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Les météorites

Les météorites métamorphiques (V)

Les météorites métamorphiques ont subi une transformation thermique à l'intérieur de l'astre parent qui les abrita pendant des millions ou des milliards d'années. Leur structure a été recristallisée et est plus ou moins granuleuse ou striée selon les éléments qu'elle contient. Dans cette famille nous trouvons les sidérites précitées, les sidérolites ou météorites mixtes, les météorites lunaires et martiennes.

Les sidérolites représentent seulement ~2% des spécimens de météorites et forment trois groupes :

- Les pallasites, représentent 1% des météorites. Il s'agit de méso ou lithosidérites qui se sont formées en deux phases chaudes dans le manteau d'un corps parent. On reviendra plus bas sur leur formation. Elles contiennent des métaux (Fe, Ni, Cr, etc) et des inclusions de silicates (olivine pure, olivine et pyroxène ou pyroxène et plagioclase), de stanfieldite ou encore de whitlockite (phosphate - merrillite) qui leur donne un aspect coloré et vitreux. La matrice d'alliage fer-nickel montre généralement d'importantes déformations tectoniques à haute température. Parmi les plus belles et les plus connues citons les pallasites d'Imilac et d'Esquel.

Les sidérolites

Pallasite d'Imilac

Pallasite d'Esquel

Pallasite de Seymchan

Pallasite de Brenham

Lodranite NWA 8250

Mésosidérite de Mount Padbury

Documents Arizona Skies Meteorites, Smithsonian, Christie's, Morning Museum, PolenMet.

Selon leur composition, les pallasites ont été divisées en 4 sous-groupes :

- Les Pallasites du Groupe Principal (PMG) auquel appartient la majorité d'entre elles soit 59 pallasites. Certaines PMG comme Seymchan présentent dans leur matrice un beau motif de Widmanstätten.

- Le Groupe Eagle Station (PES) comprenant à ce jour 5 spécimens. Ils sont liés aux sidérites IIF.

- Le groupe des Pallasites à Pyroxène (PPX) dont il n'existe que deux spécimens (Vermillion et Yamato 8451). Elles présentent des inclusions à forte teneur en orthopyroxène (~5%) et se caractérisent par une matrice métallique présentant un fin motif de Widmanstätten octaédrite.

- Les Pallasites non groupées (P-ung) qui ne rentrent dans aucun groupe ou sous-groupe.

- Les mésosidérites (0.29%) qui contiennent à parts égales des métaux et des silicates

- Les lodranites, très rares, elles contiennent à parts égales des métaux, de l'olivine et du pyroxène. Ce sont des achondrites primitives (NWA 468, NWA 2656, NWA 8251).

A ce jour, il n'existe que 135 pallasites dans les bases de données. Elles comptent parmi les météorites les plus convoitées et chaque année leurs ventes aux enchères atteignent des prix équivalent à ceux de l'or ou de certaines gemmes. On y reviendra.

Formation des pallasites

Jusqu'à preuve du contraire, on a toujours considéré que les pallasites se sont formées à la limite entre un noyau de fer-nickel et le manteau silicaté d'un corps parent duquel elles furent éjectées suite à un impact (cf. ce schéma et F.Ulff-Møller et al., 1998; J.Wasson et al., 2003; E.Asphaug et al., 2006). En effet, si on prend l'exemple de la pallasite d'Admire découverte aux Etats-Unis en 1881 (cf. Christie's et Sotheby's) elle contient de la péridotite extraterrestre. Pour rappel, la péridotite terrestre est le principal constituant du manteau terrestre composé de minéraux silicatés comme l'olivine et le pyroxène.

Sur le plan minéralogique ces météorites contiennent des grains de silicates noyés dans une matrice à olivine et d'alliage métallique. Ce mélange de sidérite et d'aérolite rappelle la composition de l'interface entre le noyau et le manteau de la Terre (la couche D). Concrètement, il ressemble à des chondrites à enstatite dont on aurait retiré le fer natif. Sous cette forme, elles ressemblent aux péridotites composées de cristaux d'olivine verdâtre qui se forment dans le manteau terrestre.

A gauche, un exemple de péridotite (xénolithe du manteau) provenant du cratère volcanique de Kilbourne Hole, au Nouveau Mexique. Au centre, une microphotographie de cette roche montrant les cristaux d'olivine et de pyroxène. A droite, une lame de la pallasite de Springwater tombée au Canada en 1931. Cette pallasite contient des cristaux d'olivine arrondis et contient de la Farringtonite ou phosphate de magnésium (Mg3(PO4)2). Document ASU/CMS.

Cette théorie fut donc révisée, notamment en 2010 par l'équipe de Jijin Yang de l'Université du Massachusetts (cf. J.Yang et al., 2010; J.Yang et al. (en PDF), 2010b). Comme illustré ci-dessous, selon cette théorie en (a) un astéroïde ou une protoplanète différenciée ayant un manteau riche en olivine et un noyau métallique Fe-Ni solidifié à 80% est percuté sous un angle rasant par un corps plus grand. (b) Le corps différencié vole en éclat et se disperse dans l'espace. Un corps de pallasite se forme à partir des fragments du manteau d'olivine et du Fe-Ni fondu résiduel présentant un faible rapport Ir/Ni. Selon les simulations, le reste du manteau et le noyau solide ne parviennent pas à s'accréter au corps en pallasite. Si toute la fonte résiduelle de fer-nickel s'accroît jusqu'au double du volume des fragments de manteau, elle peut former un seul corps pallasitique dont le rayon atteindrait 90% du rayon de l'ancien noyau solide de Fe-Ni.

Yang et ses collègues proposèrent également que les pallasites du groupe PMG dont les cristaux d'olivine sont arrondis se formèrent dans un corps parent à partir d'une couche pallasitique de cristaux ou de fragments d'olivine arrondis et recuits à la limite noyau-manteau. Les pallasites comme celle de Pavlodar qui ont un rapport chondritique Ir/Ni pourraient s'être formés à partir de Fe-Ni métallique qui s'est solidifié dans la couche pallasitique avant l'impact qui a brisé le corps différencié. Les pallasites comme Brenham présentée plus haut avec des rapports Ir/Ni sous-chondritiques peuvent s'être formés à partir d'une intercroissance d'olivine arrondie et d'un métal fondu qui s'est solidifié dans le corps de pallasite après l'impact. Mais comme les autres théories, on se rendit compte que dans ses détails ce modèle n'était pas satisfaisant.

