Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

Les comètes

Rendez-vous de la sonde spatiale Giotto de l'ESA avec la comète de Halley en 1986. Document T.Lombry.

Aux origines (I)

A partir des paramètres orbitaux des comètes nous pouvons dire aujourd'hui qu'il existe deux principaux "réservoirs" cométaires :

- La Ceinture de Kuiper qui s'étend entre environ 30 et 500 UA du Soleil avec un maximum aux environs de 30 UA,

- Le Nuage de Oort qui s'étend jusqu'à 3 années-lumière avec un maximum proche de 0.8 année-lumière.

Nous savons également que toutes les comètes ne présentent pas la même composition et n'ont vraisemblablement pas connu les mêmes histoires physique et chimique.

En résumé, les astrophysiciens sont partagés entre deux théories : l'une considérant que les comètes sont nées dans des nuages interstellaires denses et froids (30 K) l'autre suggérant une origine protosolaire. Comment départager ces deux théories ? L'une et l'autre ne sont en effet pas compatibles entre elles pour des raisons liées à la chimie qui se développe dans ces nuages, en particulier la température et l'abondance des molécules organiques.

Concernant l'origine protosolaire, la mission Stardust (1999-2006) vers la comète Wild2 ramena sur Terre des échantillons de poussière cométaire emprisonnés dans un bloc d'aérogel. Selon Donald Brownlee, chercheur principal de Stardust, cette comète se compose d'un grand nombre de composés suggérant que des matériaux provenant d'un large éventail d'endroits ont été transportés au-delà de Pluton où la comète s'est formée.

Les matériaux rocheux se sont principalement formés à des températures supérieures à 1000°C et ne pouvaient donc pas contenir de glace ou de matières organiques au moment de leur formation. Les roches silicatées se sont d'abord formées, puis se sont assemblées avec de la glace et des matières organiques dans une région nettement plus froide. Cela démontre que la formation de poussière et de glace cométaires était clairement découplée. Les échantillons ont prouvé que le système solaire externe n'était pas isolé du système solaire interne et que les matériaux se mélangeaient dans les régions proches du Soleil jusqu'aux régions situées au-delà de l'orbite de Pluton.

Mais outre les preuves d'une différenciation des roches, il faut aussi démontrer que les gaz cométaires piégés dans la glace d'eau a pu se former dans la région des planètes géantes telles Jupiter ou Uranus. Pour cela il faut d'abord examiner l'origine interstellaire des comètes. Prenons l'exemple de la comète Hyakutake qui nous rendit visite en 1996 et dont voici deux photos prises par des amateurs.

HYAKUTAKE

A gauche, image prise le 24 mars 1996 à 7h10 TU au moyen d'un téléobjectif de 350 mm f/2.8 par Chuck Vaugh. Compositage de 2 images exposées 10 minutes chacune sur film Fuji Super G-400. A droite, image de la coma réalisée par Jason Lewis avec une chambre de Schmidt de 200 mm d'ouverture.

L'abondance des éléments mesurée dans les nuages interstellaires denses et froids, en particulier le rapport des tautomètres HNC/HCN (isocyanure d'hydrogène et acide cyanhydrique ou cyanure d'hydrogène) correspond aux valeurs trouvées dans Hyakutake (6%). Par ailleurs les glaces (eau, méthane, ammoniaque) et principalement l'abondance du méthanol CH3OH indique que cette molécule s'est formée à une température très faible, peut-être inférieure à 30 K.

D'un autre côté l'abondance du méthane suggère une formation à environ 30 K au sein du nuage interstellaire natal. Cette hypothèse est confirmée par les rapports deutérium/hydrogène de l'eau analysée sur Halley et des rapports ortho/para de l'eau ordinaire. Toutefois le C2H6 ne peut pas être produit en phase gazeuse dans un nuage interstellaire. Mais le cyanogène C2H2 peut se transformer en cette molécule s'il capture une molécule d'hydrogène, abondante dans ce milieu.

Depuis 1997 et les travaux de Gila Notesco et Akiva Bar-Nun du Département de géophysique et de sciences planétaires de l'Université de Tel-Aviv, nous savons que les gaz piégés dans les glaces d'eau dans la région de Jupiter-Saturne sont le méthanol, l'acide cyanhydrique et des molécules organiques plus lourdes (hydrocarbures). En revanche, dans les régions plus froides d'Uranus-Neptune et jusqu'à la Ceinture de Kuiper des gaz rares (Ar, Kr, Xe), de l'azote (N2), du méthane (CH4) et du monoxyde de carbone (CO) ont pu être piégés, non obstant le fait que depuis la formation du système solaire les comète ont pu évoluer et voir leur composition s'altérer, surtout les comètes à courte période.

