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La théorie de la Relativité

Un principe général

La relativité générale (III)

Einstein avait l’intuition que l’espace pseudo-euclidien de Minkowski n’était qu’une “superstition” comme il le dira à E.Freundlich en 1914. Il croyait à cette idée quitte à ce que tous ses confrères fassent ce qu’il faut pour “la démolir” lui écrivit-il encore.

Finalement Einstein réalisa ce qu’on appelle un “couplage minimum” en introduisant la gravitation dans les équations de la relativité restreinte écrites dans le système de coordonnées de Minkowski. C’est ainsi qu’il substitua gμν à ημν et ∇ν à ∂ν. Cela lui permit de remplacer tous les termes de l’équation de d’Alembert par des expressions relativistes et aboutit, mais en 1915 seulement, à une formule contractée appelée l’équation de champ, où κ = 8πG/c4 :

Rμν - 1/2 gμν R = - κ Tμν

dans laquelle gμν est le tenseur métrique, Tμν est le tenseur énergie-impulsion et “Rμν est le tenseur de Ricci, tenseur de rang deux dérivé par rapport aux gμν à partir du tenseur de Riemann-Christoffel Rλμλν”, ainsi qu’Einstein le précise.

Ce tenseur de Ricci est symétrique : Rμν = Rνμ. Le scalaire de courbure R s’obtient par contraction du tenseur de Ricci : 

R = Rμνgμν

Dans cette formule de l’équation de champ qu’Einstein qualifia “d’expédiant”, le tenseur du champ gravitationnel (le membre de gauche, qui est aujourd’hui appelé tenseur d’Einstein) est équilibré par le tenseur de la densité d’énergie totale (le membre de droite), dans la mesure où il est différent du champ purement gravitationnel. Le deuxième terme du membre de gauche fut ajouté pour des raisons formelles. Mais cette formule est imprécise car le membre de droite reprend des mots même d’Einstein “un assemblage formel de tous les objets dont la conception, au sens d’une théorie du champ, est encore problématique[14].

Sans le savoir le “tenseur d’Einstein” satisfaisait aux quatre identités de Bianci qui s’écrivent :

(Rμν - 1/2 gμν R) = 0

ou si la notation ( ) = ∇μ

Rλμσ];t + Rλμ[νσ];σ + Rλμ[νσ];ν = 0

relation dans laquelle Rλμσ] est le tenseur de Riemann-Christoffel.

Mais cette “voie royale” conduisant aux lois de conservation ne sera connue d’Einstein qu’après 1915. Einstein et Grossmann pensent encore que la loi de conservation de l’énergie et de l’impulsion Tμν;ν = 0 est une contrainte de leur théorie plutôt qu’une conséquence de la covariance générale μ. Nous allons voir dans un instant comment ils parvinrent à retrouver cette voie pour aboutir à la solution correcte.

Pour rappel μ constitue une généralisation de la dérivation partielle μ. Ces deux opérations agissent de la même manière tant sur les champs de scalaire que sur les composantes d’un champ de tenseurs tel que gμν,σ = 0.

En fait dans les travaux d’Einstein et Grossmann les gμν ne sont déterminés qu’à une transformation gμν g’μν près et arbitraire des coordonnées. Einstein et Grossmann pensent donc que le choix de celles-ci joue un rôle essentiel dans la détermination des propriétés physiques des objets qu’ils manipulent.

Nous savons aujourd’hui que c’était une erreur car le choix des coordonnées n’est qu’une question de convention, sans contenu physique réel. Einstein ne s’en rendra compte qu’à une semaine de la publication de son célèbre article de novembre 1915 !

Avant d’y parvenir, en 1912 Einstein publie un article dans un petit magazine[15] dans lequel il se demande si l’action gravitationnelle peut-être analogue à celle de l’induction électrodynamique ? Il démontre que si on entoure un pendule d'une coque massive en rotation sur elle-même, le plan du pendule, d'ordinaire fixe par rapport aux étoiles, est entraîné par le mouvement de rotation de la coque extérieure. Ce phénomène confirme dit-il, que toute la matière présente dans l'univers influence l’inertie d’un corps sans la déterminer.

Einstein pensait en fait que la théorie de la gravitation reposait sur la relativité de l’inertie. Einstein explique que si l’univers ne contenait qu' “un seul point matériel, celui-ci posséderait une inertie, mais dans une théorie relativiste cohérente il ne peut y avoir d’inertie par rapport à "l’espace" mais seulement une inertie des masses les unes par rapport aux autres”. Einstein reprend l'idée de Mach qui rejeta l'idée d'un espace absolu et infini de Newton et lui tente de lui donner une expression plus formelle : la géométrie de l'espace-temps fait partie intégrante des concepts de la gravitation. Dès lors puisque les gμν déterminent l’inertie des corps, il pense qu’ils sont complètement déterminé par la distribution de la matière.

