fait "n'ont pas dessiné ce qu'ils ont vu, ou, en d'autres termes, ont transformé des morceaux d'ombres douces et indéfinies en lignes claires et nettes" (N.Green, JBAA, 1, 31 Dec 1890, p112).

C'est ainsi que Schiaparelli mit en évidence des alignements sombres qu'il baptisa "Canali", traduit littéralement par "sillons" ou "chenaux". Schiaparelli dessina un premier planisphère présenté plus bas qui fut rapidement publié et dont on fit moult publicité.

A gauche, un portrait de Giovanni Schiaparelli. A sa droite, le portrait de Schiaparelli devant la lunette de Merz de l'Observatoire de Brera en converture du journal "Domenica del Corriere" du 28 octobre 1900. Portrait réalisé par Achille Beltrame. A droite du centre, la lunette de Merz de 22 cm que Schiaparelli utilisa pour observer Mars. Elle est installée à l'Observatoire Astronomique de Brera (OAB) à Milan, en Italie, qui comprend par ailleurs une bibliothèque contenant plus de 30000 livres anciens ainsi qu'une bibliothèque moderne de plusieurs milliers de livres. A droite, le cahier de croquis de Schiaparelli ouvert sur un dessin Mars montrant la région de Sinus Sabeus telle qu'il l'observa en 1882. Documents U.Arizona Press et OAB.

Malheureusement les Américains comme les Français traduisirent "canali" par canal et non par sillon, rattachant ce concept à une construction artificielle plutôt que naturelle. Rappelons qu'à cette époque le Canal de Suez venait juste d'être achevé.

Schiaparelli[6] écrivit à propos des canaux martiens : "leur aspect étrange, leur régularité géométrique rigoureuse font penser qu'ils ont été construits par des êtres intelligents, habitants de cette planète. J'estime qu'on ne saurait contester une telle supposition, qui n'a rien d'impossible". 

En 1879, Schiaparelli publia d'autres observations indiquant que certains "canaux" avaient doublé de taille. Sans trop de rigueur, journalistes et scientifiques se rallièrent à la première idée qui leur vint à l'esprit : il s'agissait de constructions artificielles s'étendant à la surface de Mars. Comme le dit Camille Flammarion, ils avaient donc forcément été construits par des êtres pensants... Le mythe était né.

La découverte de Schiaparelli suscita un vif intérêt chez les astronomes qui se mirent à étudier la planète Rouge qui devint le premier sujet de discussion après les récentes découvertes de la physique. Personne à l'époque ne doutait de leurs observations et ni les méthodes de travail ni les interprétations ne furent contestées. Pourtant les explications concernant l'origine des canaux étaient bien arbitraires et n'importe quel ingénieur, et en particulier Schiaparelli, aurait dû se poser des questions sur leurs dimensions.

Les planisphères de Mars

Ci-dessus à gauche, planisphère en chromolithographie réalisé en 1877 par Giovanni Schiaparelli avec une lunette Merz de 22 cm de diamètre aux grossissements de 200 et 400X. Document Digital Museum of Planetary Mapping. A droite, planisphères extraits de l'Atlas de Mars de Giovanni Schiaparelli de 1889. Ci-dessous à gauche, un planisphère de Mars exécuté en 1894 par Percival Lowell sur lequel figure une bonne centaine de canaux. Les nombres qui figurent sur l'agrandissement sont référencés dans le fichier texte annexé. On reconnaît à droite le grand disque blanc croisé d'Hellas Planitia, le grand triangle sombre de Syrtis Major et la double pointe de Sabaeus Sinus. Ce document est présenté sur le site Digital Museum of Planetary Mapping. A droite, un globe de Mars fabriqué en 1909 basé sur les dessins de Percival Lowell exposé au Musée Maritime National de Greenwich à Londres. On y dénombre plus de 400 canaux. Lowell offrit un globe similaire à Camille Flammarion. D'autres photos de ce globe sont présentées sur Slate. Lire aussi l'article publié sur le site des Presses de l'Université Arizona.

Malgré toute sa subjectivité, c'est Schiaparelli qui contribua le plus sérieusement à la nomenclature de Mars et qui substitua notamment des dénominations latines à toutes les dénominations antérieures. Nous lui sommes redevables de tous les noms inspirés de la mythologie comme par exemple Prometheus, Utopia, Cydonia, Chryse, Hellas, etc., ainsi que des reliefs latins comme Mons (montagne), Mare (océan), Sinus (baie), Lacus (lac) et des dizaines d'autres que l'UAI a conservé pour créer les cartes planétaires officielles éditées par l'USGS.

