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La théorie de la Relativité

L'expérience des plateaux de Lorentz (II)

De l’avis général des scientifiques de la fin du XIXe siècle, de bonnes raisons leur interdisaient de croire que la Terre entraînait l’éther dans sa course. Depuis l'échec des expériences de Michelson et Morley, les physiciens n'avaient plus réellement de réponse objectives et, acculés dans une impasse logique, ils ont recherché d’autres idées parfois extravagantes.

Lorentz en particulier, travailla sur l'électromagnétisme et décrivit les propriétés des corps au repos, exploitant les conceptions de Galilée qui obéissaient à la mécanique classique en mesurant le temps réel écoulé. Mais il dut développer des équations particulières pour décrire les corps en mouvements uniformes ou animés d'une vitesse quelconque.

La question qui lui vient tout d'abord à l'esprit concerne le statut de l'éther. Pour expliquer les lois newtoniennes du mouvement des corps, Lorentz cherche la source du rayonnement électromagnétique, reprenant les conceptions de Newton sur les propriétés de l'espace et de l'éther. Pendant que Michelson réalise ses expériences, Lorentz se demande si l'éther est lié au champ, ou si l'électricité n'est pas plutôt une propriété des particules élémentaires. Ne pouvant plus éviter le concept de champ, il estime préférable de ne pas lui ajouter une porteuse quelconque dont les propriétés resteraient hypothétiques.

Esprit génial, en 1892, cinq ans après l'infirmation de l'expérience de Michelson-Morley, il invente la théorie des électrons et abandonne l'idée de l'éther comme support des réactions dynamiques de Newton. Trois ans plus tard, il remodélise la théorie de Maxwell, la simplifie, pour conclure que le champ électromagnétique est indépendant de tout support physique ou mécanique qui influencerait son état. Lorentz garde l'idée d'un espace vide et confirme qu'il est le propre support du champ électromagnétique. Cette conception lui permit de comprendre la structure du champ électromagnétique et son application parfaite aux phénomènes optiques.

Vint ensuite le problème du référentiel d’inertie et de façon plus générale de la validité de la physique lorsqu’on manipule des référentiels accélérés ou non. Pourquoi fallait-il privilégier les référentiels d’inertie ? Imaginons une expérience de physique en présence des émules de Newton fiers de leurs postulats et de Lorentz, un observateur indépendant.

L'expérience des plateaux de Lorentz

Nous disposons de deux plateaux circulaires, l’un de très petit diamètre, le second très grand au contraire. Ils sont placés l’un au-dessus de l’autre et tournent autour de leur axe central commun. Imaginons également que nous soyons des observateurs extérieurs. Nous avons sous les yeux deux jeux de deux plateaux qui ne tournent pas, ils sont au repos. Nous demandons à Lorentz de mesurer le rayon et la circonférence des quatre plateaux afin de comparer le rapport de leurs dimensions. 

En fait nous savons depuis Euclide que tous les cercles présentent la caractéristique d’avoir un rapport constant entre leur circonférence et leur diamètre égal à p. Notre but est de vérifier si ce rapport est toujours vrai, tant pour des plateaux statiques que pour des plateaux en rotation. Vous allez me dire, comme les émules de Newton, que cela est évident, on le sait depuis 2500 ans, ce qui a fait la réputation de la géométrie d’Euclide ! On peut en effet le voir sous cet angle... Mais faisons malgré tout l’expérience...

Les plateaux de Lorentz

Prenons quatre plateaux, ceux de gauche sont immobiles et ceux de droite sont en rotation. Ont-ils les mêmes dimensions ? Euclide et ses émules newtoniennes pensent que oui, mais Lorentz s'y oppose en raison dit-il de la contraction des longueurs dans le sens du mouvement dans le système en rotation. Consulter le texte pour les explications.

Prenons une règle, mais pas l’ancien modèle en métal un peu désuet mais plutôt une version moderne, munie de capteurs optiques lasers et à affichage digital. Nous pourrons ainsi obtenir une mesure directe sans contestation possible. Demandons à Lorentz de mesurer tout d’abord la circonférence et le diamètre des deux plateaux statiques qui sont devant nous et notons leur rapport : 3.14/1 et 15.7/5. Leur rapport est bien égal à p. Notre ami Lorentz saute sur le petit plateau en rotation. Il prend d’abord les mesures du plus petit plateau car il ne tourne pas très vite et peut facilement se déplacer à sa surface. Circonférence : 3.14. Diamètre : 1. Leur rapport est bien égal à p. C’est évident s’exclament les newtoniens ! A quoi bon démontrer ce que l’on sait déjà ! Mais personne ne soulève leur remarque. 

