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Choisir un site d'observation astronomique

A la recherche d'un site d'observation du ciel dans le désert d'Atacama. Document Daniele Gasparri.

Introduction (I)

Voilà le jour venu ! Vous venez d'acquérir la lunette ou le télescope de vos rêves. Reste maintenant à trouver un site d'observation. Peut-être avez-vous déjà une petite idée. Si vous habitez à la campagne et dans votre propre maison, vous avez peut-être de la chance, sinon la bataille risque d'être sinon perdue d'avance, du moins difficile à gagner dans les conditions de vie actuelles.

Disons déjà que porter sa préférence sur un site d'observation sans juger sur place des conditions d'observation et du micro-climat qu'il y règne est une aberration. Bien sûr un observateur occasionnel pourra s'en contenter mais certainement pas un astrophotographe assidu ou un astronome amateur suivant un programme scientifique.

Mis à part le budget et la disponibilité qui restent les principaux facteurs de décision, le choix d'un site est bien sûr avant tout conditionné par le but que vous poursuivez. Si seule la radioastronomie vous passionne par exemple peu importe qu'il y ait beaucoup de nuages ! L'observation du Soleil requiert un site bénéficiant d'un bon ensoleillement et peu de turbulence, ce qui n'est pas garanti sous les climats tempérés, mais l'avantage est que l'amateur peut observer le Soleil la journée à proximité de chez lui et qu'il n'a pas à craindre les méfaits de l'éclairage artificiel. En revanche, pour la spectroscopie un ciel clément et pur est plus que recommandé. Enfin, si vous êtes passionné par l'astrophotographie des objets du ciel profond (nébuleuses et galaxies mais également la Voie Lactée) il est préférable d'installer votre matériel dans un endroit bien sombre, éloigné de toute pollution lumineuse et des vibrations du sol.

Si vous recherchez un site d'observation bénéficiant de conditions optimales en terme de qualité du ciel, voici les conditions indispensables à vérifier sur le site et à suivre sur une assez longue période, y compris l'hiver, avant de vous y installer.

Astro-Inn et lodge

Si vous êtes fatigué d'observer dans la grisaille où si vous avez la possibilité de profiter de vos vacances pour aller observer dans un endroit privilégié, voici les adresses de quelques particuliers prêts à vous héberger et à mettre à votre disposition du matériel astronomique de qualité, sans bien sûr oublier les clubs d'astronomie et les installations pilotées à distance.

Ci-dessus l'observatoire AstroQueyras de Saint Véran dans les Alpes françaises. Ci-dessous, le centre d'astronomie de Saint-Michel l'Observatoire en Haute-Provence. Tous deux sont accessibles au public et aux astronomes amateurs.

La boutique des Pyrénées (Pic-du-Midi, France)

Centre d'Astronomie des Pyrénées - France

AstroQueyras - Hautes Alpes, France

Observatoire des Côtes de Meuse - Lorraine, France

Observatoire d'Aniane - Hérault, France

La Ferme des Etoiles - Gers, France

Observatoire de la Perdrix - Doubs, France

Le refuge aux étoiles - Tarn-et-Garonne, France

Liste des sites astronomiques du Gresac

Stelle di Corsica - Centre Corse

COAA - Portimão, Portugal

Puimichel l'Observatoire "La Remise" - Belgique

Eurospace Center de Redu - Belgique

Icare - Alpes valaisannes, Suisse

Galloway Astronomy Center - Écosse, GB

Jack Newton Observatory B&B - B.C, Canada

Hacienda des étoiles - Monte Patria, Région IV, Chili

Space Obs - Atacama, Chili

Observatorio del Pange - Region III, Chili

Chile Excepcion - La Serena/Atacama, Chili

Namibia's Astrofarm - Namibie

Instruments pilotés à distance :

