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Météorologie élémentaire

Document de Chris VenHaus.

Les éclairs (III)

Parmi les phénomènes associés aux orages, les éclairs occupent une place à part tellement leurs effets sont particuliers. Les éclairs sont la manifestation lumineuse qui accompagne une décharge brusque d'électricité atmosphérique.

Comme tous les corps plus ou moins chargés d'électricité (inertes ou vivants), l'atmosphère présente des différences de potentiel. Le potentiel électrique augmente d'environ 100 volts par mètre et atteint un maximum proche de 400 kV vers 50 km d'altitude. En moyenne, l'intensité du champ électrique est inférieure à 2 V et, heureusement pour nous, elle est insuffisante pour permettre aux molécules d'hydrogène et d'oxygène de s'échapper dans l'espace (il faudrait une courant d'au moins 10 V comme sur Vénus).

Les décharges d'électricité jaillissent soit entre un nuage et la terre (catégorie CG), soit entre différentes parties d'un même nuage (catégorie CC ou Crawler), soit enfin entre différents nuages. Elles trouvent leur origine dans les hautes valeurs locales du champ électrique qui peut atteindre quelques milliers de volts par cm avant la décharge. Les courants de décharge oscillent entre 18 et 31 kA avec des petites variations atteignant 24 kA/μs. Mais ils peuvent atteindre plus de 200 kA pendant quelques microsecondes !

En temps normal l'air constitue un parfait isolant (rappelez-vous les propriétés des capacités); les charges positives et négatives sont dispersées, la différence de potentiel dans un nuage étant très faible.

A gauche, le mécanisme d'un éclair nuage-sol ou CG. A droite, les différents types d'éclairs. Documents T.Lombry et NASA adapté par l'auteur.

Les éclairs se manifestent lorsque l'air devient conducteur. Les éclairs sont issus de régions ionisées (nuages ou terre) portées à des différences de potentiel importantes. Lorsque les électrons chargés négativement dans une région sont fortement attirés par les charges positives présentes dans une autre région (la terre par exemple), la différence de potentiel atteint un tel niveau que des électrons libres s'entrechoquent, provoquant une "avalanche électronique" et créent en quelques nanosecondes un canal ionisé conducteur d'environ 1 m de diamètre au sein du nuage.

Ce canal est constitué d'ions et d'électrons; c'est un plasma conducteur. Près du sol, chargé positivement, les particules étant attirées par leur charge opposée, un canal ionisé s'amorce rejoignant celui formé au sein du nuage. A cet instant l'éclair se manifeste en suivant la trajectoire offrant la moindre résistivité (comme l'eau s'écoulant d'une colline), d'où son parcours en zigzag. C'est au moment où le canal de retour (d'ordinaire issu du sol) se crée que l'éclair s'illumine et que l'on entend le tonnerre. Dans l'exemple où la foudre va du nuage vers le sol seul le premier éclair de retour présente une structure arborescente tandis que les décharges successives utiliseront toujours le même canal, donnant aux éclairs l'impression de clignoter.

Il peut y avoir jusqu'à 30 décharges de retour venant de la terre en l'espace d'une à deux secondes, donnant l'impression que l'éclair est persistant et très lumineux.

La foudre ne "tombe" donc pas uniquement du ciel mais monte également du sol. En fait lors d'un coup de foudre entre un nuage et la terre, le sol étant positif, les prises de vues au ralenti montrent qu'une première décharge d'électricité se manifeste du nuage vers le sol; c'est le traceur ou leader. Il se fraye un passage à travers l'atmosphère en se dispersant en plusieurs petits canaux ou fourches dont chaque segment mesure environ 50 m en prenant l'aspect d'un escalier ou de zigzags. Lorsque l'une des fourches du traceur rejoint un canal issu du sol, le lien s'établit et forme dorénavant le trajet de retour qui permettra à la foudre de décharger des dizaines de milliers d'ampères dans le nuage. Parfois, juste avant ce retour, des éclairs verticaux d'une dizaine de mètre de hauteur peuvent jaillir du sol. En général le point de rencontre se situe à moins de 100 m au-dessus du sol. Cette première phase exploratoire affichant l'arborescence caractéristique est en général très peu lumineuse car elle ne décharge pas beaucoup de courant dans l'atmosphère. En revanche, lorsque la foudre monte vers le nuage, la décharge de courant crée un plasma conducteur qui illumine violemment le canal, c'est l'éclair à proprement dit qu'on observe.