Vient ensuite la mesure du grand plateau. Vu qu’il est nettement plus grand, le moment angulaire est nettement plus élevé aussi et Lorentz a beaucoup plus de difficulté pour aller sur son pourtour mesurer la circonférence, aussi commence-t-il par mesurer son diamètre : 5. Il nous transmet ensuite la circonférence : 18 ! Impossible protestent nos émules de Newton : le rapport de la circonférence du cercle sur son diamètre est supérieur à p ! Lorentz refait la mesure et transmet la règle digitale aux newtoniens : la valeur inscrite pour la circonférence est bien 18. Chacun constate qu’elle est plus élevée que la mesure effectuée sur le grand plateau statique. Pourtant tous deux avaient les mêmes dimensions au repos, les techniciens ayant pris la peine d’extraire deux tranches dans le même cylindre de métal, et pour éviter toute contestation les deux plateaux ont été mesurés avec la même règle digitale ! Seule différence, les plateaux en rotation n'ont pas les mêmes dimensions. Que cela signifie-t-il ?

C’est très bien ainsi constatent avec une pointe de dédain les émules de Newton. C’est tout à fait normal. Nous essayons d’appliquer les lois de la géométrie d’Euclide à un système mécanique en rotation. Par définition ce système de coordonnées n’est pas inertiel et donc les lois de la physique ne s’y appliquent pas ! Seuls les cercles statiques qui sont repérés dans un système de référence inertiel ont le privilège de relier les mesures aux grandeurs physiques.

Clairvoyant, Lorentz leur dit alors : Qui vous fait dire que vous êtes privilégié dans votre système inertiel ? Lorsque je m’y trouvais, le système rotatif ne me parut pas moins “privilégié” que le vôtre. La mesure que j’y ai faite est tout à fait valable à mes yeux, la règle a été étalonnée n’est-ce pas ? Les mesures ont été effectuées en suivant les mêmes protocoles. La mesure de la circonférence dans ce système en rotation est tout aussi valable que celle mesurée sur le grand plateau au repos. Vous n’avez aucune raison objective de vouloir privilégier les mesures statiques au détriment du second référentiel non inertiel. Et de conclure : ne croyez-vous pas qu’il est temps d’imaginer une physique valable dans tous les systèmes de coordonnées... ? Comment allez-vous mesurer la grandeur réelle de cette circonférence sans système de repère “universel” ? Les émules de Newton ne savaient que dire.

Cette expérience de pensée nous permet de revenir un instant à l’échec de la détection du vent d’éther. Lorentz pensait que l'effet provoqué par le déplacement de la Terre dans l'éther devait induire une variation de la vitesse des ondes et du battement des horloges pouvant expliquer l’échec des expériences de Michelson et Morley. 

Inspiré par l'idée purement intuitive que le corps de l'électron devait subir une contraction dans le sens de son mouvement, Lorentz introduit le facteur g valant :

N’étant jamais trop paresseux quand on parle de mathématique, on peut poser une variable dérivée de l’espace parcouru par l’objet, b² =  {(dxi /dt)}² /c², les “dxi ” représentants la somme des trois dérivées des fonctions de l’espace (x, y, z).

La formule s’écrit alors sous forme contractée :

Ce rapport sera dénommé le facteur de "contraction des longueurs" de FitzGerald. Mais nous serions bien en peine de mesurer cette contraction car notre règle subirait le même phénomène. En effet, se déplaçant dans le sens du mouvement de la Terre, la règle subirait également une contraction dans le sens de la longueur ! C’est ce phénomène qui explique pourquoi la longueur de la circonférence de notre grand plateau en rotation est supérieur à celle du grand plateau statique : la règle s’est contractée dans le sens de sa longueur et a induit une mesure plus grande dans le sens du mouvement rotatif. Le diamètre du grand plateau en rotation est resté identique à celui du petit plateau statique car il n’y a pas de contraction des longueurs dans le sens perpendiculaire au mouvement (radial). Pour un plateau ayant une vitesse périphérique de 300 m/s, la contraction de Lorentz vaut 5x10-12, elle est négligeable mais pas nulle.