Il y a quelques années, ces modèles furent amendés, notamment suite à la découverte d'un champ magnétique rémanent dans certains cristaux d'olivine de pallasites (cf. J.A.. Tarduno et al., 2012; J.F.J. Bryson et al., 2017). Mais sur le principe, le scénario de base est resté le même (cf. J.Boesenberg et al., 2012; P.H. Donohue et al., 2018). Jusqu'à aujourd'hui, il était donc impossible de départager ces théories et bien sûr aucune d'elle n'a été validée.

La théorie de formation des pallasites à olivine anguleuse (gauche) et arrondie (droite) proposée par l'équipe de Jijin Yang en 2010 (le dessin n'est pas à l'échelle). Les roches se forment en deux étapes : une collision rasante suivie d'une différenciation avec formation des pallasites à l'interface noyau-manteau du corps parent. Voir le texte pour les explications. Documents J.Yang et al. (2010), en PDF, adaptés par l'auteur.

Mais on avait déjà constaté que les pallasites contenant du fer dans leurs interstices (de la tétratéinite, c'est-à-dire du fer combiné à une phase riche en nickel comme la météorite PMG de Seymchan présentée plus haut) présentaient un taux de refroidissement variant entre 2.5 et 20 K/Ma selon la taille des particules de taénite contre 50 à 350 K/Ma pour les sidérites IIIAB. On en déduit que les pallasites ne se sont pas refroidies à la limite noyau-manteau d'un seul corps parent et certainement pas dans le même corps parent que les sidérites.

Cette fois, des chercheurs ont décidé de réaliser une expérience en laboratoire pour tenter de comprendre la formation des pallasites.

Dans une étude publiée dans la revue "Science" en 2020, l'équipe de Nicolas P. Walte réalisa en laboratoire des expériences de compression avec la presse multi-enclume SAPHiR (Six Anvil Press for High pressure Radiography and diffraction) de l'Université Technique de Munich (TUM).

La théorie de formation des pallasites en deux étapes proposée en 2020 par l'équipe de Nicolas P. Walte. Voir le texte pour les explications. Document N.P.Walte et al. (2020) adapté par l'auteur.

Selon les chercheurs du TUM, la formation des pallasites se déroulerait en deux étapes. Comme illustré à droite, dans un premier temps (a-b), un corps parent présente un noyau métallique en fusion et un manteau silicaté chondritique-dunitique (composé majoritairement d'olivine). Ultérieurement, le fer liquide percole dans son manteau, formant un réseau de poches de métal fondu entre les agrégats d'olivine.

Dans un second temps (c-d-e), ce petit astéroïde percute un astre plus massif. Sous la pression et la chaleur dégagées lors de la collision, l'impacteur s'enfonce dans le manteau silicaté de l'astre dont la nature est proche des péridotites terrestres. Le métal en fusion du noyau de l'impacteur se mélange ensuite au manteau de l'astre et percole dans les interstices entre les olivines. Sous le choc, la texture d'olivine se déforme, se fragmente et se brise, formant des pallasites. Elles se refroidissent rapidement, en quelques mois ou quelques années et se solidifient. Puis elles subissent un lent refroidissement et un recuit au cours duquel les petites olivines centimétriques originellement anguleuses fondent partiellement et s'arrondissent. Finalement, un nouvel impact fracture la croûte de l'astre et des fragments de pallasites sont éjectés dans l'espace.

Pour tester cette théorie, en laboratoire les chercheurs du TUM ont utilisé des petits cristaux d'olivine contenant des grains métalliques qu'ils ont placés sous une pression de 1 GPa et porté à une température de 1300°C par chauffage au laser. Ensuite, ils les ont laissés refroidir en présence d'un champ magnétique. Résultat, les chercheurs ont pu reproduire les caractéristiques des différents types de pallasites, y compris la forme anguleuse ou arrondie des olivines. Ils ont également vérifié avec un magnétomètre SQUID que les grains présentaient un champ magnétique rémanent comme les véritables météorites primives. Enfin, ils ont simulé sur ordinateur l'évolution d'un corps parent pour déterminer à quelle profondeur se forment les pallasites.

Dans leurs conclusions, les chercheurs confirment que les cristaux d'olivine se forment à faible profondeur dans le manteau d'un petit corps parent d'environ 200 km de rayon. L'alliage de fer-nickel qu'elles contiennent doit donc provenir du noyau métallique liquide (en fusion) d'un autre corps qui entra en collision avec le corps parent, le fragmenta et conduisit à mélanger l'alliage métallique au manteau du corps parent reconstruit, créant les pallasites.

Ce scénario en deux phases comprenant une collision et un recuit validé par une expérience devient beaucoup plus plausible qu'une formation spontanée de pallasites à l'interface noyau-manteau d'un corps parent.

Les météorites lunaires

Sur base d'un relevé effectué dans les collections en 2018, on estime qu'une météorite sur 1000 provient de la Lune et leur masse totale représente environ 781 kg. Depuis leur nombre n'a cessé d'augmenter (cf. AntMet/NASA-JSC; R.F. Korotev, 2021; MetSoc, 2021). Selon la base de données du WUSTL, au 14 mai 2022, les chercheurs avaient nommé 538 fragments de météorites lunaires qui représentent une masse totale de 892 kg soit 2.3 fois la masse de toutes les roches récoltées lors des missions Apollo (382 kg).

On est certain que ces météorites proviennent de la Lune car leurs isotopes sont similaires à ceux des roches lunaires ramenées par les missions Apollo entre 1969 et 1972.

