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Le polymorphisme du monde

Visage de quartz.

D'autres mondes (VIII)

Après avoir survolé et plongé dans les atmosphères d'éventuels biotopes extraterrestres, peut-on sortir des sentiers battus et imaginer un astre aux propriétés vraiment extraordinaires susceptible de présenter un biotope réellement hors du commun et qui porterait néanmoins une forme de vie évoluée ?

Plusieurs écrivains scientifiques se sont penchés sur cette question dont Robert Forward, Terence Dickinson, Fred Hoyle ainsi que plusieurs scénaristes des séries "Star Trek", "Cosmos 1999" ou "Stargate SG-1". Les derniers épisodes de la série "Star Trek: The New Generation" furent écrits en collaboration avec le physicien Michio Kaku. Les uns ont imaginé des créatures vivant sur des étoiles à neutrons, dans un monde de silicium et de quartz, dans des nappes de gaz ou faites d'énergie pur.

Si ce thème ne repose sur aucune observation, cette spéculation pure et débridée est toutefois intéressante car elle nous offre l'opportunité de nous pencher sur l'anatomie de ces éventuelles créatures et leur manière d'appréhender le monde. Il est très révélateur de la façon dont chaque entité définit la vie et son développement.

Un monde de silicium et de cristaux

Bien que le carbone soit l'élément le plus conciliant de la nature, capable de se lier à quantité d'autres éléments pour fabriquer d'immenses chaînes moléculaires comme les protéines ou les acides nucléiques, on dit également que sans eau toute vie est condamnée à mort. Mais c'est une idée fondée sur la chimie du carbone telle que nous la connaissons.

Le Colonel O'Neill face à une société pensante bien particulière faite de quartz métamorphique vivant sur la planète P3X-562 (S1 E7). Document MGM/Stargate SG-1.

Nous avons vu à propos de la chimie du silicium que cet élément est également très intéressant. Le silicium existe sur Terre sous forme de dioxyde de silicium, le quartz, qui entre dans la composition du verre. Il est abondant dans l'écorce terrestre (28%) et on le rencontre en grandes concentrations (700 mg de silice par litre) dans les geysers de Yellowstone aux Etats-Unis ou dans ceux d'Islande.

Sur une planète où le silicium joue le rôle du carbone, si on n'y prend garde les éventuelles créatures que nous rencontrerions ressembleront à des quartz géants ou des sculptures modernes en métal. En fait, il s'agira de créatures vivantes !

Supportant mal les basses températures, le silicium sera en revanche parfaitement à l'aise entre 100 et 1415°C, température au-delà de laquelle il entre en fusion. Ce monde sera recouvert de plaines de quartz et de montagnes cristallines, en somme un paysage très surréaliste semblable à une géode agrandie des milliards de fois mais vivante et en constante évolution. L'atmosphère sera dense, très chaude et la pression atmosphérique pourra atteindre plusieurs centaines de bars. L'homme ne pourrait survivre dans un tel environnement et probablement très peu de bactéries chimiosynthétiques.

Le sol de cette planète sera "vivant" dans le sens où le magma interne entretiendra la croissance des cristaux. Ici la température au sol oscillera entre 100 et 500°C et les plus grands cristaux atteindront plus de 10 mètres de hauteur, à l'instar de ce qu'on découvrit dans la mine de Naica au Mexique. Partout des fleurs de quartz s'élèveront dans le ciel, prenant une coloration qui dépendra des impuretés emprisonnées dans le cristal et parfois de la température dans les zones les plus chaudes.

Une créature faite de silicium évoluant dans un monde minéral fait de "fleurs" et de "collines" de cristaux de quartz. Selon nos critères et notre définition de la vie, cette créature est un androïde. Documents Adolf Schaller.

Plus étonnantes seraient les créatures vivant sur ce monde fait de cristaux et de métaux. La chimie du silicium nous est étrangère pourtant nous la cotoyons tous les jours : c'est le côté matériel de l'informatique et de la robotique. Si nous appliquons ce concept à une forme de vie extraterrestre, nous aboutissons à une créature vivante et intelligente, capable de communiquer et de se déplacer de manière autonome.

En effet, à partir du silicium et du germanium nous pouvons fabriquer des processeurs et des transistors. Nous savons que l'arsénide de gallium devient lumineux quand il est chargé. Le sélénide de cadmium sulfureux émet une charge lorsqu'il est éclairé et les impuretés ainsi que les sels de sodium rendent le milieu conducteur.

En extrapolant, on peut imaginer que pour communiquer et contrôler son environnement, une intelligence extraterrestre fondée sur le silicium manipulerait des ions comme nous manipulons les instructions d'un programme. Finalement, nous aboutissons naturellement au concept d'ordinateur et de toutes ses variantes, de l'entité locale et isolée au système global disposé en réseau neuronal.

