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Les météorites

Comment reconnaître une météorite ? (III)

Reconnaître une météorite sur le sol n'est pas chose facile, à moins qu'elle ne tombe sur le sable ou sur la glace. Une météorite de plusieurs grammes se décompose en général en plus de 200 fragments. Dans une sélection aléatoire de météorites, un professionnel peut encore aisément séparer les sidérites des aérolites par le poids et l'apparence. Cela devient très délicat quand elles se trouvent parmi d'autres cailloux, d'autant plus s'il s'agit d'une météorite mixte, une sidérolite, car elle sera composée d'éléments variés, de fer, de nickel, d'oxyde de magnésium, etc. Les fragments peuvent alors se confondre avec des scories brûlées, des concrétions d'oxyde de fer et mêmes des résidus manufacturés.

A gauche, la météorite d'Adrar Madet découverte dans le désert du Ténéré, au Niger, en 2002. Il s'agit d'une chondrite LL3 ou LL3.6 de 2.2 kg et environ 10 cm. Sa croûte est brune. Au centre, une météorite achondrite découverte en 2017 en Antarctique par Barbara de l'organisation ANSMET. A droite, une météorite d'origine lunaire découverte en Antarctique en 2006 par l'ANSMET (cf. cet article). Entre 1976 et 2010, les chercheurs ont découvert 24 météorites lunaires sur la glace.

Les roches terrestres composées principalement d'oxydes de fer, essentiellement des minerais de fer, font partie des roches les plus couramment confondues avec des météorites. Ces roches attirent l'attention car elles sont beaucoup plus denses (4.5-5.3) que la plupart des autres roches communes (généralement d'une densité entre 2.6 et 3.0) et se présentent souvent sous forme de concrétions aux formes étranges qui attirent un aimant si elles contiennent de la magnétite.

La plupart des spécimens de météorites récoltés par le Dr Moore[4] du CMS mesurent entre 5 cm et 1 m. Le détail le plus frappant d'une météorite est son poids. Une météorite présente une densité en 2.1 et 3 pour les chondrites carbonées qui peut atteindre 7 ou 8 pour les sidérites ou météorites ferreuses (cf. D.Britt et G.J. Consolmagno, 2000). Toutes celles contenant un peu de fer ont une densité supérieure à 3.3. Une sidérite est généralement 2 à 3 fois plus lourde (densité de ~8) que les roches terrestres de même taille, tandis que les météorites rocheuses ou pierreuses, appelées aérolites, n'atteignent que la moitié de la densité des roches terrestres de même gabarit. Aussi, si vous découvrez une roche suspecte, la première chose à faire est d'évaluer sa densité ou masse volumique (cf. l'expérience d'Archimède ou l'encart ci-dessous).

A consulter : Calcul de densité - Density calculator

La masse volumique des matériaux (PDF du LYC)

Comment déterminer la densité d'un objet solide ?

Soit vous connaissez son poids (en kg) et son volume (en m3). Dans ce cas vous divisez le poids par le volume et vous obtenez la masse volumique exprimée en kg/m3. Vous la divisez ensuite par celle de l'eau (1000 kg/m3) et vous obtenez sa densité.

NB. Dans le cas d'un gaz vous divisez la masse volumique par celle de l'air (1.2 kg/m3 au niveau de la mer).

Exemple - un objet massif de 50 cm de diamètre pesant 480 kg présente une densité de : [480/(4/3 π (0.25)3)] / 1000 soit 7.33, voisine de celle du fer (7.32).

Dans les autres cas et à condition que l'objet ne flotte pas, appliquez la procédure suivante:

- Prenez une balance de cuisine ou électronique

- Prenez un récipient pouvant contenir l'échantillon

- Attachez une ficelle autour de l'échantillon afin de pouvoir le suspendre

- Posez le récipient sur la balance et remplisssez-le au 3/4 d'eau

- Zérotez l'affichage en remettant la tare à zéro

- Plongez l'échantillon dans l'eau de sorte qu'il repose au fond du récipient. L'eau ne peut pas déborder

- Mesurez la masse du récipient (par exemple 100 g)

- Maintenant, en application de la Loi d'Archimède, soulevez l'échantillon afin qu'il ne repose plus au fond du récipient. Il doit rester immerger, maintenu par la ficelle.

- Mesurez à nouveau la masse du récipient (par exemple 30 g)

- La densité de l'objet immergé vaut 100/30 = 3.3

On reconnaît facilement une sidérite au fait qu'elle réagit facilement à l'aimantation et fait dévier l'aiguille d'une boussole.

Bien que la majorité des météorites découvertes à ce jour soient de simples roches (aérolites) de la famille des chondrites, c'est le petit pourcent de sidérites que l'on trouve le plus facilement (90% des prises) du fait qu'elles contiennent toujours un alliage de fer et de nickel, d'où l'intérêt de faire un test d'aimantation et un test de nickel en présence d'une roche suspecte. Si l'aimantation est positive et la roche très lourde pour sa taille, vous êtes en bonne voie pour avoir découvert une sidérite. Mais ainsi que nous le verrons, seule une analyse chimique confirmera sa nature véritable car il peut encore s'agir d'un déchet industriel.

Le second indice est la surface de la météorite. Elle est généralement assez lisse voire brillante et peu détaillée mais présente souvent des lignes, des sillons, des dépressions superficielles et des cavités profondes. Sa croûte ayant brûlé superficiellement, elle est souvent noire ou très sombre mais cette matière assez fragile peut disparaître au bout de quelques années avec les intempéries.

Un détail caractéristique des sidérites, mais qui n'est pas spécifique à ce type de météorite, sont les dépressions superficielles appelées regmaglyptes ou ravinements, mieux connues sont le vocable des "empreintes digitales", car elles ressemblent à l'empreinte des doigts dans de la pâte molle. Parfois, elles peuvent prendre la forme de dépressions orientées lorsque le météoroïde a effectué une période de vol stable dans l'atmosphère (cf. K.Amin et al., 2019). Dans les deux cas, ce motif est provoqué par la chaleur dégagée par la friction atmosphérique qui ramolit ou vaporise les éléments les plus volatils.

