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Que devons-nous faire si ET nous appelle ?

La détection d'un signal artificiel (I)

La recherche d'intelligence extraterrestre (SETI) est basée sur l'écoute systématique du ciel en quête d'éventuels signaux d'origine artificielle, transmis intentionnellement ou non vers la Terre sous forme d'ondes électromagnétiques (émissions radio, infrarouge, de lumière, fuites gamma, etc), ce qu'on appelle des technosignatures. D'autres modes d'émissions existent (telles que les messages quantiques ou les ondes gravitationnelles de hautes fréquences) mais ils ne sont pas encore exploités faute de technologie appropriée. Mais si jamais nous détectons ces signaux, il s'agira peut-être plus que de simples fuites involontaires mais de messages complexes indiquant que nous ne sommes pas seuls dans l'univers.

Dans ces conditions que peut contenir le message envoyé par une civilisation extraterrestre qui a évolué indépendamment de l'humanité ? Faut-il lui répondre et de quelle manière ?

Si nous sommes certains d'avoir capturé un message extraterrestre, entendons par là un signal émis par un objet que nous n'aurions pas fabriqué, encore faut-il déterminer qu'il s'agit d'un message artificiel. Mieux vaut en effet être très prudent en cette matière, au risque de passer pour des farfelus s'il s'avère que nous avons détecté un objet naturel (rappelez-vous l'affaire du quasar CTA102 ou de la découverte des pulsars), une erreur qui réduirait à néant la crédibilité du programme SETI, le sujet étant très sensible au ridicule...

Nous avons vu à propos de la détection d'un signal artificiel, que les programmes SETI sont capables de déterminer si l'émission est naturelle ou artificielle sur base de la largeur de la bande passante (tous les phénomènes naturels occupent une bande passante supérieure à environ 500 Hz), du profil et de la puissance du signal (le signal d'un pulsar par exemple est typiquement naturel) ou du déplacement du signal par rapport au fond du ciel ainsi que par rapport à d'autres systèmes d'inertie (rayonnement cosmologique isotrope à 2.7 K, etc). Ce n'est qu'une fois cette analyse effectuée et démontré que le signal ne peut pas avoir été émis par une source naturelle que nous pourrons annoncer qu'il s'agit véritablement d'un signal artificiel.

Nous faisons en fait l'hypothèse que ces signaux seraient émis par une civilisation technologiquement avancée similaire à la nôtre ou un peu plus évoluée dont nous pouvons anticiper les réactions. Mais il est hors de question d'envisager de communiquer de cette manière avec une civilisation de Kardashev de Type II ou de Type III, dont nous ne pouvons même pas imaginer le niveau technologique.

Extrait du message de Dutil-Dumas transmis à trois reprises en 1999

à destination de quatre étoiles similaires au Soleil.

Il y aura de fortes chances que le signal radio ou optique extraterrestre contiendra une information. Actuellement les protocoles SETI recherchent des signatures artificielles de fortes puissances (supérieures à 1.7x10-23 W/m2, ce reste malgré tout cent fois plus faible que les signaux émis par les sondes Voyager situées à près de 100 UA de la Terre). Les protocoles SETI les plus avancés (le projet ATA, etc) rejettent systématiquement les signatures naturelles comme celles des radiosources cosmiques, des planètes et de nombreux parasites (émissions micro-ondes des appareils domestiques ou scientifiques, des satellites de navigation, etc). Par contre un signal incohérent mais puissant et fluctuant est considéré comme suspect car son profil particulier peut contenir une information additionnelle. S'il varie par exemple périodiquement dans le temps, il sera isolé et analysé[1].

Déchiffrer le message

Comment procéder pour déchiffrer un tel message ? Au début du programme SETI les chercheurs avaient affirmé que les messages intentionnels contiendraient des mathématiques et des données scientifiques. Ils supposaient que si ces extraterrestres étaient assez intelligents pour construire des radiotélescopes ou des émetteurs lasers, ils seraient familiers avec les lois qui gouvernent la physique, la chimie et donc avec les mathématiques, des sciences que nous utilisons quotidiennement.