Visuellement il est difficile de reconnaître une météorite lunaire, sans tenir compte du fait qu'elles sont très rares. En effet, elle ne ressemble pas à une chondrite ordinaire, elle n'attire pas un aimant et ne contient pas beaucoup de nickel ni de fer; autrement dit les tests traditionnels ne fonctionnent pas et même certains "experts" risquent de la considérer comme une vulgaire roche terrestre ! En revanche, si la météorite est tombée dans un désert ou sur une surface glacée, il est beaucoup plus facile de la reconnaître car elle est souvent isolée ou groupée en petits fragments et donc suspecte. Quant aux météorites lunaires composées de brèches, c'est-à-dire des roches composées de fragments de roches plus anciennes, elles renferment du métal provenant de l'astéroïde parent.

A gauche, la variété des météorites lunaires. Au centre, un aperçu des textures des météorites lunaires. Les codes sont les références du WUSTL. Par exemple AaU 012 = Abar al' Uj 012. A droite, rapport Fe/Al des mers et des hautes terres lunaires. Documents T.Lombry et WUSTL.

Comme les roches lunaires, les météorites lunaires des hautes terres sont riches en aluminium (Al2O3) et pauvres en fer (FeO) car elles sont composées majoritairement de feldspath (comme 50% des roches terrestres). Les roches des mers lunaires contiennent aussi du feldspath mais se composent principalement de pyroxène, d'olivine et d'ilménite, qui sont des minéraux plus riches en fer et pauvres en aluminium, comme illustré ci-dessus à droite.

Parmi les météorites lunaires les plus riches en métaux, le record est détenu par la brèche feldspathique Dhofar 1527, une achondrite découverte dans le sultanat d'Oman en 2009 qui contient ~1.7% de métaux alors que la plupart en contiennent bien moins de 1%. En d'autres termes, ne comptez pas sur l'aimantation pour identifier une météorite lunaire.

A consulter : Lunar meteorites, LPI/USRA

A lire : ANSMET Meteorites from the Moon (PDF), 2014

Les météorites lunaires

Aspect extérieur avec une partie de la croûte de fusion et coupe (8x12 cm, 382 g) de la météorite lunaire NWA 6950 découverte en 2011 à la frontière ehntre le Mali et l'Algérie. Elle est composée de basalte et de gabbro (roche magmatique) à olivine (le matériau verdâtre dense contenant du pyroxène, du plagioclase et de l'amphibole). Le plagioclase est partiellement converti en maskélynite, un verre de choc, et un filigrane de veines de choc traverse la matrice. Documents Steve Jurvetson/Flickr.

Les météorites lunaires sont des échantillons provenant d'emplacements distribués au hasard de la surface de la Lune. La majeure partie de la surface lunaire étant feldspathique, la plupart des météorites lunaires sont donc des brèches feldspathiques. Certaines sont des basaltes formés dans les mers lunaires ou des brèches composées à la fois de matériel des mers et des hauts plateaux lunaires (par ex. la météorite lunaire QUE94281).

Les météorites lunaires bréchifiées sont suffisamment résistantes et cohésives pour survivre aux effets d'une explosion sur la Lune et à un impact brutal sur la Terre. De nombreuses roches sédimentaires terrestres se décomposent beaucoup plus facilement. Contrairement à certains conglomérats terrestres qui ressemblent à des brèches lunaires, la matrice des brèches lunaires est aussi dure que les clastes. Sur les surfaces brisées ou extérieures des météorites lunaires bréchifiées, les clastes ne ressortent ni en relief ni en creux.

A gauche, une météorite lunaire vésiculaire d'environ 2.6 cm de coté et pesant 22.84 g riche en ilménite (FeTiO3). Elle a contenu des bulles car c'est une roche basaltique. Au centre, la météorite lunaire Oued Awlitis 001 découverte au Sahara occidental en 2014. Elle mesure 7.7 x 6.6 x 3.5 cm et pèse 432.5 g. C'est une anorthosite (de la roche magmatique). Après sa formation initiale dans un cratère d'impact supérieur à ~50 km de diamètre, elle s'enfonça à une profondeur supérieure à ~50 m. Les nucléides cosmogéniques (formés par les rayons cosmiques) indiquent que l'éjection de la Lune se produisit il y a 300000 ans d'une profondeur d'au moins 4 mètres. Elle fut arraché à la Lune sous une pression de 20 à 40 GPa. Si elle fut éjectée suite à un impact, ce dernier forma un cratère lunaire de plus de 10 km de diamètre (cf. A.Wittmann et al., 2018). A droite, une météorite lunaire de 4 x 3 x 3 cm pesant 55.70 g non cataloguée découverte au Sahara. Documents LUCmeteorites/Etsy, WUSL et Drouot.

Sur le plan minéralogique, 98 à 99% du matériau cristallin de la croûte lunaire n'est composé que de quatre minéraux : le feldspath plagioclase, le pyroxène, l'olivine et l'ilménite.

Certains des minéraux les plus courants à la surface de la Terre sont rares ou n'ont jamais été trouvés dans les échantillons lunaires comme le quartz, la calcite, la magnétite, l'hématite, les minéraux hydratés comme les micas et les amphiboles ainsi que la plupart des minéraux sulfurés.

Selon Randy L. Korotev, professeur émérite de planétologie et géochimiste lunaire à l'Université Washington à Saint Louis (WUSTL), dans le Missouri, "La simplicité de la minéralogie lunaire me permet souvent de dire avec une grande confiance : «Ce n’est pas un rocher lunaire». Une roche qui contient du quartz, de la calcite ou du mica comme minéral primaire ne provient pas de la Lune. Certaines météorites lunaires contiennent en fait de la calcite. Cependant, la calcite s'est formée sur Terre suite de l'exposition de la météorite à l'air et à l'eau après son impact. La calcite se présente comme un minéral secondaire, qui remplit les fissures et les vides. Les minéraux secondaires sont faciles à reconnaître lorsque la météorite est étudiée au microscope."

A consulter : Lunar meteorite Compendium, NASA

Lunar Meteorites, WUSTL

Trois lames épaisses de météorites lunaires. De gauche à droite, NWA 11474, NWA 2995 et NWA 11237. Ce sont des achondrites composées de brèches feldspathiques.

