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La vie sous toutes ses formes

Inspiré de Blutgruppe/Corbis.

De chair ou de silicium (I)

Sans ignorer la possibilité qu'une forme de vie non organique puisse exister, nous nous intéresserons dans cet article au concept de Cyborg. 

Depuis quelques années l'astronome Seth Shostak de l'Institut SETI s'exprime ouvertement en faveur de l'existence d'autres formes de vie... qui ne seraient pas à l'image de l'humanité ni des "aliens mous et visqueux" comme nous les décrivons quelquefois.

Dans un livre publié en 1998 consacré à ce sujet, Shostak[1] écrit que "la probabilité la plus raisonnable est que la forme de vie extraterrestre intelligence que nous détecterons sera une intelligence artificielle, pas une intelligence biologique comme la nôtre".

Mais dès la sortie de son livre la plupart des scientifiques se sont opposés à son idée. Certains disent que son hypothèse sous-estime le potentiel de la biotechnologie et le fait que les machines et les organismes peuvent un jour fusionner. Les plus sceptiques lui répondent que les premiers êtres biomécaniques existent déjà pour citer l'exemple des implants électroniques et plus ou moins informatisés que la chirurgie propose aux handicapés moteurs et autres victimes de dysfonctionnement endocrinaux. Citons également les projets de réalité virtuelle dans lesquels nos sens sont interfacés à des robots et des logiciels informatiques de simulation très sophistiqués. Dans tous ces exemples l'humain et le robot se complètent l'un l'autre pour accomplir la même tâche.

Nous pouvons également citer des films comme "Planète Interdite" ou "Matrix" dans lesquels des projections mentales ou des programmes anthropomorphes prennent corps et produisent des effets dans la réalité. Leurs victimes ne les considèrent certainement pas comme des créatures virtuelles inoffensives mais plutôt comme des entités bien vivantes, celles de "Screamers" ("Machines hurlantes") étant les plus dangereuses car elles prennent l'apparence humaine.

SETI et les Cyborgs

A l'origine, le programme SETI représentait un ensemble de présomptions ou de conjectures raisonnables sur la probabilité d'existence d'une autre forme de vie dans l'univers. On se disait et on continue de penser que l'édifice de la vie s'est érigé à partir de l'évolution chimique dont les briques élémentaires sont omniprésentes dans l'univers. Ensuite l'intelligence aurait émergé suite à une lutte darwinienne pour la survie. En corollaire, les êtres au pinacle de cet édifice ont pu développer des technologies pour communiquer à travers l'espace, ou du moins laissant filtrer des signaux parasites électromagnétiques.

Cette évaluation optimiste a été formalisée pour la première fois par Frank Drake en 1971 sous la forme d'une équation qui décrit un univers débordant de vie : c'est la fameuse formule de Drake.

Trois générations d'androïdes. Entourant Data (Brent Spiner), un officier membre de la flotte stellaire de Star Trek/TNG, le Terminator original (Arnold Schwarzenegger), une antiquité comme il se décrit lui-même, programmé pour nous protéger contre les robots meutriers envoyés dans le passé par la société Skynet. A droite, le TX (Kristanna Loken), plus séduisant, plus rapide, plus intelligent et plus puissant, conçu pour nous exterminer. Ne vous détrompez-pas, tous trois sont des robots à visage humain dotés d'intelligence artificielle et non pas des cyborgs, des êtres mi-humains mi-machines. Tous trois sont autonomes, libres et dotés d'une conscience ou plutôt d'un programme. Documents extraits de "Terminator 3 : le soulèvement des machines" de Jonathan Mostow (Columbia Tristar Films, 2003) et Star Trek/TNG "Skin of Evil".

Mais à cette formule devenue légendaire et qui n'a jamais été modifiée car considérée comme complète jusqu'à présent, Shostak ajoute un autre facteur : l'intelligence artificielle. "Quelque part dit-il dans le pétrin cosmique, de nouveaux ingrédients seront ajoutés à la recette. Notre mélangeur fabriquera une intelligence artificielle qui permettra de réussir l'humanité. Etant donné que nous sommes une espèce très récente dans l'histoire du monde, ce changement a pu se produire maintes et maintes fois sur de nombreux mondes à travers la Galaxie depuis des millions d'années". En d'autres termes, dans son esprit la biologie et la robotique devraient un jour fusionner pour créer une nouvelle espèce de créature mi-humaine mi-machine, le cyborg. Nous verrons plus loin que le physicien Michio Kaku partage son point de vue.

