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La démarche des militaires

Note du président Truman sur le projet MJ-12 classée Top secrète et sa version déclassifiée.

Introduction (I)

Venons-en à ce qui a frappé le plus les imaginations à propos des OVNI. Pour renforcer l'opinion du public sur le fait qu'il existe réellement un "problème OVNI", il y a les observations enregistrées par les autorités militaires ou civiles, des personnes assermentées donc en principe dignes de foi, ayant une grande expérience de l'observation et très sensibles au ridicule, tout comme les scientifiques.

Rappelons que depuis près d'un siècle, les militaires auraient été les témoins privilégiés d'étranges phénomènes. Les premières observations militaires connues remontent à 1933[1], lorsque des avions fantômes furent observés en Suède. N'ayant pu les intercepter et devant l'insistance des autorités, l'État-major adressa un rapport à la presse.

Quelques années plus tard, en 1942, des objets lumineux furent observés au-dessus de Los Angeles et furent confirmés dans un rapport qu'adressa le général Marshall au président Roosevelt.

Deux ans plus tard, pendant la bataille d'Angleterre, les pilotes observèrent des "foo-fighters"[2] (chasseur de feu), sortes de lueurs mobiles qu'ils ne pouvaient identifier. Ces objets changeaient de couleur (rouge, orange ou blanc) et leur dimension pouvait atteindre un mètre de diamètre. Les Allemands pensaient qu’il s’agissait d’armes alliées et les alliés d’armes allemandes, “des bolides choucroutes”. Mais au dire de certains pilotes, des foo-fighters ont traversé la carlingue de bombardiers, flottant dans la cabine de pilotage avant de ressortir ! Cet effet fit dire aux scientifiques qu’il s’agissait de boules de plasma, d'éclair en boule ou de feux Saint-Elme (cf. les éclairs). Mais l'explication est difficilement soutenable quand on sait que ces phénomènes requièrent des conditions météos particulières et sont associés à des effets thermiques ou d’électricité statique (voir plus bas).

Désinformation, censure et rétention d'information

Laissons pour l'instant de côté l'incident de Roswell qui ne mérite probablement pas le battage publicitaire dont il a fait l'objet et dont le Dr Hynek ne discuta même pas dans son fameux livre. Nous le traiterons dans un article distinct.

Il reste que de temps en temps des contrôleurs aériens voient des échos inexpliqués sur leurs écrans, des OVNI survolent des sites militaires ou de haute sécurité, des avions de chasses perçoivent ou sont poursuivis par des OVNI, des pilotes se sentent menacés par des OVNI et certains bâtiments de guerre ont même été retrouvés intacts mais sans leur équipage.

La plupart du temps les personnes impliquées refusent d'en parler par peur du ridicule ou leurs rapports sont immédiatement mis au secret. S'ils en parlent... c'est sur leur lit de mort. Si des informations filtrent dans les médias, les autorités s'empressent de les démentir. Cette situation est caractéristique de la désinformation[3].

Si des militaires ont observé des OVNI et autres UAP au cours de leurs missions, peu osent en parler pendant leur carrière et quand ils le font, leur rapport reste classifié et secret parfois pendant des dizaines d'années, au grand dam des chercheurs à qui échappent ainsi de précieuses données. Document T.Lombry.

La désinformation

La désinformation consiste à diffuser sciemment des informations déformées ou mensongères (faux témoignages, documents truqués, rumeurs, etc) dans les médias afin de décrédibiliser les témoins, détourner l'attention du public de l'affaire, ou encore pour convaincre ou diviser l'opinion publique.

Parfois, le sujet concerne des intérêts tellement sensibles (programmes secrets, atteinte à la sécurité nationale, etc) que la désinformation est renforcée par des méthodes d'intimidation. Il va sans dire que ces méthodes de gangsters sont illégales, même du chef d'un État. Quand se greffent sur cette attitude des détournements de fonds publics, de matériel ou des atteintes à la vie privée ou un attentat (cf. l'affaire du Rainbow Warrior de Greenpeace en 1985 en France), ces attitudes sont généralement dénoncées et, si l'affaire aboutit, leurs commanditaires mis à pied et condamnés, que ce soit des civils ou même un président en excercice (cf. l'affaire d'espionnage du Watergate impliquant le président Richard Nixon en 1972-1974). Mais dans l'intérêt du public l'autorité suprême peut toujours invoquer la raison d'État pour justifier son action criminelle et ainsi échapper indéfiniment à toute action en justice.

