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Le problème OVNI

3. L'art (IV)

L’idée des soucoupes volantes est également entretenue par les architectes, les musiciens et les publicistes. Les premiers bâtissent des maisons tout confort en forme de soucoupe (Lancashire, GB, 1976), des centres de conférence y ressemblant (Evoluon, PB, 1975), des musées elliptiques consacrés à l’ufologie (Hakui, Ishikawa, Japon, 1993; secte de Raël, Canada) ou des planétariums ovoïdes équipés de hublots (Bhubaneswar, Inde, 1992).

A gauche, le musée Hakui à Ishikawa, au Japon. Au centre, l'Evoluon à Eindhoven, aux Pays-Bas. Cliquer ici pour voir son aspect de nuit. A droite, les bureaux futuristes des relations publiques de Kansai International au Japon. Documents Hakui-City, Landwell, Dandelion et Kansai.

Chez les musiciens, depuis toujours le groupe rock ELO (anciennement Electric Light Orchestra) représente sur la jaquette de ces disques une très belle soucoupe volante multicolore et le compositeur japonais Isao Tomita (1932-2016) créa de nombreuses mélodies à connotations sidérales, mélangeant subtilement musique de synthèse et enregistrements radioastronomiques, qu'il s'agisse de la marche saccadée des pulsars ou de la respiration sourde de Jupiter. Mais ce sont les albums étiquetés de “New Age” qui, dans le style éthéré, font le plus appel à la “musique des sphères” pour transcender nos esprits.

4. Le marketing

Nous entrons ici dans un secteur commercial très lucratif qui rapporte des milliards de dollars chaque année. Cette reconnaissance publique des extraterrestres ou des soucoupes volantes a conduit à la prolifération de boutiques proposant toutes sortes d'objets en relation avec les OVNI. On trouve ainsi des répliques des vaisseaux d'"Independence Day" ou de la série "Les Envahisseurs", toute la panoplie des accessoires se rapportant à "Star Trek", des programmes et des jeux électroniques simulant "La guerre des étoiles", des casse-tête, des puzzles, des disques, des poupées, des boissons, des sauces, des timbres, des sweat-shirts, des casquettes, des affiches et autres autocollants sur le sujet.

Fouillant dans mes étagères, voici quelques uns parmi les milliers d'objets relatifs à la science-fiction que vous pouvez acheter sur Internet. De gauche à droite deux soucoupes volantes de Toytent (en plastique à $62 et en métal à $19), la soucoupe des Envahisseurs ($42) de Monogram, un Rubik's soucoupe volante d'Amazon.com ($8), un badge de Posternow ($1) et une réplique de Robby le robot de Monsters in Motion ($35). Mais attention si vous vous connectez sur ces sites... Certains articles étant pratiquement "Out of stock" il est tentant de les acheter, et d'autant plus si l'envie vous tenaille depuis des années. Un homme averti en vaut deux !

Les publicistes exploitent le concept de soucoupe volante de façon plus frappante encore. Au Japon, les constructeurs de calculatrices, d'appareils photos ou de programmes informatiques n'hésitent pas à venter les performances de leurs produits en les affichant devant une photographie d'OVNI.

Trois groupes de musique dont les pochettes et parfois les représentations font référence aux soucoupes volantes ou qui composent des musiques à conotation sidérales : le compositeur Isao Tomita, le groupe UFO et bien sûr ELO.

En France, PERRIER offre sa célèbre boisson à de gentils extraterrestres tout vert, CRUNCH propose des confiseries sorties tout droit d'une soucoupe volante multicolore. Ailleurs les extraterrestres se nourrissent de pâtes LUSTUCRU et de saucisses ZWAN, ces dernières initialisant le contact. En Belgique le CREDIT A L’INDUSTRIE n’a pas hésité à ouvrir un compte en banque aux Galaxiens, DENIM vend son Jeans 01 dans tout l’univers et un peu partout dans le monde LEVI’S habille les soucoupes volantes. D’IETEREN pense que les extraterrestres rêvent de posséder une Golf. D’autres font escale dans la chaîne des hôtels français MERCURE ou roulent en CITROEN, en PEUGEOT ou en TOYOTA. Enfin, profitant de la rumeur anglo-saxonne, en Angleterre GRIP propose une assurance... contre les enlèvements extraterrestres ! Même le “Bob”, le conducteur qui ne boit pas a convaincu un pilote extraterrestre fan de la RTBF. Mais gardons la tête froide : pour BELGACOM, les extraterrestres existent s’ils sont dans les pages jaunes de l’annuaire du téléphone...  