Le langage de la cybernétique

Marvin Minsky, le spécialiste de l'intelligence artificielle (IA) et donc des robots au MIT AI Lab estime que toute créature intelligente extraterrestre est forcée de travailler avec les mêmes outils du langage que ceux que nous utilisons pour structurer notre pensée. Cela signifie que la communication avec ces êtres serait possible, et étant donné que nous avons les mêmes origines, subissons les mêmes contraintes vis-à-vis des lois de la physique et nous battons de la même manière pour survivre avec plus d'efficacité, il considère que les deux intelligences doivent évoluer en parallèle.

Si cela est loin d'être démontré, il est en revanche probable que si une civilisation extraterrestre décide de visiter notre système solaire, elle rencontrera d'abord nos vaisseaux spatiaux ou nos satellites orbitaux avant tout être humain. Elle pourra, si elle ne se pose pas trop de questions, considérer qu'il s'agit des ambassadeurs de notre civilisation. Si elle est aussi intelligente qu'on l'imagine, elle capturera l'un de ces satellites ou sonde d'exploration et pourra communiquer avec nous à travers leurs moyens audios ou les caméras embarquées.

Nous allons encore utiliser longtemps des robots. Ils permettent en effet d'explorer des terrains dangereux ou inaccessibles pour l'homme en toute sécurité. Ils nous aident aussi à cartographier le terrain pour de futures missions habitées qui se concentreront dans un premiers temps sur les découvertes les plus importantes faites par les missions robots antérieures.

Les robots que nous construisons sont encore balbutiants et parfois plus incompétents que des enfants comparés à ce que nous propose la science-fiction. Mais quand ils fonctionnent de manière optimale, ils peuvent nous épater et rendre beaucoup de services.

Heurs et maheurs du robonaute

Les amateurs de robotique savent combien il peut être frustrant de fabriquer un robot et de constater qu'il ne répond pas correctement aux commandes ou est incapable d'assurer ses fonctions de base. La société Boston Dynamics en sait quelque chose avec ces fameux robots qui pendant des années étaient capables de tenir debout, de résister à un choc latéral ou qui glissaient sur la neige. Mais à force d'essais et d'erreurs, elle en tira les leçons et aujourd'hui ses robots de dernière génération peuvent assurer des fonctions de supports auprès des troupes militaires; ils marchent, courent, galopent et peuvent même ouvrir les portes !

Côté civil, depuis 2001 les ingénieurs du centre Johnson de la NASA (JSC) en collaboration avec General Motors testent un robot humanoïde autonome, le fameux robonaute dont un exemplaire de la 5e génération (R5 de 2015) est présenté ci-dessous à droite, un androïde dont l'une des modèles de la deuxième gnération (R2) seconda les astronautes d'ISS dans des tâches élémentaires (par ex. STS-133 en 2011, Expedition 36 en 2013, Expedition 39 en 2014, etc).

A voir : Testing Out Robonaut 2's New Legs

A gauche, le robonaute R2 à bord de la station ISS en 2012. Au centre, mise à jour du robonaute R2 avec un module de mobilité en 2014. A droite, R5, affectueusement surnommé "Valkyrie" représente la cinquième et nouvelle génération de robots développés par la NASA/JSC pour évoluer dans les environnements hostiles y compris l'espace. Celui-ci fut présenté en 2015.

Selon le cahier des charges, à l'origine le robonaute devrait épauler les astronautes lors des sorties extravéhiculaires (EVA) à bord de la Station Spatiale Internationale ISS mais également les sauveteurs confrontés à des catastrophes dans des environnements hostiles. Les robonautes se sont entraînés au JSC aux côtés des astronautes. Ils ont appris à résister durant les 8 heures que dure une EVA, à des différences thermiques comprises entre -25°C et +105°C et bien sûr fonctionner dans le vide sous 0g sans montrer la moindre fatigue. Leurs facultés sont bien sûr artificielles, liées à des dispositifs mécaniques, électroniques et informatiques mais les ingénieurs en IA aiment ce vocabulaire ambigu emprunté à la biologie car ils gardent l’espoir secret, un jour, de donner vie à leurs créatures de métal.

