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La philosophie des sciences

John Locke

L'idéologie de la science : du positivisme à l'empirisme (II)

Quels sont les mécanismes idéologiques de la science, de quelle manière procède-t-elle pour raisonner et quelles ont été ses principales influences ? Nous verrons à propos de l'histoire de la philosophie, dans l'article Difficiles sont les belles choses, comment les philosophes ont essayé tout au long de l'Histoire d'expliquer les comportements humains et les principes essentiels qui gouvernent notre vie. En attendant, notre idée de ce que représente la réalité, le rôle du concept, la méthode scientifique et l'idéologie de la science ne sont pas encore bien définis.

Au cours des siècles, les philosophes d'Athènes ont étendu leur cadre géographique aux universités puis dans les clubs privés, tel le Cercle de Vienne, le fameux "Wiener Kries". L'Académie de Platon jugeait la réflexion pure supérieure aux mesures des instruments. Sa description de la réalité reposait, tout comme celle d'Aristote, sur une généralisation de cas particuliers. Nous avons vu à propos de la naissance d'une théorie, que cette image d'une science jamais mise en défaut sera critiquée et devra être perfectionnée. Bien qu'elle rencontrait l'idée d'une Nature compréhensible et harmonieuse son analyse n'était pas critique.

A la notion de "scientia experimentalis" imaginée par Roger Bacon (fl.1210-1292), Galilée puis Newton ajoutèrent l'expression formelle, le cadre mathématique qui permit de découvrir toute la machinerie de la Nature. En codant le monde empirique, les scientifiques avaient un moyen de traduire l'expression du monde pour découvrir les structures de ce "dehors".

Si nous remontons au XVIIIe siècle, il semble que John Locke fut le premier à avoir utilisé le mot "scientifique" dans son acceptation moderne. Son œuvre ainsi que celles de ses contemporains dont l'évêque George Berkeley et David Hume conduisent à un concept empiriste de l'univers. Selon Locke et ses confrères, la connaissance est dérivée de nos sensations.

Pour Hume il n'est pas du tout certain que la science puisse conduire à la Vérité. Il évoqua pour la première fois le problème de l'induction. Le principe d'induction disait-il, reste valable dans tous les cas puisqu'il est impossible de vérifier aujourd'hui les conséquences d'une prédiction qui porte sur demain.

Mais ce principe signifie-t-il que nos lois sont toutes subjectives et qu'elles portent sur des universaux ? Certainement pas. Deux siècles plus tard, Ernst Mach sera beaucoup plus tolérant, affirmant que toutes les théories sont en relation avec des expériences sensibles. Mais il n'ira pas jusqu'à discriminer le monde extérieur du monde sensible. Si vérité il y a, elle ressort de la métaphysique. Nous avons vu comment Popper trancha la question en posant le critère de falsifiabilité. Son concept élude le problème de l'induction.

Nous devons en effet étendre cette critique car le principe d'induction a une valeur trop philosophique que les scientifiques ne peuvent pas cautionner. Nous devons aussi nous en méfier car de nos jours des données "sensorielles" ne font quasiment plus partie de l'arsenal scientifique. Pour le chercheur, la "perception" de la nature dont parlait Mach s'établit plutôt à travers des instruments de haute technologie et des théories. Si le positivisme logique avait une certaine influence au début du siècle, aujourd'hui le microscope électronique n'est plus le prolongement direct de l'œil de l'observateur et le "bon sens" de Mach doit être relativisé.

En écrivant son Tractatus, Wittgenstein imaginait tout d'abord le monde tel un instrumentaliste : sa conception de la science reposait sur le "principe de vérification". Ce concept est le fondement du positivisme logique.

Les simulations informatiques interprétées par l'auteur.

Pour Wittgenstein le langage symbolique, suite de propositions logiques peut-être comparé à un tableau. Si nous observons une photographie ou un film, nous voyons les scènes comme elles sont dans la réalité. Dans une peinture abstraite cependant, nous devons établir une relation entre les différents éléments du tableau de façon à donner un sens à sa "réalité". Cette analyse non immédiate implique la création d'un nouveau tableau dans lequel une relation sera établie entre certains symboles. Ce rapport avec le réel est un concept réaliste. Mais cet éclaircissement tend vers la reproduction infinie de notre interprétation du tableau.

De la même façon, pour Wittgenstein les mots du langage ne reflètent jamais la réalité mais nous les utilisons "comme les degrés d'une échelle - pour passer par-dessus et s'en éloigner. [Nous devons] dépasser ces propositions [pour] acquérir une juste vision du monde". Il conclu avec intransigeance "ce dont on ne peut parler il faut le taire"[3].

