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Le polymorphisme du monde

La vie sur une planète à faible gravité imaginée par Adolf Schaller.

L'effet d'une faible gravité (III)

La gravité est l'un des premiers facteurs qui peut modifier l'évolution. Sur une planète dont la gravité est légèrement plus faible que sur Terre (0.7 g), tous les écosystèmes seront modifiées par la faible pesanteur. 

Rappelons avant tout qu'une faible pesanteur n'est pas synonyme de faible pression atmosphérique. La pression ne dépend pas directement de la pesanteur et donc de la masse de la planète. 

La pression est une force exercée sur une surface. La pression varie avec l'altitude et suit grosso-modo une fonction logarithmique. Sous l'eau la pression varie linéairement en fonction de la profondeur. Dans le cas de l'atmosphère, la pression dépend de la masse volumique et de la température des gaz atmosphériques ainsi que de la force du vent. Il peut donc exister des exoplanètes de la taille de Jupiter et solide dont la pression atmosphérique ne dépasse pas 1 bar en surface. Tout dépend en fait de la masse globale de l'atmosphère. 

Dans ce biotope, tous les scientifiques sont d'avis que les végétaux comme les arbres et la plupart des animaux seront filiformes car leur développement vertical sera moins contrecarré par la pesanteur que sur une planète à forte gravité. Les prédateurs comme les proies auront donc une musculature plus fine supportée par une ossature plus légère. Ils feront preuve d'une plus grande agilité et développeront une vitesse supérieure à ce que nous observons sur Terre. 

En revanche leurs réflexes seront un peu plus lents car ils n'auront pas à réagir rapidement aux effets de la pesanteur. Certains scientifiques pensent que la taille des animaux et toutes les formes de vie, y compris les végétaux, devrait augmenter. La taille d'un mammifère ordinaire mesurant 2 mètres au garrot pourrait atteindre 10 mètres sur cette planète. Mais en fait aucune donnée scientifique ne vient supporter cet argument. Quant à l'idée que nos grands sauriens auraient vécu sous une plus faible pesanteur qu'aujourd'hui, ce qui expliquerait leur gigantisme, cette hypothèse ne repose sur aucune observation et n'a jamais été confirmée.

Les éventuels oiseaux éprouveront également plus de facilité pour voler car la pesanteur offrira moins de résistance. En revanche la portance sera moins forte et il leur sera plus difficile de planer sans battre des ailes. Leur peau pourra être très fine et ils pourront transpirer avec abondance. Du fait que leur musculature et leur ossature seront moins développées ils pourront présenter un aspect diaphane. Seul le froid pourra contrecarrer cette situation s'ils sont recouverts d'un épais plumage ou de poils et d'une couche de graisse isolante.

Comme sur Terre où nous comptons en moyenne un carnassier pour dix herbivores, la chasse contribue à équilibrer les cheptels. En raison des effets bénéfiques de la faible gravité sur leur métabolisme, les prédateurs de petite taille auront un avantage sur les grands animaux et pourront facilement croquer de grandes proies en fondant sur elles à plus de 120 km/h ou en jouant de la faible gravité comme d'un allié pour sauter sur leurs victimes. Ils pourront aussi blesser à mort les grands herbivores incapables de fuir. Toute leur mâchoire, leurs crocs et leurs griffes seront très impressionnants, ridiculisant ceux de notre Vélociraptor.

Cela dit, même un herbivore pourrait se défendre à l'image de nos grands sauriens équipés de massue au bout de la queue ou jouant avec elle comme d'un fouet. De nos jours les herbivores de la savane savent utiliser leurs cornes comme d'un poignard ou d'un bélier comme d'autres utilisent leurs sabots pour éventrer les jeunes prédateurs trop sûr d'eux. Dans les airs, l'aigle ou le vautour connaît la force de son bec et de ses serres et tous deux sont capables de capturer des proies plus lourdes qu'eux. En fait, comme nous l'avons évoqué précédemment, à l'image de ce qui se passe sur Terre, un processus darwinien d'équilibre des forces s'installera au sein des écosystèmes.

Nous avons plus de chances de découvrir un jour des animaux extraterrestres que des êtres humanoïdes. Sur une planète à faible gravité, la gracilité et les formes longilignes sont de règle. Les petits prédateurs agiles trouveront une alliée dans la faible gravité. Seule problème, l'atmosphère s'évapore dans l'espace, transformant graduellement ce paradis en désert glacé.

