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Dans la bibliothèque de LUXORION

Le quartier général de la National Geographic Society à Washington, D.C. depuis 1981. Document Wikimedia rectifié par l'auteur.

L'histoire du National Geographic

La National Geographic Society (NGS) est une société scientifique à vocation éducative sans but lucratif qui fut fondée le 27 janvier 1888 par Gardiner G. Hubbard à Washington, D.C. L'équipe était constituée de 33 personnes parmi lesquelles des professeurs, des scientifiques, des chercheurs, des militaires et des chefs d'entreprises dont Charles J. Bell, cousin de Graham Bell, qui fut son premier trésorier.

L'association scientifique s'était fixée pour objectif "d'accroître et diffuser les connaissances géographiques tout en promouvant la préservation des ressources culturelles, historiques et naturelles du monde."

En mars 1998, John M. Fahey, président actuel de la National Geographic Society révisa cet objectif en définisant la devise de la NGS : "inspirer le désir de protéger la planète."

Le magazine, vecteur de connaissances

La première revue scientifique est britannique, ce sont les "Philosophical Transactions of The Royal Society" dont voici le sommaire du premier numéro publiées pour la première fois à Londres le 6 mars 1665 par le premier secrétaire de la Royal Society, Henry Oldenburg. C'est la plus ancienne revue scientifique au monde. Il faudra attendre 1880 pour que soit publiée la revue américaine "Science" et 1869 pour que soit publiée la revue britannique "Nature". Ces revues s'adressent aux chercheurs mais également à un public d'amateurs avertis.

C'est à la fin du XIXe siècle que de nombreuses associations et institutions à travers le monde publièrent leur propre bulletin d'information, annale et autre proceeding comme il en existe encore aujourd'hui. Ces magazines au contenu très technique étaient avant tout destinés à un public de connaisseurs.

Quant aux libraires, on y trouvait peu de magazines de vulgarisation scientifique ou sur la géographie mondiale, encore moins en langues étrangères. A cette époque il existait très peu de magazines vulgarisant les sciences. Il y avait "Scientific American" fondé en 1845, "Popular Science" fondé en 1872 et "Popular Mechanics" fondé en 1902. La plupart des autres magazines apparurent plus d'une génération plus tard.

Pour être complet, rappelons qu'en France la revue "Le Tour du Monde - Journal des Voyages" fut fondée par Hachette en 1900 et traitait de la géographie et des grands évènements mondiaux.

A ne pas confondre avec le "Journal des Voyages" (et des aventures de terre et de mer) qui était un hebdomadaire proposant des romans à la Jules Verne de 1877 et 1915. Remanié après-guerre, la Nouvelle série se consacra à la vulgarisation scientifique à partir de 1946 (voici quelques exemplaires).

Le mensuel "Science & Vie" publia son premier numéro le 1er avril 1913. La première version française de "Popular Mechanics" (Mécanique Populaire) sortit en juin 1946 (voici un exemplaire de 1950) et "Science & Avenir" fut fondé en 1947. La plupart des magazines que nous lisons aujourd'hui sont apparus après 1950.

Les magazines anglo-saxons étaient distribués par souscription et en kiosque. Leur équipe rédactionnelle était constituée de journalistes spécialisés en contact étroit avec la communauté scientifique. Cette organisation sera reprise ultérieurement par la plupart des éditeurs de magazines. De nos jours, les revues "Science", "Nature" et autre "PNAS" ne sont proposées que par souscription. Elles sont également proposées en libre accès dans les grandes bibliothèques.

Depuis 1863, il existait également les "Memoirs" de l'Académie Nationale des Sciences américaine (NAS) qui publait notamment le compte-rendu de missions scientifiques dans des domaines aussi variés que la géographie, la géologie ou l'astronomie. Mais de nouveau, cette revue s'adressait d'abord aux scientifiques et dans une moindre mesure à un club très fermé d'amateurs éclairés.

Fondation de la National Geographic Society en 1888. Peinture de Stanley Meltzoff.

Conclusion, très peu de magazines de cette époque publiaient des reportages scientifiques illustrés destinés au grand public, entendons les aristocrates et les fonctionnaires qui avaient le temps de s'instruire et de profiter des loisirs.

C'est dans cette niche culturelle laissée pratiquement en friche que dès sa première année d'existence, la NGS publia le fameux "National Geographic Magazine" décrivant ses activités. La revue était vendue par souscription et au numéro dans des kiosques locaux.

A l'époque de Gardiner Hubbard, le magazine était très sobre et contenait des articles très techniques consacrés à la géographie, à l'exploration de territoires méconnus des Américains, à la géologie, à la météorologie, à l'océanographie et à quelques phénomènes célestes comme les éclipses totales du Soleil décrits de manière très narrative.