SLOOGH, îles Canaries

New Mexico Skies - NM, USA

Sierra Remote Observatories, Ca, USA

Star Shadows Remote Observatory - NM, USA

Telescope Live - Chili, Espagne, Australie

Grove Creek Observatory - Australie

Observatorio El Sauce, Chili

iTelescope - Chili, Australie, USA, Espagne

Facteurs non météo

1. Un horizon dégagé

Il est certain que le premier critère qui va intervenir dans le choix d'un site d'observation astronomique n'est pas d'ordre météorologique. C'est celui du dégagement : le site doit être dégagé au moins dans le secteur s'étendant entre l'est et l'ouest pour observer les astres entre leur lever et leur coucher, avec une prédilection pour le secteur sud où les astres culminent au-dessus de l'horizon. Bien entendu un tel dégagement est rare et n'existe plus en ville mais uniquement à la campagne, sur les petites îles, sur les hauts-plateaux, au sommet des montagnes ou dans le désert. Si la compagne est encore facilement accessible (dans certains pays, les astronomes parcourent plus de 100 km pour observer le ciel quelques heures), les autres sites dégagés reviennent pratiquement à s'embarquer dans une expédition, ce qui n'est pas nécessairement du goût ou accessible à chacun. Mais comme nous l'avons évoqué plus haut, cela reste une alternative pour un séjour occasionnel.

A défaut de disposer d'un site idéal à promixité de chez soi, il faut donc chercher un endroit disposant d'une fenêtre dégagée et non polluée sur au moins 90° autour du méridien sud ou vers l'ouest entre 25° et 90° d'élévation, quelle que soit la latitude du lieu.

Le site choisi par Alain Drozd en France (Cassis). Panoramique et ensoleillé, ce site serait idéal pour pratiquer l'astronomie s'il n'y avait la brume de mer ramenant trop souvent l'humidité de la Méditerranée et un accès bloqué vers l'est. Mais lorsque souffle un petit mistral et que le ciel est clair, ce site laisse rêveur.

Outre la pollution lumineuse sur laquelle nous reviendrons (voir plus bas), il n'est pas toujours aisé de trouver un site présentant un beau dégagement jusqu'à l'horizon. Bien souvent de la végétation, des collines, des montagnes ou pire encore, des constructions dessinent le relief ne rendant accessible qu'une portion de la voûte céleste parfois réduite à quelques dizaines de degrés autour du zénith. Dans ce cas, mieux vaut se déplacer de quelques kilomètres sinon davantage.

Ceci dit, en dessous de 25° d'élévation, la végétation, l'humidité, les ondes de chaleur et la pollution (atmosphérique et lumineuse) risquent de réduire drastiquement vos chances de pouvoir observer quelque chose, exception faite des sites désertiques ou d'altitude, et encore, car ils sont de plus en plus illuminés par la lumière des villes ou des autoroutes situés à plusieurs dizaines de kilomètres de distance.

2. Un ciel noir

Le second critère à considérer est la noirceur du ciel. Si pour des raisons liées au climat (brouillard fréquent, nébulosité abondante) ou à la pollution lumineuse (voir plus bas) l'endroit ne permet plus d'observer les étoiles brillantes et de discerner la Voie Lactée, mieux vaut chercher un endroit plus isolé.

La noirceur du ciel peut facilement être estimée visuellement en allant sur le site vers minuit (et en l'absence de Lune) ou en consultant des cartes en ligne de pollution lumineuse (voir liens ci-dessous). On peut également procéder scientifiquement et de manière objective au moyen d'un instrument de mesure appelé un Sky Quality Meter tel le modèle SQM-L de Unihedron qui permet en plus de suivre l'évolution de la noirceur du ciel au cours de la nuit comme on le voit ci-dessous.

A consulter : Light Pollution Map - Google Earthbuilder - Sky Quality Meter

Niveau de pollution lumineuse dans la campagne d'Elvange, près de Bekerich, au Luxembourg. SI le ciel peut être suffisamment sombre pour voir la Voie Lactée, il est déjà pollué par les lumières artificielles (3%). Un ciel "noir" pur où les étoiles de la Voie Lactée brillent comme des diamants atteint une magnitude qui varie entre 21.7 et 22.1 par seconde d'arc2 avec moins de 0.3% de pollution lumlineuse Il faut aller dans le désert, en haute montagne (Alpes, Chili, Sahara, etc) ou certaines îles isolées pour trouver ces conditions. Heureusement, un ciel de cette qualité n'est pas une condition indispensable pour faire de l'astronomie.