Les autorités militaires comme civiles sont passées maître en cet art; il suffit de se rappeler les nombreux scandales politiques touchant la déontologie ou les intérêts publics (espionnage, accidents, pollutions, etc), la langue de bois et le manque de transparence des autorités dans des affaires locales pour s'en convaincre.

Document T.Lombry.

La censure

L'action des autorités peut aller plus loin. Lorsque les autorités contrôlent les médias ou les individus en leur interdisant de communiquer, cela s'appelle de la censure.

Ce genre d'action met directement en cause la responsabilité de l'auteur ou du témoin dont les conséquences vont parfois jusqu'à toucher sa vie privée ou professionnelle avec tous les effets négatifs socioéconomiques et psychologiques que de tels moyens de pression peuvent entraîner. Des pays prétendûment démocratiques mais totalitaires comme la Russie, la Chine, la Birmanie et la Turquie abusent de cette méthode pour mieux assujettir leur population.

Bien que nous jugeons tous a priori que la censure est intolérable, ce contrôle ne signifie pas toujours que les comptes-rendus cachent des évènements d'intérêt majeur. L'affaire peut simplement être étouffée par intérêt pour les témoins ou par manque de preuves. Elle peut aussi être classée car le phénomène ne présentait aucune preuve "d'hostilité".

Plus récemment, suite au succès des réseaux sociaux, étant donné qu'il s'agit d'entités juridiques privées, ils doivent assurer eux-mêmes la modération des commentaires et des messages publiés par les internautes. Dans les cas extrêmes, ils peuvent aussi censurer ou interdire l'accès à certaines personnes propageant des idées contraires à la charte du réseau social (cf. la censure instaurée par Facebook et Twitter suite aux propos tenus par Donald Trump en 2021 incitant à la violence ou concernant les commentaires mensongés et la désinformation autour de la pandémie de Covid-19).

Mais à force de juger la situation par anticipation et à la place du public ou des personnes concernées, ces dernières finissent parfois par se révolter contre l'autorité, exigeant sa démission ou la mise sur pied d'une commission d'enquête.

La rétention d'information

S'ajoute à ces actions peu démocratiques voire délictueuses, la rétention d'information. Elle agit déjà au sommet de la hiérarchie, du chef du Président ou au sein même des gouvernements lorsque le Premier Ministre par exemple décide unilatéralement de diffuser ou non certains rapports sensibles aux différentes autorités concernées (rapport d'audit, rapport d'analyses, etc).

En de rares occasions les médias agissent également de cette manière, parfois de commun accord avec le monde politique (bien que les journalistes occidentaux revendiquent le droit de s'exprimer librement et en toute indépendance), mais également pour des raisons déontologiques, pour ne pas alarmer inutilement les personnes sensibles, pour ne pas alimenter une rumeur, hâtiser un conflit, etc. Et ne parlons même pas de la communication dans les entreprises qui doit parfois être dénoncée par les syndicats pour leur manque de transparence ou leur mutisme. Il semble donc que ce genre d'attitude fasse partie de notre culture, pour le meilleur comme pour le pire...

Comment peut-on justifier de telles attitudes ? Si la désinformation est condamnable dans la mesure où les autorités sont mandatées par la population ou leurs représentants et nous doivent donc à tous des explications claires et complètes sur leurs actions et leurs résultats, la rétention d'information peut être justifiée dans l'intérêt de l'entreprise (on n'ébruite pas un piratage informatique pour ne pas inciter les personnes malveillantes à en profiter), dans l'intérêt du service (pour notamment limiter les tensions internes et le risque de conflit) ou dans l'intérêt des personnes. Mais elle est surtout appliquée pour la raison d'État quand cela concerne par exemple une invention technologique.