Lorsque la foudre a frappé, le nuage se recharge de lui-même un certain nombre de fois selon sa maturité et son activité. Certains cellules orageuses peuvent provoquer plus de 100 éclairs par minute tandis que les moins actives émettent un seul éclair durant tout leur cycle de vie, soit en l'espace d'une heure.

L'éclair que l'on aperçoit est accompagné de plusieurs impulsions très intenses d'énergie qui s'étalent au travers du spectre électromagnétique. L'essentiel de cette énergie est constituée d'impulsions continues (CC) qui sont souvent précédées par un rayonnement radioélectrique (RF) qui se manifeste durant les premiers instants de la décharge de l'éclair.

Un bref éclair apparaissant durant 0.25 μs émet un rayonnement radio-fréquence à 1 MHz tout à fait audible sur un récepteur onde-courtes. A mesure que la durée de l'éclair augmente, le signal radioélectrique se décale lentement vers les basses fréquences.

Ainsi, une impulsion durant 12 μs par exemple émet un rayonnement RF à 20 kHz. C'est l'énergie contenue dans ce signal radioélectrique qui affecte les appareils électriques sous tension et qui, selon son intensité, impose de mettre en place des mesures de protection. C'est le même type d'impulsion électromagnétique mais amplifié qui est généré par une bombe EMP ou E-bombe.

Nous aborderons le sujet très important et complexe de la protection contre la foudre dans le dossier anglais consacré aux activités radioamateur.

La résonance de Schumann

Les ondes électromagnétiques produites par les éclairs se propagent dans l'atmosphère et circulent autour de la Terre entre la surface et environ 100 km d'alitude. Certaines ondes peuvent se combiner pour créer un effet de résonance atmosphérique répétitif connu sous le nom de résonance de Schumann. Cette résonance est exploitée par les scientifiques pour analyser la météo, son environnement électrique et même pour identifier les atomes et molécules présents dans l'atmosphère terrestre ou des autres planètes.

Les ondes créées par les éclairs ont des propriétés et se comportent différemment des ondes (vagues) de mer mais elles oscillent également avec plus ou moins d'énergie. Ces ondes restent piégées sous le barrière atmosphérique créée par la limite inférieure de l'ionosphère, l'atmosphère (troposphère et stratosphère) jouant le rôle de guide d'onde.

Les ondes de résonance de Schumann. Document Hélios3 adapté par l'auteur.

La condition idéale pour générer une résonance de Schumann est que l'onde soit aussi longue ou un multiple de la circonférence de la Terre. Pour des longueurs d'ondes comprises entre ~100000 et 1000 km, cela correspond à des ondes de fréquences extrêmement ou très basses (ELF ou VLF) comprises entre ~3 et 60 Hz, soit environ cent mille fois inférieure aux ondes radio AM/FM. Lorsque cette onde a effectué le tour de la Terre, elle se retrouve à nouveau au même endroit, de sorte que les crêtes et les creux sont alignés; les ondes sont en résonance et amplifient le signal d'origine. Ainsi, si l'onde fondamentale oscille à 7.83 Hz, les harmoniques se forment à 14.3, 20.8, 27.3 ou encore 33.8 Hz.

Historiquement, c'est le mathématicien et physicien allemand Karl Friedrich Gauss qui postula en 1839 l'existence des régions conductrices dans l'atmosphère pour expliquer les fluctuations observées dans le champ magnétique terrestre.

Puis en 1893 le physicien irlandais George Francis FitzGerald proposa que la haute atmosphère de la Terre devait être assez bonne conductrice et devait présenter des courants d'une période de 0.1 seconde soit 1 Hz. On y reviendra dans l'article consacré à l'ionosphère.