Sur une planète offrant une faible gravité, les surfaces des roches formeront plus facilement des escarpements et des failles qu'une forte pesanteur qui a tendance à tout faire écrouler et aplanir au fil du temps. Ces failles et autres fissures peuvent servir de nids ou de refuges à quantités d'animaux. Ce sont aussi des pièges pour les pollens, les graines et les petits animaux et donc des réserves de nourriture pour tous les petits carnassiers et les insectivores.

Si certaines régions accidentées de cette planète subissent de fortes variations thermiques, il est probable que beaucoup d'escarpements finiront par se briser sous les chocs thermiques et finiront sous forme de galets, de graviers et de sable, offrant de grandes plages de sable fin et des canyons impressionnants.

Mais si la gravité est faible, l'atmosphère sera plus étendue et aura tendance à se libérer plus facilement de l'attraction de la planète et se dissiper dans l'espace. En l'espace de quelques milliards d'années cet astre finira par s'entourer d'une atmosphère si fine qu'elle régulera mal les échanges thermiques. Les nuits et les jours accuseront une grande variation de température et les plantes comme les animaux devront s'adapter à ce climat qui finira par devenir inhospitalier pour toutes les formes de vie évoluées. L'air deviendra sec et à terme toute la planète se transformera en désert glacé à l'image de Mars. Si cette planète est 30% plus petite que la Terre et présente une gravité de 0.5g, sa mort est programmée, quelle que soit sa distance à son étoile.

L'effet d'une forte gravité

A l'inverse, sur une planète à forte gravité (3 g en surface) les êtres vivants devront économiser leur énergie mais dame Nature peut très bien trouver une parade en élaborant des nutriments plus riches en énergie. Le problème sera plus difficile à résoudre sur une planète affichant des pressions de 50 à 100 atmosphères. Comme ces êtres devront consommer de l'énergie pour chasser et vaquer à leurs occupations, leur consommation sera vite excessive. Or sans énergie un organisme atteint vite le stade des lésions cellulaires et tissulaires et même la mort si la carence se prolonge dans le temps.

La vie sur une planète à forte gravité imaginée par Adolf Schaller.

Les animaux le savent d'instinct et ne marcheront, ramperont ou nageront un peu plus vite après leur proie qu'après s'être assuré de leurs capacités à l'attraper du premier coup. Même sur Terre, un guépard qui manque sa proie au terme d'une course effrénée est souvent obligé de récupérer durant près d'une heure pour retrouver toutes ses facultés. Au bout de trois tentatives infructueuses il reporte son repas au lendemain. Or le guépard est un chasseur très agile qui ne manque en général pas de ressources. Mais c'est oublier les effets pervers d'une forte pesanteur. 

En effet, une forte gravité est plus dangereuse que le phénomène inverse. En général les animaux d'une planète très massive seront trapus et de petits tailles, munis de membres peu développés ou très massifs. Les plantes grasses aux feuilles plates courront sur le sol et ne s'élèveront pas à plusieurs mètres, au risque de plier ou de se casser sous leur propre poids.

Les animaux disposeront d'une ossature très solide, fortement musclée, adaptée à cet environnement ou tout effort demande beaucoup d'énergie et où toute chute risque d'être fatale pour les plus faibles. Les animaux auront une peau épaisse et leur transpiration sera limitée afin de préserver leurs liquides corporels et prévenir la déshydratation.

Les scientifiques sont d'avis que sur une planète tellurique massive les animaux ressembleront à nos hippopotames, nos baleines ou à nos ours les plus rondouillards. Un être d'un mètre au garrot pèsera facilement 150 kg tandis que les plus grands arbres ne s'élèveront pas à plus de 10 mètres de hauteur, les substances vitales ne pouvant jamais gravir les dizaines de mètres séparant les racines des feuilles hautes par simple osmose. Les buissons et la plupart des végétaux ne s'étendront pas à plus d'un mètre de hauteur, juste à la portée de la majorité des frugivores et des herbivores de petite taille. 

En raison de la forte gravité, les animaux devront développer des reflexes bien plus rapides que sur une planète comme la Terre afin de réagir très rapidement aux effets de la pesanteur. Là où sur Terre un animal peut chuter de deux mètres sans se blesser, sur une planète subissant une pesanteur de 2.5 g, cela correspond à une chute de plus de 20 mètres. Sans adaptation, la chute sera mortelle.