Nous connaissons tous l'histoire de l'invention du radar durant la Seconde guerre mondiale qui fut jalousement tenue secrète par les Anglais pour garder l'avantage tactique sur les Allemands. Même principe pour la bombe atomique dans le cadre du projet Manhattan. Encore de nos jours, aucun nouvel État ne peut développer une arme atomique. Mêmes cachoteries au DARPA et au Pentagone où leurs contractants qu'ils soient militaires ou civils ont un devoir de réserve et ne peuvent pas divulguer toutes leurs découvertes pendant autant d'années que le décide le DoD.

Plus récemment, l'invention de l'optique adaptative qui permet d'améliorer la qualité des images en temps réel (cf. Horace W.Babcock, 1953) fut appliquée par l'armée américaine dans les années 1980 pour observer en détail les satellites espions survolant son territoire et identifier leur pays d'origine. Alors que cette application est inoffensive et aurait pu intéresser tous les passionnés d'imagerie, elle ne fut jamais rendue publique. Il fallut attendre les années 2000 pour que les civils découvrent par eux-mêmes cette technologie et l'appliquent d'abord aux grands télescopes tels les VLT de l'ESO puis dans différents secteurs de l'industrie et des sciences.

Imaginez maintenant que le gouvernement découvre une technologie extraterrestre révolutionnaire. Le temps de l'étudier, de la maîtriser et de garder une avance technologique, le secret peut être gardé pendant 50 ans sans que personne n'ait la moindre idée de son existence ! Ensuite, l'État peut encore faire valoir ses droits pour empêcher le lever du secret pendant 50 années supplémentaires. Mais plus il attend plus il risque d'être confronté à de l'espionnage industriel, des fuites d'informations et des rumeurs qui finalement peuvent aboutir à l'ouverture d'une commission d'enquête.

En matière militaire, le but d'une armée est avant tout de défendre le territoire national. Tout objet volant doit être identifié et ses données techniques consignées par le ministère des transports ou celui des télécommunications. Dans la négative l'objet sera interdit de vol. S'il est intercepté il sera conduit au sol, le pilote verbalisé et peut-être emprisonné. Si l'objet est un avion militaire, s'il n'est pas immatriculé et n'accepte pas les sommations d'usage, il pourra être abattu pour la sécurité nationale. Tous les pilotes connaissent ces règlements. Ce type d'intervention ne devrait jamais se produire envers des avions civils qui disposent de plusieurs moyens de réponse (automatique ou manuel). Bien sûr une panne de transpondeur limite les communications et dans ce cas il faut bien faire appel à l’armée pour apprécier la situation.

Pilotes de F-16 et de F-18 témoins d'une rencontre rapprochée avec un OVNI. Si avec un peu de chance, ces notifications sont rendues publiques au bout de 20 ans mais uniquement sur demande d'une autorité, des informations sensibles peuvent rester censurées pendant au moins 50 ans si l'autorité suprême juge qu'il en va de la sécurité nationale. Documents T.Lombry.

Mais il est difficile de comprendre pour quelles raisons les autorités s'empressent de démentir certaines observations confirmées par des témoins-oculaires ou refusent carrément d'en parler comme ce fut le cas de l'OTAN durant la vague belge de 1989-91. Dans des Etats de droits à la politique soi-disant "transparente" cette attitude est surréaliste voire scandaleuse quand elle met en jeu la sécurité nationale ou même la santé des témoins. Prenons quelques exemples parmi les affaires emblématiques les plus étranges.

Alors qu'entre 1958 et 1964 on recensa en moyenne 514 notifications d'OVNI par an, on en dénombra autant au cours du seul été 1965. L'une des observations les plus étonnantes et qui symbolise bien la démarche des autorités militaires concerne une rencontre rapprochée du 1er type, assez similaire à celle de Portage Country, qui eut lieu également aux Etats-Unis, à Exeter en 1965, à laquelle assisteront plus d'une dizaine de témoins.