L'hypothèse selon laquelle les comètes à longue période ont une origine interstellaire se précise donc, sachant que les comètes à courte période se sont vraisemblement formées dans la Ceinture de Kuiper et ne sont pas aussi âgées et primitives que leurs grandes soeurs. Il faut à présent trouver dans ces nuages la distribution des éléments que l'on retrouve dans les comètes et un environnement suffisamment dense mais pas trop chaud pour que les gaz puissent se condenser.

Poussières de vie

Nous savons que l'espace vide contient principalement de l'hydrogène et de l'hélium et baigne dans une température moyenne de 2.7 K. D'autres éléments dits lourds sont apparus suites aux réactions de nucléosynthèses qui se sont produites et continuent de se produire dans le coeur des étoiles. Il s'agit de l'oxygène, du carbone, de l'azote et dans une quantité infiniment moindre des métaux tels le magnésium, le silicium et le fer. D'autres éléments lourds viendront compléter ce tableau suite à l'explosion des supernovae.

La poussière interstellaire contient donc ces 6 éléments de bases agencés sous forme de molécules associées ou non à l'hydrogène.

A consulter : Astrochymist

Liste des molécules

découvertes dans l'espace

Les nuages interstellaires contiennent, en moyenne, un atome d'hydrogène par centimètre cube mais ces nuages sont rarement homogènes. Leur température varie en fonction de la concentration des gaz. Les nuages interstellaires qui intéressent les cométologues sont de deux types :

- Les nuages diffus, que l'on connaît bien au travers des nuages chauds ionisés dans lesquels prédomine l'hydrogène (H+). La température y est de l'ordre de 5000 K. Cette catégorie regroupe également des nuages froids exempts d'étoiles et contenant des atomes d'hydrogène à la température de 100 K.

- Les nuages moléculaires où règne une température glaciale proche de 10 K mais dont la densité, pouvant atteindre 10000 atomes/cm3, permet la formation d'hydrogène moléculaire (H2). Cette dernière catégorie est la plus abondante et représente jusqu'à 50% de la masse interstellaire. Son volume est toutefois réduit à quelques pourcents de celui de la Galaxie.

Un grain de poussière interstellaire. Doc IDP.

La dynamique qui préside à l'évolution de ces nuages est ensuite très complexe et dépend de leur localisation dans la Galaxie. Elle obéit tant à des évènements microscopiques que macroscopiques, à l'échelle locale et galactique. Citons principalement les perturbations locales induites par les étoiles proches et les forces de marée engendrées par leur rotation autour du noyau de la Galaxie.

Lorsqu'un tel nuage moléculaire se densifie et parvient à une masse critique, grosso-modo au bout d'un million d'années, il s'effondre sur lui-même et donnera tantôt naissance à une étoile tantôt à tout un système planétaire où se développera peut-être la vie. Quelques milliards d'années plus tard l'étoile perdra une partie de son atmosphère en libérant ses constituants dans l'espace.

Nous savons aujourd'hui que les étoiles géantes rouges de la classe M sont entourées de grains de silicates. A mesure que l'étoile souffle les couches extérieures de son atmosphère dans l'espace, ces grains s'éloignent poussés par la pression de radiation engendrée par l'étoile géante. Au bout de plusieurs siècles ses particules atteignent le milieu interstellaire où elles jouent le rôle de catalyseur, de noyau de condensation pour les grains de poussière interstellaires.

Ensuite, le hasard oeuvrant, ces silicates pénètrent les nuages moléculaires denses dans lesquels des molécules constituées de deux à plusieurs dizaines d'atomes trouvent un terrain propice pour se développer, ou plus simplement se fixer. Il n'est donc pas rare que les radioastronomes trouvent dans l'espace des silicates enrobés, par ordre d'abondance, d'H2O, CO, CO2, H2CO, CH3, OH, H2CO2... la liste des molécules découvertes à ce jour ne faisant qu'augmenter. En 2000, on en dénombrait 83 dont plus d'une dizaine rattachées au silicium dont SiC.