Si la théorie du tableau est exacte, comment peut-on considérer les principes de la logique comme vrais ? N'y a-t-il pas une incompatibilité à vouloir raisonner par la pensée alors qu'on ne peut en rendre compte avec des mots ?

Nous avons déjà évoqué l'exemple du programme ELIZA à propos de l'intelligence artificielle; il révèle ce contresens. En 1950, Alan Turing, l'inventeur des machines dites "intelligentes" proposa le "Test de Turing". Le jeu ELIZA découle de cette idée. Proposé vers 1966 par Joseph Weizenbaum, ELIZA est l'ancêtre de l'agent conversationnel virtuel ou "chatbot", et simule une discussion avec un psychiatre[4]

Au début de la partie, vous êtes face à un ordinateur. Celui-ci vous pose des questions et vous devez y répondre. Le programme suit en réalité un algorithme aléatoire et il a moins d'une chance sur deux de suivre votre pensée. Faites maintenant entrer une autre personne et demandez-lui de répondre à votre place. Comme les extraits d'une "caméra cachée" en témoignent, elle se demandera très rapidement si son interlocuteur est un être humain ou une machine. Logiquement elle s'imaginera qu'il s'agit d'une personne vivante car les réponses qu'elle reçoit sont "intelligentes", tantôt son interlocuteur conforte son opinion, tantôt il la critique et propose une autre hypothèse - dans le test original de Turing l'ordinateur mentait sciemment -.

Les réponses de l'ordinateur "vont de soi" et ce jugement sera accepté par tous comme étant exact. Mais cette solution qui "va de soi" est peu appréciée scientifiquement car elle est induite par notre expérience.

Voyons un deuxième exemple. Considérons les tests psychologiques. A la suite initiale {2, 4, 6} quel prolongement faut-il donner ? De prime abord la solution est {8, 10, 12}. Et votre réponse est exacte, a priori. Car en fonction du contexte toute autre réponse pourra être exacte, y compris celle-ci : "sont nuls" si cette suite reflète les solutions d'une fonction particulière. Cette appréciation, fonction du contexte appelle un "principe de relativité".

L'outil conceptuel qui permet de fonder la logique suit un "programme de recherche scientifique", concept introduit à Cambridge en 1935 par Imré Lakatos. En étudiant la "dynamique" des théories et la façon dont elles se modifiaient, Lakatos fini par découvrir qu'il n'y avait aucune possibilité de départager deux vérités scientifiques. Si deux théories sont incompatibles entre elles, à partir du moment où elles prédisent les mêmes résultats, elles sont toutes les deux exactes. Il avait également découvert qu'un tel programme tenait compte du contexte social de la science de son époque.

Imré Lakatos et Paul Feyerabend.

En 1975, Paul Feyerabend[5] ajoute à cette proposition qu'"on ne pourra jamais trouver un ensemble de règles susceptibles de guider le scientifique dans le choix d'une théorie et c'est entraver le progrès d'imaginer l'existence d'un tel ensemble". Mais Feyerabend est irrationnel dans la mesure où il considère qu'il n'existe pas de méthode scientifique. Si certaines pseudosciences peuvent expliquer la réalité elles doivent pouvoir accéder à la même reconnaissance. Ainsi Feyerabend propose que les étudiants étudient tant la théorie de l'évolution de Darwin que celle enseignée dans la Bible. S'il fallait le croire, les enfants naîtraient encore dans les choux ! Feyerabend valide ainsi l'astrologie et les traditions mystiques[6]. Dans son célèbre livre Contre la méthode il affirme que "le seul principe qui n'entrave pas le progrès est que tout marche". Son point de vue extrémiste fait qu'il est souvent considéré comme un anarchiste même s'il s'est assagi depuis comme il le reconnaît lui-même.

Etonnement les chimistes ne s'étonnent qu'à moitié des slogans de Feyreabend car, à défaut de disposer d'une théorie et d'une méthode approuvées, ils sont souvent contraints de "créer leur objet" sans être sûr de comprendre ce qu'ils font. Pour le chimiste Jean Jacques[7] "les chimistes [on] depuis longtemps considéré qu'en matière de connaissance, tout [est] bon à prendre et par n'importe quel bout. Ce raisonnement n'est pas valable pour un physicien".

Malgré une conception à l'opposé du courant scientifique, la thèse de Feyerabend met le doigt sur la définition de la Vérité scientifique, son contexte social et sa méthode qui seront encore mieux explicités par Thomas Kuhn.