Pour information, par une nuit sans Lune, à la campagne à quelques dizaines de kilomètres des agglomérations et des autoroutes et à 2 km d'un petit village de quelques milliers d'habitants et à l'écart de l'éclairage public (Wépion en Belgique, Elvange au Luxembourg, etc.), la radiance du ciel est d'environ 3x10-9 W/cm2.sr. Sur une échelle ouverte de pollution lumineuse qui varie entre 0 (ciel noir) et environ 100 (au centre des villes), cela équivaut à un indice SQM de 1.8 à 3.0 soit à peine 3% de pollution lumineuse et à une brillance du ciel ou noirceur d'une magnitude d'environ 21 par seconde d'arc2

Même si la nuit paraît "noire" et qu'après accoutumance à l'obscurité il est pratiquement impossible de voir les objets au sol, dans les pays densément peuplé il est rare qu'un tel site, généralement situé en plaine ou sur le contreforts des vallées (disons à moins de 500 m d'altitude) soit vraiment plongé dans l'obscurité et que le ciel soit limpide. En fait, il déjà très lumineux et correspond à celui d'un site idéal à la fin du crépuscule ou en présence d'un croissant de Lune. Ces lieux étant situés dans les basses couches de l'atmosphère, la présence d'humidité et de poussière dans l'air diffusent la lumière et réduisent la noirceur du ciel.

Pour trouver un site vraiment très sombre avec un indice de pollution lumineuse SQM < 1.0 avec une magnitude > 21.2 par seconde d'arc2 , il faut chercher sur les cartes de pollution lumineuse des "trous" d'obscurité de plusieurs dizaines de kilomètres de rayon au milieu des champs, des parcs nationaux ou encore des clairières des grands domaines forestiers où la pollution lumineuse sera très faible. Mais bien que la Voie Lactée soit perceptible, le ciel n'est jamais aussi sombre et les étoiles paraissent moins brillantes qu'en altitude.

Trois manières de pratiquer l'astronomie. A gauche, sur le terrain à la campagne, là où le ciel est dégagé jusqu'à l'horizon et à l'écart de l'éclairage public (installation de l'auteur à Livange, à 15 km de Luxembourg). Au centre, en ville ou dans sa banlieu faute de mieux (le site d'Okano Kunihiko à Tokyo). A droite, depuis son propre observatoire par définition bien situé (le site de Lorenzo Lovato à Imola en Italie à 700 m d'altitude).

Sur les contreforts des Pyrénées ou des Alpes par exemple, à l'écart des villages et des routes et parfois à partir de 500 ou 700 m d'altitude comme dans la vallée Maggia dans le Tessin italien, l'indice de pollution lumineuse SQM peut descendre sous 0.3 et la brillance du ciel peut dépasser la magnitude 21.7 par seconde d'arc2 ; même en été vers minuit le ciel est constellé d'étoiles aussi brillantes que des diamants tellement le ciel est noir. De tels sites n'ont pas grand chose à envier aux hauts-lieux de l'astronomie.

En revanche, on trouvera le ciel le plus sombre et le plus limpide sur les plateaux d'altitude (cf. les déserts) ou au sommet des montagnes comme au Pic-du-Midi, au Chili ou à Hawaii. Par ciel clair en l'absence de la Lune, l'indice de pollution lumineuse atteint des sommets avec des indices SQM de l'ordre de ~0.18 soit 2 fois plus faible que dans nos campagnes ou les vallées alpines les plus isolées. La brillance du ciel peut même dépasser 22.06 par seconde d'arc2 en l'absence de la Lune et de la Voie Lactée.

Bien entendu, il n'est pas obligatoire de trouver un site très sombre pour pratiquer l'astronomie et une majorité d'amateurs se contentent d'installer leur matériel sur leur balcon, dans leur jardin ou dans un parc situé dans la périphérie de leur ville ou de leur village. Cela suffit déjà pour l'observation visuelle et certainement pour observer les planètes et la Lune. Si l'amateur est habile et utilise éventuellement un filtre anti-pollution lumineuse (LPR) adapté à l'astrophotographie, ses photos peuvent être dignes des concours. On y reviendra.

3. La pollution lumineuse

En admettant que le site soit dégagé et plongé dans l'obscurité, il y a un troisième facteur important à considérer : la pollution lumineuse.

Même dans les hauts-lieux de l'astronomie comme au Chili où les sites sont protégés par la loi, l'effet de l'éclairage public des villes "proches" commence à se faire sentir. Ainsi, comme l'explique cet article du "Daily Mail" (2015), les astronomes utilisant les télescopes Gemini et Magellan (GMT) commencent à ressentir les effets de la pollution lumineuse de la ville de Coquimbo située respectivement à 60 et 100 km des observatoires. Ne soyons pas étonnés si on apprend un jour que les astronomes du VLT utilisent des filtres LPR !