Ces organismes devront aussi développer un système respiratoire et sanguin capables de véhiculer les fluides à travers tout leur corps dans un gradient de pesanteur très élevé.

S'il y a des étendues d'eau ou d'autres surfaces liquides, les animaux s'y prélasseront pour économiser leurs forces. Comme sur Terre, ils flotteront en effet proportionnellement au poids du liquide déplacé. Ils devront bien sûr protéger leur territoire et leur progéniture des prédateurs aquatiques qui rôderont dans les mares à l'affût d'une proie.

Sur une planète massive, à forte gravité, le poids est un handicap et les êtres sédentaires constituent des proies faciles. Les animaux volants sont peu nombreux car ils consommeraient trop d'énergie à essayer de vaincre la gravité. Sous l'eau la situation serait encore plus précaire.

Sur ce type de planète la végétation peut être luxuriante et contenir une grande densité de population, gravité oblige. La lutte pour la survie y sera très âpre et toutes les créatures seront très résistances, même si leur métabolisme risque d'être ralenti par la force des choses.

C'est également un milieu dangereux pour les petites proies sédentaires qui ne pourront échapper aux mâchoires des carnassiers. Ceux-ci seront adaptés à leur milieu à un point tel que tous auront développé des dents semblables à des poignards qu'ils planteront littéralement dans leur proie pour éviter qu'elle ne se libère. Mais qu'on vienne à les placer dans une atmosphère moins dense, ils pourraient mourir en quelques heures, les vaisseaux éclatés par la pression interne.

Sur une planète aussi massive que Jupiter (300 fois la Terre) où la pression atmosphérique est très forte au-delà de quelques centaines de kilomètres de profondeur, l'air devient rapidement très dense et brumeux (voir le biotope atmosphérique). L'atmosphère est épaisse et peu lumineuse, le ciel bas, où même le fait de respirer devient pesant.

Ce biotope contiendra peu d'animaux volants. Avec une pesanteur de 2 à 10 g dans la haute atmosphère (0-200 km de profondeur), le gradient de gravité représente un puit gravitationnel duquel il est plus difficile de s'extraire que d'un milieu à faible pesanteur. En revanche ainsi que nous l'avons dit, la forte densité atmosphérique offrira une très bonne portance pour les volatiles, encore faut-il pouvoir s'élever dans les airs sans perdre trop d'énergie.

Du point de vue physique, la force de pression agissant dans toutes les directions comme dans l'eau, elle peut atteindre plusieurs centaines de fois la pression atmosphérique terrestre sans que cela contraigne le vol des oiseaux et autres animaux volants. Par contre les effets du vent et de la turbulence associés au gradient de gravité seront accentués et rendront parfois le vol acrobatique.

Dans cet univers lourd et pataud, l'air est si dense que l'effet de serre peut faire monter la température entre 50 et 500°C à la distance de la Terre en fonction de la concentration des gaz à effet de serre. 

Selon que la planète orbite plus ou moins loin de son soleil, la distance peut compenser la hausse de température, évitant à cette planète de se transformer en four.

Dans tous les cas la vie ne pourrait probablement pas se développer sous des gravités supérieures à environ 5 g.

Escherichia coli. Doc Dennis Kunkel.

Si ces créatures sont adaptées à vivre sous une forte gravité ou de fortes pressions atmosphériques, il n'en est pas de même pour l'homme. 

Des pilotes de chasse peuvent supporter quelques secondes des accélérations de 9 g durant les combats aériens mais peu d'organismes évolués soutiennent ce régime. On ne peut pas s'adapter à ce phénomène en quelques générations sans un petit coup de pouce du génie génétique.

Des microbes comme Escherichia coli peuvent supporter une fraction de seconde des accélérations de 100 à 300000 g engendrées par l'impact d'une balle de fusil et même résister plus de 24 heures à 1 million de g dans une centrifugeuse. Mais considérée à grand échelle, une forte gravité a des conséquences inimaginables et pose d'énormes problèmes métaboliques et mécaniques quel que soit l'objet considéré.