La Science, une oeuvre bâtie sur pilotis.

Dans son célèbre livre La structure des révolutions scientifiques[8], Kuhn développe l'idée que chaque science travaille dans un cadre intellectuel propre, un modèle qui organise sa manière d'appréhender le réel : c'est le paradigme, concept que nous avons déjà introduit. L'activité du scientifique serait "contrôlée" par deux situations : l'époque à laquelle prend naissance la théorie et l'appartenance du chercheur à tel ou tel groupe. A l'instar d'une révolution politique, les bouleversements que peut entraîner une nouvelle théorie scientifique recouvrent des problèmes émotionnels et irrationnels.

Popper[9] a merveilleusement exprimé ce que représentait le soi-disant déterminisme de la science. Il disait à ce propos : "La science ne repose pas sur une base rocheuse. La structure audacieuse de ses théories s'édifie en quelque sorte sur un marécage. Elle est comme une construction bâtie sur pilotis. Les pieux sont enfoncés dans le marécage, mais pas jusqu'à la rencontre de quelque base naturelle ou "données" et, lorsque nous cessons d'essayer de les enfoncer davantage, ce n'est pas parce que nous avons atteint un terrain ferme. Nous nous arrêtons, tout simplement, parce que nous sommes convaincus qu'ils sont assez solides pour supporter l'édifice, du moins provisoirement". Son idée cachait le plus grand défi de la science : l'illusion du savoir.

Thomas Kuhn ira dans le même sens en considérant qu'à chaque époque les scientifiques ont brisé les "paradigmes" à la mode, acceptant pour quelque raison que ce soit (simplicité de la théorie, variété des observations, conformations empiriques des données, personnalité de l'auteur, faveur économique, but politique, etc) de voir le monde sous un angle différent, pour découvrir à travers leurs "nouvelles lunettes", les nouvelles énigmes du monde.

Le paradigme soulève des paradoxes et peut-être assimilé à un carcan dont il faut parfois savoir le libérer; Ce changement de perception fait constamment basculer notre image du monde telle une gestalt. Ce processus conduit au progrès car le chercheur de la nouvelle génération, nourri aux nouvelles idées sera dégagé des contraintes dans l'ancien paradigme et acceptera ce nouveau schème comme "vrai", normalisé. Il l'utilisera à son tour pour découvrir des faits nouveaux. Il lui sera dorénavant impossible de voir les choses autrement, à moins que ses lunettes se brisent à nouveau. Ce processus Kuhn l'appelle la "science normale". Elle nous fait découvrir un univers différent de l'ancien paradigme ou du paradigme concurrent.

Mais le théoricien a-t-il cette liberté d'agir, et s'il la possède, en a-t-il la volonté ? Enveloppé dans le paradigme du moment, il doit s'en extraire s'il veut construire un nouveau système de concepts cohérents qu'il essayera tant bien que mal d'intégrer dans l'expérience. Mais la scission logique qu'il faut effectuer entre les expériences réelles ou seulement pensées et la mathématisation des principes est un saut dans l'inconnu, un "jaillissement" comme l'appelle Gérard Holton[10].

Cette prise de conscience n'est pas sans risques. Tous les fondateurs ont dû éprouver des sentiments bien inconfortables lorsqu'ils découvrirent les paradoxes des anciennes théories : "C'était écrit Einstein[11], comme si le sol se dérobait sous mes pas et qu'il était impossible d'apercevoir nulle part un fondement sur lequel on aurait pu construire".

La pensée créative

La conception d'une idée créative passe par quatre étapes :

Saturation

Incubation

Illumination

Vérification

: surmonter toutes les difficultés du problème

: perte des préjugés devant la solution

: dégagement brutal de la solution

: pour l'acquis de la conscience

Nous devons les trois premières phases à Hermann von Helmohltz.

La dernière phrase est purement formelle mais nécessaire selon Henri Poincaré.

Cette thèse est une véritable révolution car elle met en évidence l'influence de l'expérimentateur sur son dispositif de mesure; tant la théorie que son outil expérimental sont l'expression d'un paradigme, d'un point de vue local qui n'est pas objectif. Peut-on dans ces conditions soutenir que nous observons l'univers dans sa réalité ? Peut-on imaginer avoir recourt à une explication objective et véritable de la Nature ?

Tous les chercheurs reconnaissent que cette vérité n'est pas accessible. Le progrès scientifique consiste à nous rapprocher de la nature véritable. La relativité du monde en devient irrationnelle, bien que Kuhn refuse cette étiquette.