A gauche, un fragment de 42 g de la météorite de Sikhote-Alin (sidérite IIAB) tombée en Russie en 1947. A droite, un fragment orienté de la météorite de Karakol (chondrite LL6) de 2.7 kg tombée au Kazakhstan en 1840. Ces dépressions superficielles comptent parmi les plus belles caractéristiques des météorites et augmentent leur valeur marchande.

Mais attention, l'aspect visuel est trompeur et pour un amateur beaucoup de roches terrestres cristallisées paraîtront suspectes. Si par exemple le site est proche d'une mine ou de hauts-fourneaux, vous pouvez trouver de nombreuses scories manufacturées que les communes ont déversées jadis sur les lignes de chemin de fer par exemple pour constituer le ballast ou simplement pour recouvrir les sentiers. Les enfants peuvent les avoir jetés aux alentours. Elles peuvent ressembler à des sphérules brûlées ou vitrifiées ou même à des agrégats de cristaux. Le plus souvent il s'agit d'une roche terrestre cristallisée, des cristaux de pyrites plus ou moins altérés ou de marcassite par exemple (voir plus haut).

Reste le pourcent d'erreur et d'ignorance. Si l'aspect extérieur ne vous donne aucun indication ou vous semble suspect, brisez-le proprement en deux parties, l'intérieur vous révéla son origine. N'hésitez pas à consulter un géologue ou un forum spécialisé.

Mais pour éviter de prendre de vulgaires cailloux pour des météorites, évitez les sentiers de randonnées caillouteux et partez plutôt prospecter de grandes régions vierges comme les déserts de sable et autres ergs (évitez les regs qui sont rocheux) ou les pôles où tout ce qui ressemble à un cailloux sera forcément suspect.

La météorite de Willamette tombée en 1906 dans l'Oregon. Elle est exposée au Musée d'Histoire Naturelle de New York, (AMNH).

Un fragment de 35.2 g de la météorite de Bou Kra découverte dans l'ouest du Sahara le 27 septembre 2010. C'est une chondrite L6. Cette météorite contient des chondres mesurant jusqu'à 6 mm de diamètre. Document Meteorite Recon

Un fragment de la météorite d'Aiquile tombée dans le district de Cochabamba, en Bolivie, le 20 novembre 2016. C'est une chondrite H5. On récolta plus de 50 kg dont un fragment de 36.3 kg. Document Meteorite Recon.

L'un des plus gros fragments de la météorite de Mbale découvert en Ouganda le 14 août 1992. Il s'agit d'une chondrite de type L5-6. On distingue sur sa croûte de fusion sombre des dépressions sombres en forme d'empreintes digitales. A gauche, le cratère d'impact. Documents DMS.

La météorite de Jidat al Harasis 828 de 34.36 g trouvée près de Al Wusta, en Oman, le 28 février 2003, identifiable par sa croûte noircie et son poids important. C'est une chondrite H4. Document Rainer Bartoschewitz/Meteorite Lab.

Les météorites tombées récemment peuvent présenter une croûte boursouflée, des chondres superficielles qui témoignent des effets de la friction atmosphérique sur leur surface. En apparence cette croûte ressemble à de la cendre noire mais les intempéries lui donneront bientôt une coloration brune qui peut même disparaître complètement avec l'âge.

A l'inverse des sidérites qui sont les plus résistantes en raison de leur composition riche en fer et de leur haute densité, les billes vitrifiées ou chondres contenues dans les chondrites rendent ces météorites très friables, ce qui explique que la majorité des météoroïdes de ce type se consument avant de toucher le sol ou explosent en mille morceaux.

Des chondrites comme la météorite d'Orgeuil tombée en 1864 ou celle de Tarda (Errachidia) tombée en 2020 se manipulent avec grand soin. La météorite d'Orgueil pouvait être coupée avec un couteau. Lorsqu'on passe des chondrites au disque abrasif pour polir leur surface, une pâte noire se dépose sur le disque et se dissout dans l'eau.

D'où proviennent les chondres ? De nombreuses théories ont été proposées pour expliquer la formation des chondres dont les décharges électriques, les ondes de choc, les collisions entre les astéroïdes fondus associées à un jeune Soleil actif, mais aucune ne fait consensus. L'âge des chondres est crucial pour valider l'une ou l'autre de ces théories.

A gauche, un échantillon de 5.2 kg de la météorite de Draveil, une chondrite ordinaire (H5) tombée dans l'Essonne, au sud de Paris, le 14 juin 2012. Dans ce type de météorite, l'effet du métamorphisme a homogénéisé l'olivine et le pyroxène, permettant la croissance de divers minéraux secondaires, rendant le contour des chondres très flou. A l'inverse, à droite, cette lame épaisse de la chondrite carbonée NWA 5205 (LL3.2) découverte en 2006 dans le nord-ouest du Sahara contient de grosses chondres d'éléments silicatés pouvant dépasser 0.5 mm de diamètre. Documents J.Demarthon/AFP, MNHN et Bob King.

Si les chondres se sont réellement formées sur une période variant entre 1 er 10 millions d'années après les inclusions réfractaires, cela excluerait certains modèles. Il y aurait moins de problèmes si les âges mesurés de la plupart des chondres reflètent le dernier moment où elles ont été chauffées ou modifiées dans leur corps parent. Cependant, l'activité volcanique sur certains astéroïdes massifs s'est également poursuivie pendant environ 170 millions d'années, altérant encore un peu plus les chondres. L'âge des chondrites ne peut donc généralement être déterminé que relativement à une phase évolutive (cf. la datation des météorites) et par conséquent parfois leur origine précise reste difficile à déterminer.

