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Terraforming de Mars

Les stations de recherche FMARS et MDRS de la Mars Society (IV)

Et si nous préparions la colonisation de Mars sur Terre se sont un jour demandés les membres de l'association canadienne "The Mars Society" ? Chacun peut adhérer à cette organisation dont le but est de promouvoir l'exploration et la colonisation de la planète Rouge. Elle supporte à sa mesure les programmes d'exploration gouvernementaux et participe à l'exploration de Mars sur ses fonds privés.

Son action s'adresse tant au monde politique qu'au public. Un jour sans doute l'un de ses adhérents posera son pied sur la planète Rouge. Ainsi que le dit Robert M. Zubrin, président de la Mars Society, cette association est "une sorte de société Jacques-Yves Cousteau pour l'exploration de l'espace". Parmi ses membres les plus célèbres citons l'astronaute Buzz Aldrin, qui est membre du comité directeur de l'association.

Forte de 6000 membres dans plus de 50 pays, aujourd'hui l'influence de la "Mars Society" est tout aussi importante que celle de la "Planetary Society" et même le président Bush prit son avis en considération en 2004 quand il envisagea la colonisation de Mars.

Dans le cadre de ses activités, en 1999 cette association demanda à la NASA s'il était possible de créer en Antarctique une base scientifique dont la mission consisterait à simuler les conditions de vie d'une base martienne. Des scientifiques de la NASA tels Chris McKay, Pascal Lee et Ella Carlsson, tous trois travaillant au centre Ames, ont répondu positivement à cette proposition ainsi que de nombreux chercheurs d'autres disciplines (biologistes, géologues, informaticiens, ingénieurs civils, médecins, journalistes, etc.).

Mais il fallait trouver un lieu isolé se rapprochant le plus possible des conditions climatiques règnant à la surface de Mars et dont la géologie rappellait également la surface de Mars, bref un lieu désertique, sec, glacé et semi-rocailleux. Beaucoup de personnes pensaient que la Lune représentait ce lieu priviliégié mais cela rendait le projet pratiquement inaccessible aux civils et réservé à une poignée d'astronautes. Après avoir visité des sites en Antarctique, dans le désert d'Atacama et de Gobi, finalement on se reporta sur l'Arctique nord canadien, dans une zone à l'écart des terres Inuites. Les secteurs prospectés appartiennent à la Couronne britannique, tout comme le site d'Axel Heiberg et l'île d'Ellesmere où sont également conduits des programmes scientifiques.

A gauche, vue générale de la station FMARS installée en Arctique par la Mars Society en 2000. Au centre, les géologues Jon et Aanastasiya lors de l'exploration du site en septembre 2017. A droite, l'un des membres réalisant un forage pour prélever des échantillons de sol. Documents Mars Society/FMARS.

La base fut construite durant l'été 2000 au bord du cratère Haughton de 23 km de diamètre de l'île Devon situé au nord du Canada (75°22' N, 89°41' O), à une heure de vol de Resolute Bay. A la fois proche et reculé, ressemblant très fort à l'environnement martien, c'est un site idéal pour conduire un programme de recherche martien sur Terre.

Ce projet coûta 1.3 million de dollars US. Il est entièrement supporté par les donations des membres de la Mars Society, des subventions et le parrainage d'entreprises. Les droits d'utilisation ont été vendu à Flashline, une startup spécialisée dans Internet, pour 175000 dollars ainsi qu'à Discovery Channel qui acheta les droits exclusifs de télévision pour retransmettre les activités de la base à la fois sur les chaînes TV et sur Internet. Le prix de la transaction n'a pas été divulgué. Ensemble ces parrainages ont permis à la Mars Society de rentabiliser son projet qui s'appelle dorénavant "FMARS", acronyme de Flashline Mars Artic Research Station

Le projet fut une réussite et la station est occupée chaque année durant l'été. Le site dispose de trois modules dont une unité gérée par des équipes scientifiques européennes dans le cadre du projet EuroMoonMars. En parallèle, la NASA s'est également implantée dans la région dans le cadre de son programme "Haughton-Mars Project" (HMP).

Face à l'intérêt des scientifiques comme des étudiants doctorants et d'un public averti, une seconde station de recherche fut établie dans le désert de l'Utah aux Etats-Unis. Elle est opérationnelle depuis le 18 août 2001, c'est la station "MDRS", acronyme de Mars Desert Research Station dont on voit quelques photos ci-dessous.

A voir : Mars Desert Research Station - Mars Society

A gauche, une photo prise en 2017 de la station MDRS installée en Utah depuis 2001. Au centre, l'équipe 189 en 2018. A droite, une autre équipe explorant la région. Ci-dessous à gauche, la géologue Csillia Orgel de l'équipe 125 au cours de la mission EuroMoonMars B le 2 mars 2013. Au centre, la géologue Melissa Battler prélevant un échantillon de roche. A droite, les missions similaires mais d'une durée de trois jours assurées par les chercheurs du JPL de la NASA dans le cadre des tests du Desert RATS en Arizona en 2008. A cette occasion ils testaient un rover d'exploration martienne. Documents Mars Society/MDRS - Jim Urquhart/Reuters et NASA.

Le but des stations FMARS et MDRS est d'effectuer de la recherche scientifique en simulant les conditions de travail d'une colonie martienne autonome. Il n'est donc pas écrit dans les status que les chercheurs doivent vivre sous tente et faire du feu avec les moyens du bord. En revanche, il est écrit qu'il faut essentiellement utiliser l'énergie solaire, recycler l'eau et utiliser des moyens de transports et d'investigations compatibles avec l'exploration martienne (voiture à chenilles, quads, micro-robots, microscopes, etc.). Les unités de travail disposent de moyens de communications par satellite, câble TV, four à micro-ondes, serre, ordinateurs, accès à Internet, bref de tous le confort d'une maison moderne. Le seul point délicat à gérer est l'approvisionnement en nourriture et en particulier l'eau. Les chercheurs doivent faire fondre la neige ou recycler l'urine pour obtenir de l'eau potable. En effet, il faut impérativement savoir si ces technologies sont efficaces dans de vraies conditions de travail.