Au fil des missions, les ingénieurs ont modernisé les robonautes; ils leur ont ajoutés des modules et notamment des jambes au modèle R2 en 2014 puis des bras d'escalade pour lui permettre de se déplacer à l'extérieur de la station lors des EVA et son BIOS fut mis à jour.

Mais il s'avéra finalement que le modèle resté au sol était trop différent de celui embarqué à bord de la station ISS et lors des pannes, il devenait très difficile de le réparer en orbite. De plus, certaines opérations qui devaient durer 20 heures ont duré 40 heures, ce qui posa des problèmes opérationnels et de respect des plannings. A d'autres occasions, malgré les reboots du système robotique, le robonaute R2 n'a jamais bien fonctionné ou le centre JSC ne parvenait pas à s'y connecter. Aussi, depuis 2015 le robonaute ne fait plus partie de l'équipage d'ISS et fut même renvoyé en maintenance en 2018. Par conséquent, tant que le robonaute R2 n'est pas plus fiable, il ne reprendra pas du service. Il est même possible qu'il soit remplacé par un modèle de nouvelle génération.

Autonomie sous contrôle

De la même manière que les industriels ne veulent pas que les robots armés soient autonomes pour éviter tout risque d'erreur, pour éviter de mettre la vie des hommes en danger, avant d'envoyer une mission habitée sur un astre nous avons pris l'habitude d'envoyer des robots sous forme de sondes automatiques explorer le site. A part quelques missions vers Mars et une poignée d'autres satellites, tous les robots d'exploration envoyés à travers le système solaire ont réussi leur mission.

R2D2 et C-3PO, les héros (an)droïdes de Star Wars (Episode V) dotés de conscience. Très sophistiqués, cette génération de robots ne devrait pas exister avant plusieurs siècles.

A ce jour, tous les robots et sondes spatiales sont toujours reliés par cordon ombilical radio à la Terre afin que nous puissions réagir à leur place et interpréter les données s'ils viennent à commettre un faux pas. Mais du fait que les transmissions ne sont pas instantanées et qu'il y a toujours des impondérables en mission (par exemple un obstacle ou un sol plus mou que prévu), il arrive encore qu'un robot se retrouve bloqué et qu'il soit impossible d'y remédier (cf. Sojourner qui percuta un rocher sur Mars ou Philae qui fut coincée entre des rochers sur la comète 67/P "Choury") quand on ne le perd pas suite à une panne.

A l'avenir les robots feront preuve d'une plus grande perspicacité leur permettant d'être suffisamment autonomes pour gérer seuls des situations critiques comme le fait de passer ou non au-dessus d'une falaise ou sur un rocher, des manoeuvres qui risquent de mettre prématurément terme à leur mission.

Les ingénieurs en intelligence artificielle nous disent qu'il y a donc beaucoup d'avantages à envoyer des machines en mission de reconnaissance à notre place. C'est tout l'enjeu actuel des missions automatiques vers la Lune et vers Mars dont le but ultime est la colonisation par l'homme. Aujourd'hui, signe des temps et d'un changement de philosophie, aucune mission ne pourrait plus se passer de la robotique.

A l'avenir l'intelligence artificielle sera également utilisée pour contrôler les mouvements de certains satellites travaillant en formation tels que les futurs télescopes spatiaux constitués de plusieurs unités indépendantes.

Si nous envoyons un jour une sonde spatiale en mission vers une étoile proche, les ingénieurs ne pourront plus la contrôler à distance au-delà des limites de la magnétosphère terrestre, soit au-delà de 100 UA du Soleil, la distance approximative à laquelle se trouvent aujourd’hui les sondes spatiales Pioneer et Voyager. En effet, à cette distance le signal se perd dans le bruit ambiant et seule une sonde autonome intelligente peut mener à bien ce genre de mission.