Les nuages moléculaires

A gauche, une représentation artistique des nuages de molécules organiques dans le disque externe d'un système protoplanétaire. Dessin de Adolph Schaller/NGS. A droite, un relevé de la concentration du formaldéhyde (H2CO) au sein de la nébuleuse diffuse M42 d'Orion. Les lignes de même gradient n'épousent pas le célèbre Trapèze d'Orion comme on peut le penser, mais se rassemblent plutôt dans les nuages diffus extérieurs.

Mais ces molécules complexes ne demeurent pas longtemps dans cet état. En effet, le rayonnement ultraviolet et le bombardement corpusculaire des étoiles proches irradient la surface de ces glaces en encroutant en quelque sorte leur surface externe qui devient réfractaire. D'un autre côté le nuage n'étant pas une structure fixe et inaltérable, durant la phase proto-stellaire le nuage peut changer plusieurs fois d'état, passant d'un état moléculaire à un état diffus dans lequel les composés volatils se subliment (vers 100 K) avant de subir un nouveau refroidissement. C'est en tous cas l'une des théories qui expliquerait la structure du noyau des comètes, constitué à la fois d'un manteau organique et d'une partie volatile que l'on observe bien lorsque se développe la queue à l'approche du Soleil.

Quand on parle de molécules organiques, il vient à l'esprit  la question de savoir si les comètes sont porteuses de vie et si elles auraient pu ensemencer la Terre ?

Questions difficiles et toujours ouvertes qui concernent  en particulier le domaine de la bioastronomie

De la glycine (glycocolle) fut découverte en 2009 dans les échantillons ramenés par la mission Stardust vers la comète Wild2.

En résumé à partir des composés organiques présents dans les comètes et en présence d'eau on peut facilement aboutir aux acides aminés que sont les bases puriques (adénine, guanine) et pyrimidiques (cytosine, uracile et thymine). Les faits sont établis. Mieux encore, en 2009, les chercheurs de la NASA ont découvert de la glycine, le plus simple des acides aminés, dans les échantillons ramenés par la mission Stardust précitée.

De manière générale, tous les chercheurs vous diront qu'il est aisé de synthétiser de l'adénine à partir du formaldéhyde (H2CO) sans présence d'eau ou d'obtenir de la glycine en bombardant des glaces cométaires de rayonnements de quelques keV (ions d'hélium ou d'argon, protons) ou de rayons ultraviolets extrêmes. Après hydrolyse acide, l'analine et l'acide aminobutirique peuvent être synthétisés. Notons au passage que cette irradiation transforme la glace cristalline en glace amorphe (glace d'eau) entre 70 et 100 K formant un manteau organique réfractaire autour du noyau cométaire. D'un autre côté, une irradiation par des protons suffit à créer de nouvelles liaisons dans de la glace de dioxyde de carbone qui peut se transformer en acide carbonique H2CO3.

Nous savons également que des éléments indispensables à l'ébauche du vivant existent dans les comètes. Il semblerait que ce soit la molécule de formaldéhyde (H2CO) qui, sous une forme polymérisée ait formé les chaînes plus longues polyoxyméthyléniques de formule (-CH2-O-CH2-O-)n que l’on a détecté sur Halley, les fameux POM : CH3CN, CH2SH, HCS2, H2CS2, etc, étant donné leurs affinités pour le graphite et les silicates. Ces POM "cométaires" ainsi que treize autres éléments lourds du sodium au nickel sans oublier le PO2 et PO3 se retrouvent probablement dans la poussière interplanétaire composée de C-H-O-N car leurs abondance relatives sont plus proches des valeurs solaires que de celles des météorites chondrites CI qui sont considérées parmi les objets les plus primitifs. Cela implique que les comètes ont évolué chimiquement au cours de leur histoire thermique.

Des PAH (molécules hydrocarbonées aromatiques polycycliques telles le phénanthrène composé de 3 cycles de carbone) sont également présentes dans certaines comètes (Lévy, Halley, Tempel 1) en proportion relativement faible et variable, de l'ordre de 10-5, valeur assez similaire aux signatures des PAH présents dans le milieu interstellaire.

Des aromates dans la soupe...

Une lumière ultraviolette brise une molécule organique et libère l’un de ses électrons. La molécule organique devient réactive et capable de réactions complexes. Incorporée dans la glace d’une comète, ce matériel organique peut contaminer la Terre.