Le premier numéro de 1888 contenait plusieurs planches en couleurs représentant des cartes météorologiques et fut distribué à 200 membres.

Les deux premiers numéros contenaient également plusieurs pages consacrées au secrétariat de la société ainsi que la liste des membres. Par la suite, ces informations ne figureront plus dans le magazine à l'exception des coordonnées des principaux services.

Les deux premières années, le National Geographic Magazine fut tiré à 1200 exemplaires par mois et vendu 50 cents pièce pour rapidement passer à 25 cents et contenir environ 70 pages brochées en 1891.

Pendant les huit premières années, le magazine fut publié épisodiquement et était très austère. Sur les 100 pages qu'il contenait, on comptait moins de 5 planches illustrées.

En 1896, le National Geographic devint un magazine mensuel mais encore passablement austère et au tirage très réduit. Sur les 68 pages qu'il contenait, il n'y avait que 3 ou 4 planches en noir et blanc, parfois une planche en couleurs (généralement une carte) et déjà quelques pages de publicité.

En 1898, Bell fut nommé à la présidence de la société. En 1899, le premier rédacteur en chef fut Gilbert H. Grosvenor, un jeune professeur de 23 ans talentueux et ambitieux qui occupa le poste de président de 1920 à 1954. Son fils Melvin assura sa succession.

C'est en 1905 que le sommaire du magazine imprimé sur la première page de couverture fut encadré façon art-déco et que son tirage fut porté à 10000 exemplaires par mois. Chaque numéro comprenait environ 60 pages illustrées.

Néanmoins, Grosvenor constata que les invendus s'accumulaient dans les archives de la NGS; il fallait réagir et proposer aux lecteurs de la nouveauté et notamment encore plus de photographies et si possible en couleurs. Mais pour atteindre cet objectif, la NGS devait trouver encore plus de sponsors.

En 1908, les photographies occupaient déjà la moitié du magazine et bientôt les publicités allaient envahir les dix à quinze premières et dernières pages.

Le fameux cadre jaune souligné de feuillage apparut en 1910, d'abord jaune-crème puis plus saturé comme on le connaît aujourd'hui. Autre différence qui frappe le lecteur, le papier d'époque était deux fois plus épais qu'aujourd'hui, rendant le magazine beaucoup plus rigide.

Evolution des couvertures du National Geographic jusqu'à son 125e anniversaire

1888 1896 1900 1901 1905 1910 1943 1962 2013

Durant les premières décennies, tous les quatre mois une carte géographique traitant d'un pays ou d'un sujet particulier était offerte avec le magazine. Cette habitude s'est conservée mais à un rythme nettement moins soutenu.

Les premières photographies en couleurs apparurent en 1910 par le truchement de plaques de couleurs. Les magazines publiant des photographies en couleurs étaient tellement rares que le National Geographic le mentionnera sur sa couverture jusqu'en 1959.

La première couverture incrustant une photographie en couleurs parut en juillet 1943 avec le drapeau américain. Le National Geographic perdit son substantif "Magazine" en 1960 et fut définitivement imprimé en couleurs à partir de 1962.

C'est également partir de 1962 que le cadre feuillu se rétrécit au profit de la photo de couverture pour totalement disparaître en 1979 et s'harmoniser avec le logo de la NGS.

Enfin, déjà en 1905, pour renforcer les feuillets reliés et collés, les éditeurs avaient pris l'habitude d'ajouter deux agrafes le long de la marge, ce qui abîmait de temps en temps la couverture au point de la déchirer de l'agrafe jusqu'au sommet. Cette technique d'un autre âge ne sera pourtant abandonnée qu'en 1995.

Budget et publicité

Même épaulé par des mécènes ou l'état, un magazine doit offrir un bilan financier en équilibre au risque de disparaître. Un magazine ne peut pas survivre s'il n'atteint pas un nombre suffisant de clients et encore moins sans publicité, et le National Geographic n'a pas échappé à cette règle.

Les reporters du National Geographic ont rapidement été reconnus internationalement pour la qualité de leurs travaux et l'institution reçut très tôt le soutien financier de l'état, de mécènes et d'industriels.

Selon le rapport annuel publié en 2013, les dons du gouvernement et des fondations représentaient 34% du budget de la NGS, les dons des particuliers 46% tandis que les fonds propres s'élevaient à 20% du budget.

Dès les premières années, les sponsors étaient des industriels comme les constructeurs automobiles dont Ford, des banquiers, des fabricants de produits alimentaires, d'articles d'habillement, les cigarettiers et les voyagistes.

En 1905, sur les 60 pages du magazine il n'y avait que 6 publicités distribuées sur les trois dernières pages. Signe des temps, dix ans plus tard, sur les 100 pages que comprenait le magazine, 25 pages étaient réservées à la publicité !