Mais si cette technique s'applique probablement au contact initial avec une civilisation extraterrestre, aucun des protagonistes n'en restera à ce stade et chacun voudra à un moment ou un autre transmettre des informations plus concrètes sur sa culture, son histoire ou l'objectif qu'il vise en nous contactant.

Pour comprendre comment une civilisation extraterrestre communiquera avec nous nous pouvons trouver quelques idées en nous tourner vers les messages laissés derrière elles par les anciennes civilisations telles que les Mayas, les Grecs, les Egyptiens ou les Sumériens.

Bien qu'un message extraterrestre sera sans doute lourd de sens et beaucoup plus complexe à déchiffrer qu'une simple stèle de la Grèce antique, les anthropologues nous disent que nous devons être prudents au sujet du contenu d'un tel message.

Prenons par exemple les récits les plus anciens transmis par les Grecs et conservés puis traduits par des cohortes de Bénédictins dans les monastères du Moyen-Age. Aujourd'hui ces ouvrages tout enluminés sont rassemblés dans les librairies et les musées contemporains. Mais bien que nos collections contiennent des milliers d'ouvrages de cette époque, les récits originaux écrits par Platon ou Aristote par exemple sur la philosophie, la littérature ou les sciences sont très peu nombreux. Heureusement certains ouvrages perdus ont été retrouvés en version arabe en Espagne et en Sicile.

Ainsi, à l'époque de la Renaissance, les intellectuels pouvaient prendre connaissance des textes classiques grecs sur les bancs des universités ou depuis les centres d'étude islamiques, soit directement dans les éditions grecques soit par l'intermédiaire de traductions arabes ou latines. Durant des décennies et même des siècles, la "jeune" civilisation européenne pouvait étudier la civilisation grecque plus ancienne, bien que les deux cultures aient été séparées de plusieurs siècles.

Cette comparaison nous permet de faire une analogie avec le contact entre la Terre et une civilisation extraterrestre beaucoup plus ancienne. Si nous détectons un message extraterrestre, il est possible que cette civilisation ait depuis longtemps disparu.

N'oublions pas que si nous détectons un message émis depuis un système stellaire situé à 1000 années-lumière, cette civilisation l'a émis il y a mille ans, et nous ignorons ce qu'elle est devenue depuis. Son message devra être considéré comme un récit historique figé dans le temps. Pire, il ne se renouvellera peut-être pas avant qu'ils aient eu une réponse.

Extrait du film "Contact" mettant en vedette Jodi Foster. Une civilisation extraterrestre propose aux scientifiques de construire un "appareil" d'exploration dont personne ne comprend le mode de fonctionnement.

D'autres messages peuvent contenir toute une encyclopédie, nous proposer les plans de construction d'un appareil de communication ou de transport comme dans le film "Contact" de Robert Zemeckis sorti en 1997, ou nous poser des questions pertinentes, voire indiscrètes.

Ainsi que nous l'avons expliqué dans l'article consacré à un éventuel contact avec des extraterrestres, l'impact d'une telle découverte sera la plus importante de toute l'histoire de l'Humanité et offrira des perspectives inimaginables dans tous les sens du terme. Non seulement cela confirmera que l'univers est bel et bien peuplé de civilisations extraterrestres mais il nous offrira l'occasion de comparer pour la première fois nos différences culturelles au-delà de nos préjugés anthropocentriques.

Douglas Vakoch étudie l'aspect culturel de la recherche d'intelligence extraterrestre à l'Institut SETI. Il considère que si la comparaison grecque est instructive, comme toute analogie elle est incomplète et donc qu'il serait dangereux de la considérer au pied de la lettre. 

Ainsi, si nous considérons les récits bibliques, les fresques Maya ou les statues de l'île de Pâques pour ne citer que quelques exemples célèbres, l'interprétation faite par certains archéologues plus portés sur l'étrangeté des textes ou des gravures que sur le sens critique diverge fondamentalement de celle des anthropologues ou des ethnologues. Il faut être très prudent en analysant un message et ne pas essayer de lire entre les lignes une signification qui n'a nulle raison d'exister. 

Sans connaître le contexte d'un récit, les us et coutumes de cette civilisation, il est très facile de porter un jugement subjectif et biaisé que rien ni personne ne pourra contredire si ce n'est le puissant Rasoir d'Occam et la prudence d'un raisonnement scientifique.