Ainsi, sur base de notre idée de la vie, un organisme de silicium ressemblera à un robot ou un androïde à l'image des "Transformers". Il aura la taille d'un camion mais sera presque trois fois plus lourd. Cette créature de silicum se nourrira évidemment de substances à base de silicium, donc vitrifiées ou métalliques; elle sera lithovore. Sa gueule sera munie d'une sorte de foret, de pic ou d'un marteau pneumatique capable de briser et de pulvériser les roches avant de les ingérer. Elle pourrait disposer d'une trompe ou d'une appendice frontale capable de projeter sur sa nourriture un acide très puissant pour la faire foudre ou la dissoudre. Elle pourrait ainsi aspirer le liquide. Une fois digéré par des microbes capables de métaboliser les minéraux, ces fluides serviraient à entretenir son squelette, participant à la croissance des plaques de silicium ou à la réparation des parties endommagées.

Une carapace de silicium abandonnée par un mollusque extraterrestre. Document Keoma.

Ses appendices, des bras et ses jambes fonctionneront comme les pistons hydrauliques qui équipent nos grues ou nos camions. Ils pourraient être télescopiques, équipés de cardans ou de rotules omnidirectionnelles.

Parmi ses autres particularités, cette créature produirait sa propre énergie interne à partir d'une réaction photoélectrique avec le sélénide de cadmium sulfureux et communiquerait avec le monde extérieur en émettant de la lumière à partir d'une réaction électrique de l'arsénide de gallium.

Une forme de vie plus évoluée produirait son énergie à partir d'un réacteur capable de générer quelques kilowatts d'électricité. Elle pourrait également se servir de cette source d'énergie pour capturer ses proies. Elle disposerait d'un détecteur Geiger pour localiser les minéraux radioactifs.

Enfin, sa reproduction suivrait le schéma d'une usine d'assemblage plutôt que la filière "naturelle". Une "reine" se consacrerait à temps plein à la ponte de petits lithovores qui dès éclos mèneraient une vie solitaire dans ce monde de cristal, heureux de trouver dans cette lithosphère de délicieux mets de silice. Ces "bébés usines" seraient autonomes et se répliqueraient sans aide extérieure.

Dans sa version la plus évoluée, cette société serait peu différente d'un réseau d'usines automatisées, gérées par des robots et fonctionnant de manière autonome. Cette civilisation artificielle serait même capable de s'envoler à la recherche de planètes riches en métaux lourds, aboutissant au concept d'artefacts extraterrestres ou SETA qui viendraient observer la Terre comme nous avons envoyé des sondes spatiales automatiques explorer le système solaire.

Un monde neutronique

Plusieurs auteurs de romans de science-fiction dont Robert Forward ("L'oeuf du dragon") ont envisagé une vie sur une étoile à neutrons ou un pulsar. Rappelons qu'une étoile à neutrons est une étoile plus massive que le Soleil arrivée au terme de sa vie et qui s'est effondrée sur elle-même par un simple effet gravitationnel suite à l'arrêt des réactions nucléaires de fusion qui assuraient jusqu'ici un juste équilibre entre les forces antagonistes.

Au cours de l'implosion la pression électronique est tellement élevée que les électrons franchissent les barrières du noyau atomique jusqu'à ce qu'ils soient arrêtés par les forces nucléaires intra-atomiques de l'interaction forte. Les électrons libérés de leur orbite s'annihilent avec les protons des noyaux. Leur charge à présent neutre transforme le noyau de l'étoile en une sorte de nucléon aux proportions astronomiques et aux propriétés très étranges que nous ne connaissons pas sur Terre.

Traces de formes de vie microscopiques à la surface d'une étoile à neutrons de 30 km de diamètre. Document Adolf Schaller.

Une étoile à neutrons de quelques masses solaires présente un diamètre de 10 à 30 km seulement et une densité équivalant à des milliards de fois celle du plomb : un centimètre cube de cette matière peut peser un milliard de tonnes sur Terre. Sa surface présente encore une température de plusieurs milliers de degrés. Voilà l'objet de notre spéculation.

Il va sans dire qu'il vaut mieux ne pas essayer d'atterrir sur ce genre d'astre. A quelques kilomètres de sa surface la pesanteur est si forte qu'un vaisseau spatial s'écraserait sur sa surface et serait en même temps pyrolysé et pulvérisé en particules atomiques ! C'est en somme une déchetterie propre.

Cet astre forme un macro-noyau aux proportions astronomiques ; c'est probablement la plus grosse molécule existant dans l'univers. Ce qui nous intéresse ici est le fait qu'à l'instar de Forward, on peut imaginer qu'une forme de vie pourrait exister sur ce genre d'étoile "dégénérée". Ces créatures auraient une taille microscopique mais seraient aussi complexes que nous le sommes. Leur fonctions métaboliques paraîtraient se dérouler à la vitesse de la lumière et leur durée de vie semblerait durer une fraction de seconde à notre échelle. Pour ces créatures éphémères une seconde terrestre correspond à la durée de vie d'une génération.

Mais inversement, si une créature habitant une étoile à neutrons visitait la Terre, elle ne nous reconnaîtrait probablement pas comme une forme de vie car, pour elle, nous serions figés dans le temps.