Pour l'anecdote, le National Geographic publia la première publicité pour Coca-Cola en 4e page de son magazine en avril 1933.

Aujourd'hui la publicité représente 18% du prix du magazine, bien en dessous des 50% qu'on retrouve en général dans l'industrie de la presse américaine. Selon Lucy Aitken du magazine "Campaign", l'un des sponsors les plus fidèles du National Geographic est le fabricant japonais Canon qui a investi plus de 50 millions de dollars dans le magazine entre 1981 et 2004.

A titre d'information, en 2013 Lockheed Martin Corp., la NSF et Shell ont offert chacun plus d'un million de dollars, suivis par Google, Oracle, Rolex et Verizon Foundation qui ont chacun offert plus de 250000$ et des centaines de particuliers ont offert entre 500$ et 250000$ à la NGS.

En 2013, le bilan de l'entreprise affichait un chiffre d'affaires de 1.2 milliard de dollars, soit trois fois plus qu'en 2006 ! Grâce à cette manne financière, depuis sa fondation, la National Geographic Society a sponsorisé plus de 11000 projets de recherche et d'exploration, les plus grandes expéditions scientifiques et exploits sportifs.

On retrouve ainsi le drapeau de la National Geographic Society au Tibet en 1905, au Pôle Nord en 1905 et en 1909, on retrouve ses reporters auprès des explorateurs dans la cité Inca de Machu Picchu entre 1911 et 1915, à Chichen Itza en 1925, en Antarctique en 1929, participant à la découverte des premiers hominidés auprès de Richard Leakey dans les années 1950, au sommet du mont Everest en 1963, dans la soucoupe du commandant Cousteau en 1973, près du Titanic en 1985 ou auprès des astronomes scrutant les confins de l'univers dans les années 2000.

Dans les années 1920, la National Geographic Society a également permis de créer le Sequoia National Park en Californie et le Carlsbad National Monument au Nouveau-Mexique et finança le premier vol au-dessus du Pôle Sud de l'Amiral Robert E. Byrd.

La NGS a également aidé les Forces Alliées durant la Seconde guerre mondiale. En effet, elle publia des cartes détaillées de tous les théâtres d'opérations d'Europe et du Pacifique. En 1944, ses cartes du Japon furent utilisées pour planifier les offensives aériennes.

A lire : Milestones: Les dates clés du National Geographic

A gauche, la photographe et pilote de sous-marin Erika Bergman photographiée par Barry Bishop. A droite, Barry Bishop photographié au sommet de l'Everest par Luther Jerstad. Son reportage fut publié dans le National Geographic d'octobre 1963. Documents NGS.

Direction

Melville Bell Grosvenor dirigea la NGS à partir de 1957 et durant 33 ans, respectant la philosophie de son aïeul. Le magazine passa ensuite entre les mains de son fils Gilbert Melville Grosvenor en 1970. La dynastie Grosvenor prit fin en 1980 avec la nomination de Wilbur E.Garrett au poste d'éditeur en chef, Gilbert Melville Grosvenor devant président la Société.

C'est en 1981 que la NGS construisit le bâtiment de son nouveau quartier général à Washington, D.C, qui lui coûta 30 millions de dollars qu'elle paya cash.

Aujourd'hui la NGS est gérée par un conseil d'administration de 23 membres, composé d'intellectuels, d’enseignants, de chefs d’entreprises, d’anciens membres du gouvernement et de directeurs de musées. Son président actuel est John M.Fahey, Jr, son CEO Gary Knell et depuis juillet 2014 son éditrice en chef est Suzan Goldberg.

11 millions d'images

Si aujourd'hui, chacun peut trouver toutes les images qu'il désire en cherchant sur Internet, y compris sur les réseaux sociaux d'Instagram et autre Flickr, en 1905 ou 1910, mis à part quelques encyclopédies, atlas et cartes postales, il était difficile de trouver des documents iconographiques.

La force du National Geographic est qu'il offre chaque mois depuis 1905 entre 60 et 100 pages de reportages illustrés.

C'est ainsi que la NGS a réalisé quelques documents d'anthologie en offrant par exemple aux lecteurs les premières photos du Palais du Potala à Lhassa en janvier 1905, la première photo du Sphinx en octobre 1922, le premier poster de la courbure de la Terre en mai 1936, les premières photographies en couleurs des nébuleuses et des galaxies en mai 1959, la première carte du plancher océanique en octobre 1967 (puis 1968 et 1969), les photos couleurs de la mission Apollo 11 en décembre 1969, sans oublier de magnifiques cartes du ciel, de la Lune, de Mars, de la Galaxie ou de l'Univers.