L'incident d'Exeter

Nous sommes à Exeter[4], dans l'Etat du New Hampshire, le 3 septembre 1965. Alors que le jeune Norman J.Muscarello, âgé de 18 ans, était au bord de la route nationale 150, faisait de l'auto-stop pour rentrer chez lui, aux premières de l'aube, il vit une énorme sphère de couleur rouge s'élever au-dessus des arbres qui bordaient un pré. L'OVNI bascula vers l'avant et se déplaça au-dessus d'une maison qu'il éclaira violemment d'une lueur écarlate. Muscarello estima la taille de l'objet à 25 ou 30 m de diamètre, plus grand que la maison qu'il illuminait de tous ses feux. Il était ceinturé par un anneau de feux rouges clignotants et zigzaguait pendant ses déplacements. Muscarello n'entendit aucun bruit de moteur. Soudain l'objet plongea dans sa direction. L'adolescent s'engouffra dans le fossé et l'OVNI disparut derrière les arbres.

Muscarello s'empressa d'aller frapper à la porte de la maison, mais personne ne lui ouvrit. Il vit les phares d'une voiture et courut sur la route lui faire de grands signes afin que la voiture s'arrête.

Le jeune Norman Muscarello (à gauche) en compagnie des patrouilleurs de police David Hunt et Eugene Bertrand et du dispatcheur "Scratch" Toland (assis). Document Union Dealer News.

Le couple le prit en charge et le conduisit à Exeter, d'où il avertit la police du comté à 2h25. L’adolescent était blême, presque en état de choc et secoué. Il lui raconta sa rencontre insolite mais l’officier de garde, M.Toland, ne le prit pas au sérieux : "Ecoutez, répondit Muscarello énervé, je sais que vous ne me croyez pas. Je le comprends, mais vous devez appeler quelqu'un pour m'accompagner sur les lieux". Constatant malgré tout que le garçon était bouleversé, Toland appela une voiture de patrouille.

Quelques minutes plus tard le policier Eugene Bertrand rejoignit le poste. Quand le garde lui expliqua ce que l'adolescent avait observé, Bertrand se remémora un incident qui avait eut lieu une heure plus tôt. Il s'était arrêté derrière une voiture stationnée en bordure de la route 101. Une femme était au volant, affolée. Elle disait avoir été suivie sur 19 km par un objet brillant, rouge et silencieux. L'objet était resté à quelques mètres de sa voiture jusqu'à ce qu'elle arrive à Exeter, où d'un seul coup l'objet s'éleva dans les airs à très grande vitesse et disparut. Bertrand n'avait pas jugé bon de prévenir le shérif. A présent, le compte-rendu de l'adolescent donnait à ce témoignage une toute autre signification.

Tous deux retournèrent près de la propriété où le garçon avait vu l'OVNI le long de la route 150. Il était 3h du matin. La nuit était claire, sans Lune, et les étoiles scintillaient dans le ciel.

Emotionné, Muscarello était toujours très nerveux. Ils commencèrent à chercher des indices et pendant qu'ils examinaient le pré avec une lampe de poche, Bertrand expliqua au garçon qu'il avait peut-être observé un hélicoptère. Muscarello protesta vigoureusement, lui rappelant qu'il savait comment volait les hélicoptères. Il ne s'agissait pas non plus d'un avion de la base militaire toute proche.

Soudain ils entendirent les chevaux hennir et donner des coups de sabots dans leur box et les chiens se mirent à hurler. C'est alors que Muscarello s'écria : "Je le vois ! je le vois !". Bertrand se retourna et vit s'élever lentement au-dessus de la cime des arbres un objet rond et brillant d'une lumière écarlate. L'objet se déplaça dans leur direction en oscillant comme une feuille qui tombait d'un arbre. Bertrand, bien que vétéran de l'aviation, fut si effrayé qu'il porta la main à son revolver P38. Mais il arrêta son geste et courut avec le garçon se réfugier dans sa voiture pour se protéger des lumières.

Bertrand prit le micro et avertit l'opérateur du poste d'Exeter : "Mon Dieu ! Je vois cette satanée chose de mes propres yeux", hurla-t-il. L'objet se trouvait à une centaine de mètres de distance et à environ 30 m de hauteur. Il planait là, en se balançant silencieusement. Bertrand remarqua que l'objet était bien ceinturé de lumières rouges qui projetaient des éclairs par saccades. Les lumières étaient si intenses, "comme les phares d'une voiture qui vous arrivent droit dans les yeux", qu'il ne put évaluer la forme exacte de l'objet.