Du fait que la croûte lunaire a fait l'objet d'un intense bombardement météoritique, toutes les météorites lunaires sont des brèches. Même les roches lunaires ramenées par les missions Apollo des hautes terres et des mers lunaires ne dépassent pas la taille d'une main et sont des débris de la première croûte ignée de la Lune.

Comme les météorites basaltiques provenant de Mars (voir plus bas), les basaltes des mers lunaire ressemblent fortement aux basaltes terrestres. En l'absence de croûte de fusion, il y a peu de chose sur une météorite basaltique provenant d'une mer lunaire qui susciterait l'intérêt d'un géologue.

En revanche, un examen attentif au microscope peut révéler certaines caractéristiques suspectes comme le manque de certains minéraux, l'abondance d'autres (ilménite), la faible teneur en sodium du feldspath ou la constante du rapport Fe/Mn ~70. Les grains minéraux montrent également des signes de choc et de fracture dus aux impacts de météorites. Cependant, des tests chimiques restent nécessaires pour prouver une origine lunaire (ou martienne).

Ainsi que nous l'expliquerons dans l'article consacré aux roches lunaires, la météorite lunaire AP007 découverte en Arabie en 2015 contient de l'apatite minérale aquifère - le phosphate le plus courant très commun dans les roches lunaires. Sa présence prouve que la croûte lunaire primitive était fortement enrichie en eau il y a plus de 4 milliards d'années, contrairement à ce qu'on pensait auparavant.

A voir : Moon Rocks at The Open University

Lunar rock micros, NASA-JSC

(coupes minces des roches récoltées par les missions Apollo)

Microphotographies de lames minces en lumière polarisée. A gauche, un basalte lunaire ramené par Apollo 12 (réf. 12005). A droite, image typique de régolite lunaire (réf. 74220) contenant des sphérules de verre ou "verre orange" volcanique de ~0.1 mm de diamètre formées suite à un impact. Il contient aussi des cristaux d'olivine (les traits et les taches sombres). Documents NASA/Apollo 12 et NASA/Apollo 17/U.Az, Digital Petrographic Slide Collection.

En théorie, il est toujours possible de découvrir un nouveau type de roche lunaire mais la probabilité est très faible. Selon Randy L. Korotev, professeur émérite de planétologie et géochimiste lunaire à l'Université Washington à Saint Louis (WUSTL), dans le Missouri, "des dizaines de milliers de roches lunaires ont été étudiées depuis les missions Apollo. Il est hautement improbable qu'une nouvelle météorite lunaire diffère considérablement dans les minéraux qu'elle contient ou dans son caractère géochimique des roches lunaires d'Apollo et des météorites lunaires".

Les météorites martiennes

Les météorites métamorphiques venant vraisemblablement d'une autre planète, elles consolident l'idée que certaines d'entre elles viendraient directement de Mars. En effet, depuis 1981 les géologues ont découvert en Antarctique plusieurs météorites composées d'hydrocarbures polycycliques, les fameux PAH, qui ne sont pas des acides aminés, âgés de 4.4 à 4.5 milliards d'années associés à des éléments organiques (carbonates). Le spécimen ALH 84001 en particulier sur lequel nous reviendrons dans le dossier consacré à la bioastronomie ressemble fortementaux cailloux analysés sur la surface de Mars.

Parmi les météorites récoltées sur Terre et provenant de la Ceinture des astéroïdes, jusqu'en 1977 on ne possédait que 6 météorites martiennes. A la fin des années 1990 on comptait une vingtaine de spécimens. Selon la base de données du LPI, en 2024 on dénombrait 379 météorites martiennes provenant d'au moins 11 éjections de Mars (cf. S.Carr, 2016; MetSoc, 2021; A.Lagain et al., 2021). Selon les inventaires, environ une météorite sur 1400 provient de Mars.

Les âges d'éjection, basés sur l'exposition aux rayons cosmiques varient entre 0.7 et 20 millions d'années (cf. G.F. Herzog et al., 2014; T.Lapen et al., 2017; A.Udry et al., 2020) mais les roches elles-mêmes peuvent être beaucoup plus anciennes (plusieurs milliards d'années).

Les météorites martiennes

Lafayette

ALH 84001

Lame mince d'une Shergottite (pyroxène, maskelynite et augite) non cataloguée.

Documents NMNH, Carl Agee/U.New Mexico et J.Garcia/Meteorites Lab.

Ces exemplaires très rares sont pour la plupart des météorites de la famille des SNC (Shergottite-Nakhlilite-Chassignite), nom formé par les trois premières météorites de ce type trouvées sur Terre. Il faut y ajouter un nouveau type, NWA 7034 qui est une brèche basaltique.

La météorite de Chassigny est très importante car cette SNC tombée en France en 1815 apporte la preuve que l'atmosphère initiale de Mars ne contenait pas d'isotopes météoritiques. La planète Rouge aurait acquis l'atmosphère de la nébuleuse solaire après le refroidissement de l'océan de magma. On reviendra sur la formation de Mars.

Les nouveaux résultats suggèrent que la croissance de Mars s'est achevée avant que le rayonnement solaire ne dissipe la nébuleuse solaire.

NWA 7034 alias "Black Beauty" présentée ci-dessous à gauche fut découverte en 2011 à Rabt Sbayta, dans le sud du Maroc par des nomades marocains. Le fragment pèse 320 g. Sa découverte fut décrite dans la revue "Science" en 2014 (voici un extrait). Cette météorite s'écrasa sur Terre il y a plus de 5 millions d'années. Deux autres petits fragments NWA 7475 et NWA 7533 dont voici une photo d'ensemble furent également découverts.

NWA 7034 fut d'abord achetée par Aziz Habibi, un vendeur marocain de pierres précieuses qui la vendit ensuite au collectionneur américain Jay Piatek qui la revendit à son tour à Naveen Jain, le patron d'une entreprise de technologie. La valeur marchande d'une météorite aussi rare est de l'ordre de 10000$ le gramme. Ensuite, un fragment fut acheté à des fins scientifiques par Martin Bizzarro, cosmochimiste à l'Université de Copenhague, pour quelque 500000 $. On y reviendra à propos du soi-disant "bombardement tardif". Etant donné l'intérêt scientifique de cette météorite, son marchandage fit scandale.