Finalement, c'est le physicien allemand Winfried Otto Schumann (lire aussi "Science") qui prédit l'existence des fréquences de résonances - les résonances de Schumann - qu'il tenta de mesurer entre 1952 et 1954 avec Herbert L. Köning. Cependant, elles ne furent mesurées de manière fiable qu'entre 1960 et 1963 par M.Balser et C.Wagner grâce à de nouvelles techniques analytiques capables de discriminer la résonance du bruit de fond.

Depuis, les scientifiques ont découvert des variations dans ces résonances qui correspondent aux variations diurnes, aux changements de saison, de l'activité solaire, de l'activité de l'environnement magnétique terrestre, de la vapeur d'eau troposphérique et d'autres phénomènes terrestres. 

L'intérêt pour la résonance de Schumann a conquis de nombreux domaines. La résonance de Schumann est notamment utilisée pour estimer l'abondance de l'eau dans les planètes géantes du système solaire (cf. F.Simões et al., 2012) et on estime que ce phénomène existe également sur Vénus, Mars, Jupiter, Saturne et sa lune Titan, mais il reste à prouver.

Quant à son lien avec le bien-être et la musique relaxante (la fréquence de 7.8 Hz est proche des ondes cérébrales thêta comprises entre 4 et 7 Hz), je vous laisse méditer.

A voir : The Schumann Resonances ⚡ Earth's Mysterious Energy Fields, S.Burns

Les effets de la foudre

Pour rappel, un éclair est la manifestation visible de l'échauffement de l'air pendant un orage. Il est généralement accompagné du bruit du tonnerre qui représente la propagation des ondes sonores dans l'air le long de la décharge électrique. La foudre est un éclair qui touche le sol.

La foudre et les systèmes visant à nous en protéger suscitent toujours beaucoup de commentaires sur les forums de discussion tant de la part de personnes avisées que des néophytes. Souvent les propos sont inexacts car fondés sur des on-dit ou mieux l'interprétation ou l'extrapolation de textes de vulgarisation, par nature incomplets.

Nous allons simplement décrire ce qui se produit lorsqu'un coup de foudre se manifeste et mettre en évidence que dans les faits, si une mise à la terre est utile pour se prémunir contre des coups de foudre potentiels, elle peut aussi s'avérer pire que le bien si elle est mal utilisée.

A voir : Compilation d'éclairs

Strange Lighting strikes explained, Pecos Hank

Documents Webshots et Weather Picture of the Day

Que se passe-t-il lorsqu'un être humain est frappé par la foudre ? La victime a environ une chance sur dix d'y laisser la vie (voir les stats plus bas). En moyenne, on dénombre une vingtaine de personnes foudroyées mortellement par la foudre chaque année.

Habituellement l'éclair entre par la tête ou l'une des oreilles. Il ressortira directement par la peau après avoir parcouru quelques centimètres du fait qu'il s'agit d'un courant de forte intensité mais temporaire qui se propage essentiellement à la surface des matériaux conducteurs (comme les chaires).

Les premiers symptômes sont des brûlures plus ou moins importantes allant de la simple rougeur suivie par la peau qui pêle aux brûlures du troisième degré qui exigent une hospitalisation lourde et de longue durée. La personne touchée peut être victime d'un arrêt cardiaque et temporairement aveugle et sourde. Si le coup de foudre ne lui est pas fatal, il peut affecter profondément sa vie. En effet, de nombreuses personnes ayant survécu à la frappe d'un éclair souffrent de lésions internes ou sont même handicapées, leurs neurores moteurs ayant été endommagés de manière permanente.

Lorsque la foudre frappe un arbre, la sève qu'il contient se transforme instantanément en vapeur. La pression engendrée par ce changement d'état fait littéralement exploser tout ce qui se trouve entre le gaz et l'atmosphère; la branche explose ou l'arbre éclate. L'éclair traverse ainsi l'arbre sous l'écorce jusqu'à la terre, libérant sous son passage des milliers de morceaux d'écorce. L'arbre survit en général à un coup de foudre à condition qu'elle n'ait pas atteint le coeur.

Des arbres frappés par la foudre (foudroyés). Documents D.R., WSAW via NBC15, M.Long et Ingo Bertram/Wolkenatlas.