Un autre policier, David Hunt, qui avait entendu ces commentaires à la radio vers 2h55 arriva peu de temps après dans le pré. Il arrêta brutalement sa voiture et courut rejoindre Bertrand : "Je vis ces lumières qui clignotaient. J'entendis les chevaux ruer dans la grange. Les chiens hurlaient. Puis l'objet se mit lentement en mouvement, en survolant de très près la cime des arbres. Il se balançait tout en se déplaçant, comme s'il rampait. Les avions ne font pas ça."

Bertrand ne cessait d'interroger son collègue : "Qu'est-ce que c'est ?". Hunt lui répondit : "J'en sais fichtrement rien. Je n'ai jamais vu un avion comme celui-là. Et je suis drôlement bien placé pour savoir qu'ils n'ont jamais changé à ce point depuis que j'ai quitté le service."

Finalement, l'objet s'éloigna vers l'est, en direction de l'Atlantique. "Nous avons attendu un peu, dira Hunt. Un B-47 est passé et on pouvait bien se rendre compte de la différence; il n'y avait pas de comparaison possible."

Entre-temps, peu après l'appel de Bertrand, Toland reçut un coup de téléphone d'un homme qui était affolé et qui parvenait difficilement à construire ses phrases. Il appelait d'une cabine téléphonique à 11 km d'Exeter : "Il dit qu'une soucoupe volante fonçait sur lui. Mais, avant qu'il ait pu terminer son récit, la communication fut coupée." Toland décida d'en notifier l'aérodrome distant de 16 km et avertit le shérif de Hampton.

Ils ne retrouvèrent pas le témoin de la cabine téléphonique, mais durant la même nuit plusieurs autres témoins signalèrent la présence d'un étrange objet dans le ciel d'Exeter, ainsi que de plusieurs avions de chasse et cinq B-47.

Illustration de la rencontre de Norman Muscarello et un agent de police avec l'OVNI d'Exeter en 1965.

Le lendemain, deux officiers de l'Armée de l'air interrogèrent Muscarello ainsi que les policiers Bertrand et Hunt. L'enregistrement de leur témoignage sera examiné par le Bureau du Secrétariat de l'Armée de l'air, à Washington. Devant le nombre et la crédibilité des témoins, l'armée ne put éluder l'affaire et elle communiqua un bulletin d'information à la presse.

Bien qu'une base de bombardiers stratégiques soit située à proximité d'Exeter, étant donné que certains témoins avaient vu à la fois l'OVNI et les avions de chasse cette nuit là, l'État-major garda une attitude neutre vis-à-vis de cet évènement.

A la question de savoir si ces chasseurs avaient été appelés tout spécialement pour intercepter l'objet, le Cdt Quintallina resta évasif sur cet incident. Il rappela simplement qu’il y avait eu une opération “Big Blast” durant cette période mais que le personnel engagé dans cette opération aérienne n'avait pas observé d'OVNI. Les deux officiers de police rappelèrent toutefois à Quintallina que l'opération “Big Blast” eut lieu entre minuit et 2h du matin alors que l'observation de Muscarello n'a été portée à leur connaissance qu'aux environs de 2h. Finalement le secrétariat de l'US Air Force conclut qu’il s'agissait probablement d'un phénomène naturel[5] sans prendre la peine d'analyser rigoureusement toutes les données.

De son côté, le journaliste John Fuller mena sa propre enquête et publia un livre sur cet incident, référencé en bas de page. Son article parut un mois après l’incident dans le "Saturday Review" du 2 octobre 1965.

Un autre journaliste ayant apprit qu'un avion-enseigne survolait souvent la région d'Exeter, traînant derrière lui une publicité lumineuse, il suggéra que les témoins avaient peut-être été abusés par cet avion. Mais cet "expert" n'avait pas fait son travail consciencieusement. On apprit plus tard que l'avion en question était au sol à l'heure de l'observation de Muscarello et des policiers.

