Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

Les OGM en question

Dessin réalisé sur une idée de l'Université de Sidney.

Un débat passionné (I)

Depuis la fin des années 1990 le débat relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM) est passé de la rigueur scientifique à la passion; il ne s'écoule pratiquement pas une semaine où leurs partisans comme leurs détracteurs essayent de contrer leurs adversaires à coups d'arguments plus ou moins scientifiques. Entre les deux, à défaut d'avoir un avis rigoureux du monde scientifique ou du législateur, le consommateur est contraint de se forger sa propre opinion et de répondre lui-même aux questions essentielles : qu'est-ce qu'un OGM ? Quels sont ses avantages ? Dans quels aliments les trouve-t-on ? Les OGM sont-ils dangereux pour la santé et pour l'environnement ? Voilà quelques-unes parmi les questions auxquelles nous allons répondre en faisant le point sur cette biotechnologie controversée.

Qu'est-ce qu'un OGM ?

Nous avons expliqué dans l'article consacré à l'anatomie et les fonctions des cellules que chaque cellule eucaryote (à noyau) contient une molécule d'ADN qui garantit la pérénité du patrimoine génétique au cours de la reproduction.

Les gènes constituant l'ADN sont responsables des variations génétiques entre individus et sont propres à une espèce; ils sont donc naturellement incompatibles entre espèces ou races différentes car ils conduisent soit à l'empoisonnement de l'individu soit à la stérilité de l'oeuf résultant de cette union. 

Néanmoins, tout organisme accepte la mutation de certains gènes avec tous les risques que cela peut entraîner. C'est ce phénomène aléatoire qui produit l'évolution des espèces mais également les malformations génétiques et qui participe aux maladies génétiquement transmissibles.

Un OGM est un organisme, animal ou végétal, dont on a modifié génétiquement le patrimoine génétique (l'ADN) par des techniques de "génie génétique" pour lui conférer une caractéristique nouvelle.

Les OGM ont été créés pour notamment augmenter les résistances des plantes, favoriser leur adaptation à des conditions climatiques plus chaudes ou plus froides, retarder le mûrissement des fruits et des légumes (tomates, fraises, etc), accélérer la croissance des poissons (saumon), enrichir les propriétés nutritionnelles des aliments (riz enrichi en vitamine A, etc), produire des matières premières pour l'industrie (pomme de terre Amflora riche en amylopectine) ou amener certaines plantes ou des animaux à produire des substances pharmacologiques (lait de vache ou de brebis). Plus récemment on a même modifié génétiquement certains insectes utiles ou nuisibles afin qu'ils pollénisent certaines plantes ou tuent d'autres insectes.

A voir : CRISPR/CAS9 : une méthode révolutionnaire, Inserm

A lire : CRISPR-Cas9, Le blob

Génie génétique, mutation et hybridation

Document Terry/UBC/Jane Wang.

Au sens large, il existe plusieurs manières de considérer les OGM du point de vue génétique :

1. le résultat du génie génétique évoqué dans cet article (maïs transgénique, etc)

2. le résultat de l'hybridation (clémentine, tomate-cerise, etc)

3. le résultat des manipulations génétiques (clonage, etc).

4. le résultat de l'évolution (le hasard des mutations).

Dans tous les cas, que cela procède du génie génétique ou des lois naturelles, que la méthode soit artificielle ou naturelle (sexuée), nous sommes en présence de manipulations génétiques. Autrement dit, les OGM ont toujours existé !

Comment procède le génie génétique ? En résumé, ces techniques consistent à introduire des modifications au niveau d'une base (nucléotide) ou d'un gène du patrimoine génétique d'un organisme afin de créer un "organisme génétiquement modifié" ou OGM. Ces techniques permettent de transférer des gènes sélectionnés d'un organisme à un autre, y compris entre des espèces différentes, tout en garantissant leur viabilité.

L'édition de l'ARN

Les deux principales méthodes utilisées par les organismes multicellulaires pour modifier leurs fonctions sont les mutations génétiques qui affectent l'ADN (comme la modification d'une recette de cuisine) et l'édition de l'ARN (qui agit comme un chef de cuisine). Si le corps humain a abandonné la deuxième technique car désordonnée et sujette à erreur, en revanche les généticiens l'ont exploitée au point qu'ils peuvent aujourd'hui modifier une seule base (nucléotide) ou lettre du génome.

Le maïs transgénique ou maïs Bt. Document UCS.