Une autre SNC encore plus intéressante est la météorite de Tissint tombée au Maroc en 2011. Elle contient notamment des composés organiques de magnésium qui n'ont jamais été détectés dans des échantillons martiens auparavant. Elle contient aussi des acides carboxyliques ramifiés aliphatiques (aldéhydes et polyaromatiques), des composés ayant des structures similaires aux acides aminés qui composent les protéines. On y reviendra en bioastronomie.

A consulter : Description des météorites martiennes, IMCA

NWA 7034

NWA 6162

NWA 5789

Documents NASA/JPL-Caltech/UCLA/DLR/IDA, Meteoriten et Norbert Classen.

Comment sait-on que certaines météorites proviennent de Mars ?

La question a en effet soulevé bien des discussions. L'analyse de la croûte d'une météorite ne donne aucune indication sur son origine. Elle est fondue et ses éléments ont été réorganisés chimiquement ou physiquement. Elle ne témoigne que de la friction atmosphérique et de la nature de ses composants, plus ou moins volatils ou oxydables.

Le basalte dont la météorite est composée n'est pas non plus un indicateur très probant car il est commun à la plupart des corps célestes, sous différentes colorations, du gris clair au noir. Sa structure microscopique pourrait éventuellement nous mettre sur la voie. Ce sont en fait les gaz qui déterminent l'origine des SNC.

Origine des aérolites

La proportion des isotopes de l’oxygène 17O/18O dans les météorites (cyan et bleu) est différente de celle des roches terrestre et lunaire. Cela suggère que ces roches ne se sont pas formées de la même manière que la Terre. Les météorites SNC proviendraient de Mars. Adapté de "Mission to the Moon", ESA SP-1150, 1992.

Les gaz atmosphériques emprisonnés dans les SNC au cours de la fusion (sauf la météorite de Chassigny qui contient des gaz du manteau de Mars) présentent des propriétés similaires aux isotopes analysés dans l'atmosphère martienne par la mission Viking en 1976. Ces météorites contiennent de petites quantités d'eau dont le rapport isotopique de l'oxygène diffère de celui mesuré dans l'eau terrestre. Tous ces indices suggèrent non seulement que ces météorites viennent de Mars mais que cette planète contenait autrefois beaucoup plus d'eau, transformant ces SNC en carbonates.

Plus étonnant encore, après analyse il s'avère que l’échantillon ALH84001 contient des minéraux carbonés qui d'ordinaires précipitent en présence d'eau sous forme liquide. Il présente également des grains de cristaux de magnétites similaires en forme et dimension à ceux produits par certaines bactéries terrestres. Mais nous n'avons pas dit qu'il s'agissait des traces du métabolisme d'organismes vivants... La question est toutefois ouverte et souleva dès sa publication un large débat qui n'est pas encore clôturé.

L'angrite NWA 7034 et l'eau de la Terre

Les analyses de la météorite NWA 7034 "Black Beauty" indique qu'il s'agit d'une achondrite de la famille des angrites. C'est une roche composée de ~38% de feldspath plagioclase (silicate), d'olivine, de pigeonite, d'augite et de métaux (rutile, chromite, pyrite, oxyde de fer, etc) noyés dans une masse à grain très fin et présentant des vésicules. Les analyses effectuées par Julia Cartwright du CMS et l'équipe de Francis McCubbin de l'Université du Nouveau Mexique indiquent qu'elle contient notamment du pyroxène à faible teneur en Ca (~25%) comme les shergottites mais également beaucoup de magnétite, de maghémite et d'autres éléments différents de celui du groupe SNC.

A ce jour, c'est la seule météorite martienne qui ne soit pas une SNC. En effet, NWA 7034 est composée de brèches et de basalte fondu provenant de la croûte martienne (cf. K.M. Cannon et al., 2016; Z.Deng et al., 2020). Riche en eau (abondance de 6000 parties par million soit 0.6%), ses constituants ont interagi avec la surface de Mars ou de l'eau superficielle il y a 2.1 milliards d'années.

Nous verrons à propos de l'origine de l'eau de la Terre que les angrites comme NWA 7034 se sont formées dans la partie interne du système solaire il y a environ 4.56 milliards d'années. Des analyses ont montré que l'eau trouvée dans cette météorite et l'eau de la Terre primitive proviennent de la même source. Les chercheurs estiment que ce type de météorite a pu apporter une fraction sensible de l'eau de la Terre durant les deux premiers millions d'années de son existence. On y reviendra.

Fréquence des impacts des SNC sur Terre

Selon une étude publiée dans la revue "Science Advances" en 2023 par Jinping Hu du Caltech et ses collègues du JPL, les gros impacts martiens éjectent plus facilement qu'on le croyait des roches dans l'espace, ce qui explique l'origine de certaines météorites SNC (lire aussi le communiqué du Caltech).

Au cours d'expériences réalisées en laboratoire, les chercheurs ont découvert que la force nécessaire pour éjecter les roches de la surface de Mars qui finissent par tomber sur Terre est en réalité beaucoup plus faible qu'on ne le pensait.

Il s'avère également que les météorites martiennes renferment des données sur leur voyage de la planète Rouge à la Terre. La maskelynite par exemple, un matériau vitreux, se forme lorsque le plagioclase minéral est exposé à des pressions extrêmes telles que celles générées par des impacts géants. Cela signifie que la découverte de maskelynite dans une roche peut indiquer les types de pressions auxquels elle fut exposée. Ainsi, les météorites SNC analysées entre 2017 et 2022 contenaient un mélange de plagioclase et de maskelynite qui impose des contraintes sur l'intensité de la pression qu'elles subirent.

A gauche, diagramme pression-température de la formation de maskelynite dans des roches terrestres explosées en laboratoire par des tirs à Mach 5 et dans des météorites martiennes. Au centre, résultats de la mesure de l'équation d'état d'Hugoniot du basalte de Saddleback ajusté dans l'espace pression-volume (P-V) avec indication des régimes basse pression (BP), phase mixte et haute pression (HP). D'autres basaltes montrent un comportement similaire, bien que ne correspondant pas exactement au basalte de Saddleback. A droite, microphotographies d'un basalte de Saddleback choqué en laboratoire (échantillon S1240 choqué à 15.8 GPa dont une région subit un choc réfléchi à 21.7 GPa. En (D), image en polarisation croisée non orthogonale d'une maskelynite partielle dans la shergottite NWA 8159. Consultez l'article académique de J.Hu et al. (2023) pour plus de détails.

Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont écrasé des roches terrestres contenant du plagioclase pour observer comment les hautes pressions transforment le minéral. Pour ce faire, les chercheurs ont fait exploser des roches avec des projectiles lancés à Mach 5 soit ~6174 km/h ou ~1.7 km/s afin de simuler les types de pressions que subiraient les roches éjectées de Mars.

Des expériences antérieures ont montré que le plagioclase se transformait en maskelynite à une pression de choc de 30 GPa. Mais durant ces tests, les ondes de choc se sont réfléchies sur les parois d'une chambre en acier, ce qui ne donne pas une image précise de ce qui se passe réellement lors d'un impact sur Mars.

Dans ces nouvelles expériences, en évitant que la chambre en acier ne réfléchisse les ondes de choc, les chercheurs ont découvert que la transition entre le plagioclase et la maskelynite se produisait en fait à seulement 20 GPa. Dans un communiqué, Paul Asimow, professeur de géologie et de géochimie à Caltech Eleanor et John R. McMillan ont déclaré que "cela fut un défi important de modéliser un impact capable d'éjecter des roches intactes de Mars tout en les choquant à 30 GPa. Dans ce contexte, la différence entre 30 GPa et 20 GPa est significative."

Les résultats sont conformes aux observations d'autres minéraux à haute pression trouvés dans des météorites qui soutiennent l'idée que les météorites martiennes subissent des pressions de choc inférieures à 30 GPa lors de leur éjection de la planète Rouge. Armés de ces nouveaux paramètres de pression de choc, les chercheurs pourraient éventuellement retracer les météorites SNC jusqu'aux impacts géants qui les ont initialement éjectés dans l'espace.

Asimow conclut : "Plus nous pouvons caractériser avec précision les pressions de choc subies par une météorite, plus il devient probable que nous puissions identifier le cratère d'impact sur Mars dont elle est issue."

Origine de NWA 7034

Bonne nouvelle, dans deux articles publiés dans la revue "Nature Communications" en 2021 et 2022, Anthony Lagain, planétologue de l'Université de Technologie Curtin à Perth en Australie et ses collègues ont vraisemblablement découvert l'origine de certaines météorites martiennes récoltées sur Terre dont celle de NWA 7034.

Le cratère d'impact martien Tooting de 27.2 km de diamètre situé dans Amazonis Planitia, dans la région volcanique de Tharsis. Document USGS.

Les chercheurs ont compilé une nouvelle base de données de 90 millions de cratères d'impacts et grâce à un algorithme d'apprentissage automatique et des ressources capables de gérer les térabytes de données planétaires (cf. le CIC), ils ont pu déterminer les points d'origine d'éjections potentielles des météorites martiennes trouvées sur Terre.

Selon Gretchen Benedix, coauteur de cette étude, sans l'aide de l'intelligence artificielle "nous n'aurions pas pu reconnaître les plus jeunes cratères sur Mars sans compter les dizaines de millions de cratères de moins d'un kilomètre de diamètre."

Selon Lagain, "En observant les champs de cratères secondaires ou les petits cratères formés par les éjecta expulsés hors du plus grand cratère formé récemment sur la planète Rouge, nous avons découvert que le cratère Tooting situé dans la région de Tharsis est la source la plus probable des shergottites éjectées de Mars il y a 1.1 million d'années."

Le cratère d'impact Tooting (23.4°N, 207.5°E) présenté à gauche mesure 27.2 km de diamètre et s'est formé il y a 3 à 5 millions d'années dans la plaine d'Amazonis, une surface plane couverte de lave située à 1300 km à l'ouest du volcan bouclier d'Olympus Mons (cf. P.J. Mouginis-Mark et J.M. Boyce, 2012).

Selon Benedix, "Cette découverte implique que des éruptions volcaniques se sont produites dans cette région il y a 300 millions d'années, ce qui est très récent à l'échelle des temps géologiques. Elle fournit également de nouvelles informations sur la structure de la planète, sous cette province volcanique."

Pour la première fois, le contexte géologique d'un groupe de météorites martiennes est accessible aux chercheurs, 10 ans avant que la mission Mars Sample Return de la NASA ne renvoie des échantillons collectés par le rover Perseverance. On y reviendra à propos de la composition du sol et de la couleur noire des roches martiennes.

NWA 7325, une météorite provenant de Mercure ?

Selon un article publié dans la revue "Geochimica et Cosmochimica Acta" en 2017, Cyrena A. Goodrich du LPI et ses collègues ont analysé la météorite NWA 7325, une achondrite non groupée caractérisée par une croûte de fusion verte vendue par un marchand dans le sud du Maroc en 2012. Selon certains chercheurs, il s'agirait de la première météorite connue provenant de Mercure (cf. A.J. Irving et al., 2013) bien qu'il existe une petite probabilité qu'il s'agisse d'un échantillon de l'une des premières croûtes d'astéroïdes (cf. J.A. Barrat et al., 2015).

Pour rappel, au cours de la formation du système solaire, les planétésimaux se sont accrétés pour former les planètes. Ils ont subi une différenciation gravitationnelle et ont développé un effet dynamo dans leur noyau liquide en rotation qui a produit un faible champ magnétique. Cette signature paléomagnétique est détectable dans toutes les météorites achondritiques étudiées à ce jour à des intensités de l'ordre de quelques centaines de microteslas. Cette force magnétique reflète les champs magnétiques de surface du corps parent au moment de sa formation. Dans le cas de NWA 7325, suite à son refroidissement lors de son long séjour dans l'espace interplanétaire, son champ magnétique est devenu négligeable, inférieur à ~1.7 µT. Cette valeur est comparable à l'intensité du champ magnétique à la surface de Mercure telle que la mesurée la sonde spatiale Messenger entre 2004 et 2015 (bien qu'à l'équateur son champ magnétique atteigne 400 nT).

