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La gestion des couleurs sur ordinateur

Document Clive Tooth

La restitution fidèle des images (I)

Quand on réalise des travaux d'édition graphique sur ordinateur (infographie, retouche photo, etc), l'utilisateur est parfois confronté à des questions techniques touchant à la représentation des images. Pour les résoudre il doit idéalement posséder les bases de la restitution des images sur ordinateur, maîtriser les caractéristiques de la couleur (teinte, saturation, contraste, etc) et la manière dont les différents périphériques les utilisent, notamment les écrans, les imprimantes, les scanners et les appareils photos numériques (APN).

Se greffe sur ces questions, la conversion éventuelle dans les règles de l'art des images analogiques en format digital (utilisation des APN et scanner) sans oublier bien sûr la maîtrise de l'outil informatique.

Les données du problème

Imaginons que vous venez de réaliser une belle image numérique, que ce soit avec un APN ou un logiciel graphique.

Aux retouches ou aux techniques de traitement d'image près, si a priori l'image affichée sur votre écran est conforme au document ou au sujet original, donc à la sensation visuelle que vous en avez, êtes-vous certain qu'elle présentera les mêmes tonalités sur un autre écran et que l'impression sera fidèle à l'originale ou tout le moins à ce que vous voyez à écran ? Comment vous assurer que la communication entre vos périphériques préserva votre travail, que l'impression respectera la balance des blancs, la densité du noir, les couleurs et leur saturation ?

Photo couleur sur film Fujichrome R-100 de la Grande nébuleuse d'Orion prise par Akira Fujii et traitée par T.Lombry.

Ce sont effectivement des questions pertinentes pour peu que la photographie ou l'infographie soit l'une de vos passions. Sans valeurs étalons, il vous sera impossible de le certifier. Ne vous fiez pas à vos yeux car même s'ils restituent parfaitement les couleurs dans leurs moindres intensités, les réglages de votre écran, sa température de couleur, la lumière ambiante, les effets de la fatigue oculaire et votre interprétation vont altérer votre appréciation à votre insu.

Si vous avez lu les articles précités, vous avez compris que la manière de restituer fidèlement les couleurs à l'écran ou sur imprimante ne consiste pas simplement à choisir une couleur dans une palette et à l'envoyer sur le périphérique concerné en espérant qu'elle sera fidèlement reproduite. Ce serait l'idéal, mais malheureusement ce n'est pas la réalité, tout le moins pour l'oeil critique d'un professionnel.

Quand on parle de gestion des couleurs, les problèmes potentiels sont aussi nombreux que la diversité des périphériques et des supports : limitations hardware ou software touchant la représentation des couleurs, influence subjective de l'utilisateur, sans parler de la reproduction sur papier, matière plastique, métal ou toile où le type support et les pigments utilisés pour fabriquer les encres affectent également le résultat.

On comprend donc aisément qu'une mauvaise gestion des couleurs à chaque étape de la chaîne PAO ou d'impression peut finalement produire de sérieuses variations de couleurs, sans parler de malentendus chez l'imprimeur ou auprès du laboratoire photographique.

Pour éviter tout résultat hasardeux et une perte de temps, la réalisation d'une image correctement équilibrée du point de vue chromatique par rapport à son périphérique obéit à des règles précises. Cela fait appel à des outils tels que la sonde de calibration et les profils ICC.

Ces techniques n'ont rien de mystérieux ou de difficile, elles demandent simplement votre attention et un peu de rigueur. En contrepartie, en appliquant cette méthode vous simplifierez votre travail car vous n'aurez (presque) plus à vous préoccuper de la qualité du résultat car les couleurs seront toujours optimisées. Concrètement, et moyennant le respect de certaines procédures, ce que vous verrez dorénavant à l'écran sera conforme à ce qui sera imprimé ou affiché sur d'autres écrans. Certains dirons : "Génial ! C'était justement ce qu'il me manquait..." Et de fait, pour beaucoup d'amateurs la gestion des couleurs est une notion passablement inconnue.