La lumière parasite agit comme un écran total sur la faible lumière du ciel et réduit drastiquement le contraste des objets que l'on observe au travers. Dans ce cas le rapport signal/bruit est très faible, mais le signal est toujours présent et il suffit de disposer du filtre sélectif adéquat pour l'isoler et l'accentuer.

A gauche, le site d'observation de Robert Gendler. A l'avant-plan son fameux télescope Ritchey-Chrétien de 317 mm f/9 construit par Optical Guidance Systems. A droite, compositage de 300 photos exposées 13 secondes soit 65 minutes durant les Perséides le 12 août 2018 entre 22h57 et 0h07 TU. Photos prises depuis Waldenburg en Allemagne. Le champ couvre 84°x62°. La plupart des lignes sont provoquées par des satellites éclairés par la lumière du Soleil. C'était avant le lancement des Starlink. Ca présageait le pire... Document Eckhard Slawik/UAI

Ainsi, même si votre site d'observation est situé en pleine ville, pratiquement noyé dans la pollution lumineuse comme le lieu d'observation de Robert Gendler présenté ci-dessus à gauche, vous pouvez malgré tout pratiquer l'astrophotographie à haute résolution ou à longue pose avec succès et même la spectroscopie. En effet, les raies d'émission de l'éclairage public peuvent facilement être isolées et rejetées au moyen de filtres LPR.

En revanche, mieux vaut se placer dans un lieu épargné des lumières pour photographier les aurores (sauf dans les régions polaires où elles brillent plus forts que les étoiles).

En CCD noir et blanc ou au moyen d'un APN, l'usage des filtre sélectifs et RGB permettent également de s'affranchir de la pollution lumineuse et d'obtenir d'excellents résultats en astrophotographie du ciel profond.

Enfin, il ne faut pas confondre la pollution lumineuse et les lueurs nocturnes, ces fameuses bandes rougeâtres, verdâtres ou jaunâtres qu'on observe parfois dans le ciel. On reviendra sur ce phénomène et le mystère de sa formation qui a récemment été élucidé.

A lire : Origines des lueurs nocturnes

A ces problèmes s'ajoutent à présent les milliers de satellites StarLink de SpaceX lancés depuis 2019. Ajoutés aux satellites du réseau 5G, au total ce sont plus de 50000 satellites qui nous voileront progressivement le ciel et qui impactent déjà le travail des astronomes professionnels.

Viennent ensuite plusieurs facteurs météos plus ou moins handicapants selon le sujet d'observation ou l'étude envisagée.

Facteurs météos

1. La turbulence

On dit souvent qu'au Mont Palomar, une allumette allumée dans la prairie, sous l'ouverture, crée des turbulences durant plusieurs minutes rendant impossible tout cliché où l'on demande la plus grande finesse d'image... S'il ne faut pas exagérer les propos des astronomes, il est un fait que leurs exigences imposent l'obscurité totale et le moins de turbulence et de poussière possibles dans un rayon de plusieurs kilomètres autour du lieu d'observation. Ceci dit, ce sont facteurs naturels sur lesquels l'homme n'a aucune emprise. Mieux vaut donc analyser la situation climatique du site envisagé avant de s'y établir à demeure. Inutile donc de s'installer près d'une carrière ou d'une mine à ciel ouvert ! Pas plus que dans une région sablonneuse

Astronomical Seeing : Namur - Arlon - Toulouse - Montpellier, MeteoBlue

A gauche, explication de la dégradation des images du fait de la présence de courants turbulents dans l'atmosphère. Schéma extrait d'un cours de l'Université d'Oregon. A droite, effet réel d'une turbulence moyenne à forte sur l'aspect d'une étoile. Si la plupart du temps vous observez un disque fractionné ou des images stellaires qui bouillonnent comme ci-dessus, ne choisissez pas cet endroit pour observer car le ciel est trop turbulent.

Les télescopes sont à ce point sensibles et le prix de la minute d'observation si élevé (plus de 1$) que le gouvernement chilien a garanti à l'ESO une zone d'exclusion de plusieurs centaines de kilomètres autour de Cerro La Silla (NTT) et de Cerro Amazones (ELT) afin que les astronomes puissent travailler dans les meilleures conditions. Ceci dit on ne peut pas empêcher la lumière, la poussière et la vapeur d'eau (les traînées de condensation) de se propager dans l'atmosphère en faisant fi des réglementations (voir plus bas).