A gauche, la météorite NWA 7325, la seule météorite provenant peut-être de Mercure ou d'un corps parent. Sa croûte de fusion est verte. A droite, les rapports isotopiques de l'oxygène dans différentes achondrites. Les plages des météorites HED, de météorites martiennes (Mars) et d'échantillons du manteau terrestre et lunaires (Earth-Moon) sont également représentées sous forme de zones ovales ainsi que les zones de chondrules minérales primitifs (PCM). Documents via LPI et C.A. Goodrich et al. (2017).

Mais une météorite peut-elle réellement provenir de Mercure ? Analysons brièvement la dynamique du transfert des éjecta de Mercure vers la Terre. Sur Mercure la vitesse de libération est de 4.2 km/s (contre 11.2 km/s sur Terre, 5.0 km/s sur Mars et 2.4 km/s sur la Lune). Mais cela ne suffit pas pour libérer l'éjecta de l'attraction de la planète car vu sa proximité du Soleil (~0.38 UA) il faut également vaincre la force d'attraction du Soleil et des effets de friction à l'échelle microscopique, ce qui impose une vitesse d'éjection minimale d'au moins 6.2 km/s. Au total, pour arriver sur la Terre, les éjecta doivent être animés d'une vitesse d'au moins 20 km/s, ce qui est tout à fait concevable. Pour rappel, les essaims de météores sont animés d'une vitesse comprise entre 23 et 71 km/s selon les essaims.

Mais il reste des inconnues car la dynamique du transfert de Mercure vers la Terre est à la fois mal connue et plus complexe que le transfert depuis la Lune ou Mars. Ceci dit, la probabilité de trouver une météorite provenant de Mercure semble plus élevée qu'on ne le pensait mais il est difficile d'être plus précis à partir d'un seul éventuel cas et de simulations approximatives.

Dans l'éventualité où cette météorite ne proviendrait pas de Mercure, selon différentes études, la taille du corps parent était significative, comprise entre au moins 200 km et plus de 540 km (cf. A.R. Sarafian et al., 2017; Meteorites Studies), soit de la taille de l'astéroïde Vesta.

NWA 7325 partage avec NWA 11119 une composition isotopique similaire en oxygène et un âge comparable pour les métaux Al-Mg qu'on retrouve également dans les clastes des météorites d'Almahatta Sitta (MS-MU-011/ALM-A et MS-MU-035). Pour rappel, NWA 11119 est une météorite ignée qui proviendrait d'un volcan qui aurait été actif sur un astre parent il y a plus de 4.56 milliards d'années.

Les tectites

Ces objets ne sont pas des météorites mais des éjecta fondus. Il s'agit de petites sphérules noires en forme de goutte ou alongées de quelques centimètres de longueur.

Les tectites contiennent principalement de la silice (64-73% de SiO2), relativement peu de sodium (0.8-1.3% de Na2O) et de potassium (0.3-2.3% de K2O) mais sont enrichies en magnésium (2-21% de MgO), en aluminium (7-12% de Al2O3) et en fer (4-8% de FeO).

Les tectites s'apparentent à l'obsidienne terrestre d'origine volcanique mais présentent peu de métaux alcalins. Elles tombèrent en essaims, formant des champs de tectites très localisés. On en retrouve sur l'île du Cap, au large du Ghana, dans la région qui va du Texas aux Caraïbes, au sud et à l'ouest de l'Australie, dans l'océan Indien ainsi qu'à Bornéo, au Viêt-Nam, etc.

 Les tectites ont rarement été associées à la chute de météorites récentes mais certaines furent trouvées près de cratères météoritiques fossiles (Côte d’Ivoire, Rép.Tchèque, etc). Les plus jeunes échantillons sont tombés sur Terre il y a 800000 entre le sud de la Chine, l'archipel Malais et la Tasmanie.

Des microtectites (< 2 mm) furent également découvertes en Belgique dans des roches remontant à 367 millions d'années suggérant qu'il y eut un impact météoritique important associé à une extinction de masse survenue au cours du Dévonien supérieur (374-360 Ma).

En dehors des inclusions, les spécimens les plus anciens remontent à environ 15 millions d'années (Moldavite) et même à 35 millions d'années.

Les tectites

Tectites

Moldavite

Moldavite, 5.7g

Les tectites ont subi une double fusion. Pour expliquer ce phénomène, plusieurs hypothèses ont été proposées. L'une d'elle considère qu'avant d'arriver sur Terre, les tectites ont pu être éjectées suite à l'impact d'une météorite sur la Lune. Une autre théorie fait valoir l'éventuelle explosion d'un planète qui forma les astéroïdes. Enfin, la plus probable les lie à une vitrification terrestre survenue suite à l'impact d'une météorite; la première fusion survenue sous l'impact a réduit la roche à l'état de verre tandis que la seconde a pu se produire lorsque les éjecta furent propulsés dans l'atmosphère et retombèrent sous forme de gouttes incandescentes, n'affectant cette fois que les couches externes de la tectite.

Des champs de tectites ont été découverts sur toute la planète à l'exception de l'Antarctique et de l'Amérique du Sud. Leur nom varie selon leur origine. On en a découvert en Australie (australites), en Géorgie (USA, georgiaïtes), au Viêt-Nam (Muon Nong), aux Philippines (philippinites), en Indochine (indochinites), à Bornéo (billitonites), à Java (javaïtes), etc.

Si la majorité des tectites mesurent quelques centimètres et pèsent quelques dizaines de grammes, il existe des spécimens pesant plusieurs kilos. Le record est détenu par une tectite de type Muong Nong découverte quelque part en Indochine (Birmanie, Viêt-Nam ?) pesant ~29 kg (cf. Tektites).

La moldavite

C'est une roche de la famille des tectites. Il s'agit d'éjecta formés par des sédiments tertiaires portés à haute température et pression où ils furent vaporisés puis recondensés sous une forme vitreuse.