Un éclair peut frapper le sol jusqu'à 40 km du nuage. Il est donc très imprudent et dangereux de rester dans une prairie par exemple pendant un orage car l'air et le sol peuvent être très conducteurs jusqu'à de très grandes distances.

Ces frappes violentes expliquent pourquoi il est déconseillé de se mettre à l'abri sous un arbre durant un orage; non seulement vu sa taille il offre un raccourci vers le sol, mais le souffle de l'exposion pourrait vous tuer car les éclats sont animés de vitesses similaires à celle d'un projectile. Evitez également de vous trouver près d'une étendue d'eau, d'une longue barrière métallique, dans une plaine ou sur un site surélevé. Dans ce cas mieux vaut courir sous l'averse et aller vous abriter dans une habitation ou trouver refuge dans un abri. L'endroit le plus sûr est sur le plancher en bois ou le balatom en caoutchouc dans un bâtiment, éloigné d'une fenêtre ou dans une voiture ou un avion qui fait office de cage de Faraday. Notons que les systèmes de câblage en fibre optique sont à l'abri des inductions électromagnétiques (mais pas les processeurs des appareils qu'ils relient sauf s'ils sont blindés).

Ainsi que nous l'expliquons dans le dossier consacré aux activités radioamateur (en anglais), lorsqu'une habitation est frappée par la foudre, le courant électrique se propage en utilisant tous les matériaux conducteurs qu'il rencontre (les antennes, les gouttières, la plomberie, etc) et est même capable de remonter par la mise à la terre ou de sauter jusqu'à la rallonge débranchée laissée à proximité de la prise !

Il faut donc bien avoir conscience que dans un endroit mal isolé, une personne prenant son bain pendant un orage, téléphonant à partir d'un poste fixe, se lavant les mains sous le robinet ou étant directement ou indirectement en contact avec des canalisations conductrices ou leurs accessoires peut être touchée par l'intensité du courant et même en mourir.

Les orages et la foudre

Deux documentaires sur les orages et la foudre.

Par ailleurs, tous les appareils domestiques connectés au réseau électique risquent d'être endommagés, soit par l'intensité du courant soit par l'impulsion électromagnétique. Notons qu'une bombe électromagnétique (EMP ou E-bombe) fonctionne exactement de la même manière qu'un éclair mais son effet peut être centuplé et s'étendre sur une beaucoup plus vaste échelle (tout un continent si l'explosion à lieu en haute altitude).

Enfin, il faut savoir que la foudre utilise toujours le circuit offrant la moindre résistance électrique; contre toute attente, il est déjà arrivé qu'elle utilise un point faible dans une ligne de terre pour atteindre l'intérieur d'une habitation ! Rien ne sert de vous dire que tout le matériel électrique de cet habitant fut détruit. Pourtant cette personne avait pris ses précautions en disposant deux réseaux de mise à la terre, l'un domestique protégeant à la fois son matériel électro-ménager et son installation radioamateur, l'autre disposé autour de son pylone d'antenne. Malgré tout il restait une différence de potentiel sur la ligne téléphonique que dame Nature s'est empressée d'utiliser...

On ne le dira donc jamais assez, même si vous disposez d'une bonne terre et si cela paraît paradoxal, dans une habitation isolée (et dans une moindre mesure en appartement, mais le risque n'est pas nul pour autant), pendant un orage débranchez tous les appareils électriques et éloignez les objets métalliques et les rallonges des prises de courant. C'est plus sage que de voir griller l'appareil auquel vous tenez tant et de devoir supporter ensuite des tracasseries financières et administratives ! Mieux vaut prévenir que de payer la facture !

A voir : Photographier les éclairs avec le kit Zeus (sur le blog)

Les éclairs filmés au ralenti (sur le blog)

Le bruit de l'orage

Eclairs CG et CC filmés

Courant électrique, arcs, étincelles et chocs

Etant donné que nous n'avons pas les moyens financiers d'un centre de communication, évitez de laisser tout allumer pendant un orage (surtout dans des habitation isolés), et ne faites pas comme ces émetteurs hertziens AM et de TV professionnels qui sont bien obligés de continuer à fonctionner car on ne peut pas couper puis rebrancher un ampli de 100 kW en l'espace d'une seconde ! Mais ces professionnels disposent de détecteurs de surtension et de réseaux de protections adaptés à leur profession. Il n'empêche que lorsqu'un violent orage survient, plus d'un opérateur ou présentateur ont préféré quitter la pièce. On ne sait jamais !