Ces exigences mettent le doigt sur le principal facteur limitatif que tous les astronomes redoutent, même sous un ciel noir et limpide, une atmosphère turbulente qui empêche toute observation où l'on recherche la plus haute résolution.

La turbulence est sournoise et se manifeste d'au moins trois manières différentes :

- La turbulence atmosphérique provoquée par des déplacement d'air de température inégales. Elle se développe surtout à plusieurs kilomètres d'altitude mais provoque au sol des courants contraires et des bourrasques de vents. Elle peut également être liée aux courants jets. On ne peut que la subir. Son effet ne peut donc être contrecarré qu'en se déplaçant vers un site plus propice.

A gauche, simulation d'une turbulence de 3 m/s réalisée sur un superordinateur CRAY-C90 par David D.De Young/Kitt Peak et Richard S. Charles/SDSC/UCSD. Au centre, aspect de la turbulence stellaire. Animation créée à partir d'images CCD réalisées par Kazuyuki Tanaka. A droite, pour éviter au maximum la turbulence et la pollution, y compris lumineuse, l'observatoire du Pic-du-Midi s'est installé dans les Pyrénées. Moyennant quelques frais, le public peut y passer une ou plusieurs nuits, y compris utiliser certains télescopes comme le T60 (et sous condition celui de un mètre). Document Nicolas Bourgeois.

- La turbulence locale est provoquée par des gradients de température plus ou moins forts fonction de la nature du terrain et des objets (bâtiments surchauffés, macadam, champs de blés, etc.). La brise de mer, la brise de terre et les nuages orographiques (liés au relief) sont des effets de cette turbulence. Ils ont une influence dans les basses couches de l'atmosphère et jusqu'au sol. On peut les éviter en modifiant l'architecture locale ou plus facilement en se déplaçant.

- La turbulence interne est localisée dans l'instrument lui-même. Elle se produit tant que l'instrument n'a pas atteint son équilibre thermique. Expliquons brièvement ce problème qui est rarement développé.

La turbulence interne s'observe avant tout dans les télescopes à enceinte ouverte de type Newton ou Cassegrain. Si le télescope était entreposé à l'intérieur, à une température différente de celle de l'extérieur, en début d'observation il y aura formation d'un courant ascendant d'air dans le tube. Ce courant doit être annulé avant que vous ne fassiez vos premières observations ou vos photographies, sinon vous obtiendrez des images parfois plus brouillées que celles induites par l'effet de la turbulence atmosphérique ! Cet effet peut facilement être évité en ouvrant l'observatoire ou en sortant l'instrument au moins une heure avant la séance d'observation, la durée dépendant de l'instrument et de la différence de température.

Ce n'est que lorsque l'instrument (en particulier l'objectif) aura atteint son équilibre thermique que vous pourrez si nécessaire collimater l'optique pour obtenir la meilleure image et seulement ensuite commencer vos observations.

Images réelles d'une étoile prise au foyer d'un Celestron de 200 mm avec une Barlow 3x et caméra CCD Pictor 416XT par Kazuyuki Tanaka. A gauche, l'image théorique. A droite, sa dégradation en fonction des conditions atmosphériques (turbulence nulle, faible, moyenne et forte).

L'échelle d'Antoniadi permet d'évaluer la turbulence atmosphérique en quantifiant la qualité des images stellaires entre I et V à partir du diamètre apparent de l'étoile : V < 0.4", IV = 0.4-0.9", III = 1-2", II = 3-4", I > 4".

Le Soleil est un cas particulier, bien plus turbulent par nature que la Lune ou n'importe quelle planète ou image stellaire. Du fait qu'il faut l'observer sous l'ardeur de ses rayons et de préférence quand il culmine dans le ciel pour réduire au maximum la turbulence de l'atmosphère (soit vers 12h TU en Europe), en général la turbulence est de 3/5 soit de 1-2", rarement meilleure. Cela signifie concrètement qu'à fort grossissement, l'image du Soleil est bien plus agitée que celle de la Lune par exemple, et se calme rarement. Il faut donc profiter de ces courtes accalmies pour réaliser des photos en profitant des capacités de prises de vues en rafales ou vidéos de certains APN (jusqu'à 7 fps) ou caméras CCD (30 à 289 fps). Ceci est bien sûr valable pour les photos instantanées car les éruptions chromosphériques en surface ou les protubérances qui se développent sur le limbe sont des phénomènes d'apparence très lente qui n'évoluent sensiblement qu'en l'espace de quelques minutes.