Un troisième "expert", Philip J. Klass[6], un ingénieur électricien directeur du magazine technique sur l'aviation et l'espace "Aviation Week", dénigra l'hypothèse de l'OVNI, considérant que ce genre d'incident, où l'on retrouvait des objets sphériques, des déplacements erratiques, une lueur vive, des bruits stridents ou sourds (?) étaient également caractéristiques des feux Saint-Elme : forme ovale, couleur rouge intense, grésillement, apparition près des fils électriques (?) et mouvements imprévisibles.

En fait, Klass fit un amalgame de plusieurs phénomènes. Les feux Saint-Elme sont des masses de gaz ionisées qui sont créées pendant un orage, lors d'une décharge d'électricité très importante. Ils apparaissent en général sur la carlingue des avions métalliques et sur les mâts ou les haubans des navires. Ils les entourent d'un halo brillant ou de petites fumerolles évanescentes très spectaculaires, pouvant laisser penser que le bâtiment brûle.

Le feu Saint-Elme peut également prendre la forme d'une boule de plasma rouge, orange ou jaune en général, de 20 cm à 1 m de diamètre. Elle apparaît dans des conditions très particulières (orage, charges attractives, présence de gaz, champ micro-onde, etc) et à l'improviste. Elle peut se déplacer à 5 m/s et subsister de 10 secondes à 1 minute. Elle se maintient un certain temps dans l'air et peut changer instantanément de trajectoire. Lorsqu'elle apparaît sur les lignes à hautes tensions (on parle de couronne électrique), elle peut suivre les fils électriques (alimentation, télédistribution ou téléphone) puis rentrer par une fenêtre ouverte. Si elle passe à proximité d'une personne, mon père a pu constater qu'elle est tombée évanouie sous le choc, que la montre de son ami s'était arrêtée et son alliance avait fondu sans brûler ses doigts (?). Cette boule de plasma brillait d'un éclat jaune vif et tourbillonnait sur elle-même. Elle laissa derrière elle une forte odeur d'ozone et une traînée noirâtre sur le sol. Le phénomène disparut par une fenêtre. Mais la boule de plasma n'est pas toujours acccompagnée de dégâts ni d'explosion. Tout dépend de ses interactions avec l'environnement et de sa densité d'énergie (en général < 0.4 J/cm3).

Mais Klass ne put jamais convertir les témoins et les spécialistes à sa théorie. L'OVNI d'Exeter était bien plus grand que n'importe quelle boule de plasma et le ciel était clair pendant cette observation. Les procès-verbaux dressés après l'incident confirment également que l'OVNI est resté en vol bien plus longtemps que n'importe quel feu Saint-Elme et ne laissa aucune trace de son passage et ne fit aucun bruit.

L'armée restait toutefois très intéressée par ce qu'on appela "l'incident d'Exeter". On rapporte que des témoins furent pris à partie par deux officiers de l'Armée de l’air, un colonel et un commandant, qui voulaient les convaincre que l'OVNI qu'ils avaient observé n'était rien d'autre que la lueur des balises des pistes d'atterrissages de la base ! Pour accréditer leur version, ils firent allumer les balises de la piste et les firent clignoter pendant près d'un quart d'heure. Mais ni le colonel, ni aucun des témoins ne virent la lueur des projecteurs.

Aspect du ciel d'Exeter, N.H., le 3 septembre 1965 vers 2h30 du matin. A cette heure là Jupiter brillait dans le ciel (Mv. -2.2) un peu à l'est de la constellation d'Orion, tandis que Saturne se trouvait 100° plus au sud et brillait comme une banale étoile (Mv. 0.6). S'il fallait le démontrer, cette simulation contredit la conclusion du Pentagone, considérant que Muscarello et les policiers ont observés "des étoiles et des planètes en formations inhabituelles". Une nouvelle fois l'hypothèse "astronomique" proposée par les autorités est donc inacceptable. L'hypothèse du plasma par temps clair, cousin du feu Saint-Elme est plus rationnelle, mais pas plus convaincante. Documents T.Lombry.