A consulter :

Lexique d'infographie (Tout-Savoir.net)

Que ce soit à la prise de vue, lors de la création sur ordinateur ou à l'impression, pour éviter d'ajouter des dominantes ou de modifier artificiellement l'aspect d'une oeuvre digitale, vous devez connaître la réponse spectrométrique de la lumière ambiante et des appareils que vous utilisez (appareil photo, écran, scanner, imprimante, etc) ainsi que les effets des différents types de support sur la restitution des couleurs (écran cathodique, LCD, TFT, papier, toile, encre, etc) afin de pouvoir corriger si nécessaire la balance des blancs et les dominantes qui se présenteraient. Pour cela vous devez acheter une sonde de calibration (Pantone, X-Rite, LaCie, Gretag Macbeth, etc). Leur prix commence vers 80 € mais peut atteindre 3000 € en fonction de leurs caractéristiques et des options. Documents I1color (X-Rite) adaptés par l'auteur.

Commencons par un bref rappel historique pour comprendre les bases de cette méthode.

L'espace colorimétrique absolu CIE L*a*b

Ainsi que nous l'avons expliqué dans l'article consacré à la restitution des images sur ordinateur, en 1931, la Commission Internationale de l'Éclairage, CIE en abrégé, a catalogué les couleurs de manière objective, leur attribuant des valeurs chromatiques bien précises.

L'espace L*a*b (que l'on écrit aussi LAB ou Lab par facilité) est une tentative pour linéariser la réponse logarithmique de l'oeil, préciser sa tolérance tout en tenant compte de sa grande sensibilité à la luminance et en évitant de représenter les couleurs dans un espace déformé comme c'est le cas dans tous les autres modèles dérivé de l'espace CIE.

Dans l'acronyme L*a*b, le signe * représente la dérivée des valeurs L, a et b. En pratique, L* représente la luminance, a* est un point sur l'axe vert-rouge et b* un point de l'axe jaune-bleu, leur produit définissant un point dans l'espace colorimétrique. 

L'espace colorimétrique L*a*b basé sur le diagramme CIE XYZ. Uniforme, il sert de référence théorique et est également utilisé en infographie.

Ce résultat permet de représenter les relations L*, a* et b* de manière non linéaire et se rapproche de la réponse logarithmique de l'oeil de l'observateur moyen idéal. Ce diagramme fut modifié pour la dernière fois en 1976.

Cet espace représente le diagramme de chromaticité le plus étendu. Il est fondé à la fois sur des paramètres physiques donc réels (les longueurs d'ondes, etc) et des études psychométriques du phénomène de la vision (des mesures relevant de la psychologie, de la manière de voir) qui ne touchent plus réellement à la réalité objective. Cet espace est le plus proche de la sensibilité de l'oeil humain mais ne représente pas pour autant sa sensibilité réelle. La totalité de cet espace contient environ 4.2 millions de couleurs. Autre particularité, la distribution des couleurs y est uniforme.

Cette uniformité signifie que de faibles écarts théoriques entre couleurs sont ressentis comme étant également faibles visuellement.

Dans tous les autres espaces colorimétriques visuels ou physique (CIE XYZ, RGB, Munsell, Ostwald, TSL, etc), ces variations ne sont pas linéaires; un petit écart dans l'espace chromatique donne souvent lieu à une grande variation de nuance visuelle. Cela signifie que ces couleurs ne sont pas interprétées correctement par les utilisateurs, principalement dans l'industrie (imprimerie, cosmétique, métallurgie, textile, etc) où il s'agit concrètement de mélanger différents pigments.

Il faut toutefois noter que l'espace L*a*b présente par nature un inconvénient quand il s'agit d'estimer avec précision les caractéristiques chromatiques. Ainsi, dans un logiciel de traitement d'image, les variations de luminance sont cinq fois plus apparentes que les variations de couleurs sur les axes a ou b; il faut 5 points pour déceler une variation de luminance pour 1 seul point des valeurs a ou b. C'est pour corriger ce déséquilibre que les chercheurs de la CIE ont développé des formules de tolérance plus précises, notamment ΔE 2000 (voir plus bas).