Etant donné qu'il est impossible de réduire ou d'éliminer la turbulence, la seule solution consiste à utiliser une optique adaptative et de corriger ensuite les images sur ordinateur. Toutefois l'optique adaptative reste très peu utilisée par les amateurs. Parmi les constructeurs fabriquant cet accessoire citons SBIG et OKO.

Notons que dans un site quelconque, l'intérêt d'utiliser un télescope de plus de 400 mm de diamètre doit sérieusement être étudié eu égard à la turbulence. En effet, sachant que la taille moyenne des cellules de convection et des courants turbulents varie entre 50 cm et 1 mètre, un télescope de 400 à 500 mm d'ouverture sera plus affecté par les effets de la turbulence qu'un petit instrument. Là où le petit instrument ne sera sensible qu'à une seule cellule convective ou un seul courant turbulent, un grand instrument risque de subir les effets de plusieurs cellules convectives et courants turbulents. Dans ces conditions ses performances seront relativement inférieures à celles d'un instrument de 200 à 300 mm dont les images seront plus stables car moins sensibles au comportement chaotique des turbulences. En revanche, dans une atmosphère calme, le grand diamètre montrera toute sa supériorité dans les fins détails.

2. La nébulosité

Si vous faites de la photométrie ou de la spectroscopie stellaire notamment, surveiller les cumulus et les cirrus. Si la couverture nuageuse est trop importante au cours d'une année vous devrez bien conclure que ce site n'est pas propice à votre activité, pas plus qu'à l'astrophotographie.

Des traînées de condensation (contrails) envahissantes annonciatrices d'une masse d'air humide et d'un changement de temps.

La nébulosité est tellement invalidante en astronomie optique que les professionnels se demandent s'il sera encore possible d'observer le ciel en 2050... En effet, une étude conduite en 2006 par le professeur Gerry Gilmore, titulaire de la chaire Opticon (astronomie infrarouge optique) à l'Institut d'Astronomie de l'Université de Cambridge, nous apprend que les traînées de condensation risquent à l'avenir de perturber les observations astronomiques conduites par les observatoires dans le domaine optique.

Ces traînées disparaissent généralement assez rapidement mais si le trafic aérien est dense et la masse d'air très humide, elles peuvent subsister plus d'une heure et même se transformer en nuages cirriformes et opacifier le ciel.

Nous savons depuis plusieurs décennies que les astronomes éprouvent des difficultés pour conserver leurs "fenêtres" d'observation en raison de la pollution lumineuse qui les a conduits à installer leurs plus grands télescopes dans des lieux désertiques ou en haute altitude. En extrapolant les conditions atmosphériques actuelles, Gilmore conclut qu'en 2050 il sera impossible d'exploiter de grands télescopes de 30 à 60 m de diamètre en raison de l'augmentation de la vapeur d'eau dans l'atmosphère et des traînées de condensation qui en découlent suite à l'augmentation du trafic aérien.

Mauvais temps pour les astronomes qui devront bientôt se convertir à la radioastronomie voire devenir astronaute s'ils veulent poursuivre leurs recherches.

Il n'est pas exclu qu'à l'avenir les grands télescopes terrestres soient installés en Antarctique où, malgré le coût élevé d'exploitation et la durée réduite des séjours (6 mois en été), le ciel est exempt de contrails et relativement plus clément. Ceci dit, rien ne vaudra jamais un télescope spatial ou un observatoire sur la Lune.

3. Les précipitations

Liées à la nébulosité il faudra surtout connaître son évolution au cours du temps. Au niveau climatologique, à part la mousson dans les pays tropicaux qui ne laisse pas d'autre alternative que d'aller voir ailleurs le temps que revienne la saison sèche, renseignez-vous auprès des voisins ou d'un institut météorologique proche pour savoir s'il y a un risque réel de trombes d'eau, d'orages de grêle, etc., plus fréquents dans votre région qu'ailleurs. Il existe en effet des régions propices à leur développement, parfois liées à un fleuve ou une mer proche ou des différences de température élevées entre le sol (mer) ou la ville et l'air.