On y reviendra sur la formation des chondres dans l'article consacré à la formation du système solaire.

Composition des météorites

Sur le plan minéralogique, environ 435 espèces minérales ont été identifiées dans les météorites, y compris des éléments natifs (minéral pur non combiné chimiquement), des métaux et des assemblages d'éléments tels que les alliages métalliques, des carbures, des nitrures et des oxynitrures, des phosphures, des siliciures, des sulfures et des hydroxysulfures, des tellurures, des arséniures et des sulfarséniures, des halogénures, des oxydes, des hydroxydes, des carbonates, des sulfates, des molybdates, tungstates, phosphates et silicophosphates, oxalates et silicates des six groupes structuraux.

Chondrite H5 in situ (Dhofar 1451). La croûte de fusion a disparu et le spécimen a un degré d'altération W4, impliquant l'oxydation complète du métal et de la troïlite (>95% sont remplacés), mais il n'y a pas encore d'altération du silicate. Document Meteorite Recon.

Les minéraux contenus dans les météorites peuvent être classés à partir de leur processus de formation qui ne sont pas tous exclusifs :

- Condensation dans des enveloppes gazeuses autour d'étoiles évoluées (grains présolaires)

- Condensation dans la nébuleuse protosolaire

- Cristallisation dans les coulées de CAI et AOI

- Cristallisation dans les coulées chondrales

- Exsolution lors du refroidissement des CAI

- Exsolution lors du refroidissement des chondres et des assemblages opaques

- Recuit de matériau amorphe

- Métamorphisme thermique et exsolution

- Altération aqueuse, altération hydrothermale et métasomatisme

- Métamorphisme de choc

- Condensation dans les panaches d'impact

- Cristallisation à partir de fusions dans des corps différenciés ou partiellement différenciés

- Condensation à partir de vapeurs de stade avancé dans les corps différenciés

- Exsolution, inversion et effets redox subsolidus dans les matériaux ignés refroidissants

- Réchauffement solaire près du périhélie

- Passage atmosphérique

- Altération terrestre.

Une météorite ne contient généralement pas de quartz (SiO2) ni de calcite (CaCO3), de magnétite (Fe2+Fe3+2O4) et d'hématite (Fe3+2O3). Mais il y a des exceptions. On a découvert quelques pourcents de silice libre (tridymite, cristobalite et quartz) dans les rares groupes de chondrites à enstatite et d'eucrites ainsi que des teneurs très faibles en quartz dans certaines shergottites basaltiques. On reconnaît le quartz au fait qu'il ne se raye pas avec un bord tranchant ou une pointe de roche.

Météorite découverte en Antarctique en 2016 dans le cadre du programme ANSMET. Document NASA/JSC.

La calcite ou carbonate de calcium est l'un des quelque 60 minéraux terrestres secondaires (formés par altération) qui sont omniprésents dans les météorites tombées dans les déserts chauds. Plus une météorite réside longtemps sur Terre, plus elle est altérée par son interaction avec l'atmosphère et les fluides terrestres. La calcite se forme principalement dans les fractures, les veines, les vésicules et les cavités. La calcite "primaire" (formée sur le corps parent) est présente dans quelques types de météorites : les météorites martiennes, certaines chondrites et les météorites à enstatite, mais elle est de taille microscopique. En revanche, il n'existe pas de météorite composée principalement de calcite. Rappelons que les roches calcaires sont faciles à identifier car si vous mettez quelques gouttes d'acide modérément fort sur la roche, celle-ci forme des bulles en raison du dégagement de dioxyde de carbone.

Quant aux oxydes de fer, la magnétite se présente sous forme de traces ou de minéraux mineurs dans plusieurs types de météorites. C'est même la principale phase oxyde des chondrites CK, un type rare de météorite (0.3%) qui peut contenir entre 1 et 8% de magnétite (cf. T.Geiger et A.Bischoff, 1995). Avec 8% de magnétite, la roche pourrait dévier l'aiguille d'une boussole.

Enfin, bien que l'hématite n'ait jamais été observée dans les météorites martiennes (SNC), des grains d'hématite (sous forme de billes bleues surnommées les "blueberries") doivent se former (cf. A.E. Rubin et C.Ma, 2017). L'hématite ne se forme pas naturellement dans les autres météorites, mais se forme dans les météorites métalliques en tant que produit d'altération terrestre (cf. V.P. Buchwald, 1977). La rouille du fer par exemple est principalement constituée d'hématite. La plupart des météorites contiennent du fer natif. Ce métal pur commence à rouiller peu de temps après la chute de la météorite. Toute météorite qui a l'air rouillée ou qui a des taches oranges-rougeâtres contient probablement de l'hématite, mais une météorite fraîchement tombée ne contiendra pas d'hématite. Ceci dit, toutes les hématites ne sont pas de couleur rouille; certaines sont grises. Le test de terrain standard pour l'hématite est le test de stries. Si en frottant une roche sur une surface rocheuse, elle laisse une trace rougeâtre ou grisâtre, ce n'est pas une météorite.

A voir : Les étapes de la formation des roches sédimentaires, ENSG

Le cycle des roches sédimentaires, ENSG

Geology in Space: Meteorites and Cosmic Dust, The Geological Society

Rock and Mineral Identification, SSFC

La contamination des météorites

La composition d'une météorite peut-être altérée dès qu'elle pénètre dans l'atmosphère terrestre. Il faut donc être très prudent en procédant à son analyse, surtout concernant les matériaux superficiels.

Un échantillon de la météorite de Winchcombe tombée en 2021. Document NHM/PA.

Un exemple récent d'altération rapide est apparu sur la météorite de Winchcombe tombée dans le Gloucestershire, dans le sud de l'Angleterre en 2021. Il s'agit d'une chondrite carbonée CM2 dont on récupéra 602 g. Des fragments furent découverts dans une allée domestique quelques heures seulement après son entrée dans l'atmosphère terrestre. D'autres fragments furent découverts six jours plus tard dans un champ où paissaient des moutons.