Le GRIP en Angleterre et la St Lawrence Insurance Agency en Floride proposent depuis 1987 des assurances contre le risque de chute d'un astéroïde (météorite) et les enlèvements par des extraterrestres. Ce type d'assurance qu'ils traitent sur un ton humoristique coûte environ $20. Le GRIP cessa d'en vendre après le suicide de 39 membres de la secte Heaven's Gate en 1997.

Quand tout cela ne suffit pas pour faire tourner la tête des lecteurs néophytes - et des enquêteurs confrontés aux témoignages insolites -, des farceurs n'hésitent pas à souder ensembles deux poêles à frire ou à fabriquer une soucoupe volante au tour, lancent l'engin en l'air et le photographie. D'autres peignent des singes en vert ou de petites soucoupes volantes sur une vitre et photographient ces canulars pour fournir une preuve à l'appui de leur récit. Mais c'est aussi pour cette raison qu'une photographie ne prouve rien !

5. La littérature

C'est bien sûr dans la littérature que les auteurs se sont défoulés et ont donné libre cours à leur imagination. Certains ouvrages de vulgarisation, les biographies, les témoignages, les rapports d’études sur les OVNI et les articles de presse à sensations ont en effet à leur tour conforté l’idée que les OVNI – entendons par là les extraterrestres – étaient une réalité.

C’est l’ouvrage de Kenneth Arnold “The Coming of the Saucers” publié en 1947 et réédité jusqu'aujourd'hui qui ouvrit aux éditeurs tout un créneau impensable jusqu’alors. Des escrocs comme Frank Scully, George Adamski ou George Van Tassel profitèrent de cette opportunité avec succès parfois pendant des décennies.

C'est l'observation d'un OVNI par Kenneth Arnold qu'un journaliste s'empressa de publier dans le premier numéro du magazine FATE en 1947 qui lança la vague des soucoupes volantes aux Etats-Unis. Cette date marque véritablement la naissance du phénomène OVNI. Collection T.Lombry et Legend Press.

Suite aux études d’Aimé Michel sur “l’orthoténie”, vers 1956 les ufologues Français étaient persuadés que les OVNI suivaient des lignes droites sur de longues distances. “Flying Saucer and the Straight-line Mystery” sortit en 1956 et suscita l’intérêt du monde scientifique. Son étude ne sera toutefois pas reconnue outre-Atlantique avant la vague américaine de 1966.

En 1960, Brinsley Le Poer Trench, le premier éditeur du fameux magazine anglais "Flying Saucer Review", publia un intéressant ouvrage consacré à la relation entre l’histoire, le mythe et la problématique OVNI, “The Sky People”. Il récidiva en 1963 en publiant “Men Among Mankind” dans lequel il tenta de démontrer de quelle manière les anciens auteurs nous avaient légué une impressionnante collection d’objets mystérieux dans la littérature religieuse et occulte, objets qui ont manifestement influencé le phénomène OVNI, de façon tout à la fois subtile et ostensible.

La littérature ufologique évolua ensuite. En 1965, l’astrophysicien et docteur en informatique français Jacques Vallée analysa statistiquement les notifications d’OVNI et publia ses résultats dans “Anatomie d’un phénomène”.

Troublé par certains témoignages, il avoua toutefois que "les véritables OVNI, tels que décrits par les témoins, n’étaient probablement pas des vaisseaux. Ils semblent être en violation avec le continuum espace-temps, tout au moins si on se base sur la réalité physique". Vallée ne rejetait cependant pas toutes les allégations dans le domaine du mythe.

Dans “Passport to Magonia” publié en 1968 et réédité en 1993, Jacques Vallée critiqua sévèrement les statistiques “boulons et écrous”, suggérant qu’il n’était pas invraisemblable de dresser un parallèle entre les miracles, les puissances surnaturelles et les contes modernes relatant l’atterrissage d’OVNI. Selon Vallée, “les mécanismes qui ont généré ces différentes croyances sont identiques”. Mais en août 1976, dans le magazine "UFO Report", Hynek s’opposa à cette conclusion, jugeant que trop de notifications nécessitaient un réexamen des preuves.

Pendant que le public américain attendait impatiemment la publication des travaux de la Commission Condon, John Fuller publia son “Voyage Interrompu” en 1966 qui fut traduit en français en 1982 relatant l'enlèvement de Betty et Barney Hill par des extraterrestres, dont on publia un compte rendu dans le magazine "Look"[14].

L’animateur Frank Edward publia “Flying Saucers: Serious Business” pendant la vague américaine d’OVNI de 1966 et vendit en l’espace de quelques semaines 50000 copies de son livre. Le phénomène OVNI était en effet une “affaire sérieuse” dans les registres comptables. A la mi-67 plus de 30 titres en relation avec les OVNI existaient en librairie.