Une monde d'énergie pure

Si nous considérons une civilisation existant depuis des dizaines de milliers voire des millions d'années, "toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant put exister ne serait que pure coïncidence" comme le précisent si bien les génériques de fictions.

En effet, l'évolution est non seulement guidée par la sélection nature, mais à ce stade le progrès technologique peut l'orienter vers quelque chose de tout à fait inattendu et même d'artificiel. En conséquence l'être que nous verrons sera aérien ou "terrestre", peut-être semblable à "E.T." et bien vivant ou proche des "Borgs" de Star Trek, moitié robot moitié je ne sais quoi, mais pas un être humain.

En extrapolant l'évolution on peut même considérer qu'une civilisation totalement épanouie depuis des millions d'années sera parvenue à dompter toutes les formes d'énergie et aura acquis un pouvoir psychique extraordinaire.

Une vie faite d'énergie pourrait ressembler à quelque chose d'éthéré absorbant l'énergie et l'utilisant dans un processus de pensée pour communiquer avec l'univers et d'autres entités énergétiques.

Seule difficulté nous ne la reconnaîtrions pas comme vivante car elle ne serait sans doute pas différente de la lumière, du plasma, du Soleil ou d'une galaxie.

Deux formes de vie vivant dans les confins de l'espace et faites d'énergie pure. Celle de gauche extrait le rayonnement d'un jeune amas d'étoiles entouré de matière sombre. Celle de droite est plus évoluée et ne laisse que des traces de son passage sous la forme de filaments de gaz lourds. Documents Gary Tonge et Cognitive Distortion adapté par l'auteur.

Dans son roman "Le Nuage Noir", l'astrophysicien Fred Hoyle avait imaginé une telle forme de vie résidant dans un nuage cosmique. En absorbant l'énergie du Soleil elle n'avait pas conscience de notre existence et du fait qu'elle supprimait ainsi notre seule chance de survie. Tout le problème était de communiquer avec cette entité qui représentait un danger pour l'humanité.

Ce problème comme celui des visiteurs d'une étoile à neutrons soulève une autre question. Si a priori l'univers n'abrite actuellement aucune autre civilisation intelligente que la nôtre, au vu de ce que nous venons d'évoquer, on peut raisonnablement se demander si nous avons tous les atouts en main pour juger ce phénomène. Nous pensons que toutes les créatures extraterrestres potentielles, sans pour autant être à notre image, seront sans doute à notre échelle et que nous serons capables de les reconnaître. Mais connaissons-nous bien l'échelle exacte de l'univers ? Le quark est-il la structure élémentaire la plus simple et les amas de galaxies sont-ils les structures les plus vastes de l'univers ? Où ne sommes-nous pas nous-même emprisonnés dans une bulle-univers, une bille aux proportions astronomiques parmi des milliards d'autres qui ne font que rouler sur la roulette de la vie lancée par dame Nature ?

Un amas d'étoiles en cours de formation; une énergie qui a le potentiel de créer la vie, mais est-il vivant ? Si on se fonde sur la définition de la vie, la réponse est négative. Document Adolf Schaller.

Grâce à leurs accélérateurs de particules et autres collisionneurs, les physiciens nous disent qu'ils maîtrisent les (basses) énergies libérées par la matière et que tous les évènements s'expliquent en faisant appel à trois familles de particules (électrons, muon et tau) et quatre interactions fondamentales, sans qu'il soit nécessaire d'en inventer d'autres.

Ceci dit, la physique quantique cache encore beaucoup de paradoxes et certains évènements astronomiques demeurent inexpliqués, comme l'origine de la matière sombre ou certains effets Doppler jugés anormaux parmi des centaines d'autres énigmes.

Il est évident que nos théories sont incomplètes et que nous ne disposons pas encore de la clé de voûte de l'univers. On peut donc se demander si la réalité est bien comme on l'imagine... Sans preuve du contraire, on peut raisonnablement le penser en espérant que le temps et le progrès nous donnerons plus d'imagination.

En fait, trop des facteurs entrent en jeu, rendant la roulette de la vie et de son évolution très aléatoires. Même s'il s'agit d'un cliché, il faut tout de même le redire : l'homme est une espèce unique car il a peuplé la Terre en épousant les conditions de sa survie. Les particularités de notre écosystème mettent en évidence l'importance de l'adaptation des espèces à leur environnement et l'impact des contraintes physiques sur les êtres vivants.

En observant comment la matière inerte s'agence sur Terre pour former des organismes vivants, comment la complexité s'installe et évolue depuis l'atome jusqu'aux plus grandes structures cosmiques, nous comprendrons peut-être un peu mieux comment la vie peut évoluer ailleurs.

Pour finir, il nous reste à déterminer de quelle manière une éventuelle intelligence extraterrestre appréhende son environnement en discutant brièvement de ses facultés sensorielles.

Dernier chapitre

Du système nerveux central à l'intelligence

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