C'est l'astronome américain Percival Lowell[7] qui créa le mythe des "Martiens" au début du XXe siècle. Homme d'affaire fortuné plus ou moins à la retraite et amateur d'astronomie, il construisit son propre observatoire sur les hauteurs de Flagstaff en Arizona avec l'intention d'observer Mars. En 1896, il acheta pour 20000 dollars de l'époque - 706000$ en 2022 - une lunette Alvan Clark de 24" ou 61 cm de diamètre qui deviendra la pièce maîtresse de l'Observatoire Lowell. Grâce à cet instrument d'exception il observa Mars quasi en permanence et découvrit des formations qui visiblement se modifiaient avec le temps, s'étendant puis se rétrécissant suivant une évolution cyclique.

Pour Lowell, ces "canaux" ressemblaient à des réseaux fluviaux construits par une main visiblement artificielle pour irriguer les zones désertiques éloignées des calottes polaires ou destinés à relier les cités entre elles. Il avait même calculé que leur puissance de pompage devait être "au moins quatre fois supérieure à la puissance des chutes du Niagara". Lowell répertoria quelque 700 canaux !

A gauche, la lunette Alvan Clarck de 61 cm (24") d'ouverture construite par Percival Lowell en 1896. Au centre, deux dessins réalisés par Lowell montrant les variations d'aspect de la région de Syrtis Major entre juin et octobre 1894. A droite, Lowell à l'oculaire de la lunette Alvan Clarck en 1914. Documents U.Arizona Press et Observatoire Lowell.

A la même époque et jusqu'en 1930, l'Américain William H. Pickering publia ses "Mars reports" dans "Popular Astronomy,", basés principalement sur les observations qu'il fit en Jamaïque avec une lunette de 28 cm d'ouverture puis un télescope de 32 cm. Pickering n'était jamais à court d'idée pour expliquer les canaux. Pour lui il s'agissait de bandes de végétation longeant des canaux trop petits pour être vus, une idée que Lowell adopta avec enthousiasme.

Malgré les dimensions tout à fait irréalistes de ces éventuelles structures (des canaux de 30 km de large par exemple apparaissaient en quelques semaines), Pickering, Schiaparelli et Lowell connurent une grande popularité. Côté européen, Perrotin et Thollon confirmèrent les observations de Schiaparelli, suite auxquelles des dizaines d'observateurs dirent avoir observé les fameux canaux.

La vie sur Mars et les Martiens étaient devenus des hypothèses à ce point réaliste qu'en 1901 un langage martien fut même étudié par le linguiste français Victor Henry !

Quand les médias s'emparent des Martiens

Quand plusieurs scientifiques annoncent publiquement qu'il existe des canaux sur Mars "preuves à l'appui" et sous-entendent implicitement qu'ils ont été fabriqués par des Martiens, le public ne peut pas faire autrement que de souscrire à leurs idées. Une personne qui voulait s'opposer à cette conclusion ardie et hâtive n'avait pas d'autre choix que d'attendre que la technologie progresse et que les astronomes obtiennent de meilleures images de Mars.

En attendant, les médias furent les premiers à relayer l'information et participèrent indirectement à la création du mythe martien. La rumeur fit le reste. Dans ce cas-ci, l'existence d'éventuels Martiens fut tellement médiatisée que des écrivains en firent des romans de science-fiction que des maisons de production portèrent à l'écran.

C'est ainsi que les astronomes incitèrent les écrivains à peupler Mars de créatures, tels les guerriers verts "Tars Tarkas" dans le roman "Une Princesse de Mars" d'Edgard Rice Burroughs (1917) porté à l'écran en 2012 par Andrew Stanton dans "John Carter" jusqu'aux créatures des "Chroniques martiennes" de Ray Bradbury (1950) portées à l'écran en 1979 par Michael Anderson.

Le plus beau coup médiatique reste sans conteste l'adaptation radiophonique de "La Guerre des Mondes" de H.G. Wells (The War of the Worlds, 1898). D'abord publiée dans le magazine "Amazing Stories" en août 1927, cette histoire fut diffusée sur les ondes le 30 octobre 1938, la veille d'Halloween par Orson Welles alors âgé de 23 ans (voir photo ci-dessous prise par Associated Press).

Tellement réaliste, les auditeurs américains qui prirent l'émission en cours de route furent pris de panique en écoutant le récit raconté comme si l'évènement se déroulait en direct. En effet, Orson Welles présenta la fiction en présence d'une troupe de musiciens pour illustrer le décor sonore et de dix comédiens qui jouaient à la fois le rôle des témoins et des journalistes venant les interviewer ou assistant au débarquement des Martiens. L'un des comédiens imita même la voix du Secrétaire d'Etat américain que les auditeurs ont confondue avec celle du président Eisenhower, accentuant l'effet dramatique.