En 1967, le spécialiste de l’étrange Vincent Gaddis publia en association avec le biologiste Ivan T. Sanderson, “Uninvited Visitors” dans lequel ils tentent de conforter dans leur opinion les adeptes de la thèse extraterrestre. Partant d’une base scientifique certaine, leurs conclusions vont à l’encontre du discours scientifique, qui reste d’ordinaire prudent en la matière. Trois ans plus tard, Vincent Gladis publia également “Mysterious Fires and Lights”, une intéressante compilation des phénomènes OVNI en relation avec l’électromagnétisme.

L’auteur anglais John Mitchell publia deux études provocatrices, “Flying Saucer Vision” dans lequel il considéra les OVNI comme un mythe moderne, et “The View Over Atlantis” en 1969 (réédité sous le titre "The New View of Atlantis"), dans lequel il étudia la relation entre les réseaux de mégalithes anglais et la mythique Atlantide. Il essaya de démontrer que les anciennes civilisations avaient érigé ces pierres afin d’établir un réseau de trajectoires qu’étaient supposer suivre les mystérieux objets volants.

En 1968, Philip J.Klass, éditeur du magazine "Aviation Week & Space Technology" se donna pour objectif de débusquer les OVNI en publiant “UFOs Identified”. A son avis, presque toutes les notifications d’OVNI pouvaient être attribuées à l’observation de “plasmas naturels d’air ionisés”, faisant ressusciter un concept déjà étudié par l’USAF en 1948 mais qui restait indémontrable. Sa thèse comportait cependant un a priori peu scientifique. De plus elle ne résolvait pas les cas les plus énigmatiques.

C’est en 1970, avec la publication des “Chariots of the Gods ?” d’Erich von Däniken que le concept des “astronautes anciens” fut accepté aux Etats-Unis et en Europe. Dans la suite logique des récits de Lord Clancarty (Brinsley Le Poer Trench), Desmond Leslie, George Adamski ou Raymond Drake, von Däniken était convaincu que la Terre avait été visitée par des extraterrestres depuis l’aube de la civilisation.

Entre 1966 et 1975, John A.Keel, auteur de fiction pour la télévision, gagna l’estime du public en publiant une série d’articles sur les OVNI dans "Saga", "True" et "Flying Saucer Review". Keel avait la réputation de ne suivre que sa propre idée, une attitude qui le conduisit loin des hypothèses extraterrestres généralement admises. Il combinait élégamment le mysticisme, les phénomènes psychiques, les pratiques occultes ésotériques, les monstres et en dressa un véritable catalogue du bizarre et de l’inexpliqué dans son livre “UFOs: Operation Trojan Horse”

En résumé, Keel estimait que la vérité était ailleurs comme le dira une célèbre série culte : le mystère OVNI que nous catégorisions dans une grande variété de phénomènes pouvait très bien avoir une même origine, indépendante du cadre de référence dans lequel il survenait. Peu de gens étaient prêts à accepter la thèse de Keel, malgré la publication de son “Strange Creatures From Time and Space” qui ne faisait que reprendre certaines idées de son premier livre. En 1975, Keel publia “The Eight Tower” que les lecteurs jugèrent trop pessimiste pour être consommé sans précaution, sombre et trop austère. On finit par l’étiqueter de “non scientifique” et le public s’opposa à ses hypothèses.

Que ce chercheur ait été ou non apprécié à sa juste valeur n’est pas essentiel. A présent un nouveau pas était franchi; la “nouvelle” ufologie se consacrait à élucider les mécanismes de croyances plutôt qu’à perpétuer le mythe créé par ces mécanismes. On osait enfin s’avouer que les OVNI n’étaient, peut-être, après tout et dans leur grande majorité, que des illusions.

Si Brad Steiger, éditeur du "Project Blue Book" (Ballantine, 1976) arrivait à la conclusion qu’”une sorte d’intelligence extérieure interagissait avec l’humanité à travers l’histoire”, il ne voulait pas dogmatiser son idée mais plutôt l’exploiter comme une théorie physique, “une construction en papier-mâché de notre imagination” comme l’écrivit le physicien John Wheeler à propos de la physique quantique. Steiger imaginait que ce qu’on dénommait “des vaisseaux spatiaux” pouvait en fait être une forme supérieure d’intelligence plutôt que de véritables véhicules transportant des occupants. Ils seraient également capables d’influencer les esprits humains par télépathie, nous laissant observer des images dépendant de notre culture et de notre attitude face à l’inconnu.