Partant de l’équation de Newton-Poisson statique, Einstein postule :

Δφ - λφ = 4πGρ

avec λ = 1/r2 pour r tendant vers l’infini.

sans quoi estime-t-il, la densité uniforme de matière ρ tendrait vers zéro moins vite que λ, le potentiel de la gravitation deviendrait infini et la force globale engendrée par toutes les masses présentes dans l’univers sur une particule serait indéterminée. Toutefois, en décembre 1916, il avouera à son ami Michele Besso que ce raisonnement était incorrect.

On obtient alors pour solution une nouvelle équation de Newton-Poisson :

Il s’agit toujours d’une équation dynamique mais pour Einstein r signifie concrètement que la matière est uniformément distribuée (l’univers est homogène) et présente les mêmes propriétés dans toutes les directions (isotrope). En corollaire, il n’existe pas un centre de gravitation et aucune décroissance de la densité à mesure que la distance augmente. La densité moyenne de l’univers reste constante jusqu’à l’infini. La matière est donc en équilibre sans nécessité de force interne (pression de la matière nulle).

Einstein effectuera ensuite la même substitution dans son équation du champ de gravitation pour l’écrire comme suit :

Rμν - 1/2 gμν R - λgμν = - κ Tμν

avec λ = 1/r2 = 4πGr/c2

Son univers est sphérique et possède une courbure indépendante du temps. Si ρ = 0, la constante cosmologique λ ≠ 0 et cela signifie que si l’univers ne contient pas de matière, il n’y a pas d’inertie.

Einstein ajouta alors à sa théorie de la gravitation, aux côtés du principe de la covariance générale et de l’équivalence, un postulat selon lequel “le champ G[les gμω] est complètement déterminé par la masse des corps [les Tμω] ”.

Un document rare. Albert Einstein discutant avec Georges Lemaître à Pasadena, en Californie, en 1932.

Sa constante cosmologique λ prend un sens concret : c'est le "principe de Mach", qu'il est bon de mettre entre guillemets car Ernst Mach ne l'a jamais mis en évidence... Ceci démontre aussi à quel point l'intuition d'Einstein était conditionnée par la philosophie.

Mais son modèle cosmologique ne fonctionne pas. Ainsi qu'on l'expliquera en détail dans le dossier consacré à la cosmologie, quatre ans plus tard, le Hollandais Willem de Sitter[16] trouve une autre solution avec ρ = 0. Si son univers ne contient pas de matière, il n'y a pas de mouvement. Mais il suffit d'y incorporer quelques particules pour créer des perturbations comme l’on dit aujourd’hui; le modèle s'anime, devient instable suite à l'effet gravitationnel, imposant le rapprochement ou la fuite des éléments proportionnellement à leur distance. Il devient dynamique ! de Sitter démontre ainsi à Einstein que λgμω n’empêche pas l’apparition d’une “inertie par rapport à l’espace”...

Notons qu'en passant de l'autre côté de l'équation de champ, λgμν se définit comme la densité ou la pression du vide : ρv = λc2/8πG et pv = -λc4/8πG. Cette propriété reviendra plus tard lorsque les cosmologistes et les physiciens se pencheront sur l'influence du vide et de sa pression négative, notamment en cosmologie quantique (mécanisme de Higgs et phénomène d'inflation).

Précisons que la constante cosmologique d'Einstein ne joue pas le même rôle que celle introduite en 1998 qui fut ajoutée pour expliquer l'accélération de l'expansion de l'Univers. D'ailleurs les deux valeurs sont totalement différentes au début de l'Univers. On y reviendra.

Dans les années qui suivirent, A.Friedmann puis G.Lemaître, H.Robertson et A.Walker lui démontreront que ce modèle statique ne correspondait pas à la réalité du fait de l’expansion de l’univers. Leurs idées conduiront au modèle d’Univers FRW. Déçu, Einstein fut contraint d’abandonner son modèle cosmologique. Ecrivant à un confrère, Einstein[17] dira : “on ne doit en vérité absolument plus parler du principe de Mach”.

Bien qu’ils continueront de collaborer ensemble à des articles de physique jusqu’en 1915, ici s’achève la participation de Grossmann aux travaux d’Einstein.

Quatrième partie : après 1913

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[14] A.Einstein, “Autoportrait”, op.cit., p68.

[15] A.Einstein, Viertelj.Schrift.Ger.Medizin, 44, 1912, p37.

[16] W.de Sitter, Proc.K.Akadem.Amsterdam, 19, 1917, p1217; 20, 1917, p229.

[17] s/dir de H.Woolf, “Some Strangeness in the Proportion”, Addison-Wesley, 1980, p396.


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