Dans un article publié dans la revue "Meteoritics & Planetary Science" en 2023, la doctorante Laura E. Jenkins, spécialiste des météorites à l'Université de Glasgow et ses collègues ont analysé les fragments de la météorite de Winchcombe. Ils concluent que malgré la récupération rapide des fragments, ils ont rapidement développé plusieurs phases terrestres, des sels et des minéraux qui se sont développés à partir de l'interaction de leurs surfaces avec l'environnement humide dans lequel ils sont tombés. C'est-à-dire que même en prenant toutes les précautions d'usage, les météorites furent contaminées.

Le problème est que lorsqu'une météorite est exposée à des contaminants terrestres, en particulier à l'humidité et à l'oxygène, elle subit des changements, affectant les informations qu'elle contenait, parfois au point de les détruire.

Pour déceler les signes de modifications terrestres, les chercheurs ont utilisé un microscope électronique à transmission (MET), un microscope électronique à balayage (MEB) et la spectroscopie Raman pour scruter les surfaces des échantillons prélevés sur les deux sites.

Comme illustré ci-dessous à gauche, ils ont découvert que deux formes de sel - des sulfates de calcium et de calcite - s'étaient formées sur la croûte de fusion de l'échantillon prélevé dans le champ de moutons et de la halite - du sel de table - sur l'échantillon prélevé dans l'allée. Les chercheurs concluent que puisque les sulfates sont apparus à l'extérieur de la croûte de fusion, il est probable qu'ils soient apparus après son atterrissage, à la suite d'une exposition à des conditions humides régnant dans le champ.

La halite n'est apparue qu'à la surface des sections polies du fragment de l'allée. Étant donné que le polissage fut effectué après la récupération de la météorite, il est probable qu'elle résulte de l'interaction de la lame de roche avec l'air humide du laboratoire.

Microphotographie d'une lame mince de la météorite de Winchcombe révélant des traces de contaminants terrestres. Document L.E. Jenkins et al. (2023).

Selon Jenkins, "La météorite de Winchcombe est souvent décrite comme un exemple "vierge" d'une météorite chondrite CM, et elle a déjà donné des informations remarquables. Cependant, ce que nous avons montré avec cette étude, c'est qu'il n'existe vraiment pas de météorite vierge - l'altération terrestre commence au moment où elle rencontre l'atmosphère terrestre, et nous pouvons le voir dans ces échantillons que nous avons analysés quelques mois seulement après l'impact de la météorite. Cela montre à quel point les météorites sont réactives à notre atmosphère et à quel point nous devons veiller à prendre en compte ce type d'altération terrestre lorsque nous analysons les météorites."

Jenkins conclut : "Pour minimiser l'altération terrestre, les météorites doivent être stockées dans des conditions inertes si possible. Comprendre quelles phases sont extraterrestres et lesquelles sont terrestres dans des météorites comme Winchcombe aidera non seulement notre compréhension de leur formation, mais aidera également à relier les météorites qui ont atterri sur Terre aux échantillons ramenés par les missions spatiales. Une image plus complète des astéroïdes de notre système solaire et de leur rôle dans le développement de la Terre peut être construite."

Luke Daly, coauteur de cet article, est maître de conférences à l'Université de Glasgow et co-dirigeant de la UK Fireball Alliance (UKFall), le réseau d'observation qui repéra le météoroïde de Winchcombe et calcula son possible point d'impact (cf. The Guardian, 2021). Il déclara : "Nous avons toujours su que l'exposition à l'atmosphère terrestre affecte la surface des météorites, mais c'est la première fois que nous avons pu voir à quelle vitesse le processus démarre et progresse. Nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir récupérer la météorite de Winchcombe si rapidement grâce à la surveillance du réseau UKFall et aux efforts des bénévoles qui nous ont aidés à récupérer les plus gros morceaux. Cette recherche montre à quel point il est vital que nous continuions à surveiller le ciel et que nous rassemblions des équipes de recherche aussi rapidement que possible après la détection des météorites."

Analyse au microscope

Pour éviter toute interprétation et erreur, dans la plupart des cas la nature chimique de la roche est confirmée au microscope ou en laboratoire. Une cristallisation interne est typique des aérolites. Celle-ci n'a en effet rien de comparable avec les roches terrestres. Dans certaines conditions la vitrification disparaît avec le temps, empêchant les chercheurs de pratiquer une étude complète. Mais les concrétions qui persistent permettent parfois de découvrir des composés organiques extraterrestres, très utiles pour comprendre l'évolution de la vie.

L'analyse la plus simple et la plus facile se réalise au moyen d'un microscope optique standard sur des lames minces de météorites mesurant 10 mm de côté et 30 microns d'épaisseur (plus rarement sur des lames épaisses de 100 à 150 microns d'épaisseur). Elles sont photographiées à 50 ou 100x sous une lumière polarisée croisée (l'échantillon est placé entre deux filtres polarisant rotatifs), la couleur de la biréfringence optique révélant la nature et l'indice de réfraction des minéraux.

A voir : Comment étudier une roche au microscope polarisant

A lire : Le petit guide pratique du microscope polarisant, Laboroches

A gauche, le géologue Justin Germann de l'Université du Nord Dakota tenant en main une lame polie de la météorite de Colgate, une chondrite H4 découverte en 1999. Derrière lui un microscope optique permet de photographier des lames minces en lumière polarisée croisée. Au centre, les teintes de Newton ou échelle de biréfrigence. A droite, l'échelle de biréfringence adaptée aux météorites. Documents Richard Larson, Optique ingénieur et E.Le Fol.