A ce jour, les archives du National Geographic comprennent plus de 11 millions d'images ! Plus de 8 millions d'abonnés reçoivent chaque mois le magazine qui est lu par plus de 450 millions de lecteurs à travers le monde. La moitié d'entre eux résident aux Etats-Unis.

A voir : Celebrating 125 years

Pictures: Historic Firsts for National Geographic

Editeur et sponsor

La National Geographic Society a également une importante activité éducative à travers sa filiale sans but lucratif National Geographic Ventures. Elle finance quelque 60 projets éducatifs chaque année, édite dix magazines et de nombreux livres chaque année. 

En 1981, la NGS proposa d'éditer ses livres sous forme de vidéos et en 1990 elle publia un logiciel d'édition multimédia baptisé "GTV" en collaboration avec Lucasfilm et Apple Computer. "GTV" permet aux écoles de consulter des leçons interactives sur l'histoire des Etats-Unis. Depuis le milieu des années 1990, la NGS a vendu plus de 4 millions de vidéos dont une bonne partie sont aujourd'hui disponibles en format Blu-Ray.

La NGS crée également des reportages pour la télévision, notamment pour sa propre chaîne de TV créée en 2000 qui comprend plus de 25000 heures de documentaires extraits de sa collection de vidéos remontant jusqu'en 1965. En 2003, 50 millions d'Américains avaient souscrit un abonnement à la chaîne du National Geographic, principalement des personnes de plus de 40 ans.

La NGS crée aussi des documentaires pour son programme "Really Wild Animals" diffusé sur la chaîne TV Disney Channel et pour le cinéma, elle gère un blog, la galerie d'images de ses membres ainsi qu'une boutique en ligne depuis 2004. L'ensemble de ces revenus financent ses projets scientifiques et ses missions d'exploration.

La NGS a également édité tous ses anciens magazines sur CD-ROM puis en DVD mais fut poursuivie par les auteurs ou leurs ayant-droits car elle ne versa aucun droit d'auteur aux écrivains et aux photographes dont elle avait republié les oeuvres. L'affaire fut portée en justice et la NGS fut condamnée à payer une compensation pour la diffusion d'oeuvres à travers les nouvelles technologies. Cette collection comprenait 30 CD-ROM vendus 199$.

Aujourd'hui cette collection est avantageusement remplacée par 6 DVD-ROM vendus 80$ plus frais. Ils contiennent tous les numéros de 1888 à 2012. Cela représente plus de 1400 magazines avec toutes leurs cartes, diagrammes et publicités et 200000 photos.

Exemples d'éditions nationales du National Geographic d'avril 2015. De gauche à droite, les versions US/Canada, UK/Europe, Pays-Bas, Slovénie et France.

Aujourd'hui le National Geographic est disponible en 40 langues étrangères dont le français depuis octobre 1999. Ces éditions nationales sont des adaptations du magazine américain proposant à la fois des traductions de certains articles originaux et des reportages réalisés par les équipes nationales.

Notons que depuis décembre 2016, les éditeurs américains de la NGS proposent des couvertures différentes pour la version disponible en kiosque et par souscription, le contenu restant identique, une question de marketing pour toucher un plus vaste public comme ils le précisent au bas de la page référencée. Cette multiplication des exemplaires ne plaira certainement pas aux collectionneurs.

Depuis sa fondation, le National Geographic n'a cessé de nous surprendre par la qualité de ses reportages, toujours illustrés d'images inédites d'une exceptionnelle qualité touchant des sujets d'actualité, rares, originaux ou à l'avant-poste du progrès.

Grâce à ses moyens gigantesques qui contribuent à ses exploits et son expansion, régulièrement la NGS et ses reporters se voient récompensés par des prix et autres awards.

Reporter-photographe pour la NGS

Travailler comme reporter-photographe, journaliste ou illustrateur pour la NGS (cf. leur rubrique Jobs) est une consécration pour beaucoup de passionnés de photographie ou de l'écriture. Mais en raison du nombre limité de postes disponibles et d'une très forte demande, la sélection des heureux élus est devenue très sévère avec le temps.

Aujourd'hui pour espérer signer un contrat permanent avec la National Geographic Society, le reporter-photographe ne peut plus sortir d'une école de photographie ou de journalisme avec mention et se dire "ça y est j'y suis arrivé !".

Le photographe Mark Thiessen du National Geographic était présent lors de l'expédition du réalisateur Jame Cameron dans la fosse des Mariannes en 2013.

Le reporter-photographe actuel ne peut plus travailler comme au début du siècle dernier; des milliers de photographes talentueux ont déjà fait dix fois le tour du monde et par tous les temps à la recherche de la plus belle image et espèrent tous se faire un nom.

