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La formation du système solaire

Le disque de poussière (VI)

1. La théorie de l'accrétion

La théorie de l'accrétion planétaire suppose que toutes les planètes se sont formées par la coalescence de poussières et ensuite par l'accrétion de roches plus massives. Mais dans le détail, comment cela s'est-il passé ?

La première théorie moderne tenant compte de l'accrétion fut proposée par l'astronome biélorusse Otto Schmidt (1891-1956) qui suggéra que la poussière cosmique balayée par l'onde de choc d'une supernova se serait graduellement transformée en petits grains qui, à l'instar de nos boules de neige sont devenus graviers, galets, rochers et finalement des planétésimaux. Cette accrétion de gaz et de poussière finit par former des corps de la taille de la Lune qui continuèrent à s'agglutiner. Par leurs dimensions ces corps n'étant pas très nombreux, à mesure que le temps s'écoula le nombre de collisions entre planétésimaux diminua.

Cette théorie très sommaire explique aussi pourquoi les planètes géantes en sont toujours au stade primitif de la formation : éloignées de la région la plus dense, de moins en moins de planétésimaux ont pu fusionner sur la même période de temps. On reviendra en détails sur la formation des planètes géantes.

llustrations artistiques du disque de poussière (ou de transition) entourant le jeune Soleil à l'époque de la formation des embryons planétaires. Voici une vue rapprochée de l'image de droite. Documents T.Lombry

Il y a quelques décennies, l'astronome George W. Wetherill de l'Institut Carnegie de Washington estima qu'il fallait environ 100 millions d’années pour que des fragments de 10 km de diamètre forment un objet de la taille de la Terre. Mais selon d'autres études que nous allons décrire (Nakano, 1987; Kenyon et Bromley, 2004; Williams et Mukhopadhyay, 2018, etc.), ce temps d'accrétion pourrait être cent fois plus rapide. Alors qui a raison ? Il est impossible de le savoir sans réaliser des simulations et sans les comparer à des données recueillies in situ, des recherches de longue haleine auxquelles se sont attelés des hordes de scientifiques depuis plusieurs décennies et toujours en cours.

Trois hypothèses opposées ont été proposées pour expliquer la formation de la Terre à partir d'un disque protoplanétaire de gaz et de poussière il y a plus de 4.5 milliards d'années et la manière dont l'eau et d'autres gaz se sont formés sur notre planète.

- Selon la première théorie, la planète connut une croissance relativement rapide en quelque 2 à 5 millions d'années durant lesquelles elle captura le gaz de la nébuleuse protosolaire enveloppant le jeune Soleil.

- Selon la deuxième théorie, des grains de poussière se sont formés puis furent irradiées par le Soleil pendant un certain temps avant de se condenser et de s'accréter en planétésimaux qui ont ensuite formés la Terre par coalescence.

- Selon la troisième théorie, la Terre s'est formée relativement lentement et les gaz furent apportés par des météorites composées de chondrites carbonées riches en eau, en carbone et en azote.

Ces différents modèles ont des conséquences sur les caractéristiques de la Terre primitive. Si la Terre s'est formée rapidement à partir de la nébuleuse protosolaire, il y aurait eu beaucoup d'hydrogène gazeux à la surface ou près de celle-ci. En revanche, si la Terre s'est formée à partir de chondrites carbonées, son hydrogène aurait pris la forme la plus oxydée, celle de l'eau.

A voir : The Evolution of a Planet-Forming Disk, Spitzer

La formation du système solaire

Collision entre deux planétésimaux. .WMV de 467 KB. Document Spitzer.

Formation du système solaire (en anglais). AVI de 3.4 MB. Document NASA.

Un premier indice en faveur de la théorie d'Otto Schmidt nous a été fourni par les missions Apollo. Les analyses de la surface de la Lune et des échantillons prélevés au sol ont montré que la plupart des cratères d’impacts avaient été créés il y a environ 4.5 milliards d’années. Une seconde vague d'impacts météoritiques remonte à 3.8 milliards d’années. Les impacts furent donc très abondants durant cette période puis ils décrurent rapidement. Mais nous verrons que cette interprétation est fausse car basée sur des échantillons biaisés.