L'émission fut diffusée par CBS pendant une heure et ne fut captée que dans un rayon de quelques centaines de kilomètres autour de New York (jusqu'au Maryland, la Pennsylvanie, le New Hampshire, etc.). On estime qu'environ 2% de la population soit quelque 12 millions d'auditeurs potentiels pouvaient capter CBS et qu'environ 5000 d'entre eux suivirent l'émission.

Les auditeurs qui l'ont suivie dès le début ont bien été informé qu'il s'agissait d'une fiction et l'ont appréciée à ce titre, y compris des enfants. Toutefois certaines personnes ayant entendu l'émission à l'improviste et n'ayant pas entendu les quatre avertissements de CBS précisant bien qu'il s'agissait d'une fiction, on prit le récit au premier degré tellement Orson Welles et son équipe étaient convaincants.

Peu critiques et encore peu habitués à ce nouveau média, certains auditeurs ne se sont pas rendus compte qu'il était impossible que tous les évènements relatés se déroulent en une heure. Pris de panique, on rapporte que des centaines de personnes ont quitté précipitamment leur habitation, certains s'étant même réfugiées au poste de police avec leurs bagages !

A voir : War of Worlds (transcripts et vidéos), PBS

A lire : Faits et rumeurs autour de la célèbre pièce radiophonique, Slate

A gauche, le N°5 du second volume d'"Amazing Stories" sorti en août 1927 relatant "La guerre des mondes" de H.G.Wells. Au centre, le récit raconté par Orson Welles sur la chaîne CBS le 30 octobre 1938, la veille d'Halloween. A droite, une représentation moderne des Martiens de H.G.Wells.

Pendant l'émission, CBS reçut d'innombrables appels téléphoniques de personnes indignées au point que le responsable de la chaîne exiga de couper l'émission. Orson Welles qui détenait le micro refusa tout interruption pendant 20 minutes, terme au bout duquel il réannonça aux auditeurs qu'il s'agissait d'une oeuvre théatrale et de fiction, au plus grand soulagement des auditeurs.

Ce canular plus vrai que nature fera la une de tous les journaux américains pendant plusieurs semaines; quelque 12500 articles furent écrits sur le sujet, les uns critiquant le peu d'éthique de la chaîne CBS, mélangeant sans scrupule actualité et flashes d'informations fictifs, les autres applaudissant la performance d'Orson Welles. Quelques auditeurs offusqués ou choqués souhaitèrent même poursuivre Orson Welles en justice, la presse sous-entendant que le canular aurait provoqué le suicide de certaines personnes, ce qui n'a jamais été prouvé.

En fait, comme d'habitude c'est la presse qui gonfla toute l'affaire et dramatisa le rôle de la radio. En effet, à cette époque la presse écrite craignait pour son avenir et que la toute jeune radio remplace les journaux. Les journalistes de la presse écrite profitèrent donc de l'occasion pour critiquer vertement l'irresponsabilité de CBS et indirectement des journalistes de radio. Même les faits divers de cette nuit là furent mis sur le dos des Martiens comme les rares cas de personnes qui se sont jetées par la fenêtre. Et de quelques milliers d'auditeurs choqués, la presse écrite en fit des millions ! L'impact dans la presse écrite était à la mesure de la révolution que provoquait la radio.

Finalement, il n'y eu aucune sanction contre CBS, si ce n'est que la chaîne s'engagea officieusement à ne plus mélanger les genres.

Même si Orson Welles s'excusa publiquement pour l'effroi qu'il provoqua, en réalité il était très heureux d'avoir provoqué autant d'émotions auprès du public et que son génie soit enfin reconnu à travers toute l'Amérique !

La même réaction de panique s'observa quelques années plus tard lorsqu'un récit similaire fut diffusé sur une radio sud américaine. Ici également, le manque d'information et de préparation du public furent à l'origine de la méprise et la frayeur de certains auditeurs au peu trop naïfs.

Nous reviendrons sur l'effet de la rumeur et des influences qui peuvent tromper notre jugement dans le dossier consacré au phénomène OVNI, notamment dans son aspect sociologique.

A gauche, le roman "La Princesse de Mars" publié en 1917, premier livre du "Cycle de Mars" d'Edgar Rice Burroughs. Il fut adapté dans le style heroic fantasy et fut adapté au cinéma en 2010 dans "Princess of Mars" ("Les Chroniques de Mars) de Mark Atkins et avec plus de succès par Walt Disney dans "John Carter" en 2012. Au centre, les "Chroniques Martiennes" de Ray Bradbury (1945-1950, traduites en français en 1954 qui furent adaptées plusieurs fois à la télévision et portées au cinéma en 1979 par Michael Anderson. A droite, "Mars Attack!" de Tim Burton (1996). La planète Rouge a toujours éveillé nos craintes et nos espoirs, l'imagination des conteurs se faisant écho de la folie des hommes imbus de pouvoir. A défaut de pouvoir raisonner les hommes, Burton s'en moque en donnant au dieu de la guerre un visage aux traits bien particuliers...