Appartenir à une agence de presse n'est pas suffisant non plus même si Magnum est synonynme de l'élite de la photographie et Associated Press ou Reuters est synonyme de professionnalisme. Leur vocation n'est pas de publier des documentaires mais d'être présents sur les lieux des évènements pour relater l'actualité immédiate. La publication de livres iconographiques, de reportages et les expositions organisées par leurs reporters sont des activités annexes.

Avec la télévision, Internet et l'explosion du marché des APN, la quantité de photographies et de vidéos accessibles au public est tellement vaste que la photo ordinaire même d'un lieu reculé splendide est devenue banale, presque sans intérêt car tout le monde l'a déjà vu au moins dix fois. L'auteur doit donc se démarquer s'il veut sortir du lot.

Le reporter-photographe doit s'investir au sens propre dans sa passion et prouver son talent s'il veut espérer réaliser des photographies dignes des concours et trouver un sujet qui mérite l'attention des lecteurs.

Si le photographe peut heureusement encore trouver des sujets esthétiquement intéressants près de chez lui, en faire des sujets passionnants est déjà tout un métier qui va recaler beaucoup d'amateurs.

Il faut parfois voyager loin avec du matériel lourd et spécialisé, prendre de la hauteur, se mouiller, transpirer, avoir froid ou accepter de subir l'agression des insectes ou d'autres animaux parmi les petits soucis habituels que connaît tout photographe de terrain quand il n'y a pas de tracasseries administratives ou sanitaires.

Toutes ces situations signifient que l'amateur ou le professionnel doit être passionné pour accepter ces contraintes, parfois même être sportif, célibataire et consacrer un budget à sa passion, ne fut-ce qu'en pièces de remplacement pour les éléments en panne, cassés ou perdus, sans oublier les frais de transport et de logement.

En admettant que le candidat soit passionné et talentueux, tout reporter engagé par la NGS doit présenter une expérience professionnelle d'au moins 5 ans du photojournaliste, avoir de préférence déjà publié des photographies dans les magazines consacrés à la vie sauvage ou la géographie par exemple et présenter un porte-folio digne de figurer sur la couverture du magazine. Si cela divise déjà le nombre de candidats par cent, ils restent encore nombreux.

Mais ces talents rédactionnels et artistiques ainsi que cette expérience de terrain ne sont pas suffisants. Le National Geographic recherche des reporters de talents qui soient de préférence universitaires, diplômés dans les sciences naturelles et humaines et ayant une certaine expérience : journaliste, ethnologue, sociologue, écologiste, historien, biologiste, plongeur, etc. Et il sera d'autant plus vite sélectionné s'il présente plusieurs de ces qualifications.

Ce n'est évidemment pas en restant chez soi et peu curieux de ce qui l'entoure qu'un photographe peut réaliser ce genre de photo lourde de sens et s'interroger sur l'avenir de la culture Kayapo au Brésil. Document Chip Brown/NGS.

Puis il y a le dernier filtre. Vu le nombre important de reporters sous contrat freelance et dans le staff de la NGS, un auteur n'a jamais la garantie que son article sera publié. En effet, lorsque le reportage photographique est terminé et le texte écrit, l'équipe éditorialiste le fait relire par plusieurs experts et on y apporte éventuellement des corrections afin d'être certain qu'aucune erreur ne soit publiée. Il en va de la réputation de la NGS. Si le reporter échoue à ce crible, la chance sera offerte à l'un de ses collègues et pour ce dernier une opportunité de plus de se faire un nom.

Cette sélection au portail n'exclut pas la publication dans le National Geographic de photographies ou d'illustrations réalisées par des experts dont la photographie n'est pas le métier mais un outil de recherche ou un hobby. Ainsi de temps en temps, des photographies exceptionnelles réalisées par des entomologistes, des plongeurs, des physiciens ou des astronomes amateurs sont publiées dans le magazine auprès de celles réalisées par les photographes de la NGS.

Toutefois, pour éviter le mélange des genres, depuis les années 1990 la NGS a ouvert une galerie au public où les photographes amateurs peuvent librement publier leurs plus belles photos dont les mieux cotées sont périodiquement primées lors de concours. Ici également il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus.

Sous un abord très sélectif, cette recherche de l'excellence est positive car cette émulation motive les photographes à aller au-delà des clichés faciles et toujours se surpasser pour trouver les conditions idéales de prise de vue et réaliser la photo unique, la plus chargée d'émotions.

Ceci dit, si vous voulez faire vos premières mains en compagnie de photographes du National Geographic et de scientifiques, ses reporters organisent régulièrement des formations (aux Etats-Unis), des expéditions et des voyages qui sont ouverts au grand public. C'est une opportunité à ne pas manquer si l'aventure et la photographie vous passionnent !

Pas de photos truquées à la NGS !