Cette technique fut découverte en 1987 par l'équipe de Yoshieumi Ishino qui utilisa une enzyme appelée CRISPR (lire "crispeur" signifiant Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ou courtes répétitions palindromiques groupées régulièrement espacées) associée à la protéine Cas9. L'usage de "ciseau génétique" s'est généralisé car il permet de manipuler l'ADN et créer des OGM et donc potentiellement de remplacer les pathogènes à l'origine de maladies génétiques hérédaire.

Quand on sait que l'identification d'un gène suspect avec CRISPR prend à peine 2 semaines contre plusieurs mois auparavant, on comprend tout l'intérêt de cet outil. Non seulement, il localise le nucléotide affecté mais grâce à une enzyme il peut aussi couper la base et la repositionner sur le bon gène. On reviendra sur les espoirs et les risques des manipulations génétiques dans l'article consacré à l'anatomie et les fonctions des cellules.

Mais nous verrons que ces manipulations génétiques soulèvent également des questions éthiques notamment concernant l'impact des OGM sur l'environnement et la santé humaine. Nous nous focaliserons néanmoins avant tout sur les OGM du secteur alimentaire, les manipulations génétiques dans le cadre de la santé humaine étant encore balbutiantes et fortement réglementées.

Voyons à présent quels sont les arguments avancés par chacun des protagonistes pour défendre ou s'opposer aux OGM. Tout d'abord faisons un petit rappel historique.

Où trouve-t-on des OGM ?

Aujourd'hui, on retrouve principalement des OGM dans le monde végétal : dans les cultures de maïs, de betterave, de colza, de soja et leurs dérivés (tourteaux de soja pour l'alimentation animale, flocons de maïs, amidon de maïs, barres de céréales, farine de soja, huile de coton, les additifs comme la lécithine E322, etc). Ainsi que nous l'avons dit, les OGM existent également dans le monde animal (saumons, insectes) et indirectement dans les produits que nous consommons comme la viande, le lait ou les oeufs.

Le plus connu des OGM est le maïs Bt protégé contre la bactérie Bacillus thuringiensis et la Pyrale du buis (Cydalima perspectalis), une espèce de papillon.

Chacun jugera de l'intérêt des nouvelles espèces de céréales, de fruits ou d'animaux génétiquement modifiés ou de la production d'hormones à des fins médicales. On ne peut toutefois pas être "pour" ou "contre" les OGM a priori ou de manière générale et sans autre forme de procès. Pour avoir une idée claire et objective de la question, voyons donc quels sont les problèmes que soulèvent les OGM en nous focalisant sur le monde agricole.

Le problème des OGM

La biotechnologie est née dans les années 1970 du constat que la sélection génétique naturelle, par croisement, était très longue et ne garantissait jamais le résultat. Il fallait des dizaines d'années pour obtenir une nouvelle variété dotée des propriétés voulues comme en propose par exemple Carl Barnes et Greg Schoen avec leur maïs translucide aux couleurs de l'arc-en-ciel.

Le génie génétique s'est développé en même temps que l'informatique et de notre meilleure compréhension des mécanismes génétiques. Aujourd'hui, la biotechnologie a pallié aux défauts de la sélection naturelle : elle ne croise plus les variétés ou les espèces entre elles mais elle transplante directement les gènes d'une espèce à l'autre. Oui, quelque part nous nous prenons pour Dieu, décrétant quelles sont les espèces qui doivent naître ou disparaître... Cela soulève déjà une question éthique.

Du maïs non OGM cultivé par les natifs américains d'Oklahoma et du Nouveau Mexique croisé avec d'autres espèces locales donne ces jolis grains colorés et translucides. Document Greg Schoen.

Qu'en pense le public qui est le principal consommateur des OGM ? Selon un sondage publié en 2000, 72% des Français étaient opposés aux OGM dans le secteur agro-alimentaire mais seulement 25% dans le domaine médical. Selon l'association Kokopelli dont l'action vise à protéger la biodiversité, en 2007 quelque 85% des Français étaient opposés aux OGM du fait des limites de cette biotechnologie et en vertu du principe de précaution visant à écarter les éventuels risques sanitaires et environnementaux inconnus liés à ces nouvelles espèces disséminées dans la nature sans contrôle.

Mais d'un côté nous sommes les premiers à apprécier les clémentines car elles n'ont (presque) pas de pépin... Or c'est un OGM, fruit d'une hybridation sexuée : la fécondation de la graine du mandarinier avec le pollen du brigaradier. Des dizaines d'autres fruits et légumes tout aussi excellents ont été obtenus par hybridation.

D'un autre côté, nous craignons la dissémination sauvage des graines ou du pollen libéré par les champs de maïs, de colza ou de tomates transgéniques.