Globalement cette planète sera forcément de la taille de Jupiter ou dix fois plus grosse. Si à son image elle évolue près d'un amas d'astéroïdes, elle constituera un attracteur gravitationnel très puissant. Elle fera l'objet d'un bombardement météoritique incessant, rendant les conditions de vie très difficiles à sa surface. Les organismes devront éviter les impacts météoritiques et survivre aux conséquences climatiques et autres désastres écologiques que cela entraînera. 

Mais de manière générale une planète massive à l'atmosphère épaisse peut offrir une excellente protection contre les chutes de météorites. Nous avons vu à propos de l'impact des météorites que les sections de capture d'une planète varient en fonction de sa masse, alors qu'à densité égale la surface de capture est plus faible. La fréquence des chutes par unité de surface varie donc comme la racine cubique de la masse, alors que la densité de l'atmosphère varie de façon plus importante. Pratiquement, sur une planète tellurique mais de la taille de Jupiter ou Neptune, beaucoup de météores brûleront dans les couches denses de l'atmosphère avant d'atteindre le sol. Sur Terre, l'essentiel des corps se vaporisent au-delà de 50 km d'altitude ou ricochent sur l'atmosphère à cette altitude avant de repartir dans l'espace. Plus la planète sera massive plus elle offrira cet effet de bouclier naturel.

Sur une planète offrant une forte gravité, les reliefs seront peu escarpés, la forte pesanteur ayant tendance à tout faire écrouler et à niveler les reliefs au fil du temps. Même les jeunes montagnes âgées de quelques millions d'années seront érodées et arrondies. Si la planète présente encore une activité volcanique ou tectonique, le paysage sera localement couvert de grands plateaux ou pain-cakes faits de basaltes et d'épaisses coulées de laves visqueuses.

A gauche, désintégration d'un astéroïde dans l'atmosphère d'une planète géante. Document réalisé par David A.Hardy à la demande de l'auteur. A droite, un paysage volcanique imaginé par Marilynn Flynn. C'est une planète de la taille de la Terre présentant une pesanteur de 0.97 g et une pression atmosphérique de 93 atmosphères, similaire à Vénus : les reliefs sont peu élevés et arrondis, l'atmosphère est chaude, dense, brumeuse et envahie de nuages bas.

Si on imagine une pesanteur monstrueuse de 10 g sur une planète aquatique, le gradient de pression sera 10 fois plus intense que sur Terre. La pression dans l'eau qui, sur Terre, augmente grosso modo d'une atmosphère tous les 10 mètres, varierait d'une atmosphère par mètre. Les grands cétacés épais de 2 mètres et plus verraient la pression varier de 2 bars (2 atmosphères) entre leur dos et leur ventre. Que leur corps soit mou ou couvert d'un exosquelette, tous les organes seront soumis à cette rude épreuve, conduisant à des problèmes métaboliques auxquels dame Nature, malgré toute son ingéniosité, ne peut apporter de solution. 

En effet, le moindre déplacement d'une masse compacte dans leur système digestif pourrait localement abîmer les muqueuses ou déformer les tissus cellulaires s'ils ne sont pas adaptés à cette pression. Le déplacement des fluides comme le sang dans l'organisme serait contrecarré par la pesanteur et aucun animal ne pourrait pratiquer survivre au-delà de quelques g. Leur squelette et leur musculature devront également s'adapter à cette pesanteur y compris les tendons et les articulations des membres au risque de les voir tomber en pièce au moindre faux mouvement où lorsqu'ils sont en porte-à-faux. En fait, même à 2.5 g ce monde crée beaucoup plus de problèmes qu'il n'en résout et devient rapidement inhospitalier.

A l'impossible nul n'est tenu. Si la vie semble particulièrement bien s'adaptée à une faible gravité (0.2-1 g) et à des pressions qui ne dépassent pas quelques dizaines d'atmosphères, une planète où règne une forte pesanteur ou de fortes pressions limitera certainement l'éventail des formes de vie.

Pour un explorateur, visiter une telle planète ne serait pas très emballant. Car si c'est pour vivre sous un abri atomique pressurisé, entouré de laves, épuisé en permanence sous le poids de la pesanteur lors des sorties extravéhiculaires, subissant des tremblement de planète et le vacarme de ces démonstrations, mieux vaut rester à bonne distance. Cette planète n'offre aucun intérêt si ce n'est de savoir de quelle manière une créature pourrait survivre dans un tel enfer.

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Un monde océanique

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