Il fut une époque où on disait qu'une "photographie ne mentait pas" et constituait une preuve tangible. Avec l'avènement des truquages et des techniques numériques cela n'est plus vrai.

En 1982, la NGS utilisa le traitement d'image pour améliorer une photographie. Le National Geographic publia en couverture du magazine de février 1982, la photographie de deux pyramides de Gizeh (Khéops) manipulées numériquement afin qu'elles soient plus proches l'une de l'autre et que l'image originellement horizontale rentre dans le cadre vertical du magazine. Or cela déforma grossièrement l'apex des deux pyramides et l'emplacement des silhouettes à l'avant-plan (voir cet article).

Même si dans ce cas-ci le recours au traitement d'image pour truquer une photographie ne modifia pas l'interprétation de l'image, il fut très critiqué par l'auteur de la photo, le photographe Gordon Gahen et la professeur de journalisme Sheila Reaves qui souligna le manque d'éthique de la NGS. La technique fut vite abandonnée.

C'est à ce point vrai qu'en 2013 un amateur publia la photo truquée d'une grenouille tenant une feuille en guise de parapluie sur le site "Your Shot" du National Geographic. L'auteur fut remis à l'ordre par d'autres photographes amateurs et la NGS publia un commentaire insistant sur le caractère authentique que devait avoir toutes les photographies publiées sur son site, rappelant au passage qu'aucun animal ne pouvait être maltraité.

A lire : La grenouille au parapluie (sur le blog, 2013)

La couverture corrigée du National Geographic de février 1982 comparée à la photo originale prise par Gordon Gahen.

Ceci dit, comme tous les photographes, les reporters de la NGS s'autorisent de retoucher leurs photographies ne fut-ce que pour équilibrer les couleurs ou recadrer le sujet. Ce type de traitement d'image qui remplace celui effectué jadis en chambre noire fait partie des techniques de base du métier, mais certainement pas le truquage de photos vendues comme authentiques !

La NGS accepte également les photomontages et autres mosaïques comme le prouve la photo sous-marine présentée un peu plus haut faisant le portrait de Mark Thiessen.

L'esthétique avant la souffrance humaine

S'il y avait un seul reproche à faire aux reporters du National Geographic, se serait celui de l'indifférence, la distanciation et de la banalité face à la souffrance humaine.

Le National Geographic a toujours tout mis en oeuvre pour publier des photos chocs, mais d'un point de vue purement esthétique. L'impact émotionnel et la puissance de la photographie n'ont jamais été exploités au profit des actions humanitaires ou de la défense des droits humains fondamentaux.

Ainsi, à l'époque où le nazisme sévissait en Allemagne, dans son article consacré à Berlin publié en février 1937, en page 240 le National Geographic n'y voyait qu'une "politique visant à développer le corps et l'esprit des filles et des garçons afin de consolider une race capable de défendre l'Allemagne à venir". Son manque de jugement fut fort critiqué à l'époque.

Durant la Guerre froide, la NGS fut même traitée de non patriotique car elle publia des portraits flatteurs des pays communistes. Le fait de les critiquer défavorablement aurait été en contradiction avec sa chartre éditorialiste. En effet, cette politique de l'aveugle qui ne veut rien savoir et cache la vérité à ses lecteurs a toujours été dictée par le sixième paragraphe de la chartre rédactionnelle du magazine qui dit en substance : "on ne doit publier que des choses favorables aux pays et aux gens". Autrement dit, tout est rose en ce bas monde !

A nouveau en avril 1949, dans son édition consacrée à la Grande Bretagne, l'éditeur du magazine n'a pas hésité à publier un article à la gloire de ce pays et de sa "contribution à la Civilisation Occidentale" jugée exemplaire, méprisant du même fait les autres nations. Aujourd'hui il serait impensable de publier un tel article !

Les guerres et les génocides n'ont pas non plus été traités avec un esprit critique ni avec l'oeil horrifié des victimes impuissantes, juste celui de l'oeil froid et distant de la caméra aérienne ou du reporter qui croise furtivement un blessé grave ou un civil apeuré.

Trois exemples flagrant du regard peu critique des reporters-photographes du National Geographic sur la politique : en février 1937 dans un article consacré à Berlin, en avril 1949 à propos du rôle de la Grande Bretagne dans l'Histoire et plus récemment en juin 1985 à propos des réfugiés afghans; tant que les reporters pouvaient mettre en avant la gloire et la beauté de leur sujet, les problèmes politiques et socio-économiques n'avaient aucune importance. Cette politique leur vaudra de sévères critiques d'où ils ont tiré certaines leçons mais en refusant toujours de publier des images chocs au profit de l'esthétique, conformément à la chartre du magazine.

C'est toujours pour cette même raison de ne vouloir blesser personne que le National Geographic ne couvrit aucun des évènements qui se déroulèrent en URSS entre 1945 et 1959 et publia très peu d'articles sur la Chine entre 1950 et 1976.