La moldavite est composée de silice (dioxyde de silicium) vitreuse de couleur verte, verte-olive ou vert-de-gris formée suite à l'impact d'une météorite dans l'ouest de la Bavière, en Allemagne, survenu il y a environ 15 millions d'années (cf. le cratère de Nördlinger Ries). On en a également découvert en République Tchèque datant de 14.6 millions d'années.

La bédiasite

Un fragment de bédiasite de 15 g.

Ce sont des tectites présentant généralement une forme sphéroïdale, une surface noire rugueuse et peu érodée par les intempéries. Quelques spécimens présentent une forme aérodynamique ou ressemblent à des tectites vitreuses de type Muong Nong.

La première bédiasite fut découverte en 1936 dans l'est du Texas, près de la ville de Bedias. Depuis, on en a découvert dans au moins neuf comtés qui couvrent une superficie de 18000 km2. Le plus gros spécimen de bédiasite pèse plus de 200 g. 

L'analyse de carottages renforce l'idée que les bédiasites sont des éjecta provenant de l'impact de la baie de Chesapeake remontant à environ 35.5 millions d'années. Deux champs d'Amérique du Nord sont associés à cet impact : les bédiasites noires du Texas et les georgiaïtes vertes de Géorgie.

Le verre de Libye

Des champs de "verre de Libye" furent découverts en 1932 à la frontière entre l'Égypte et la Libye (cf. Mindat), dans la "Grande Mer de Sable" du désert libyque. Il s'agit également d'éjecta fondus se présentant sous forme de fragments vitrifiés contenant jusqu'à 98% de silice. Leur dimension moyenne varie entre quelques millimètres à plusieurs centimètres de longueur. Le verre de Libye est généralement très pur, translucide, avec des couleurs variant du jaune laiteux au vert pâle. L'un des plus grands spécimens pèse 26 kg et est exposé au Museum National d'Histoire Naturelle de Paris.

En général, les échantillons de surface sont petits, érodés et translucides. Leur couleur claire permet de les identifier rapidement sur le sable, même mélangés à d'autres roches qui sont généralement très sombres comme illustré ci-dessous. Leur surface est lisse et parfois alvéolée. Mais si on creuse dans le sable, on peut découvrir des fragments plus massifs et moins érodés, présentant des arrêtes vives ou des échancrures parallèles dont le côté exposée à l'air est translucide et le côté caché opaque.

Après analyse, on découvrit qu'une pierre de Libye décore un élément du pectoral de Touthankhamon (1343-1323 avant notre ère) exposé au Grand Musée Egyptien (GEM) situé près de Gizeh. Notons que des outils néolithiques datant de 9000 ans BP furent également fabriqués dans du verre de Libye.

Comment ce verre fondu s'est-il formé ? Les analyses chimiques de John Wasson de l'UCLA indiquent que le verre de Libye contient une variété de grès fondu et d'autres éléments d'origine terrestre. En particulier des silicates comme des cristaux de tourmaline elbaïte, de la lechateliérite et de la wollastonite (CaSiO3) qui ne se forment qu'à très haute température, des zircons (ZrSiO4) dont certains se sont dégradés en baddeleyite (ZrO2) sous une température supérieure à 1676°C, de l'enstatite (MgSiO3) formée à haute pression (> 20 GPa) et enfin, des zircons et des quartz choqués caractéristiques d'un violent impact. La viscosité du verre de Libye (109 Pa.s à 1700°C) se situe entre celle des moldavites et des tectites d'Asie du Sud-Est.

Des fragments de verre de Libye. Les plus petits fragments ne pèsent que quelques grammes. Ci-dessous à gauche, le scarabée ornant le pectoral de Touthankhamon fut sculpté dans du verre de Libye. Documents A.-M. et M. Detay, Corbis, GEM, R.Haag et D.R.

Plus intéressant, le verre de Libye contient parfois des microbulles de 0.2 à 0.5 mm de longueur qui rendent le verre plus ou moins opaque. Elles sont parfois alignées, caractéristiques d'un fluide ayant subi un écoulement préférentiel. Il contient aussi des sphérules de cristobalite (du SiO2 avec des traces de métaux) qui témoignent d'une dévitrification du verre qui s'est refroidi avant de toucher le sol (on estime que la cristobalite formait une couche de l'ordre de 1 mètre d'épaisseur).

Enfin, il contient des traces d'impuretés comme des schlieren (des inclusions striées ou irrégulières) de couleur foncée contenant des éléments sidérophiles (Fe, Co, Ni) et de l'iridium.

Sachant qu'aucun volcan ni autre évènement terrestre ne produit de telles caractéristiques, on en déduit déjà que le verre de Libye s'est formé suite à l'impact d'une météorite ou l'explosion d'un météoroïde. Cet évènement est survenu il y a 29 millions d'années.

L'origine de ces roches vitrifiées serait liée à un impact météoritique et non à une explosion atmosphérique comme on l'a longtemps supposé du fait qu'on n'a jamais trouvé le cratère d'impact (cf. Cavosie et Koeberl, 2019). Toutefois d'après ses simulations informatiques, Mark Boslough du LANL reste persuadé que l'objet explosa dans l'atmosphère. En effet, on retrouve des structures et des états de la matière similaires aux explosions de la Tunguska et de la bombe de Trinity qui tous les deux explosèrent au-dessus du sol.

De nos jours, le verre de Libye couvre une superficie de 6500 km2, mais sachant qu'il y a plusieurs dizaines de milliers d"années il y avait des lacs à cet endroit, on pense qu'au fil du temps les débris ont été déplacés et se sont éparpillés et recouvraient une bien plus petite surface à l'époque.

Les simulations de Boslough montrent qu'un astéroïde de 120 m diamètre aurait explosé en altitude. Il engendra une boule de feu qui porta la température au sol à 1800°C accompagnée d'une onde de choc qui détruisit tout sur plusieurs dizaines voire une centaine de kilomètres à la ronde. L'explosion libéra un jet de plasma qui s'étendit au-delà de l'atmosphère où il forma une boule de plasma, à l'image de la collision du fragment G de la comète SL-9 avec Jupiter. L'explosion libéra une énergie au moins 1000 fois supérieure à l'explosion de la Tunguska en 1908, soit plus de ~20 GT de TNT !

Dernier chapitre

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