En 1987, le planétologue Takenori Nakano de l'Université de Kyoto apporta des précisions à ce modèle en réalisant des simulations de formations planétaires autour d'étoiles de 0.5 à 10 M. Son modèle montre que le disque protosolaire de gaz et de poussière contenait de nombreuses masses à forte inertie et se fragmenta au bout d'un million d'années pour former des planétoïdes, roches indépendantes de quelques centaines de kilomètres de diamètre, entourées d'une atmosphère gazeuse très dense.

Selon les modèles de Nakano, pour une étoile de 2 M et un disque de gaz et de poussière à 170 K (-100°C), une planète peut se former à 28 UA en ~2.4 millions d'années après la naissance de l'étoile.

Selon les paramètres utilisés, une petite planète ou une planète géante peut se former à n'importe quelle distance de l'étoile (< 1 UA à 300 UA) et présente une inclinaison orbitale d'autant plus élevée qu'on s'éloigne de l'étoile mais qui ne dépasse pas 6° à 300 UA. Toutefois, toutes les planètes se formant au-delà de la ligne de glace (située à 4 UA pour une étoile de 1 M et à 11 UA pour une étoile de 1.8 M) présentent une inclinaison orbitale plus élevée que les planètes se formant dans la région interne du système (1.5-7° au-delà de 11 UA contre 0.3 à 4° en deça).

Néanmois, il s'agit de modèles réduits et particuliers car nous verrons qu'à l'époque de ces simulations on estimait qu'il était peu probable qu'une planète géante se forme en moins de 8 millions d'années et qu'une planète tellurique de la masse de la Terre se forme en moins de 40 millions d'années. Mais ce n'était que des hypothèses fondées sur des simulations par nature approximatives puisqu'on ne connaît pas les conditions réelles régnant dans la nébuleuse protosolaire ou dans la région de la proto-Terre. En effet, mise à part la distance héliocentrique et l'inclinaison orbitale, malheureusement on ne peut pas vraiment valider ce scénario dans le système solaire puisque toutes les planètes sont déjà formées. On peut juste constater que les planètes évoluent pratiquement dans le même plan jusqu'à 30 UA soit 4.5 milliards de kilomètres du Soleil (Neptune), qu'elles se répartissent en fonction de leur nature, que le gaz a disparu et que les résidus de poussière et les débris se sont rassemblés dans plusieurs ceintures ou anneaux situés à des distances bien précises, en résonance avec les planètes.

A gauche, simulation de la distribution de la température dans le disque protosolaire 650000 ans après le début de la phase d'accrétion (disque fin Képlérien quasi statique). Le disque est tronqué arbitrairement à 25 UA mais peut s'étendre jusque 1000 UA. Les planètes sont déjà formées mais leur diamètre va encore augmenter par accrétion. La température au centre du disque dans la région des planètes telluriques est supérieure à 500 K (>220°C) mais tombe à 100 K (-127°C) à la distance de Jupiter. Au centre, bilan des collisions mutuelles entre les corps solides présents dans la nébuleuse protosolaire de masse minimale, déduites de diverses simulations numériques effectuées notamment à l'Observatoire de Paris. On voit clairement que dès que l’un des corps dépasse le mètre, l’accrétion est quasiment impossible. A droite, distribution radiale de la densité de matière dans la nébuleuse protosolaire de masse minimale ou MMSN (contenant la masse minimale de matière de composition solaire). On constate qu'elle suit une loi de puissance en r-1.5 sur toute l’extension du disque. Documents F.Hersant et al./Obs.Paris (2001) et SESP/Obs.Paris adaptés par l'auteur.

Nous devons donc trouver une autre méthode pour expliquer comment un disque protosolaire d'une fraction de masse solaire est passé de la phase grains de poussière à celle de planétésimaux et quel mécanisme fit disparaître tous les autres embryons de planètes. En suspens, il faut déterminer la vitesse de cette formation; si elle fut relativement rapide ou très lente en termes astronomiques.

Quand le néon nous éclaire

Dans une étude publiée dans la revue "Nature" en 2018, les astronomes Curtis D. Williams et Sujoy Mukhopadhyay ont essayé de comprendre où et comment le manteau terrestre s'est formé ainsi qu'à quelle vitesse et dans quelles conditions la Terre s'est formée. Leur étude s'applique également aux exoplanètes situées dans la zone habitable.