La même prudence s'applique à notre réponse aux extraterrestres. Vu de l'autre côté de la ligne de transmission, nous devons veiller à transmettre un message clair, ne souffrant aucune ambiguïté à nos destinataires. 

Nous savons pertinemment bien combien notre langue maternelle peut faire l'objet d'interprétations en fonction des tendances culturelles de chacun, et plus encore si nous utilisons des termes qui prêtent à confusion ou imprécis. Voyez simplement les discussions qu'entraîne l'interprétation des textes de loi, des documents pourtant élaborés durant des mois par des équipes de spécialistes. Une civilisation extraterrestre qui n'entend rien à notre mode de vie et nos coutumes sera certainement encore plus embarrassée que nous si nous utilisons des mots à double sens durant les communications, où les erreurs ne peuvent pas être corrigées en cours de transmission.

Le protocole d'annonce

Bien que certains chercheurs trouvent le programme SETI futile, des scientifiques de l'Institut SETI comme Jill Tarter et John Billingham, pour ne citer que deux ténors en cette matière, estiment que SETI a beaucoup progressé au fil du temps et tous deux espèrent qu'avec les nouveaux instruments mis à leur disposition ils recevront un jour un signe de vie d'une civilisation extraterrestre. Travaillant de concert avec des scientifiques, des diplomates, des psychologues et des avocats spécialisés dans le droit spatial, ils ont développé des protocoles d'annonce dans l'éventualité où les chercheurs découvriraient une intelligence extraterrestre.

L'avantage d'un protocole d'annonce est qu'il s'agit d'une procédure mûrement réfléchie dont le but vise à confirmer un message, s'opposant à toute annonce prématurée. le but est de valider le message de confirmation par d'autres scientifiques avant qu'il soit communiqué dans toute la communauté scientifique et publié dans les médias.

Le désavantage d'un tel protocole est qu'il s'agit d'une démarche lente qui doit s'assurer plusieurs confirmations préalables par différents observatoires à travers le monde et plusieurs équipes d'experts. Pendant ce temps, toujours en quête d'un scoop, la presse peut très bien être informée de cette découverte avant que la confirmation ne soit officielle.

Mais un tel protocole ne peut pas anticiper tous les scénarios possible, et certainement pas les erreurs d'appréciation. C'est comme si nous demandions à Christophe Colomb de savoir d'avance ce qu'il était supposer faire en posant son pied en Amérique plutôt qu'en Indes. Aussi certains se demandent si ça vaut vraiment la peine de rédiger un protocole si rien ne garanti qu'on pourra le respecter ?

Ainsi que nous l'avons dit à propos du contact avec les extraterrestres, nous savons avec l'expérience de la Guerre du Golfe ou des grandes missions spatiales qu'il faut gérer les médias pour éviter les dérapages et diffuser l'essentiel des informations au public sans l'entraîner dans des considérations secondaires ni focaliser toutes les ressources sur un événement mineur. Il faut satisfaire sa curiosité et si le protocole est bien établi tout un chacun aura droit soit à un temps de parole soit à une réponse circonstanciée. Il faut également apprendre à gérer sur le terrain la pression psychologique et la tension que crée ce genre d'annonce.

En 1989, John Billingham, Jill Tarter, Michael Michaud ainsi que leurs collègues du Comité SETI de l'Académie Internationale d"Astronautique (IAA) ont soumis à l'académie un document intitulé : "Une déclaration de principes concernant les activités suivant la détection d'une intelligence extraterrestre". Ce document est disponible auprès de l'Institut SETI et sur ce site en version anglaise.

Bien qu'approuvé par l'IAA et d'autres groupes de chercheurs spécialisés en astronomie et en astronautique, la déclaration est en fait un "gentlemen's agreement", un accord à l'amiable et  n'a aucune force de loi, car après tout, qui pourrait l'imposer ? D'autre part, toutes les équipes impliquées dans la recherche SETI ont annoncé qu'elles respecteraient le protocole si on assure un faible niveau de bruit pour les radiotélescopes. Le contenu de la déclaration est un B.A.BA : vérifiez le signal pour être sûr qu'il est vraiment extraterrestre, puis informer la communauté astronomique, le gouvernement et le public (l'ordre n'est pas précisé).