Cette histoire fut intéressante à plus d'un titre car Orson Welles et les auteurs qui lui emboîtèrent le pas ont souvent mis en exergue à travers ce genre de roman la politique aveugle des grandes nations. En effet, dans l'esprit d'Orson Welles, les Martiens belliqueux et sans compassion envers la race humaine traduisaient le peu d'humanité qu'avaient les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et d'autres nations quand ils s'octroyent le droit de s'ingérer dans les affaires étrangères et d'anéantir des populations entières. Dans ce contexte, le dieu de la guerre restera encore longtemps emblématique de la folie des hommes.

Le regard critique de la Science

Bien que la rumeur autour du mythe martien persistait (et persiste encore chez certains), le véritable visage du dieu de la guerre ne tarda pas à apparaître dans les années 1950 avec l'amélioration des méthodes d'observations (télescope et spectroscopie) mises à profit durant les oppositions martiennes, notamment en 1956.

Ainsi, dès 1950 l'astronome estonien Ernst Öpik qui pourtant contribua sérieusement aux progrès de l'astrophysique (il proposa quantité de théories concernant les météores, les astéroïdes, les comètes ou encore sur l'évolution stellaire que d'autres réinventèrent après lui) proposa une théorie pour expliquer l'existence des nombreux cratères visibles sur Mars et sa végétation. Se référant aux nuages jaunes qui semblaient parfois traverser la surface de Mars et s'arrêter dans les régions sombres, il suggéra que les zones sombres s'assombrissaient d'elles-mêmes après quelques semaines du fait que la poussière plus légère était soulevée du sol ou en raison de la croissance des plantes.

A voir : Planisphères de Mars, par T.Lombry

Planisphères de Mars, Maps of the World

Nomenclature de Mars, UAI - On-line Maps, USGS - Nirgal

A gauche, deux planisphères de Mars réalisés à partir d'observations visuelles et de photographies prises entre 1939-1941 (l'opposition eut lieu en 1941) par différents astronomes dont Earl Slipher au moyen d'une lunette de 69 cm de diamètre installée à l'Observatoire de Bloemfontain (renommé Lamont–Hussey Observatory) en Afrique du Sud et Bernard Lyot et son équipe au moyen d'une optique de 38 cm de diamètre installée au Pic-du-Midi. Au centre, la carte (subjective) de Mars MEC-1 éditée par l'USAF en 1962. A droite, le planisphère plus réaliste publié par le National Geographic en février 1973 qui fut affiné en 2001.

Peu après, l'astronome William Sinton d'Harvard évoqua cette idée au cours d'un symposium de l'Académie Nationale des Sciences américaine et reçut une réponse très sèche du célèbre biochimiste Harold Urey qui lui dit ironiquement qu'il n'y avait aucune raison de croire que les plantes extraterrestres n'auraient pas de muscles et ne seraient pas capables de s'épousseter elles-mêmes !

Pendant ce temps, loin de ces débats, consciencieux et utilisant les grands instruments des observatoires de Meudon et du Pic-du-Midi, Bernard Lyot et Audoin Dollfus (et dans une moindre mesure Engène Antoniadi) constatèrent qu'en réalité, dans de très bonnes conditions d'observation, les "canaux" et les grandes zones sombres qu'avaient observé Schiaparelli et Lowell se divisaient en de nombreux détails. Ils ne pouvaient plus retrouver les tracés de leurs collègues. Les observateurs soviétiques[8] confirmaient ces conclusions : "la représentation de canaux sous forme de bandes ou lignes n'est qu'une manière conventionnelle de figurer les petits détails irréguliers qui existent réellement à leur place. En ce qui concerne les canaux que P.Lowell représentait par des lignes très fines, ils sont considérés actuellement comme le résultat de phénomène oculaires purement subjectifs qui se produisent à la limite de la perception visuelle". Mais comment des astronomes ont-ils pu se tromper à ce point ?

Dernier chapitre

Des explications confuses

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[6] A.Oparine et V.Fessenkov, "La vie dans l'univers", op.cit., p187.

[7] P.Lowell,"Mars as Abode of Life", "Mars and its Canals".

[8] A.Oparine et V.Fessenkov, "La vie dans l'univers", Editions en langues étrangères, Moscou, 1958, p196.


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