Selon les chercheurs, notre planète s'est formée assez rapidement à partir du nuage protosolaire, emprisonnant de l'eau et des gaz dans le manteau de la Terre. S'appuyant sur des données provenant des basaltes terrestres mais aussi de l'espace, les chercheurs ont analysé les isotopes du néon pour comprendre la formation de la Terre.

Le néon est un substitut d'où proviennent des gaz tels que l'eau, le dioxyde de carbone et l'azote. Contrairement à ces trois composés essentiels à la vie, le néon est un gaz noble inerte qui n'est pas influencé par les processus chimiques ni biologiques. C'est pourquoi le néon conserve la mémoire de son origine même après 4.5 milliards d'années et représente une source d'informations inestimable pour les astronomes.

Le néon présente trois isotopes, le néon-20, néon-21 et néon-22. Tous les trois sont des éléments stables et non radioactifs, mais le néon-21 est le résultat de la désintégration radioactive de l'uranium. Ainsi, les quantités de néon-20 et néon-22 présents sur la Terre sont des valeurs fixes et le resteront toujours, tandis que le néon-21 s'accumule lentement au fil du temps.

Les trois scénarios de formation de la Terre évoqués plus haut présentent différents rapports Ne-20/Ne-22. Pour les départager, trois études ont été menées.

A gauche, le disque de transition entourant l'étoile HD 169142 située à ~470 années-lumière dans le Sagittaire. ALMA y a détecté deux exoplanètes en formation. A droite, le disque protoplanétaire AS 209 situé à 410 années-lumière cartographié par ALMA. Ce système âgé d'à peine un million d'années a déjà créé deux "sillons". Le plus grand situé à l'extérieur devrait former une planète géante d'une masse équivalente à celle de Saturne à environ 800 minutes-lumière de l'étoile, soit plus de trois fois la distance de Neptune au Soleil. Un second sillon interne devrait former une plus petite planète. Il est toutefois possible que la planète extérieure en formation ait créé les deux sillons. Documents Fedele et al./ESO/ALMA/NAOJ/NRAO et Federe et al./ESO/ALMA/NAOJ/NRAO.

Pour se rapprocher au plus près du manteau terrestre, les chercheurs ont analysé des "coussins" de basalte qui se sont formés sur le plancher océanique. Ces roches vitreuses sont les restes de coulées de magma qui se sont refroidies brutalement au contact de l'eau. Ce basalte a emprisonné de minuscules bulles de gaz qui furent analysées au moyen d'un spectromètre de masse.

Pour la partie spatiale et tester le modèle de "l'accrétion rapide", une autre équipe de chercheurs calcula le rapport néo-isotopique de la nébuleuse protosolaire à partir des données isotopiques recueillies par la mission Genesis qui captura des particules issues du vent solaire. Les données servant à tester le modèle des "particules irradiées" provenaient d'analyses de sols lunaires et de météorites. Enfin, les météorites composées de chondrites carbonées ont fourni des données pour le modèle de "l'accrétion tardive".

Conclusion des analyses, les rapports isotopiques correspondent au modèle des particules irradiées ou de l'accrétion tardive et sont compatibles avec une formation précoce de la Terre. Selon Williams, "c'est une indication claire qu'il y a du néon nébulaire dans le manteau profond puisque le néon est un marqueur des autres composés volatils. L'hydrogène, l'eau, le dioxyde de carbone et l'azote se seraient condensés de la même manière dans la proto-Terre et sont tous des ingrédients qui, à notre connaissance, entrent dans la constitution d’une planète habitable."

A voir : HD 142527 Protoplanetary Disk

A gauche, le disque protoplanétaire entourant l'étoile Sz-91 située à environ 650 années-lumière analysée en 2016 par H.Canovas et ses collègues grâce au réseau ALMA. Cette image reconstruite met en évidence la distribution des grains de poussière d'une taille millimétrique. La plus forte concentration se situe vers 110 UA et s'étend sur une largeur de 44 UA. On observe une migration de la poussière des zones ultra-périphériques vers le centre et des signes évidents d’interaction entre les jeunes protoplanètes et le disque de la zone la plus interne. A droite, image composite radio, optique et IR (réseau ALMA et télescope Subaru) du disque de gaz (vert) et de poussière (rouge et bleu) entourant l'étoile HD 142527 obtenue en 2016. L'anneau se situe à 150 UA de l'étoile soit l'équivalent de 5 fois la distance de Neptune au Soleil. Il est possible qu'une protoplanète se trouve dans le secteur supérieur gauche de l'anneau. Voir également la vidéo ci-dessus. Documents ALMA et NAOJ.