En d'autres termes il n'y aurait aucun secret. Cela peut ressembler à canular, mais dans le passé certaines découvertes astronomiques sont restées secrètes, au moins pendant un temps. Quand les pulsars ont été découverts en 1967, il y eut une confusion sur leur nature. Ainsi que nous le verrons à propos de l'histoire du programme SETI, durant plusieurs mois les astronomes ont cru avoir découvert des "petits hommes verts", bien qu'ils n'osaient pas vraiment l'avouer ouvertement. Les mois passant, il apparut clairement que l'explication était ailleurs et liée à l'activité magnétique d'étoiles neutrons.

La déclaration de l'IAA indique clairement que dans le cas d'un véritable signal extraterrestre il faudrait en informer toute la population du monde. Si l'agent Mulder de la série "Aux Frontières du Réel" (X-files) pouvait garder ses investigations sous le couvert, la recherche SETI se veut d'emblée ouverte au public.

Dr. Paul Horowitz

Paul Horowitz.

Même si un astronome est assez stupide pour prétendre avoir détecté une intelligence extraterrestre sans même réaliser les contrôles requis ni respecter les protocoles d'annonce, il est peu probable que SETI en souffre à long terme. Selon Paul Horowitz de l'université d'Harvard qui, rappelons-le fut le père de la "valise SETI" et de quantité d'autres programmes SETI (Sentinel, Meta, OSETI, etc) "je m'inquiète simplement qu'en instaurant ces règles, on fasse appel à l'establishment et que des types en cols blancs viennent examiner nos appareils pour être certains que nous avons détecté quelque chose. Je me rebelle juste contre cela."

Dans l'esprit d'Horowitz, de telles procédures de vérification déprécient l'effort des scientifiques, étiquetant leurs recherches du slogan "A ne pas faire confiance". Selon lui l'antidote consisterait à utiliser les mêmes méthodes scientifiques que celles utilisées dans d'autres domaines de la recherche, dans lesquels les observations et les conclusions erronées sont détectées par une série de vérifications indépendantes et volontaires. Horowitz résume ainsi les protocoles SETI : "Je ne suis pas sûr que nous ayons besoin de règles supplémentaires."

Au vu des vérifications faites jusqu'à présent par les équipes scientifiques indépendantes, on peut en effet considérer l'argument d'Horowitz comme étant recevable et le résultat toujours efficace. 

Seuls les "vraies-fausses" découvertes annoncées par des faussaires et des escrocs scientifiques passent le crible de ce genre de vérification, et encore en général durant quelque temps seulement.

Mais Horowitz oublie toutefois de tenir compte du fait que si la découverte est confirmée de cette manière il faut malgré tout l'annoncer au public. Et c'est une chose très différente d'annoncer la découverte d'une civilisation extraterrestre ou celle d'un trou noir dans la Voie Lactée. Si tous deux peuvent "faire peur" en soi, la première annonce à des conséquences incommensurables face auxquelles le public doit être préparé.

Finalement, que le protocole d'annonce soit respecté ou qu'il soit bousculé importe peu, et que vous soyez signataire ou non n'y change rien non plus. Comme le dit Paul Shuch de la SETI League, "A l'image de la formule de Drake, le fait de rédiger des protocoles force le débat dans la communauté scientifique sur la quantification de notre ignorance."

Deuxième partie

Trouver les mots justes

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[1] Mais même ici le risque de confusion est présent. Des fuites technologiques comme les rayons gammas émis périodiquement par le moteur d'un vaisseau extraterrestre ou les émissions intenses mais de courte fréquence (je pense aux câbles à haute tension d'une civilisation avancée) sont autant de signaux périodiques fluctuant entre quelques secondes et quelques heures. Ils sont facilement détectables à plusieurs années-lumière avec des antennes modestes (un signal à haute-tension de 50 Hz est détectable à 5 a.l. avec une antenne VLF). Mais s'ils sont suspects ils n'impliquent pas de communication volontaire de la part de ces civilisations. Ils constituent par contre des fuites qui valent la peine d'être étudiées. Nous ignorons dans cette analyse ce genre de fuites technologiques pour nous concentrer sur les messages cohérents émis intentionnellement par des extraterrestres.


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