A l'inverse d'un magazine d'actualité, le National Geographic n'a jamais publié d'images chocs ni même de reportage sur un sujet révoltant touchant par exemple la condition humaine, les effets colatéraux des guerres ou les problèmes de santé.

Ce n'est que dans les années 1970 que certains reporters du National Geographic commencèrent à dénoncer les grandes injustices sociales et même des scandales écologiques sans pour autant publier d'images chocs. Ainsi la fameuse photo de la jeune fille afghane (Sharbat Gula) réfugiée au Pakistan publiée en juin 1985 que nous devons à Steve McCurry a surtout servi les médias et les profs de photo (cf. cet article) avant la cause des Afghans !

Heureusement, avec l'évolution des mentalités, aujourd'hui les reporters du National Geographic se penchent de temps en temps sur quelques sujets graves comme l'esclave moderne et plus récemment sur les extrémismes religieux et leurs interdits, notamment à l'égard de la culture et de l'émancipation des femmes qui, soit dit en passant, restent minoritaires au sein du staff de reporters-photographes de la National Geographic Society. En fait ce n'est que depuis juillet 2014 que les postes de rédacteur en chef, directeur de la photo et d'éditeur exécutif section science sont occupés par des femmes. On ne change pas des traditions en un siècle...

Licenciements au National Geographic

Le 3 novembre 2015, les lecteurs du National Geographic ont appris par la presse que suite à la fusion partielle de la National Geographic Society avec le géant 21st Century Fox, 9% du personnel allaient être licenciés soit 180 personnes sur un effectif de 2000 employés. C'était le plus vaste licenciement au sein de la NGS depuis 127 ans.

Propriétaire de 27% des parts de la société,  la direction de Fox a clairement exprimé son but : étant donné le statut non lucratif (nonprofit) de la NGS qui à leurs yeux n'a aucun avenir, la Fox est déterminée à transformer la société philanthropique subsidiée en une entreprise rentable...

Les photographes en cours de mission ont reçu l'assurance que leur contrat serait maintenu jusqu'à la clôture du projet, soit jusque 2017 pour certains d'entre eux.

Devant ces révélations, de nombreux lecteurs exprimèrent leur mécontentement en déclarant qu'ils ne renouvelleraient pas leur abonnement en 2016.

Moralité : rien ne dure jamais.

Le marché des National Geographic

Tout lecteur du National Geographic a forcément réservé dans sa bibliothèque un espace pour ce magazine qui s'accumule sur les étagères à raison de quelques dizaines de centimètres chaque année.

Pour un bibliophile, la conservation des livres et des magazines comme celle des photographies sur papier est un sujet de préoccupation, surtout pour les documents les plus anciens imprimés sur des supports instables et de mauvaise qualité.

Bonne nouvelle, mis à part les National Geographic des deux premières décennies dont la couverture a systématiquement bruni (cf. ci-dessus) et est devenue un peu plus sèche au fil du temps, à partir de 1910 environ la converture comme les pages intérieures des National Geographic se sont très bien conservées, parfois même mieux que certains livres et magazines publiés des décennies plus tard.

C'est aussi cette qualité du papier glacé et du tirage qui encouragent encore aujourd'hui les amateurs à les collectionner car ils savent d'expérience que s'ils en prennent soin ils pourront les conserver en très bon état toute leur vie si nécessaire.

Mais comme tout objet de collection, les National Geographic ont un prix et le marché est toujours demandeur de certains numéros "vintage" qui deviennent très rares à trouver.

Comment le prix d'occasion de ce magazine est-il fixé ? C'est toujours la loi de l'offre et de la demande qui fixe le prix du marché et jamais le vendeur quoiqu'il en pense ! En soi et c'est valable pour tous les magazines, un seul ou même cent exemplaires ne valent pas grand chose, même en très bon état. Tout dépend du tirage et bien sûr de leur état de conservation. Le prix dépend aussi de l'intérêt du client pour tel ou tel sujet ou du temps et de l'argent qu'il veut y consacrer pour compléter sa collection ou sa bibliothèque. En effet, on peut occasionnellement acheter un lot de 500 National Geographic pour 10$ comme on peut aussi en trouver à 10$ pièce et même dix fois plus cher s'ils remontent à plus de 100 ans.