Fondamentalement Kuhn base son interprétation de la rigueur du cadre logique dans l'"instant" et son jugement doit être nuancé. Les "nouvelles lunettes" que porte le jeune chercheur sont adéquates sur le moment même pour voir les faits nouveaux, d'où le renversement de paradigme et le changement de théorie qui en résulte. Mais celle-ci ne sera acceptée qu'à partir du moment où l'ancienne position ne pourra plus être défendue. Le subjectivisme dont parle Kuhn deviendra avec le temps une conviction objective.

Pour Ilya Prigogine[12] et Isabelle Stengers cependant, cette métamorphose n'est pas à l'image d'une révolution. L'histoire des sciences nous révèle que cette évolution se fait de façon continue à l'image de l'évolution continue de l'univers. Ses facteurs dominants reflèteraient la complexité de l'univers : l'information, l'organisation et l'entropie. Mais cette interprétation holistique à visée métaphysique et moniste n'est-elle pas paradoxale dans la bouche de scientifiques ? Des livres tels "A tord et à raison" (1986) d'Henri Atlan, "L'heure de s'enivrer" (1986) d'Hubert Reeves, "La mélodie secrète" de Trinh Xuan Thuan (1988) ou encore "Le tao de la physique" de Fritjof Capra (1989) ont essayé de réintégrer la dimension surnaturelle, mystique en science. Mais ne s'agit-t-il pas plutôt de métaphore sur l'avant-scène de l'édifice de la Science, qui depuis toujours, assimile le sacré...

Ilya Prigogine, prix Nobel de chimie 1977 : la fin des certitudes.

Sur le fond l'intervention de Kuhn n'a que peu d'influence sur la méthodologie scientifique, tout comme celle, rappelons-le, soutenue par Feyerabend et nous ne devons pas les considérer comme des "révolutions" dans ce sens. La meilleure preuve est le fait que lors d'une "révolution" scientifique les anciennes idées, les équations ne sont pas mises de côté. En physique par exemple, le passage de l'électromagnétisme classique de Maxwell à l'électromagnétisme quantique n'a nullement laissé tombé le premier de ces paradigmes. En effet, comme l'a si bien écrit le physicien français Bernard d'Espagnat[13], "que pourrions-nous faire sans les équations de Maxwell ? Nul physicien - même "quantique" ! - n'irait dire qu'elles sont périmées". Finalement, la question de fond est de savoir s'il existe une méthode pour inventer une théorie exacte qui soit le reflet de la réalité ?

A la question d'une personne qui lui demandait qu'elle démarche il suivait pour faire une découverte, Newton[14] répondit : "Je tiens le sujet de ma recherche constamment devant moi, et j'attends que les premières lueurs commencent à s'ouvrir lentement et peu à peu, jusqu'à se changer en une clarté pleine et entière".

Comme le disait Einstein, il y a des risques à s'écarter des sentiers battus. Le sol se dérobe mais il faut franchir le pas et aller de l'avant. Einstein et Newton ont fondé leur liberté dans le cadre de la science "normale", le long d'une voie contraignante. Ils s'en sont délibérément écarté et leur victoire fut à l'image d'une voie royale. D'autres théoriciens, enivrés par la déraison du mystère, s'écartent vers le merveilleux mais cherchent tôt ou tard à retrouver une réalité qui leur permettrait de relier leurs spéculations ou leurs équations à l'expérience.

Alice et son reflet dans le miroir de la réalité.

Mais dans cet état psychique autre et incertain, plus d'un scientifique s'est égaré. La physique quantique en particulier soulève de nombreuses interprétations. Emportés par leur création, ces chercheurs n'ont pas conservé la rigueur de leur méthode et se sont fourvoyés dans une voie utopique et impossible.

Le scientifique véritable doute toujours car il connaît le sort que peut lui jouer la Nature. Reprenant une idée déjà exprimée par Newton, en 1922 Einstein écrivait : "Le théoricien scientifique n'est pas dans une situation enviable, car la Nature ou, plus précisément, l'expérience, est un juge implacable et peu amical de ses travaux. Elle ne répond jamais "oui" à une théorie. Dans le cas le plus favorable elle dit "peut-être", le plus souvent, et de loin, elle dit simplement "non" […]. Le verdict fatal est probablement la destinée de toutes les théories et il tombe, pour la plupart d'entre elles, peu de temps après leur conception".