A consulter:

Calculette CIE et Equations de conversions colorimétriques

L'espace L*a*b est devenu la référence chromatique universelle. On le qualifie parfois d'espace colorimétrique absolu. Bien qu'il s'agisse de la représentation de la sensibilité de l'oeil moyen, comme il s'agit d'un modèle théorique, il ne peut pas être appliqué comme tel dans l'industrie. Il contient par exemple des couleurs dites psychométriques qui n'existent pas physiquement dans la nature; ce sont notamment les couleurs très saturées de l'espace L*a*b au-delà des valeurs a* et b* de ~60.

Si cela ne pose aucun problème pour visualiser une image à l'écran, quand il s'agit de l'imprimer, c'est un tout autre problème car l'espace colorimétrique des imprimantes est nettement plus petit que l'espace théorique, lié notamment aux faits qu'on travaille avec des encres de différentes densités et que les imprimés sont observés par réflexion.

Aussi, toutes les industries concernées par les impressions couleurs préfèrent utiliser des espaces sur mesure tels que Adobe 1998, sRGB, Pantone, ColorMatch ou encore EIC-RGB parmi d'autres car ils sont mieux adaptés à la reproduction sur certains supports, plus conformes à certains espaces de couleurs ou leurs couleurs sont tout simplement mieux appréciés dans certains pays (HKS en Europe, DIC au Japon, etc). On y reviendra à propos de la qualité des impressions.

Programme à télécharger : Chromaticity

Simulation des gamuts de couleurs

A gauche, diagramme de chromaticité xyY de l'oeil établi par la Commission Internationale de l'Éclairage (CIE). C'est le point blanc à x=y=1/3 qui détermine l'intensité des phosphores RGB pour afficher le blanc pur à l'écran. Il correspond à la température de couleur de l'écran (D50 ou D65). Au centre, une des multiples représentations de l'espace colorimétrique de Munsell. C'est une version que l'on retrouve sous différentes formes en infographie et à des fins de recherches. Sur ce diagramme sont indiqués les 3 paramètres physiques, la teinte (T), la saturation (S) et la luminosité (L). A droite, les espace colorimétriques des principaux gamuts ou nuanciers comparés au spectre visible accessible à l'oeil humain sain et emmétrope (sans défaut visuel).

Tolérance et estimation des couleurs

Du fait de la linéarité colorimétrique du modèle L*a*b, l'écart de couleur ou tolérance ΔE entre deux points de l'espace se calcule aisément à partir du théorème de Pythagore : ΔE = √(ΔL2 + Δa2 + Δb2). Bien sûr les programmeurs en ont profité pour élaborer leurs méthodes de calibration. En effet, nous verrons page suivante que tous les logiciels de calibration affichent au final, sous forme numérique et graphique, les valeurs précises des points a, b et ΔE à corriger, ce qui permet de caractériser le périphérique et de générer un profil colorimétrique (profil ICC).

Selon différentes études réalisées depuis les travaux de David L. MacAdam (c.1940), on estime que l'oeil humain "standard" et entraîné présente une tolérance ΔE ~ 0.5. Un logiciel de calibration comme ColorNavigator livré avec les écrans Eizo et travaillant avec une sonde Gretag Macbeth Eye-One présente une tolérance ΔE < 0.5. Beaucoup d'études et de tests se basent toutefois sur un seuil de 1.0 voire supérieur. Précisons néanmoins que les meilleurs écrans TFT tel le NEC Spectraview 280WG-LED soutient un ΔE ≤ 0.4 pour toutes les valeurs de luminance L* > 51. Autant dire que les couleurs sont représentées de manière quasiment parfaite contrairement à la majorité de ses concurrents.

A titre indicatif, pour une publication de luxe en quadrichromie, sans qu'il n'y ait de règle formelle, on estime que ΔE = 1.5 et correspond pour l'oeil humain à une différence de longueur d'onde qui ne dépasse pas 10 nm ou 100 Å. Cela représente également l'échantillonnage minimum des sondes spectrophotométriques. A titre de comparaison, une publication sur papier journal peut se contenter d'un ΔE = 2.5.

Le gestionnaire de couleurs de Photoshop permet de sélectionner une couleur dans différents espaces colorimétriques. Ils figurent à droite du gamut de couleurs. On reconnaît les valeurs numériques des paramètres physiques HSB (TSL), RGB, L*a*b et CMYK. L'espace actif est L*a*b (par défaut, dans l'espace standard HSB, le gamut est un dégradé d'une seule couleur).