Pour Richard Doyle, responsable des systèmes et des logiciels utilisés au cours des missions spatiales par le JPL, l'avantage d'une sonde autonome est "sa capacité de se réparer et de se reproduire elle-même, voire même de créer une infrastructure pour réussir ses différentes missions en utilisant des matériaux locaux". On retrouve ici exactement le concept des sondes de Von Neumann de l'auteur du même nom dont nous avons parlé à propos de la physique des civilisations extraterrestres.

Si on extrapole ce concept, d'un robot aussi stupide qu'un jouet électronique d'enfant et fabriqué à l'origine par l'homme on aboutit à une intelligence artificielle dotée de moyens de reconnaissance, d'intuition, de raison et de conscience, le tout contenu dans une "boîte" appropriée. Elle se sentirait chez elle dans l'espace en quête de nouveaux mondes à explorer et prête à se reproduire pour atteindre son objectif. L'idée n'est pas nouvelle et fut même portée à l'écran dans "Star Trek : Le film" dont deux extraits sont présentés ci-dessous.

A l'instar du scénario pessimiste du film "Machines hurlantes" on peut aussi imaginer que ces robots, au départ conçus par l'armée pour protéger l'homme d'éventuels assaillants, se perfectionneront d'eux-mêmes au fil des générations et de simples animaux rampants ou volants équipés de détecteurs et de moyens d'attaque, ils se transformeront graduellement en prédateurs rusés de grande taille pour aboutir à une forme humanoïde à notre image, avec tous les risques de confusion possible que cela pourrait entraîner. Mais ce jour là il sera peut-être trop tard pour se demander qui est le maître du monde. Heureusement ce scénario fantastique reste du domaine de la science-fiction.

Extraits de "Star Trek : The Motion Picture" de Robert Wise (Paramount, 1979). Synopsis. Alors qu'un immense nuage visiblement vivant et doté d'intelligence menace de détruire toute vie sur Terre, le capitaine Kirk et son équipage sont envoyés en mission de reconnaissance pour essayer de l'arrêter. L'Enterprise est scannée par l'entité qui prétend s'appeller "V-ger" et à la recherche de son Créateur. La Lt Ilia est capturée par l'entité et revient sous la forme d'une androïde, ici à droite du Capitaine Kirk, qui parle au nom de l'entité. En fait on apprendra que V-ger est en réalité la sonde spatiale Voyager 6 dotée d'intelligence artificielle que la NASA envoya quelques siècles auparavant en mission d'exploration à travers la Galaxie. Elle fut hapée dans un trou noir et se retrouva de l'autre côté de la Galaxie où elle fut réparée par des machines intelligentes. Mr.Spock compris qu'elles ont interprété au pied de la lettre les ordres comme "Apprenez tout ce que vous pouvez et retournez cette information à votre Créateur". L'Enterprise se charge de recevoir cette information mais V-ger insiste pour que son Créateur vienne en personne terminer la séquence. Kirk comprend que l'entité veut en fait fusionner physiquement avec son Créateur. Le Cap.Will Decker est volontaire et fusionne avec Ilia dans une profusion d'énergie (à droite). L'équipage réalise qu'une nouvelle forme de vie vient d'être créée. L'aventure ne fait que commencer... Documents Trek Connection.

Seth Shostak imagine qu'un jour "l'univers sera rempli de machines intelligentes passant comme un éclair entre les étoiles, ayant à l'occasion de profondes conversations avec leurs créateurs biologiques qui seuls s'accrocheront encore aux fragiles écosystèmes planétaires".

Pour revenir à SETI,  il rappelle à tous les intéressés que les projets One Hectare Telescope (OTA) et Allen Telescope Array (ATA) représentent aujourd'hui nos meilleurs outils pour espionner les émissions extraterrestres. Non pas que Shostak nous invite à signer un projet de financement SETI mais il nous propose simplement des alternatives en reconsidérant notre place dans l'univers : "Les entomologistes étudient les colonies de fourmis, mais ils ne rédigent pas de pétitions pour prendre le thé avec la reine mère. C'est simplement une humble pensée pour une espèce comme la nôtre qui se fait une haute idée de sa place dans l'univers".

Deuxième partie

Les machines pensantes

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[1] S. Shostak, "Sharing the Universe : Perspectives On Extraterrestrial Life", Berkeley Hills Books, 1998. Voir Amazon.fr.


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