Visiblement, au fil des années les chercheurs reviennent aux stations et apprécient leur travail; ils ont appris beaucoup de choses sur la survie et l'entretien d'un habitat autonome dans des conditions qui rappellent celles de Mars tant par les paysages que les conditions climatiques. Les chercheurs en tireront des leçons pour organiser la future mission vers Mars.

L'écologie profonde et notre relation au cosmos

Terminons sur une réflexion plus philosophique. La biologie et l'écologie ont trouvé depuis quelques décennies un point d'articulation qui leur permet de proposer une démarche philosophique commune nous permettant de mieux comprendre de quelle manière l'homme interagit avec la nature.

Ainsi que nous l'avons déjà évoqué à propos du développement durable, il existe en écologie un mouvement de plus en plus important en faveur d'une reconnaissance de la vie comme étant une valeur intrinsèque de la nature, c'est le slogan de l'"écologie profonde" (deep ecology), un mouvement écologiste dur qui naquit à la fin des années 1980 et qui tente de replacer l'homme à sa juste place dans la nature.

Selon le philosophe norvégien Arne Naess qui a très bien expliqué tout cela dès 1995 dans son livre "The Deep Ecology Movement", la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à cette valeur et constituent autant d'autres valeurs en elles-mêmes. Pris au sens propre cela signifie que la biosphère est riche et multiple et que Mars pourrait avoir beaucoup plus de valeurs si elle abritait la vie.

Si nous avions le choix entre laisser Mars déserte et stérile ou lui redonner vie, il faudrait favoriser la vie. Pour l'astrogéophysicien Chris McKay de la NASA, "après avoir étudié l'astrophysique et la biologie et les diverses combinaisons pendant des années, je pense que la vie est le phénomène le plus intéressant que nous ayons observé". C'est évidemment le sentiment que nous partageons tous.

Lorsque nous examinons l'univers nous y voyons beaucoup de belles choses : les aurores polaires, le croissant de Vénus, les paysages martiens, la tache rouge de Jupiter, les anneaux de Saturne, les Pléiades, la nébuleuse d'Orion, la galaxie d'Andromède, etc. Nous détectons des éruptions solaires, l'explosion de supernovae, mais parmi tous les phénomènes naturels, la vie est le plus intéressant. Banale sur Terre et faisant parfois l'objet de peu de considération, quand nous voulons bien nous concentrer et l'étudier de près, on constate que la vie est un phénomène très énigmatique qui recèle encore beaucoup de mystères.

Survol en ULM des champs de dunes martiens inondés par la fonte des glaces. Illustration de Kandis Elliot.

Nous faisons généralement l'hypothèse que la vie est un phénomène naturel et qu'elle serait apparue sur Mars dans un lointain passé. Si c'est exact nous pourrions découvrir des fossiles dans les roches sédimentaires ainsi que des organismes congelées dans les calottes polaires de Mars. C'est en tout cas l'espoir des chercheurs.

Mais si la vie semble émerger si facilement, pourquoi ne parvenons-nous pas à la reproduire en laboratoire ? Nous avons essayé de la fabriquer avec toutes sortes d'ingrédients et ce fut toujours un échec. Ca c'est ce que nous avons appris. C'est le passé. Mais regardons à présent vers l'avenir. Que se passerait-il si nous réchauffions Mars et la laissions "se débrouiller seule" ? Se peut-il que la vie s'y développe progressivement ? Personne ne peut le dire.

Une chose est sûre. La vie sur Terre a mis plus de quatre milliards d'années pour développer son génome et il lui fallut 2 milliards d'années pour que les métazoaires voient le jour. C'est un délai excessivement long qui représente des encyclopédies d'informations qu'il a fallut organiser, rectifier et reconstruire correctement afin de créer toute une biosphère en équilibre. C'est un incroyable et inestimable cadeau que nous a fait la Terre. Grâce au terraforming, nous pouvons le partager avec Mars, notre planète soeur.

Philosophiquement parlant, si nous voulons considérer Mars d'un point de vue écologique et biologique, nous devons lui assigner un but qui serait celui d'héberger la vie. Et ceci nous renvoie à notre question originale qui est de savoir quelle est la chance de survie de l'évolution biologique en-dehors de sa planète d'origine. Si la NASA et les autres agences spatiales considèrent sérieusement cette question, nous avons quelques chances de voir aboutir le programme de terraforming de Mars et la chance d'écrire une nouvelle page de notre relation au cosmos. Cette action serait le point de départ de la dissémination progressive de la vie terrestre dans l'univers. Mars constituera sans aucun doute la première étape; premier essai de notre capacité à survivre en-dehors de notre berceau.

Pour plus d'informations

La toxicité de la poussière lunaire (sur ce site)

La toxicité de l'environnement martien (sur ce site)

Illustrations : Terraforming - Astro Boys (sur ce site)

The Mars Society

The Mars Society, section Canada

The Mars Society, section France

Mars Society Responds to Bush Announcement

NASA Ames Research Center (ARC)

Mars Exploration Rover Mission (Spirit et Opportunity)

Animations et illustrations de Mars de Kees Veenenbos

Moon to Mars, A Journey to Inspire, Innovate, and Discover (PDF), NASA, 2004.

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