Les résultats obtenus impliquent que pour absorber ces composés vitaux, une planète doit atteindre une certaine taille - la taille de Mars ou un peu plus grande - avant que la nébuleuse protosolaire se dissipe. Selon Williams, "les observations des systèmes exoplanétaires montrent que cette formation prend environ 2 à 3 millions d’années." On ignore si le même processus se produit autour d'autres étoiles mais les observations réalisées avec le réseau ALMA notamment suggèrent que tel est bien le cas. En effet, dans les disques protoplanétaires, on observe un ou plusieurs sillons sombres dans lesquels la poussière a disparu comme on le voit plus haut dans le disque protoplanétaire de l'étoile AS 209. La seule explication est que cette poussière du disque a formé une planète. On y reviendra.

Une accrétion de grands planétésimaux plutôt que de petits corps

Le scénario de l'accrétion classique, où des petits corps homogènes composés de roches et de métaux, c'est-à-dire des chondrites auraient formé la Terre, n'explique pas la composition de la Terre qui est particulièrement pauvre en éléments légers comme l'hydrogène et l'hélium. La théorie de "l'accrétion tardive" évoquée plus haut explique cette anomalie suite à l'énorme chaleur dégagée par ces collisions qui ont littéralement vaporisés les éléments légers. Mais cette explication ne convainc pas tous les astronomes et cosmochimistes.

La preuve dans l'argent

Dans un article publié dans la revue "Science" en 2010, le géochimiste Richard W. Carlson de l'Institut Carnegie et ses collègues ont montré que les planétésimaux ayant formé la Terre par accrétion devaient être hétérogènes. Les chercheurs ont analysé les abondances de l'argent-107 qui est la trace radioactive éteinte du palladium-107 qui se désintègre en moins de 30 million d'années. Le palladium étant moins volatil que l'argent, il a tendance à se lier plus facilement avec le fer. Il peut donc servir de traceur pour estimer la teneur de la proto-Terre en éléments volatils.

Dans le manteau terrestre et dans les météorites primives (non métamorphiques et homogènes), il s'avère que les rapports 107Ag/109Ag sont très proches. On en déduit qu'une partie importante de la proto-Terre provient de l'accrétion de planétésimaux contenant beaucoup d'éléments volatils comme l'hydrogène, le carbone et l'azote notamment. qui ont en grande partie disparu aujourd'hui.

Sur base de ces isotopes, le noyau de la Terre s'est formé entre 5 et 10 millions d'années seulement. Il contredit la datation antérieure du noyau de la Terre basé sur les isotopes du tungstène et de l'hafnium qui indiquaient qu'il s'était formé entre 30 et 100 millions d'années (cf. Der-Chuen Lee et Alex N. Halliday, 1995). Pour reconcilier ces données, les chercheurs ont propoxé que 85% de la masse de la Terre proviennent de l'accrétion de roches pauvres en éléments volatils qui se se sont formés les premiers. Ensuite des corps riches en éléments volatils se sont accumulés sur la Terre, créant une accrétion hétéorogène.

Confirmation par les simulations

Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2022, grâce à des simulations à N corps l'équipe de Paolo Sossi de l'ETH Zurich a montré "que la Terre ne s'est pas formée uniquement à partir de chondrites, mais par accrétion stochastique de nombreux corps précurseurs dont les compositions variables reflètent les températures auxquelles ils se sont formés."

Sossi et ses collègues sont parvenus à simuler la composition de la Terre à partir de corps d'une taille variant entre celle du planétésimal et de l'embryon planétaire dont les taux d'accrétion sont de 1.08 ±0.17 x 10-7 M par an. Ils soulignent toutefois qu'ils peuvent être perturbés par l'échauffement de l'aluminium-26. On reviendra sur son rôle dans l'assèchement des planètes (cf. page 9).