Les buildings et les grandes structures doivent également être protégées et mises à la terre conformément à la législation. On ne s'improvise pas expert en cette matière et ce travail doit être réalisé par une personne compétente ou confié à un société spécialisée et non pas au premier électricien du coin. Le montant de la facture (parfois plusieurs milliers d'euros) est dérisoire comparé aux risques que vous prendriez en essayant de faire ce travail vous-même. Heureusement si cela devait vous arriver, votre assurance devrait vous couvrir à plus de 90% (valeur de rachat ou des réparations).

Enfin, un éclair peut libérer une chaleur atteignant 30 à 50000°C. Cette énergie fait réagir les molécules d'azote et d'oxygène présentes dans l'air qui forment des nitrates qui en se condensant au sol servent d'engrais naturels aux végétaux.

Statistiques

Selon la NASA, à chaque instant environ 2000 éclairs se produisent quelque part sur la Terre produisant 50 flashes d'éclairs chaque seconde. La plupart des impacts de foudre se produisent dans certains endroits plus à risque que d'autres (le long de la ligne d'orage, en montagne, etc) et ne font aucune victime.

Selon la NOAA, la probabilité d'être touché une fois dans sa vie (en 80 ans) par un éclair (la foudre) est de 1/15300 et en moyenne la probabilité est ~80 fois inférieure (1/1222000) d'être frappé par un éclair une année donnée.

Sur 270 personnes frappées par la foudre (foudroyés) aux Etats-Unis entre 2009 et 2018, il y eut 27 morts soit 10% et 243 blessés. Selon les sapeurs-pompiers de Paris, rien qu'en France en moyenne entre 50 et 100 personnes sont foudroyées chaque année et entre 20 et 30% en décèdent (16 décès en 2016). Si quelques rescapés s'en sont sortis secoués mais indemnes, certaines victimes ont présenté de lourdes séquelles (brûlures, amnésie, lésion oculaire, troubles neurologiques, etc).

Rappelons que la foudre tue chaque année entre 6000 et 24000 personnes dans le monde. Ce n'est donc pas un joli phénomène anodin après lequel il faut courir, mais au contraire, duquel il faut s'éloigner ou s'abriter (et jamais sous un arbre) !

Les éclairs de Catatumbo

Où rencontre-t-on le plus d'orages et d'éclairs ? Si les orages se manifestent principalement dans toute la zone chaude et humide équatoriale, c'est à Catatumbo, dans l'état de Zulia, au Vénézuela (8.9°N) que les orages sont les nombreux et les plus violents. Ainsi, au-dessus du lac de Maracaibo notamment, on peut dénombrer jusqu'à 20000 éclairs en une seule nuit, 280 éclairs par heure, et assister chaque année à 140 à 160 nuits d'éclairs durant 10 heures ! En moyenne, à Catatumbo on observe des éclairs 297 nuits par an soit 233 éclairs par km2 par an ! On estime que cette activité produit environ 10% de l'ozone troposphérique mondial et génère plus de 1.17 million de kW d'électricité !

A voir : Catatumbo Lightning 2016, Jonas Piontek

(et les photos)

Les orages accompagnés d'éclairs de Catatumbo photographiés le 10 mai 2017 par Jonas Piontek.

Entre janvier et avril 2010, les éclairs ont soudainement disparu (du moins à l'oeil nu) en raison de la sécheresse qui sévissait dans la région. Depuis ils sont réapparus. Trois lieux sont particulièrement actifs : les marais de Swamp National Park Juan Manuel de Aguas, Claras Aguas Negras et la partie ouest du lac Maracaibo.