Les professionnels utilisent également le microscope électronique à balayage en cathodoluminescence (SEM CL) panchromatique qui révèle bien plus de détails que la technique classique par électrons rétro-diffusés (mais qui est toujours utilisée). Le SEM CL est parfois couplé à la spectroscopie à dispersion d'énergie (EDS) pour connaître la composition élmentaire de l'échantillon (cf. Gatan et WDS vs EDS). Pour connaître la teneur isotopique, en complément ils utilisent la spectrométrie de masse.

La préparation de la lame (coupe et polissage) est généralement confiée à un professionnel car elle exige du matériel spécialisé (cf. NASA/JSC) mais le travail est à la portée d'un amateur averti ou d'un bon bricoleur ayant quelques outils.

Certaines météorites sont très dures à polir et peuvent être difficiles à préparer. Alors que chacun pense utiliser de l'eau pour couper une roche et polir sa surface, les professionnels n'en utilisent à aucune étape du processus, mais plutôt de l'huile minérale légère et de l'alcool qui sont également utilisés pour les étapes de meulage et de polissage. Des meules diamantées sont utilisées sur certains échantillons très durs, ainsi qu'une suspension de carbure de silicium (SiC) pour l'abrasion. La matière utilisée pour le polissage est généralement de la pâte de diamant (parfois en fluide) ainsi que parfois de l'alumine pour le polissage final (cf. Buehler ainsi que le polissage d'un miroir de télescope).

Lorsque la préparation de l'échantillon est terminée, elle est protégée entre des lames en verre pétrographique standard ou en silice pure pour les échantillons rares ou précieux.

Voici quelques exemples de microphotographies en lumière polarisée croisée. La largeur de l'image des gros-plans est de l'ordre de 1 à 2 mm.

A voir : Allende Meteorite Gallery (Smithsonian NMNH)

Layered Chondrules in Allende CV3, Meteorite Times Magazine

Documents JM.Derochette, LPI et Jeff Barton.

Ci-dessus à gauche, vue générale d'une lame mince de la météorite SAH 97210 tombée quelque part dans le nord-ouest de l'Afrique. Il s'agit d'une chondrite de type L/LL3.2 (très pauvre en fer avec des chondres séparées). Les chondres contiennent notamment de l'olivine. Dans les interstices de la matrice sombre contenant des poussières, il y a des grains ou des petites chondres de fer. Au centre et à droite, deux lames de chondres à olivine barrée (au centre) et porphyrique (d'origine magmatique contenant de grands cristaux de feldspath, à droite) de la météorite d'Allende, une chondrite carbonée (groupe CV3, avec de grosses chondres) tombée au Mexique en 1969.

La météorite d'Allende est âgée de 4.55 milliards d'années et contient en volume 45% d'inclusions noyées dans 40% de matrice. Cette matrice est typique des météorites primitives contenant des éléments présolaires. C'est de la poussière composée de silicates et d'oxydes réfractaires dont 23.6% de fer, 15.9% de silicium et 14.9% de magnésium mélangés à quelques pourcents de Ca, Al, Ni, C, Cr, Mn et des traces de P, Ti, V et de matière organique. Les chondres de l'échantillon de droite contiennent des fragments d'olivine et d'autres silicates, du soufre (jaune) ainsi qu'une grande quantité de fer oxydé (rouille, en rouge-brun).

A lire : Meteorites Thin Sections, AGAB

Meteorite Thin section Art, Jeffery Hodges

Documents MNHN/Michèle Denise et NASA-ARC/Derek Sears.

Ci-dessus à gauche, choc de chondres soudées à chaud dans la nébuleuse protosolaire. Cette association exceptionnelle se compose en haut d'une chondre à olivine barrée (classe BO, voir tableau page 3), un minéral commun des roches basaltiques, et en bas une chondre porphyrique à olivine et pyroxène comme on en trouve dans la croûte des astéroïdes. Les quatre autres photos montrent des chondres de 50 à 300 microns de diamètre sur lesquelles adhèrent des microcristaux (noir ou bleu) sub-micrométriques témoignant d'un refroidissement dans un gaz contenant des poussières. Celle de droite est une chondre BO à olivine barrée.

Sur les première et cinquième images, il s'agit d'une chondre à olivine barrée (BO). Entre les barres d'olivine on distingue une matrice noire ou soma contenant des poussières dont des silicates (feldspath, pyroxène, etc). Ces espaces sombres peuvent présenter des signes de métamorphisme et être en partie recristallisés. Lorsque cette structure se répète et est juxtaposée, on la qualifie de polysomatique (cf. cet autre exemple et celui-ci) et on parle donc de chondre à olivine barrée polysomatique. Sur les deuxième et troisième images, il s'agit une chondre à olivine à texture porphyrique (PO).

A voir : Meteorite Art, Tom Phillips

Trois aspects très différents de l'olivine qui dépend de la température et de la pression des domaines de phase cristallines ainsi que de la vitesse de cristallisation. Documents MSA, Turnstone et R.Warin/AGAB.

Ci-dessus à gauche, une chondre à olivine barrée de la météorite NWA 2180 découverte au Maroc en 2002. C'est une chondrite carbonée CV3. On distingue plusieurs macles ou anomalies dans le réseau cristallin liées à des changements de température, de pression et/ou de phases cristallines. Malgré cet aspect discontinué ou maclé, le réseau cristallin est unique; c'est un monocristal (le fait que la lumière polarisée n'est pas éteinte selon certains angles le confirme).

Au centre, une variante de chondre à olivine porphyrique de ~750 microns de diamètre (le champ couvre 0.9 mm) de la météorite NWA 6136 découverte au Maroc en 2008. C'est une chondrite carbonée CO3. C'est un spécimen inhabituel où le cristal d'olivine remplit environ 90% de la section transversale visible de la chondre. La biréfringence plus élevée sur le pourtour indique que le cristal n'est pas homogène : la composition en olivine varie du noyau au bord.