Finalement le Pentagone clôtura l'affaire et publia un bulletin le 27 octobre 1965 qui se moquait bien de l'avis des témoins, comme vous pouvez en juger. Ils expliquaient l'incident d'Exeter par des causes naturelles, évoquant tout d'abord que la base avait participé à des vols de nuit, dans le cadre de leurs missions d'entraînements. Il y avait également eu une inversion de température en altitude, donnant l'impression que les étoiles dansaient et scintillaient dans le ciel. Et de conclure : "Nous croyons que les témoins ont vu, cette nuit-là, des étoiles et des planètes en formations inhabituelles".

En comparant l'aspect du ciel simulé à cette heure là, chacun pourra essayer d'apprécier la nature de ces "formations". Jupiter est le seul astre brillant du ciel et il n'a même pas été observé. Saturne est 100° plus au sud. Seule la constellation d'Orion se lève à l'Est, Sirius n'est pas encore levée, et le petit amas des Pléiades est déjà haut dans le ciel. Il est difficile d'imaginer quelle lueur peut émerger d'un ciel si sombre... Une telle conclusion ne mérite tout simplement pas de réponse. D'autant moins quand on sait que la base était fermée cette nuit là et que c'est un autre aérodrome, situé à plus de 150 km, qui resta ouvert tard dans la nuit. Mais il interrompit ses exercices vers 2h du matin, avant que les témoins n'aperçoivent l'OVNI. Les chasseurs ont donc été envoyés sur le site sur un ordre tenu secret.

Lisant les conclusions du rapport qui réduisaient l'observation extraordinaire des agents Bertrand et Hunt à un banal phénomène atmosphérique et astronomique, choqués par l'attitude des autorités, les deux agents écrivirent une lettre à l'État-major, dans laquelle ils expliquèrent en détails les conditions de leurs observations. Ils s'indignaient des réponses faites par les autorités militaires et attendaient une meilleure explication. Trois mois plus tard, ils reçurent une lettre signée d'un lieutenant-colonel, nettement plus nuancée, mais pas plus convaincante. Malgré les renseignements complémentaires qu'ils avaient pu fournir au bureau d'enquête, les enquêteurs de l'État-major reconnaissaient leur incompétence : "Nous sommes dans l'incapacité d'identifier l'objet que vous avez vu le 3 septembre 1965...". Mais la lettre se poursuivait, en stipulant que la plupart des observations de ce genre se rapportaient à des objets de fabrication humaine ou à des phénomènes atmosphériques (météores, etc.). Affaire classée.

Prochain chapitre

Les démentis de l'USAF

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[1] J.A.Keel, “Mystery Aeroplanes of the 1930s”, Flying Saucer Review, Part I, Vol.16, N°3, 1970, p10-13; Part II, Vol.16, N°4, 1970, p9-14.

[2] C., J. et F.Lucius, “The Mysterious FooFighters of WWII”, UFO Report, Vol.2, N°3, 1975, p44-47 et p64-66.

[3] J.Guieu, "Black-out sur les soucoupes volantes", Fleuve Noir, 1956; rééd.l'Omnium littéraire - L.Stringfield, "Alerte générale OVNI", France Empire, 1978 - J.-C.Bourret, "L’armée parle", France-Empire, 1979 - J.-P. Petit, "Le mur du silence", Belin, 1983 - T.Good, "Above Top Secret”, Random Century, 1991 (une nouvelle édition mise à jour a été publiée en 1996) - L.Fawsett/B.Greenwood, "Clear Intent:the Government Coverup of the UFO Experience", Prentice Hall, 1984.

[4] J.Fuller, "Incident at Exeter", chapitre I, G.P.Putman's Sons, 1966 - J.A.Hynek, “The Hynek UFO Report”, op.cit., p154-166.

[5] J.A.Hynek,“The Hynek UFO Report”, op.cit., p165.

[6] P.J.Klass, "Flying Saucers Identified", Random House, 1968 - P.J.Klass, "UFOs explained", Random House, 1974 - Consulter également les magazines "Skeptical Inquirer".


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