Steiger rejoignait en fait l’idée de l’archétype qui sera développé par l’école de Carl Jung. En 1975, Jerome Clark et Loren Coleman publièrent “The Unidentified”, un ouvrage original dans lequel ils proposèrent la “Première loi de la Paraufologie”[15] : “le mystère OVNI est avant tout subjectif et son contenu symbolique”. Leur “Seconde loi de la Paraufologie”[16] stipule que “les manifestations objectives associées aux OVNI sont des sous-produits créés psychocinétiquement par des processus inconscients qui dessinent une vision culturelle d’un autre monde. Existants seulement temporairement, ces phénomènes sont au mieux quasi-physiques”.

Comme Jung et consorts, Clark et Coleman considéraient les OVNI à l’image des apparitions de la Vierge, comme une partie intrinsèque de la psyché. Le phénomène OVNI aurait absorbé nombreux des archétypes anciens, transformant ses besoins en un mythe capable de lui apporter la pièce manquante qui terminerait la construction de son univers.

C'est dans ce contexte qu'entre 1975 et 1976 l'étrange cosmogonie Dogon découverte par les ethnologues français Marcel Griaule et Germaine Dieterlen dans les années 1930 donna naissance à la publication de deux ouvrages pseudoscientifiques sur le sujet, La cosmogonie des Dogon: L'Arche du Nommo d'Eric Guerrier, et The Sirius Mystery de l'archéologue Robert K.Temple, tout aussi folklorique mais mieux documenté sur les plans archéologique et artistique. Tous deux, mais de façon indirecte pour le premier, prétendent que nos civilisations ont été fondées par des extraterrestres ! Quand des pseudoscientifiques s'occupent de science, le résultat ne peut être qu'à la hauteur de leur incompétence.

A lire : L'astronomie des Dogon

Pseudo-science et contamination culturelle

Quand des pseudoscientifiques s'occupent de science, le résultat ne peut être qu'à la hauteur de leur incompétence.

En 1976, dans “Mysterious of Time and Space” et “God of Aquarius”, Brad Steiger suggéra que les OVNI étaient les symboles d’une mythologie vivante, les images vitales de la vie, les guides qui s’adressaient directement à nos sens afin que nous participions activement à la vie sociale de notre groupe. Ce symbole serait capable d’unir à terme toute l’espèce humaine “en un seul organisme spirituel, fonctionnant à travers ses membres, qui, bien que séparé dans l’espace, forment un seul corps et esprit”. Steiger imaginait avant l’heure l’objectif du “New Age” qui pris son essor dans les années '80.

Cette nouvelle pensée mélange dangereusement et sans définir de règles, savoir scientifique, philosophie et ésotérisme. Une génération après Steiger, au tournant de l’an 2000, les gourous du New Age, Scientologues et Kabbalistes convertis inclus, vendent encore très chers leurs livres de pensées et leurs CD, endoctrinant avec une facilité déconcertante des individus en difficulté, instables ou rejetés par leur milieu social. Futurs adeptes du Conseil de l’Univers ou de la secte Raëlienne, les victimes ignorent que les pressions psychologiques qu’elles subissent les consument lentement et finiront peut-être par les détruire si elles n’y prennent pas gare. On y reviendra un peu plus loin.

Faisant suite à longue vague d’enlèvements que connurent les Etats-Unis, en 1993 l’ufologue Marie-Thérèse de Brosses publia en français “Enquête sur les enlèvements extraterrestres”. Ouvrage de référence, c’est la première fois qu’un ouvrage français tentait de cerner cette problématique. Il sera suivi en 1995 par l’ouvrage du grand spécialiste Budd Hopkins, qui publia en français “Enlèvements extraterrestres : les témoins parlent”.

Mélangeant pêle-mêle toutes ces interprétations et refusant par paresse intellectuelle d’en critiquer les arguments, il n’est pas étonnant que le public croit alors aux OVNI comme à sa propre religion. Malheureusement, un sujet qui est plaisant et convaincant pour certains mais qui ne peut être démontré scientifiquement devient un postulat et un dogme pour l’homme de la rue. C’est ce sentiment irrationnel qui rend l’attitude des scientifiques toujours très réservée sur le sujet.

Ce sont les influences multiples véhiculées par ce genre de littérature qui peuvent conduire des gens de bon sens à paniquer ou à fabuler, les conduisant à donner une interprétation fantastique à leurs idées ou face à un phénomène inhabituel mais probablement simple dans son principe.

Prochain chapitre

L'influence scientifique

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[14] J.Fuller, “Aboard a Flying Saucer”, Look, 4 oct.1966, p45-56.

[15] J.Clark et L.Coleman, “The Unidentified”, Warner - Paperback Library, 1975, p236.

[16] J.Clark et L.Coleman, “The Unidentified”, op.cit., p242.


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