A droite, coupe mince de la météorite NWA 7325, une achondrite découverte au Maroc en 2012. On distingue des grains d'olivine (orange) et de diopside (pyroxène monoclinique en vert et bleu) portant des traces de chocs, de clivages, de macles, de modification ondulatoire de la biréfringence, de veines de chocs, entourés de plagioclase (gris). Quelques jonctions triples des grains et des exsolutions (séparation des constituants initialement dissous dans une phase homogène lors d'un refroidissement) indiquent que ce spécimen provient d'une roche plutonique ignée voire d'un cumulat (une roche profonde cristallisée lentement).

A voir : Making Rock Thin Sections 1-10, AMiGEO

A lire : Ureilite Thin Section Preparation, NASA, 2014

Trois lames d'uréilites. Documents NMH et EPOD/Mila Zinkova et UNM.

Ci-dessus, trois lames minces d'uréilites, des météorites relativement rares. Toutes les uréilites ont une structure similaire dite achondritique porphyrique. Elles contiennent des cavités allongées généralement étirées dans le même sens. Ces météorites sont constituées de gros grains d'olivine avec un peu moins de pigeonite (clinopyroxène). Elles forment un groupe d'achondrites sans feldspath (cf. Treatise on Geochemistry, 2007; G.P. Vdovykin, 1970).

L'uréilite révèle des matériaux différenciés d'origine astéroïdale. Les couleurs indiquent la présence de différents niveaux de magnésium et de fer dans les cristaux d'olivine et de pyroxène. La fragmentation et les chocs reflètent la façon dont l'ancien astéroïde s'est brisé à la suite d'un ou plusieurs impacts, le niveau de chaleur à partir de laquelle les cristaux ont fusionné avec le carbone remplissant les espaces intermédiaires.

Lorsque ces astéroïdes sont entrés en collision, il apparaît que l'onde de choc les traversa avec une pression si forte qu'elle transforma leur carbone en graphite et en diamants. Les uréilites peuvent en effet contenir des microcristaux de diamant et de graphite d'une taille moyenne inférieure à 1 micron.

Notons que les météorites issus de l'astéroïde géocroiseur 2008 TC3 contiennent des fragments de diamant de 100 microns (cf. EPFL; F.Nabiei et al., 2018). Ces diamants se sont formés suite à la cristallisation du carbone pré-terrestre sous une pression supérieure à 20 GPa et donc vraisemblablement dans une protoplanète en formation de la taille de Mercure ou de Mars (rayon de 1000-3000 km).

Du fait que l'olivine, le pyroxène et le carbone exitent aussi sur la Terre, il est probable que le même processus se produit de temps à autre lorsque des météorites s'écrasent sur notre planète. Ces uréilites terrestres nous permettent d'étudier l'histoire géologique de notre planète d'une manière qui serait autrement impossible.

Ci-dessous, des lames minces des météorites NWA 11756 tombée au Maroc et NWA 3151 tombée quelque part en Afrique de l'ouest. Ce sont des brachinites peu choquées, une variété d'achondrite primitive ultramafique, riche en olivine. Les brachilites sont dix fois plus rares que les uréilites (on dénombre ~54 spécimens de brachinites) et pouvoir en analyser est presque un privilège.

A voir : Petrography of Meteorites, MCM

A gauche et au centre, une lame mince de l'achondrite primitive NWA 11756, une brachinite peu choquée découverte au Maroc. Voici sa teinte naturelle qui peut aussi ressembler à un patchwork de fragments gris comme dans le cas de NWA 3151 dont une lame mince est présentée à droite. Documents James St. John et Peter Marmet.

Les brachinites présentent une texture cristalline équigranulaire massivement dominée par des cristaux d'olivine (~95% du volume). Dans toutes les brachinites, l'olivine est forstéritique (riche en magnésium, Mg2SiO4). Les composants mineurs comprennent la pigeonite (clinopyroxène), le fer et le nickel altérés, la troilite (FeS), la chromite, le feldspath (Na-plagioclase) et l'orthopyroxène. On a déduit que les brachinites étaient des roches mantelliques résiduelles ou des roches ignées recristallisées.

Ce sont des fragments de dunite (90% d'olivine) provenant probablement d'un corps protoplanétaire différencié de la Ceinture d'astéroïdes qui a depuis éclaté. L'un des corps parents des brachinites pourrait être l'astéroïde Nenetta.

Ci-dessous, cette lame mince de l'achondrite différenciée NWA 11455, une eucrite non bréchifiée, ressemble apparemment à NWA 11756. Mais son aspect visuel ne suffit pas pour l'identifier avec certitude. Il faut l'examiner au microscope en lumière polarisée croisée et réaliser divers tests chimiques. Un expert verra directement la différence entre cette achondrite différenciée et l'achondrite primitive NWA 11756. Selon José Garcia du Meteorites Lab, les principaux minéraux présents dans NWA 11455 sont la pigeonite exsolue et le plagioclase calcique (sous forme de grains d'une granulométrie moyenne d'environ 0.7 mm). Les minéraux accessoires comprennent le polymorphe de silice, l'ilménite, la chromite, la troïlite et du métal pauvre en nickel. Par comparaison, NWA 11756 est une brachinite. Sa composition principale est l'olivine et le pyroxène, avec des cristaux à triple jonction à 120°. Dans les brachinites, il n'y a pas de plagioclase alors que dans les eucrites, c'est une phase importante. Habituellement, le pyroxène des eucrites présente des lamelles d'exolution (les constituants initiaux sont dissous, passant d'une phase homogène à une nouvelle phase dispersée) ou est zoné. Sur le plan pétrographique, il y a beaucoup d'autres différences entre les brachinites et les eucrites unb. L'olivine est par exemple très rare dans les eucrites alors qu'elle constitue la phase principale des brachinites.