Popper tenta d'expliquer le comportement scientifique en insistant sur sa méthode, sa structure logique. Mais il fut bloqué dans son raisonnement par la pratique des scientifiques. Plutôt que de chercher un élément qui réfutera leur hypothèse, les scientifiques tentent toujours de confirmer leurs idées, quitte à user d'hypothèses auxiliaires et ils ne posent évidemment jamais d'avis allant contre leurs opinions. Le but de tout chercheur qui croit avoir découvert quelque chose est de confirmer l'exactitude de son hypothèse.

Popper a également découvert que le réaliste peut concevoir des entités que la science n'imagine pas, qui se situent en dehors de son champ d'application. Le positiviste à l'inverse ne peut accepter cette démarche puisque ce postulat n'a pas de sens, il est invérifiable, appartenant au domaine de la métaphysique.

Mais tous les scientifiques utilisent cette démarche et en sont conscients. Nous pouvons citer la cosmologie où l'on discute des entités situées au-delà de l'horizon cosmologique, de particules hypermassives inconnues. Idem en physique quantique où l'interprétation des résultats soulève bien souvent plus de questions qu'elle n'en résout.

En préservant les garde-fous de la méthode scientifique (recherche de corrélations, faillibilisme, etc.) le réalisme a prouvé sa cohérence et les scientifiques ont besoin de cette extrapolation pour défendre leurs arguments et conforter leurs intuitions. On peut considérer cette fuite en avant comme un retour de la métaphysique Popérienne. Popper qui participa aux discussions du Cercle de Vienne sans en accepter la philosophie - il n'en était pas membre - finit par ne plus discuter du mythe, le logos de la pseudoscience. Il se rapprocha de la philosophie de Wittgenstein et du positivisme logique, l'instrumentalisme.

Des scientifiques renommés tels Freeman Dyson ou Murray Gell-Mann n'ont jamais eu de contacts avec les philosophes car ils considèrent qu'il serait très dangereux de discuter de la philosophie des sciences; Gell-Mann se ventait d'avoir en permanence dans sa poche une ordonnance de son médecin lui interdisant de discuter avec des philosophes…

Pour ceux qui refusent de parler en termes épistémologiques, il existe une autre interprétation à travers la sociologie[15]. Puisque la science est affaire d'hommes et de femmes appartenant à une société, pensant, éprouvant des sentiments, croyant en certains dogmes, ce sont les règles de cette communauté qui déterminent finalement la science normale et orientent son avenir. A côté de son aspect social il existe une méthode scientifique qui définit la scientificité des paradigmes, ce qui permet de différencier la science telle que nous l'avons définie, des pseudosciences.

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[3] L.Wittgenstein, "Tractatus logico-philosophicus". Critique de la phenomenology, Wittgenstein a superbement exposé le problème du langage et de l'altérité de la philosophie. Nous critiquerons sa philosophie à la fin de ce dossier, dans l'article Difficiles sont les belles choses.

[4] Cette simulation est connue sous le nom de "test de Turing" et fut publiée pour la première fois dans la revue "Mind", 59, 1950, p236.

[5] P.Feyerabend, "Contre la méthode", Le Seuil, 1979.

[6] Lire à ce sujet D.Ferré-Fornacciari, "Les sirènes de l'irrationnel", Albin Michel-Sciences, 1991 - P.Feyerabend, "Contre la méthode", op.cit., p336.

[7] J.Jacques, "Les confessions d'un chimiste ordinaire", Le Seuil, 1981, p125.

[8] T.Kuhn, "La structure des revolutions scientifiques", Flammarion, 1962/1983 - T.Kuhn, "La tension essentielle : tradition et changement dans les sciences", Gallimard-nrf, 1990, p5 - NB. Thomas Kuhn nous quitta en 1996 à l'âge de 73 ans. Lire D.Hull, Nature, 382, 1996, p203 (hommage).

[9] K.Popper, "la logique de la découverte scientifique", Payot, 1973, 30, p111.

[10] H.Holton, "L'imagination scientifique", Gallimard, 1981.

[11] "Oeuvres choisies" d'A.Einstein, op.cit., V, p34.

[12] I.Prigogine et I.Stengers, "La Nouvelle Alliance", Gallimard, 1980.

[13] B.d'Espagnat, "Un atome de sagesse", Le Seuil, 1982, p189.

[14] P.Duhem, "La théorique physique, son objet, sa structure", Chevalier et Rivière, 1906, p422.

[15] Dans ce contexte certaines universités proposent l'étude de la philosophie politique, de l'éthique, etc. Leurs professeurs sont diplômés en philosophie et sociologie.


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