Vu son importance en relativité, voyons comment Lorentz aboutit à ce résultat grâce aux explications de Bernard Chaverondier, professeur de mécanique.

Considérons un plateau en rotation à la vitesse w sur lequel sont placés des observateurs A et B au repos, au rayon R.

Lorsqu'il est mesuré par un observateur immobile, le temps dto mis par la lumière pour faire l'aller-retour entre les deux observateurs tournants A et B vaut :

dto = R dq / (c-v) + R dq / (c+v)

Lorsqu'il est mesuré par l'observateur A en rotation à la vitesse v = wR, le temps dt mis par la lumière pour effectuer l'aller-retour entre A et B vaut :

dt = dtoÖ(1-v2/c2)

La distance dl séparant les deux observateurs A et B tournant sur le disque et mesurée par eux vaut :

dl = c dt/2 = R dq / Ö(1-v2/c2)

On constate que la distance dl obtenue par les observateurs en rotation ainsi que la longueur Rdq de l'arc de cercle d'angle dq est multipliée par le facteur g = 1/Ö(1-v2/c2). La longueur s’est allongée, autrement dit le mètre étalon utilisé par les observateurs en rotation s'est raccourci dans le sens de la circonférence.

En revanche, le mètre ne s’est pas raccourci dans le sens radial ainsi que le montre l’expérience avec deux observateurs A et B placés radialement le long du rayon R.

En effet, la dilatation du temps observée par Lorentz ralentit leur mesure du temps, mais elle est compensée par un allongement du parcours aller-retour (2dr) entre les deux observateurs : 2dr / Ö(1-v2/c2). Il est donc normal de trouver la même distance dr, que les observateurs soient au repos ou en rotation. Ceci confirme donc qu'il n’y a pas de raccourcissement du mètre utilisé par les observateurs tournant placés dans la direction radiale.

En pratique, le grand plateau tournant se dilate en raison de la force centrifuge. En considérant un plateau idéal, sans masse, élastique et isotrope, deux effets antagonistes se manifestent :

-   un effet circonférentiel : la matière à tendance à se contracter (contraction de Lorentz)

-   un effet radial : la matière à tendance à s'opposer  à cet effet.

Rappelons qu'il n'existe pas de force centrifuge (mais plutôt un effet lié à l'inertie du corps).

Il est donc impossible de fabriquer un plateau infiniment rigide en accord avec la mécanique Galiléenne qui soit compatible avec la relativité restreinte.

En effet, ce disque idéal, sans masse, élastique et isotrope subirait inévitablement une contraction de Lorentz :

dR/R = - (1/8)(v/c)2

avec v = wR, où w est la vitesse angulaire et R le rayon.

Cela représente le quart de la contraction de Lorentz. En pratique, pour être en accord avec la relativité générale, à ce cas d’école nous devons ajouter l’effet de la masse et donc la modification relativiste du modèle élastique.

Le facteur de contraction des longueurs de FitzGerald revient dans tous les calculs relativistes. Pour en avoir une idée plus concrète, nous pouvons nous appuyer sur une démonstration géométrique en prenant pour analogie le théorème de Pythagore.

Admettons qu’un observateur attaché à un mobile reçoive un message lumineux. L’observateur imagine que la lumière parcourt la distance A, mais en fait l'objet s’est déplacé sur la distance v à une vitesse relativiste par rapport au système de référence immobile. Pour l'observateur embarqué, la lumière lui parvient en ligne droite, mais en fait elle a parcouru la distance c.

Pythagore nous a appris que l'hypoténuse de ce triangle rectangle vaut :    +    = c²

Pour ne rien changer au résultat, divisons les deux membres par c² :

ou sous forme contractée :

Ce qui peut également s'écrire :

Le quotient A/c représente le rapport de la période d'une onde lumineuse au repos sur la période d'une onde en mouvement (t/t'). Inversement, il représente le rapport entre les durées du trajet, c'est-à-dire l'allongement du temps :

Ce quotient est donc un facteur de "contraction des longueurs" ou de "dilatation du temps", en fonction du point de vue que l'on adopte.

Prochain chapitre

Les lois de transformations

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