La météorite NWA 11455, une achrondrite différenciée, plus précisément une eucrite non bréchifiée. Elle fut découverte en 2017 au Maroc. A gauche, une coupe de la météorite révélant sa structure granulaire. Au centre et à droite, une lampe mince observée en lumière polarisée croisée. Cette eucrite présente une texture microgabbroïque dont la composition chimique est très différence de celle des achondrites primitives. Documents Denis Gourgues et ADARAlab/J.Garcia (2022).

Ci-dessous, les lames minces de trois échantillons très rares. A gauche, la coupe de la météorite lunaire NWA 10203 dont voici une vue générale trouvée en 2015 à la frontière de la Mauritanie et du Mali. C'est une brèche polymicte contenant au moins quatre lithologies distinctes. Elle comprend notamment du gabbro d'olivine avec des zones de clinopyroxène (~75%), des brèches de gabbro anorthositique fragmentaire avec ~75% de plagioclase, du pyroxène, des veines de fusion de choc, des traces de métaux (Fe, Ni), de chromite et de phosphate.

Au centre, une lame d'une météorite martienne récoltée sur Terre révélant des grains d'olivine (jaune, vert, rose et noir) typique d'un basalte et des traces de pyroxène (rayures) comme on en trouve par exemple sur l'astéroïde Vesta.

A droite, des cristaux d'halite extraterrestre (du sel) découverts dans la météorite Monahans, une aérolite (chondrite H5) tombée au Texas en 1998. Des cristaux d'halite similaires ont également été découvert dans la météorite de Nakhla (météorite d'origine martienne) qui tomba à Alexandrie, en Égypte en 1911, ainsi que dans quelques autres. De l'eau devait donc exister dans l'astre parent (ou dans l'astéroïde ou la comète qui le percuta éventuellement).

A voir : Cosmic Microscapes

Exceptionnellement, les lames de météorites peuvent présenter de larges inclusions colorées, de l'olivine ambre par exemple qui, une fois polie, leur donne une grande valeur marchande. Nous verrons que les pallasites comptent parmi les météorites les plus précieuses et les plus convoitées.

Les micrométéorites

Parmi les dizaines de milliers de tonnes de météorites qui tombent au sol chaque année, on estime qu'il y a 5200 tonnes de poussière cosmique, des micrométéorites mesurant entre ~50 µm et 2 mm de diamètre (cf. J.Rojas et al., 2021), la majorité des spécimens mesurant entre 120 et 240 µm. Bonne nouvelle, on estime qu'environ une micrométéorite recouvre chaque mètre carré chaque année. Cela signifie que des centaines de micrométéorites sont donc tombées à deux pas de chez vous !

Matériel et préparation

Vu leurs dimensions, la chasse aux micrométéorites commence avec un bon aimant (pas le petit aimant de votre frigo mais un aimant en néodyme muni d'un petit crochet ou d'une poignée pour facilement le tenir entre les doigts (cf. les crochets magnétiques). Plus l'aimant est fort, plus vous aurez de chances d'extraire des échantillons du sol. Afin de pouvoir facilement retirer les particules aimantées, enveloppez l'aimant dans un sac en plastique transparent résistant genre ziplock.

Des échantillons de micrométéorites récoltés par Jon Larsen et Morten Bilet.

Explorez une région découverte à l'écart des sites industriels. La campagne est le site idéal. Travaillez par temps sec car si le sol est humide, les particules resteront collées au substrat et il sera plus difficile de les extraire. Vous pouvez balayer le sol, le toit et même la gouttière (dans ce cas il faudra nettoyer les détritus, retirer les feuilles, les branches et la terre et laver la masse informe au savon liquide avant d'utiliser l'aimant).

Lorsque la surface aimantée est couverte de particules, retirez l'aimant du sachet en plastique et versez son contenu dans une petite boîte fermée. Indiquez le lieu, la date et toute information pertinente sur cette collecte.

Après la collecte, il faut procéder au tri des particules à l'aide de tamis. Les mailles varieront entre 1.5 mm et 0.4 mm d'ouverture. Achetez plusieurs tamis car ils peuvent se déchirer au contact de particules acérées comme des éclats de verre ou de métal.

Plus les particules sont petites plus il faut de temps pour identifier les spécimens. 1 gramme d'échantillons bruts contient ~2500 micrométéorites de 425 à 800 µm, ~15000 micrométéorites de 250 à 425 µm, ~75000 micrométéorites de 150 à 250 µm et ~300000 micrométéorites de 100 à 150 µm.

Pour 1 gramme de matière brute, comptez 5 à 10 minutes pour identifier des micrométéorites de 425 à 800 µm et jusqu'à 2 heures pour identifier des micrométéorites de 100 à 150 µm.

Du papier filtre ou du papier absorbant simple et humidifié à l'eau distillée peut être utilisé pour stocker temporairement les particules sélectionnées. Lorsque les particules sont tamisées et triées, stockez-les dans des petites boîtes fermées.

Vous pouvez ensuite commencer à examiner ce qui ressemble à de la poudre noire au stéréomicroscope ou microscope binoculaire (cf. les modèles de Medicalexpo et Naturoptic). Pour un usage régulier, choisissez un modèle de qualité (évitez les microscopes USB qu'on vend sur Internet grossissant 20x) et utilisez un grossissement de 50x. L'éclairage est constitué idéalement d'une lampe LED annulaire.

Placez ensuite les spécimens dans des boîtes de Petri en verre (le plastique est électrostatique et moins adapté). Afin de manipuler les particules, utilisez un cure-dent, une baguette affûtée ou tout autre outil pointu non magnétique. Vous pouvez aussi humidifier les échantillons avec de l'eau distillée et une pipette. Munissez-vous également d'un appareil photo pour les photographier à l'oculaire à moins que le microscope dispose d'une sortie vidéo numérique pour la projection sur ordinateur.