L'agriculteur doit-il protéger ses récoltes à coups d'insecticides polluants et parfois cancérigènes ou n'est-il pas préférable d'introduire dans le maïs un gène spécifique lui permettant de fabriquer lui-même un insecticide toxique pour la pyrale, un insecte destructeur ?

Quand la nourriture de milliers d'hommes dépendent de vos cultures, il est parfois difficile de choisir entre deux solutions jugées dangereuses. Faut-il pour autant en revenir à la culture "bio" et exiger que cet agriculteur perde 75% de rendement et hypothèque l'avenir de sa ferme ? Les deux activités sont-elles conciliables ? On constate que le débat sort rapidement du cadre purement scientifique.

Pourquoi acceptons-nous les OGM dans un cas et les refusons dans l'autre ? Une clémentine est-elle meilleure que du maïs transgénique ? Est-ce parce que la première est issue d'une fécondation sexuée et au stade de la production, donc soi-disant inoffensive alors que le second aliment est issu du génie génétique - artificiel - et seulement au stade initial de la production ou de la recherche appliquée ?

Le fait qu'un OGM sente bon ou que son ingestion ne produise aucun effet indésirable immédiat suffit-il pour valider sa commercialisation ? Nous savons que des substances absorbées à doses homéopathiques ou en dessous du seuil d'activation peuvent malgré tout produire un effet sur l'organisme. Nous ignorons encore par quel processus, mais c'est un fait. Dans ces conditions, qui peut dire avec certitude qu'un an ou un siècle suffit pour juger de la qualité sanitaire d'un aliment ? Qui a tord qui a raison ? C'est toute la question du débat sur les OGM.

Si on se réfère aux derniers jugements de la Cour de cassation, ici le législateur a donné raison à une société agrochimique, ailleurs des producteurs bio ont eu gain de cause, bref le débat est ouvert et attise tous les jours un peu plus la passion des protagonistes !

Evolution du marché des OGM

En 1990, la Commission européenne avait instauré un moratoire qui interdisait les cultures transgéniques sur son territoire. Mais elle s'est fait récemment condamner par l'OMC pour sa réticence. Du coup, le moratoire a été levé et plusieurs dizaines de semences (soja, maïs, coton, colza, betterave, etc) ont depuis lors été acceptées pour commercialisation dans les 27 Etats membres. Mais depuis la situation a encore évoluée suite à l'action des militants écologistes. On y reviendra.

En 1996, date à laquelle démarra réellement la culture commerciale des OGM, ces produits occupaient dans le monde à peine 1.7 million d'hectares, principalement aux Etats-Unis. Ils faisaient une entrée timide en Amérique latine.

La progession s'est ensuite accélérée pour atteindre 20% entre 2003 et 2004 et encore 11% entre 2004 et 2005. En 2005, 21 pays cultivaient officiellement des OGM sur leur territoire à des fins commerciales. 29 pays cultivaient des OGM en 2020, les deux principaux producteurs étant les Etats-Unis et le Brésil qui représnetent 63% du marché.

En Europe, bien qu'aucun nouvel OGM n'ait été accepté par la Commission Européenne entre 1998 et 2010, sur le terrain, seuls l'Autriche et le Luxembourg ne produisent pas d'OGM à des fins commerciales. Le tableau suivant reprend les principaux pays producteurs.

Les 10 plus gros pays producteurs d'OGM

(en millions d'hectares, en 2017)

Etats-Unis

75

Paraguay

3

Brésil

50.2

Pakistan

3

Argentine

23.6

Chine

2.8

Canada

13.1

Afriue du Sud

2.7

Inde

11.4

Bolivie

1.3

En Europe, la culture des OGM est relativement peu développée. La Tchéquie arrive en tête avec 100000 ha (1000 km2) tandis que l'Allemagne, l'Espagne, la France et le Portugal cultivent chacun 50000 ha d'OGM.

Au total, la superficie mondiale occupée par les cultures transgéniques dépassa 90 millions d'hectares en 2005. Cette superficie dépassa 190 millions d'hectares en 2019 et augmente toujours. En revanche, certains pays comme l'Espagne et le Portugal ont réduit d'environ 20% leurs surfaces d'OGM entre 2017 et 2020 (cf. Infogm).

Si en soi la création des OGM est louable, les opposants à ce genre de culture et notamment les scientifiques mettent en évidence trois arguments qui remettent en question la culture des OGM. Ce sera l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Les OGM sont-ils dangereux pour la santé ?

Page 1 - 2 - 3 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