Selon les résultats des simulations, la proto-Terre s'est ensuite différenciée. Les éléments métalliques ont migré vers le centre pour former le noyau, tandis que les éléments plus légers sont restés dans la partie extérieure, formant un manteau rocheux. Cette différenciation n'existe pas dans les chondrites car elles sont trop petites pour subir ce processus.

Enfin, les simulations montrent que la composition des planétésimaux variait fortement en fonction de leur région de formation et en particulier de l'éloignement au Soleil. La formation de la Terre s'explique particulièrement bien par la collision de planétésimaux provenant de diverses régions du système solaire. Selon les chercheurs, "les simulations montrent qu'un gradient de composition héliocentrique était présent dans le disque protoplanétaire et les planétésimaux se sont formés rapidement en ~ 1 Ma (1 million d'années), conformément aux âges radiométriques d'épuisement des éléments volatils terrestres."

2. Les simulations

A défaut de pouvoir étudier le phénomène d'accrétion dans le système solaire, revenons aux simulations numériques et aux expériences de laboratoire et tentons de découvrir à proximité du Soleil (< 1000 a.l.) des disques protoplanétaires contenant des planètes en formation.

Les expériences de laboratoire sont limitées car au-delà de la taille micronique, il est impossible de reproduire les conditions réelles de collisions entre des dizaines de particules de dimensions et de structures variées. Quant à l'échelle macroscopique, on peut juste simuler l'impact d'un seul objet sur une surface.

De plus, les expériences sous vide (en laboratoire, dans les avions 0-G ou à bord de la station ISS) permettent juste d'étudier l'effet de l'attraction électrostatique entre atomes et molécules et donc à courte distance et petite échelle (par exemple sur des grains de sable ou de la poudre de café comme l'a simulé le planétologue Dan Durda du SwRI). On ne peut pas simuler en laboratoire l'accrétion de la matière par effet gravitationnel car l'interaction est trop faible et les effets se manifestent trop lentement à l'échelle humaine (en années), sans mentionner qu'à grande échelle (galactique) la contraction d'un nuage fait aussi intervenir la matière sombre qui fait office de colle entre les particules.

Reste la modélisation à condition de disposer de modèles représentatifs tenant compte des propriétés réelles des corps, ce qui est déjà un défi en soi. Ainsi jusqu'en 2019, aucun modèle de croissance des grains de poussière n'incorporait l'effet de la polarisation électrique (voir page suivante). Dans ces conditions, il était impossible de tester de manière réaliste le mécanisme d'accrétion sur ordinateur, encore moins en laboratoire. On y reviendra.

Grâce aux simulations informatiques, on a pu simuler la croissance de grains de poussière et de cailloux de différentes tailles (de quelques microns à quelques centaines de mètres) et de différentes structures (poreuses ou denses) dans des configurations et des régimes de collisions variés jusqu'à des vitesses de quelques dizaines de mètres par seconde (5-50 m/s).

A voir : Simulation de croissance de grains de poussière, A.Seizinger/U.Tübingen

Simulation de l'agrégation de poussières

A gauche, simulation d'un disque protoplanétaire (ou de transition) par l'équipe du CRAL à partir d'un nouveau modèle à deux composantes (gaz+poussière). L'image présente la situation après la formation du piège à poussière visible sous la forme d'un anneau de poussière brillant. Le gaz est représenté en bleu et la poussière en rouge. A droite, simulation d'un disque protoplanétaire en spirale (tel celui de Elias 2-27, voir plus bas) dans lequel s'est formée une planète à 425 UA. C'est l'interaction entre la planète et le disque qui a généré cette structure à grande échelle. Document F.Meru/U.Warwick.

Ces expériences et ces simulations ont montré que les grains animés de vitesse lentes et poreux se collent plus facilement les uns aux autres que les grains rapides et massifs. Mais ces grains peu denses peuvent aussi être détruits par l'impact de petits grains plus rapides qui vont disperser la poussière.

Le bilan est donc mitigé et du fait que tous les modèles ne tiennent pas compte de tous les paramètres entrant en jeu. S'ajoute à ce problème le fait qu'on ignore la nature exacte de ces corps, leur structure interne et leurs dimensions ainsi que l'influence du gaz contenu dans le disque protoplanétaire. Mais la recherche continue.