A l'heure actuelle aucun scientifique ne comprend pourquoi l'activité orageuse est aussi fréquente à Catatumbo. Une explication considère qu'il existerait une réaction entre les nuages poussés par les vents issus des Andes et les émanations de méthane ionisé formées par la décomposition des matières organiques issues du lac ou des marais, un milieu chimique propice au déclenchement des éclairs. D'autres théories évoquent un effet lié à la nature géologique du sous-sol ou un effet lié à une chute de la température. Il est probable que l'explication soit une combinaison de ces différents facteurs. Mais ce ne sont que des théories parmi d'autres qu'il faut démontrer. Le mystère demeure.

Un laser en guise de paratonnerre

Dans une étude publiée dans la revue "Nature Photonics" en 2023, un groupe de chercheurs européen a décrit une expérience de guidage de la foudre au moyen d'un laser.

Au cours de l'été 2021, Jean-Pierre Wolf de l'Université de Genève en Suisse et ses collègues ont installé un laser au sommet du Säntis, dans les Alpes suisses, à côté de la tour de télécommunication de Swisscom Broacast comme illustré ci-dessous. Ce sommet qui culmine à 2500 mètres d'altitude est frappé par la foudre 400 fois par an et l'antenne environ 100 fois par an.

Entre juillet et septembre 2021, un laser Yb:YAG émettant des impulsions de l'ordre de la picoseconde (mille-milliardième de seconde) d'une énergie de 500 mJ à 1030 nm fut utilisé pendant plus de six heures d'activité orageuse. Le laser fut ajusté de manière à ce que le filament inital d'ionisation démarre près et au-dessus de la tour, et s'étende sur au moins 30 mètres. La tour de communication fut touchée au moins seize fois par la foudre, dont quatre pendant l'activité du laser. Le 24 juillet 2021, un impact fut enregistré dans les moindres détails. Le ciel était suffisamment dégagé pour que deux caméras à haute vitesse installées respectivement à 1.4 et 5 km de la tour puissent enregistrer l'éclair qui suivit le laser sur une distance d'au moins 50 mètres. L'installation disposait d'un interféromètre VHF afin de mesurer l'activité des ondes électromagnétiques autour du site. Les chercheurs ont également pu mesurer les rayons X pour plusieurs des impacts guidés par laser. Pendant une fraction de milliseconde, les instruments ont enregistré des champs électriques jusqu'à -2 kV/m, des courants électriques de 4 à 5 kA et des rayons X entre ~50 et 250 keV.

Ci-dessus, la tour de télécommunication de 124 m de haut de Swisscom Broadcast et l'installation laser de l'Université de Genève installés au sommet du Säntis en Suisse. A droite et ci-dessous à gauche, le faisceau laser est représenté avec sa seconde harmonique à 515 nm. A droite, construction 3D de l'éclair guidé par laser enregistré le 24 juillet 2021. Cliquez sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 1.1 MB). Documents Horgenglarus, Säntis et JP. Wolf et al. (2023)/UNIGE.

Ce type d'expérience montre qu'en utilisant des impulsions laser de la bonne fréquence, il est possible d'intercepter tout précurseur de foudre se développant au-dessus d'un lieu précis. Cette méthode pourrait être utilisée pour protéger les rampes de lancement des fusées et les grandes infrastructures contre la foudre. Bien entendu, l'usage d'un tel laser est proscrit dans un aéroport puisqu'il est interdit d'en utiliser lorsque l'espace aérien est ouvert.

Les éclairs en boule

Le phénomène d'éclair en boule est rarement décrit. Il s'agit d'une sphère lumineuse qui se manifeste pendant les orages. Elle a été décrite comme se déplaçant rapidement, ralentissant ou restant stationnaire, inodore ou sentant l'ozone, insonore ou produisant un sifflement ou des crépitements, passant par les fenêtres ou courant le long des lignes électriques, errant quelques secondes à plusieurs minutes pour finalement disparaître lentement ou soudainement, sans bruit ou avec fracas.

L'évènement étant fugace et imprévisible, les photographies de ce phénomène se comptent sur les doigts d'une main et il n'existe aucun compte rendu officiel de ce phénomène. La seule source d'information sur la foudre en boule (ball lightning) provient de témoins oculaires, dont mon père fut un témoin privilégié dans les années 1960.

A voir : Vidéos d'éventuels éclairs en boule

Eclair en boule et simulation d'un court-circuit sur une ligne haute-tension.