A voir : Up On The Roof, A Handful Of Urban Stardust, L.T. Young

Galerie de photos de micrométéorites récoltés par Jon Larsen

Identification

Comme en minéralogie ou en géologie, l'identification des micrométéorites est une question d'observation mais on ne s'improvise pas expert es micrométéorites. Consultez d'abord des sites Internet et des livres spécialisés pour vous familiariser avec ces petits objets et leur nature. Ensuite, prenez conseils auprès d'experts et finalement décidez d'en faire ou non votre hobby.

Comme illustré ci-joint, la majorité des micrométéorites sont sphériques, ce qui facilite leur identification. Les particules ayant des angles ou des arêtes nettes ou des formes polygonales sont souvent des particules artificielles, d'origine industrielle, notamment des déchets métalliques libérés par les fumées des usines.

Micrographies de micrométéorites récoltés en Antarctique. Documents J.Rojas et al. (2021),

Les micrométéorites ont différentes structures : cristalline, cryptocristalline (la transition entre la structure cristalline et le verre), viteuse et scoriacée.

Les micrométéorites métalliques composées de fer et/ou de nickel représentent environ 20% des échantillons et ressemblent à des gouttelettes de métal. Ces micrométéorites sont noires alors que les sphérules métalliques industrielles sont vitreuses, très lisses et colorées (brunes ou verdâtre).

Dans le cas des micrométéorites cristallines, leur forme n'est pas aussi régulière et leur surface présente des aspérités ou des ondulations. La forme n'est que vaguement arrondie ou carrément allongée. Parfois une petite goutte de métal s'est collée sur la micrométéorite.

La plupart des micrométéorites vitreuses ne sont pas aimantables mais il suffit qu'elles soient collées à un petit morceau de métal pour la récolter, d'où l'intérêt d'avoir un aimant puissant. Ce bout de métal peut parfois se détacher eu cours des manipulations. Les micrométéorites vitreuses ont une surface plus ou moins lisse et brillante. Riches en olivine, elles sont généralement de couleur verdâtre, jaune crème ou orangée.

Décrivons par exemple les six micrométéorites présentées ci-dessous à droite en collaboration avec Thilo Hasse qui les récolta. Dans les météorites chondritiques, ces sphérules forment des chondres composées notamment d'olivine, de pyroxène et/ou de silicate de magnésium avec des traces de Ca, Al et Fe. De haut en bas et de gauche à droite nous avons respectivement :

THMM464 : Il s'agit d'une micrométéorite vitreuse. Ce type présente en général une structure cryptocristalline, c'est-à-dire une transition entre la structure de verre pur et les fines structures cristallines. Ces micrométéorites se forment lorsque la masse fondue se refroidit rapidement, de sorte qu'elle n'a pas le temps de former des structures cristallines. Sur celle-ci s'est collée une goutte de métal. La couleur jaune signifie que le Fe3+ domine.

THMM418 : Il s'agit d'une micrométéorite de verre pur. Elle est totalement exempte de structure cristalline. La surface peut-être totalement lisse ou couverte de petits trous ou de sillons. Ces traces sont les premiers signes d'une probable altération par les intempéries auxquelles elles sont plus sensibles que la plupart des micrométéorites cristallines. La couleur verte signifie que le Fe2+ domine.

Des échantillons de micrométéorites récoltés par Thilo Hasse. Voir le texte pour les explications.

THMM641 : Il s'agit d'une micrométéorite cryptocristalline. En général, la cristallisation de la masse fondue commence par un refroidissement local, reconnaissables à la présence d'une goutte de métal et à différents points de la surface ayant subi une fusion. A partir de ces endroits, il se forme des cristaux en forme de pyramide, visibles dans la partie supérieure de l'image. Les trous sont des parties vitreuses ayant été altérées.

La recristallisation n'a pas lieu aussi rapidement dans les micrométéorites de verre, mais elle est encore assez rapide.

THMM251 : Il s'agit d'une micrométéorite à olivine barrée (type BO). L'olivine est souvent le minéral dominant des micrométéorites. Dans cet échantillon, les cristaux d'olivine forment des bandes ou de sillons parallèles. Si le processus de cristallisation commence en différents endroits, ces bandes ou sillons se développent dans différentes directions et se croisent. Ces barres d'olivine constituent l'une des caractéristiques d'identification les plus fiables visibles au microscope (y compris sur les lames minces en lumière polarisée (voir plus haut).

THMM288 : Il s'agit d'une micrométéorite porphyrique (type PO); elle contient de gros cristaux bien formés d'olivine noyés dans une matrice vitreuse cristalline. Cet échantillon est collé à une toute petite goutte de métal de couleur brune visible sur la surface en haut à gauche.

Les micrométéorites porphyriques peuvent être compactes ou avoir des cavités. Elles peuvent contenir des cristaux brillants composés de magnétite.

La forme allongée des micrométéorites porphyriques indique qu'elles se sont formées au cours d'un mouvement de rotation. Le métal plus dense s'est rassemblée aux extrémités pendant la phase de fusion et s'est solidifié à cet endroit.

THMM247 : Il s'agit d'une micrométéorite porphyrique de forme transitionnelle. Dans cet échantillon en forme de goutte, les gros cristaux d'olivine sont presque devenus des bandes et ne sont plus arbitrairement noyés dans la matrice vitreuse. Il s'agit d'une transition du type PO vers le type BO.

Notons que les micrométéorites de type Scorie (scoriacées) n'ont pas entièrement fondu en traversant l'atmosphère terrestre. Elles ont généralement une forme quelque peu irrégulière, avec parfois des reflets perlés, mais ont toujours une surface largement lisse car fondue. Leur nom vient de leur ressemblance avec les scories terrestres. A moins d'habiter à la campagne, loin des sites industriels et des volcans, bonne chance pour les différencier des minerais métalliques fondus et des scories volcaniques.

Voyons à présent en détails les différentes familles de météorites. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Les différentes familles de météorites

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[4] Communication privée avec l‘auteur, 1990.


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