Depuis 2007 une équipe d'astronomes du Centre de Recherche Astrophysique de Lyon (CRAL) travaille sur un modèle numérique de disque protoplanétaire comprenant deux composantes, du gaz et des poussières, afin de déterminer la distribution spatiale de la poussière en fonction de la taille des grains et de la masse d'une planète déjà formée. Leur but est de déterminer les caractéristiques de l'étape intermédiaire, c'est-à-dire le passage des agrégats aux planétésimaux.

Dans une étude basée sur des calculs analytiques publiés en 2017, une équipe internationale d'astrophysiciens dirigée par Jean-François Gonzalez du CRAL a montré que la poussière peut entraîner le gaz contenu dans le disque. En effet, jusqu'ici on pensait que le gaz entraînait la poussière par friction ou que la poussière ne pouvait s'accumuler que dans des conditions très particulières (par exemple une variation importante de densité ou de température ou en présence d'une planète), donnant aux pièges à poussière un rôle secondaire. Mais il s'avère que parfois, dans des milieux très poussiéreux, la poussière agit plus fortement sur le gaz. Cet effet est dénommé la rétroaction de la traînée dynamique. Habituellement négligeable, elle a jusqu'ici été ignorée des études sur la croissance et la fragmentation des grains. Or, dans des milieux riches en poussières comme le disque protoplanétaire entourant les étoiles froides où se forment de nombreuses planètes telluriques (cf. le système TRAPPIST-1 comprenant 7 exoplanètes), cet effet est important et les pièges à poussière sont plus fréquents que prévus.

L'effet de cette rétroaction induite par la friction de la poussière sur le gaz ralentit le déplacement des poussières vers l'intérieur du disque, donnant le temps aux grains de s'agglutiner et de grandir. Lorsqu'ils sont suffisamments grands, ils deviennent maître de leur destin et le gaz ne peut plus gouverner leurs mouvements. Au contraire, comme on le voit sur la simulation ci-dessus, sous l'influence de cette rétroaction, le gaz est repoussé vers l'extérieur du disque et forme une région sous haute pression appelée le piège à poussière. Ces pièges se créent spontanément et concentrent les grains provenant des régions extérieures du disque, créant un anneau très dense de corps solides qui facilite la formation des planétésimaux et des planètes.

Ces simulations montrent que nos moyens actuels permettent de détecter des disques protoplanétaires et des explanètes en formation plongées dans un disque de poussière jusqu'à plus de 100 années-lumière à condition d'utiliser un télescope optique de la classe VLT ou un télescope spatial dans le domaine infrarouge (0.5-20 microns voire 200 microns) ou encore un réseau radioastronomique millimétrique tel ALMA. Voyons ce que nous ont révélées les observations.

3. Découverte des disques de débris et des exoplanètes

La découverte d'exoplanètes en formation reste un défi compte tenu de nos moyens actuels. Mais on peut détecter des disques de gaz et de débris (de poussière), évaluer la taille moyenne de ces corps et détecter une protoplanète grâce à sa signature infrarouge ou par spectroscopie. Voici quelques systèmes emblématiques découverts ces dernières décennies.

 L'un des plus étonnants par sa configuration est le système binaire HK Tauri présentée ci-dessous.

A consulter : Catalog of Circumstellar Disks

A gauche, image composite infrarouge du disque protoplanétaire entourant les deux étoiles du système binaire HK Tauri obtenu par le Télescope Spatial Hubble et le réseau ALMA. A droite, une illustration artistique. Documents ESO, NASAESA/HST/ALMA et /R.Hurt/NASA/JPL-Caltech/IPAC.

Ce système est situé à 450 années-lumière dans la constellation du Taureau. Les deux étoiles sont âgées d'à peine 5 millions d'années et sont séparées d'environ 58 milliards de kilomètres soit 13 fois la distance de Neptune au Soleil ou ~388 UA. Chacune est entourée d'un disque de gaz et de poussière, l'un est vu de profil, l'autre en biais. Les deux disques forment un angle de 60° avec le plan orbital des deux étoiles. Ce type d'écart fut découvert dans d'autres systèmes binaires. Ces deux disques sont parfaitement visibles dans le spectre optique et en proche infrarouge.