Bien sûr il y a plus qu'un pas de l'expérience en éprouvette au laboratoire de l'espace et rien ne prouve que le scénario prébiotique est à l'oeuvre dans l'espace glacial qui nous entoure et plus particulièrement sur les comètes. Mais rien ne prouve non plus que c'est impossible. Des molécules précurseurs de la vie existent bel et bien dans l'espace qui une fois mises dans l'eau conduisent à la formation des acides aminés. Ce fait est établi d'où l'intérêt que portent les exobiologistes à la chimie prébiotique.

Quant à savoir si les comètes ont ensemencé la Terre comme le pensait Svante Arrhénius ou Fred Hoyle (c'est la théorie de la panspermie), c'est une étape plus complexe encore à franchir.

La Terre a été bombardée dans le passé, et continue de l'être dans une nettement moindre mesure par des météorites, des fragments d'astéroïdes et de comètes. Rien ne prouve que les molécules prébiotiques se sont développées sur Terre. Mais à part quelques molécules et acides aminés, aucune météorite trouvée sur Terre n'abrite de forme de vie ou des traces de métabolisme d'un organisme vivant. Quant aux échantillons prélevés sur des astéroïdes ou dans le sillage des comètes, ici non plus les scientifiques n'ont découvert aucune trace de vie. On peut même dire que la plupart des impacts de météorites ont conduit à une extinction des espèces comme ce fut le cas à Chicxulub il y a 66 millions d'années.

La théorie de la panspermie propose que la vie est apparue dans l'espace et que les comètes ont ensemencé la Terre.

Sachant que le noyau de Halley pourrait contenir au moins 25% de matière organique, une question se pose. Tous les radicaux et les atomes observés dans le milieu interplanétaire se retrouvent dans les comètes, dont l'eau et le gaz carbonique et leurs produits de décomposition (CH, NH,...). Parmi les molécules organiques, il y a de l'adénine et des POM tel les polymères du formaldéhyde (polyoxyméthylène). De plus, les deux isotopes de l'eau (normale et lourde) se retrouvent dans les mêmes proportions dans la glace de Halley et dans l'eau de nos océans. Comment expliquer cette situation, sinon en supposant que dans le passé notre planète dut continuellement être bombardée par d'innombrables comètes... Depuis ces découvertes, de nouvelles missions cométaires ont été planifiées afin de rassembler un plus grand nombre de données et tenter de corroborer ces premiers résultats.

Ceci dit, il est tout à fait possible que les comètes aient "importé" sur notre planète des composés prébiotiques qui, une fois en contact avec l'eau liquide des océans ont trouvé un milieu propice à leur évolution.

Mais une question demeure, comment ces produits ont-ils résisté à la friction atmosphérique puis à l'impact final ? Des études indiqueraient que si l'atmosphère est réductrice (absence d'oxygène, 10 bars de dioxyde de carbone), les composés organiques sont préservés, y compris les acides aminés s'ils existent. Par ailleurs vu leur légereté, les micrométéorites seraient également en mesure de préserver la vie jusqu'au sol. Il n'est donc pas impossible que des comètes de plusieurs centaines de mètres de diamètre et l'incessant bombardement micrométéoritique aient contribué au développement de la vie sur Terre à une époque où son atmosphère primitive favorisait de telles réactions.

A son tour, la collision de la comète Shoemaker-Levy 9 avec Jupiter révéla bien des surprises aux planétologues et aux biochimistes. Les mesures radioastronomiques ont révélé que les impacts avaient libéré une grande quantité de monoxyde de carbone (CO), de sulfite carbonyle (OCS) et de monosulfite de carbone (CS) dans des proportions allant de 30 à 10000 kT, ainsi que des molécules complexes hydrocarbonées (CH3OH, HC3N), de l’eau, de l’oxygène, des sulfures et divers métaux cométaires. Ces composés ont vraisemblablement été induits par des réactions chimiques avec les ondes de choc. Que se serait-il passé si les impacts avaient atteint les couches nuageuses profondes (>1.5 bar) composées de vapeur d’eau et de méthane ? Aurait-on assisté à la formation des briques du vivant ? Nul ne peut le dire mais le scénario est viable et nous laisse rêveur.

Prochain chapitre

Le Nuage de Oort

Page 1 - 2 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