Malgré les nombreuses tentatives pour reproduire des éclairs en boule en laboratoire, le phénomène garde tout son mystère. Plusieurs théories ont été proposées dont récemment celle de John Abrahamson et James Dinniss de l'Université de Canterbury en Nouvelle Zélande considérant qu'il s'agirait de particules de silicium extraites du sol et vaporisées dans l'air sous l'effet de la foudre. Elles se rassembleraient pour former des filaments qui pourraient flotter quelques instants dans l'air.

Une autre théorie considère que sachant qu'un court-circuit se manifestant sur une ligne à haute-tension présente plusieurs des caractéristiques attribuées aux éclairs en boule, et étant donné qu'un coup de foudre peut frapper ces pylones et entraîner un tel court-circuit, il se peut que la plupart des observations concernent en fait des pannes (courts-circuits) survenues sur des lignes à plus ou moins haute-tension. A vérifier.

Il existe peu d'articles ou de livres de vulgarisation sur les éclairs en boule. Citons celui de Mark Stenhoff, ancien directeur de la division Ball Lighting de l'organisation TORRO (Tornado and Storm Research Organisation) publié en 1999 sous le titre "Ball Lightning: An Unsolved Problem in Atmospheric Physics" dans lequel il passe également en revue quelques notifications historiques dont les fameux "foo fighters" observés par les pilotes durant la Seconde guerre mondiale dont certaines descriptions correspondraient à des éclairs en boule.

Le kyrmion de Shankar

Enfin, il y a une théorie électromagnétique proposée par le physicien Ramamurti Shankar de l'Université de Yale dans le "Journal de Physique" en 1977 qui considère l'éclair en boule comme un objet quantique appelé le "skyrmion de Shankar". Jusqu'à présent, ce concept fut uniquement simulé sur ordinateur mais pour la première fois en 2018 il fut expérimenté en laboratoire par Wonjae Lee du College de Amherst aux Etats-Unis et ses collègues.

Le skyrmion est une quasiparticule fabriquée à partir d'un nuage de gaz superfroid appelé un condensat Bose-Einstein dans lequel les effets quantiques deviennent apparents à l'échelle humaine.

Comme les chercheurs l'expliquèrent dans la revue "Science Advances" en 2018, un skyrmion est un groupe compact de champs magnétiques circulaires dont les cercles se croisent une seule fois (à l'image d'un noeud compact d'anneaux imbriqués) mais dont les lignes magnétiques sont vrillées deux fois le long de leur trajectoire. En utilisant des techniques développées pour fabriquer des aimants quantiques, les chercheurs ont dévié les spins ou orientations magnétiques des atomes dans le condensat jusqu'à ce que les anneaux entrelacés du skyrmion émergent comme on le voit sur les illustrations suivantes.

A voir : Creation of a 3D skyrmion

Schéma de la création d'un skyrmion de Shankar et de son champ électromagnétique circulaire. En (A et B) les lignes de force d'un champ magnétique (en blanc) appliquées à un condensat (ellipsoïde bleu) avant (A) et après (B) le processus de création. Les lignes présentent une symétrie de rotation selon l'axe z. Les spins initialement alignés avec le champ magnétique (A) sont réorientées (B) selon leur fréquence locale de Larmor. En (C), texture d'un skyrmion montrant sa topologie. Au centre, se trouve un triade dont le spin local (S) est indiqué en vert. En (D et E), exemples de champs magnétique (D) et électrique (E) synthétiques circulaires (D) et entrelacés (E) générés par la texture de spin (C), les couleurs étant arbitraires. Document W.Lee et al. (2018).

En 1996, Antonio F. Rañada et José L. Trueba avaient déjà proposé dans la revue "Nature" qu'un éclair en boule pouvait résulter d'un champ magnétique enroulé autour d'un plasma d'éclair recourbé jusqu'à ce que la boule de plasma soit piégée au centre des lignes de force.

Lee et ses collègues affirment que les champs qu'ils ont observés autour de leur petit skyrmion ultrafroid correspond à ce modèle et suggèrent que les éclairs en boule seraient en fait des versions géantes du skyrmion.