Selon Eric Jensen du Collège de Swarthmore qui étudia ce système, cette découverte montre que les conditions nécessaires pour modifier les orbites planétaires sont réunies dès la formation des protoplanètes, en raison sans doute du processus de formation d'un système d'étoiles doubles. La présence d'un compagnon stellaire joue donc un rôle important dans la configuration du système.

Des super-Terres dans les poussières du Taureau

En 2018, une équipe de 26 astronomes dirigée par Feng Long de l'Institut Kavli d'Astronomie et d'Astrophysique de l'Université de Péking publia dans "The Astrophysical Journal" (en PDF sur arXiv) les résultats d'une étude portant sur 32 jeunes étoiles entourées d'un disque de gaz et de poussière situées dans une région stellaire de la constellation du Taureau scrutée à 1.33 mm de longueur d'onde soit 255 GHz grâce au réseau ALMA.

Images synthétisées du continuum à 1.33 mm ou 255 GHz obtenues grâce à ALMA des systèmes protoplanétaires découverts en 2018 dans la constellation du Taureau. Les images sont mises à l'échelle et mettent en évidence les faibles émissions des régions extérieures. La taille du beam est indiquée dans le coin inférieur gauche de chaque image. Document F.Long et al. (2018).

Comme on le voit sur les images synthétiques présentées ci-dessus, l'analyse révéla que 12 d'entre elles présentent un disque protoplanétaire dont les anneaux présentent des sillons suggérant la présence de planètes en formation, des astres de relative faible masse, c'est-à-dire du type de Neptune, autrement dit des "super-Terres".

En comparant ces données aux modélisations, les chercheurs ont constaté que les emplacements des sillons ne sont pas corrélés avec les zones théoriques des lignes de glace (voir page 8) du CO et du N2. On en déduit qu'il est donc peu probable que les fronts de condensation soient un mécanisme universel permettant de créer des sillons et des anneaux, bien qu'ils puissent jouer un rôle dans certains cas.

Tous les disques protoplanétaires n'ont pas une structure en anneaux concentriques. Voici quelques exemples emblématiques de disques en spirale.

AB Aurigae

L'étoile AB Aurigae du Cocher est entourée d'un disque protoplanétaire de transition en spirale qui s'étend sur 1000 UA ou 7"; il est six fois plus étendu que celui entourant Fomalhaut (voir plus bas).

On pense que de tels bras sont déclenchés soit par l'instabilité gravitationnelle soit par un astre de taille planétaire caché dans le disque. Comment le détecter ? Pour cela, les astronomes étudient ces disques protoplanétaires sur une période de plusieurs années.

Dans le cas de AB Aurigae, comme on le voit ci-dessous, en 2022 l'équipe de Thayne Currie de la NOAJ et du centre Ames de la NASA a combiné des images prises sur une période de 18 ans, comprenant des photographies prises par le télescope Subaru de 8.2 m de la NOAJ installé à Mauna Kea équipé d'une optique adaptative dite extrême (SCExAO) avec celles du spectrographe infrarouge CHARIS, de la caméra optique VAMPIRES, aux images prises par le Télescope Spatial Hubble et ont fini par découvrir la trace d'une exoplanète gazeuse géante en formation, AB Aurigae b, à 93 UA de l'étoile. Les chercheurs ont également identifié deux structures à 430-580 UA qui sont des sites candidats à la formation de planètes.

A gauche et au centre, le disque protoplanétaire en spirale du système AB Aurigae révélant l'exoplanète AB Aurigae b en formation. L'image combine une photographie du disque interne obtenue en 2011 par le télescope Subaru de 8.2 m équipé d'une optique adaptative, du disque externe photographié en 2004 (image de droite) et une photographie de la région de l'exoplanète prise en 2022, avec des images prises par le Télescope Spatial Hubble. Documents NAOJ/Subaru/T.Currie et al. (2022), NAOJ/T.Lombry et NAOJ/Subaru.