Comment expliquer ces différences de prix ? Le tirage des National Geographic a subit une progression exponentielle en quelques décennies. De 1200 exemplaires édités chaque mois en 1896, le magazine fut édité à 10000 exemplaires en 1905, 285000 exemplaires en 1914, 990000 exemplaires en 1925, 1.1 million d'exemplaires en 1940, 1.9 million d'exemplaires en 1950 puis ce fut l'emballement avec 2.5 millions d'exemplaires édités mensuellement en 1960, plus de 7 millions dans les années 1970, 10.7 millions dans les années 1980, pour dépasser les 30 millions d'exemplaires édités chaque mois depuis les années 2000. Il est donc très probable qu'un membre de votre famille a acheté ce magazine ou a souscrit un abonnement un jour ou l'autre. Les prix tiennent compte de ces tirages.

eBay ainsi que le forum du National Geographic Collectors Corner ont publié les prix moyens des National Geographic sur base des ventes enregistrées. Qu'observe-t-on ? Si en 2018 le numéro du mois se vend entre 6 et 7€ selon les pays ou 5$ s'il est importé des Etats-Unis (plus frais), d'occasion son prix chute de 50% voire davantage s'il s'agit d'un numéro remontant à quelques années.

On constate même souvent que les personnes ayant toute une collection d'anciens National Geographic à vendre ne trouvent aucun acquéreur et se résignent à les jeter avec les vieux papiers. Mais c'est le lot habituel des anciennes revues car les bouquinistes ne les rachètent plus et la plupart n'intéressent pas les bibliothèques qui disposent déjà de ces exemplaires ou n'ont pas la place pour les stocker.

Ceci dit, le numéro de décembre 1969 consacré à la mission Apollo 11 peut se vendre 15$ s'il est complet et en excellent état, soit 15 fois plus cher qu'à son époque et sans tenir compte de l'inflation ni des frais d'expédition. Un exemplaire fut même vendu 250$ aux enchères car il était signé par Buzz Aldrin.

Les numéros du début du siècle dernier (1900-1910) imprimés à 10000 exemplaires ne sont pas rares mais beaucoup sont déjà dans les bibliothèques privées et n'en sortiront pas avant longtemps. Les quelques dizaines de numéros qu'on trouve encore sur le marché se négociaient en 2014 entre 75 et 165$ selon l'année et leur état.

En revanche, tout article édité ou fabriqué à moins de 1000 exemplaires est considéré comme rare. Cela concerne justement les premiers numéros du National Geographic qui peuvent trouver preneur entre 500$ (1891) et plus de 6000$ pour les rares exemplaires édités en 1888.

Le National Geographic, capsule temporelle

Le National Geographic a toujours été présent auprès des chercheurs et des aventuriers et continue de proposer à ses lecteurs de très intéressants articles de vulgarisation scientifique parfois agrémentés de cartes ou de posters édités en collaboration avec les instituts les plus renommés.

Grâce à son important tirage, le National Geographic a participé à l'éducation de plusieurs générations de lecteurs anglophones et continue à proposer à travers son magazine les comptes-rendus des projets et des découvertes scientifiques.

Si toutes ces connaissances sont rapidement assimilées et parfois depuis plusieurs générations, en son temps il s'agissait d'exploits technologiques et de découvertes fondamentales dans chacun de ces domaines. A ce titre, on éprouve de la nostalgie en relisant ces documents originaux qui ont certainement donné naissance à des vocations, futurs journalistes, photographes, chercheurs, géographes, géologues, biologistes, astronomes ou cosmonautes.

A mesure que le temps passe, les National Geographic deviennent des arrêts sur image de notre société, des documents que l'on consulte comme autant de "capsules temporelles" dont les acteurs furent les pionniers de nombreuses découvertes et de progrès dont nous profitons tous.

Bonne lecture !

Pour plus d'informations

Catalogues et ressources

National Geographic - Archives - Moteur de recherche

National Geographic Expeditions

National Geographic (magazine US) - version française

NGS Collectors Corner (forum des membres, cartes, posters et ressources de la NGS)

National Geographic de 1888 à 1997 au format PDF, Free Shop Manual

National Geographic Store

Exploring the Globe since 1888, NGS/Taschen, 2013 (3 tomes, également disponible en français)

National Geographic Annual Report 2012

Library Thing

Articles

Les National Geographic consacrés à l'astronomie et l'astronautique (sur ce site)

History of the National Geographic Libraries, NGSlis

National Geographic Channel Headquarters Unveils New Living Green Wall Lobby, PRWeb

Old National Geographic Magazines: Trash or Time Capsule? (les illustrations du NG de juillet 1939)

FAQ - Careers, NGS

Celebrating 125 years, NGS

Documenting the World for 125 Years, blog du New York Times, 2013

National Geographic Society, Answers

Who Moved My Pyramid - An Overview of Digital Imaging Ethics in Photojournalism, Judy Kiel, 2006

Guide to Selling National Geographic Magazines, NGS (voir aussi l'article d'ebay)

Le National Geographic, A.Rio, Photophiles Magazine

Publicités de Celestron dans le National Geographic (1968, 1969, 1970).

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