S'il sera difficile de valider cette expérience dans la nature, en revanche on lui a déjà trouvé une application. En effet, elle pourrait inspirer de nouvelles méthodes pour confiner le plasma sous forme de boule stable au coeur des réacteurs à fusion.

Le Feu de Saint-Elme

Le Feu de Saint-Elme (Saint Elmo en anglais) tire son nom de Saint Érasme de Formia (253-303) appelé St. Elme ou St. Erasme. Il fut évêque de Formia et un martyr chrétien. 

Dans la littérature, les marins ont observé ce phénomène pendant les orages sous la forme d'une boule de lumière rougeoyante sur les navires, ce qui conduisit les marins à y voir une manifestation surnaturelle et le craindre religieusement.

En raison de sa nature électrique, le Feu de Saint-Elme peut interférer avec l'orientation de la boussole, raison pour laquelle les marins y voyaient un mauvais présage et une indication de conditions météorologiques orageuses. Toutefois, certaines références le considèrent comme un bon présage, voyant en Saint Elme le protecteur des marins.

Le Feu de Saint-Elme est une ionisation de l'air provoquée par l'effet couronne accompagnant la formation d'un champ électrique dans l'atmosphérique. Il s'agit de décharges d'électricité statique (sans dégagement de chaleur et sans dommages) tout à fait inoffensives. Il ressemble à un éclair, une luminosité fugace formant des arborescences ou des brosses en éventail. Il s'accompagne généralement d'un crépitement ou d'un sifflement. Le potentiel des décharges électriques atteint 30 kV/cm (30000 V sur une longueur de 1 cm ou 3000 kV/m) lorsqu'il se déclenche mais retombe ensuite à moins de 1 kV/m tout en dépassant parfois cette valeur.

Le Feu de Saint-Elme est couramment observé par temps orageux aux extrémités d'objets pointus (c'est l'effet de pointe) tels que des clochers d'église, des mâts de navires, au sommet des montagnes, à la périphérie des hélices et le long des extrémités des ailes des avions, sur la carlingue des avions, sur le pare-brise et le nez des aéronefs volant dans la neige sèche, en présence de cristaux de glace dans des cellules orageuses, le long de lignes électriques ou encore dans les nuages de poussière durant les éruptions volcaniques.

A voir : Feux St Elme, 2017

Le Feu de St-Elme, c'est quoi au juste?, François Asselin, 2020

Ci-dessus et ci-dessous à gauche, il ne s'agit pas d'éclairs mais de Feux de Saint-Elme vus depuis le cockpit d'un avion de ligne en mars 2023. Ces décharges d'électricité statique sont inoffensives mais spectaculaires ! Voir la vidéo sur la page Facebook de USA Today. En dessous au centre, un Feu de Saint-Elme photographié au-dessus de Bornéo le 31 août 2008. A droite, un Feu de Saint-Elme autour d'un fil électrique. Documents USA Today, Darren Howie et D.R.

La lueur est généralement aussi éphémère qu'un éclair mais elle peut durer plusieurs minutes dans certains cas. C'est la présence de certains gaz qui lui donne sa couleur. Comme l'atmosphère de la Terre est riche en azote et en oxygène, l'émission est principalement de couleur bleue ou violette. Néanmoins, elle peut aussi être en nuances de vert ou de rose en de rares occasions.

Il existe des dispositifs mécaniques et électriques permettant de réduire l'accumulation de charge électrique sur les appareils.

Jets bleus, sprites et elfes

L'activité des cumulonimbus et de l'ionosphère sont associés à des phénomènes lumineux transitoires, les TLE. C'est à partir de 1989 que les astronautes de la navette spatiale ont découvert qu'entre 30 et 100 km d’altitude environ des jets de plasma surgissent au-dessus des nuages d’orage, desquels ils s'échappent sous forme de filaments bleutés, de jets gigantesques (gigantic jets ou GJ), de sprites (farfadets) et d'elfes rouges.

C'est une découverte scientifique surprenante dont les témoignages furent longtemps attribués à des méprises. On y reviendra.

A lire : Les Phénomènes Lumineux Transitoires

Jets bleus, sprites et autres elfes

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