En d'autres termes, les imprimeurs comptent sur la faculté de notre cerveau à intégrer des informations et des images (représentant par exemple par une ligne continue une succession de points rapprochés) pour adapter leur technique d'impression. Le plus bel exemple est l'invention des images tramées.

Une tolérance de 3.0 est une valeur limite, au-delà de laquelle les dégradés de couleurs deviennent apparents. C'est la raison pour laquelle la plupart des logiciels de calibration recommandent d'ajuster le DE entre 1.5 et 3.0, sous-entendant que c'est à l'utilisateur d'utiliser un profil colorimétrique adapté à la destination du document. Toutefois, la plupart des publications commerciales tolèrent un ΔE = 6.0. Au-delà, cela devient presque du dessin d'enfant !

La tolérance ΔE varie en fonction des trois paramètres L*, a* et b* mais nous avons expliqué que l'effet d'une variation élémentaire de luminance est visuellement cinq fois mois intense que celui d'une variation élémentaire de couleur.

Pour obtenir une évaluation plus précise de la tolérance, la CIE a développé de nouvelles formulations beaucoup plus complexes dont le ΔE 2000. Sa métrique dépend de 3 vecteurs kL, kC, et kS et d'un couple vectoriel constitué des valeurs L*a*b standard et L*a*b de l'échantillon. Son équation s'écrit sous la forme ΔE00 = ΔE 2000 (L*a*b std, L*a*b éch, kLCS).

A ce sujet nous devons préciser deux points. Tout d'abord la tolérance ou écart entre deux points de couleurs mesure la distance globale dans l'espace L*a*b qu'il faut adopter pour obtenir une certaine qualité d'image. Elle ne mesure pas la différence chromatique dans le plan a*b. Pourquoi ? Parce qu'ainsi que nous l'avons évoqué, la luminance influence cinq fois plus la perception des nuances chromatiques que les autres paramètres. En corollaire, cette tolérance n'est valable que pour la gamme de gris et ne s'applique pas aux couleurs saturées de même luminance.

Deuxième point, par défaut la tolérance n'a de sens que pour de faibles distances dans l'espace colorimétrique; on ne peut pas par exemple appliquer la tolérance à deux couleurs quelconques. Pour y parvenir, la CIE ainsi que le Colour Measurement Committee (pour la partie textile) ont défini des formulations plus complexes parmi lesquelles CIE-1994, S-CIELAB et surtout CIECAM97.

CIECAM97, appelé modèle d'apparence couleur est le plus complexe et tente de faire la synthèse des nombreux modèles de couleurs créés jusqu'ici. Développé en 1997 par la CIE, il tient compte du stimulus de couleur, des caractéristiques physiques de cette couleur, de la sensibilité des cônes et des effets environnementaux. Comme plusieurs modèles antérieurs, il caractérise un stimulus sans référence au support. Que l'image soit affichée sur un scanner, un écran ou une imprimante, connaissant les conditions d'illumination du périphérique, CIECAM97 est capable de convertir la représentation interne de l'image pour la présenter de manière optimale sur le support. Mais il est tellement complexe qu'on y fait peu référence. Nous entrons ici dans des considérations techniques qui sortent du cadre de cet article.

De tout ceci, retenons qu'un oeil normal étant par nature très sensible à la couleur et principalemernt au contraste, une image peut facilement présenter un déséquilibre chromatique entre son rendu affiché à l'écran et sa reproduction sur papier ou un autre support. Si vous imprimez régulièrement des documents couleurs en haute résolution, à domicile ou à l'extérieur, si vous ne faites pas attention à cet équilibre, le résultat peut être décevant : apparition de dominantes, image délavée, trop contrastée, perte de détails, etc.

Pour éviter cette déception programmée et s'assurer un rendu optimal des couleurs, il faut respecter quelques règles. C'est toute la question de la gestion des couleurs qui, pour beaucoup, reste obscure et a priori trop complexe pour être maîtrisée. Nous allons vous démontrer le contraire et le fait que toute personne peut facilement maîtriser le sujet moyennant un minimum d'explications et un peu de pratique.

Prochain chapitre

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