4. L'humidité

Le moins possible car elle absorbe le rayonnement visible et oxyde le métal. Connaissez surtout la composition du sous-sol, ancien terrain marécageux, nappe aquifère, sol argileux, roche, etc. Choisissez un endroit où souffle un vent sec ou réputé pour son régime anticyclonique (qui ne vous garantit pas quelques averses...). Par temps chaud dans un régime anticyclonique il faut savoir que la brume matinale peut quelquefois persister toute la journée. Préférez un site situé au-delà de 800 m d'altitude ou au-dessus des vallées brumeuses (souvent sur les crêtes des collines). Attention au littoral qui peut baigner dans une brume de mer, aux lacs réputés pour leur humidité et éloignez-vous des fleuves et du fond des vallées qui sont autant de sources de brumes et de brouillards sur une épaisseur pouvant dépasser 200 mètres.

5. La poussière

Même si les lumières artificielles sont pâles et distantes (30 km et plus) et le ciel généralement sombre, l'horizon peut rester lumineux à certaines époques de l'année par temps sec, lorsque le vent est très faible. En été par exemple, le ciel peut être envahi de poussière et réduire légèrement la noirceur du ciel comme on le voit sur les deux photos panoramiques ci-dessous des installations de l'Observatoire de La Silla au Chili (où sont installés les télescopes de 3.6 m, NTT, TRAPPIST, etc.). Ceci dit, lorsque ce halo lumineux se maintient au niveau de l'horizon comme dans ces deux exemples, cela n'empêche pas de réaliser des photographies à longue pose sans recourir à un filtre anti-pollution lumineuse.

Panorama de l'Observatoire de l'ESO à La Silla en direction de l'ouest. A gauche, une photo de la Voie Lactée à hauteur de la Boucle de Barnard dans la constellation d'Orion. La photo fut prise le 22 janvier 2015 pendant l'été austral, une nuit sans vent où l'atmosphère était particulièrement chargée de poussière et lumineuse. Les traces lumineuses horizontales et les spots de lumière près de l'horizon proviennent des véhicules circulant sur la voie rapide Panamericana (qui n'est pas éclairée) située à 27 km de distance comme on le voit sur la carte. La photo est un compositage de 4 images elles-mêmes empilées exposées 18 minutes au total (72x 15 s) à 8000 ISO et prétraitées prises par Petr Horalek avec un Canon 6D modifié pour l'infrarouge équipé d'un grand-angle Samyang de 24 mm à f/2.0. A droite, le même horizon photographié le 26 janvier 2015 dans les mêmes conditions lors du passage de la comète Lovejoy (C/2014 Q2) près des Pléiades et de la nébuleuse de Californie NGC 1499. Bien que l'horizon soit plus sombre, il est envahi de brume et de lueurs colorées.

6. Le vent

Si vous disposez d'un observatoire abrité sous une coupole ou un toit coulissant (voir page suivante), le vent n'est pas très pénalisant. En revanche, il devient un facteur important si vous observez sur le terrain, notamment au sommet des collines ou sur les hants-plateaux. Le vent peut également vous empêcher de réaliser des photographies en time-lapse si les rafales font vibrer votre installation.

Pour une installation en poste fixe, il faut faire attention au vent de sol, source de turbulences autour de l'observatoire. Ce vent peut aussi soulever la poussière. Si vous habitez sur une ligne de crête et s'il n'y a pas de bocages ou de bois proche, il risque d'y avoir des rafales de vent voire un vent très soutenu. Essayez alors, si possible, de vous installer dans un "trou" abrité du vent et de la turbulence. Localisez aussi les éventuelle fumées d'usines et la direction générale des vents. En Europe occidentale, un vent du nord est souvent annonciateur de mauvais temps (précipitations) et les masses d'air d'ouest sont souvent chargées d'humidité.

7. La température

Surveiller les variations diurnes et la vitesse des échanges thermiques jusqu'à la stabilisation au degré près. De ces variations dépendra la qualité des images les plus fines. Mais à défaut d'optique adaptative et d'air conditionné, il faudra subir ses effets et donc tenter de les gérer en limitant les observations aux conditions les plus favorables. On y reviendra.

Venons-en à présent au site d'observation lui-même. Si nous savons en théorie où nous devrions installer un instrument d'astronomie, voyons en pratique où les amateurs installent leur lunette ou leur télescope. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Votre observatoire

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