La masse de AB Aurigae b représente environ 9 fois celle de Jupiter et orbite à 13.9 milliards de kilomètres de son étoile, soit plus de trois fois la distance entre le Soleil et Neptune. La formation d'une protoplanète aussi lointaine et massive ne peut pas s'expliquer uniquement par le modèle standard de formation par accrétion du noyau. En effet, dans ce modèle, la formation d'une planète géante gazeuse semblable à Jupiter commence par un noyau rocheux situé dans un disque protoplanétaire qui accrète le gaz. Les noyaux rocheux ne se forment pas si loin de l'étoile centrale. Par conséquent, ce modèle n'explique pas la formation de planètes très éloignées de leur étoile.

En revanche, la théorie de la migration planétaire (le modèle de Nice et la théorie du Grand Tack, voir page 8) suggère qu'après leur formation, des planètes peuvent se rapprocher ou s'éloigner de leur étoile hôte, ou se disperser. Cependant, la découverte d'AB Aurigae b indique que des protoplanètes géantes peuvent se former loin de leur étoile avant qu'une telle migration planétaire ne se produise.

Au lieu de l'accrétion du noyau, la formation d'AB Aurigae b peut s'expliquer par l'instabilité du disque : un processus dans lequel un disque protoplanétaire gazeux massif se refroidit et se brise en un ou plusieurs fragments de masse planétaire qui s'effondrent.

MWC 758

Le système MWC 758 alias HD 36112 est situé à moins de 500 années-lumière dans le Taureau. L'étoile de type Herbig AeBe est entourée d'un disque protoplanétaire asymétrique. Il présente une cavité excentrée, trois anneaux, deux bras spiralés et deux agglomérats (clumps).

Après avoir étudié pendant 10 ans, les chercheurs ont pu estimé la vitesse de rotation des bras (cf. Bin Ren et al., 2018). Il ont constaté que les bras spiralés sont influencés et en corotation avec un astre invisible de masse planétaire qui entraîne les bras. Après avoir encodé ces données dans un modèle protoplanétaire, Ren et ses collègues estiment que l'emplacement le plus probable de l'explanète se situe sur l'orbite représentée par le cercle "best-fit" situé à 89 UA de l'étoile, juste à l'extérieur des bras spiralés. Rester à présent à essayer de la localiser, ce qui peut prendre quelques années.

A gauche, le disque en spirale entourant l'étoile HD 135344B située à environ 450 années-lumière dans la constellation du Loup photographié en 2016 en infrarouge par l'instrument SPHERE du VLT. Au centre, le disque en spirale entourant l'étoile SAO 206462 située à environ 460 années-lumière dans la constellation du Loup photographié en 2012 grâce au télescope Subaru. La spirale s'étend sur 160 UA ou ~23 milliards de km soit l'équivalent de deux fois le diamètre de l'orbite de Pluton. Les simulations indiquent qu'une exoplanète serait en cours de formation dans le secteur sud-est de l'image, à la base de l'échancrure sombre qui s'étend dans le secteur nord-est. A droite, le disque protoplanétaire MWC 758 situé à moins de 500 années-lumière. Documents T.Stolker et al./ESO, NAOJ/Subaru et Bin Ren et al./ESO/ALMA.

Elias 2-27

Un autre exemple est le système Elias 2-27 présenté ci-dessous située à 470 années-lumière dans Ophiuchus (Serpentaire). L'image fut reconstruit par le radiotélescope ALMA en 2016. Cette structure très massive en spirale est appelée un disque autogravitant (c'est sa propre gravité qui lui donne sa forme, le même principe s'appliquant à une étoile ou une planète) et montre la formation d'une planète "en action" par le biais d’un mécanisme que l'on croyait improbable. C'est la première fois qu'ALMA observait une structure en spirale jusque dans le disque interne ainsi que la signature d'ondes de densité spiralées.

Le disque de poussière de ce système s'étend jusqu'à 30 UA, une distance équivalente à l'orbite de Neptune. Au-delà, la zone est moins dense et pourrait être l'indication de planètes en formation accrétant la poussière. Au-delà de ce sillon, les deux bras spirales s'étendent jusqu'à plus de 66 UA soit 10 milliards de kilomètres de l'étoile. La spirale couvre ~500 UA soit l'équivalent de 5 fois la taille de l'orbite de la Ceinture de Kuiper.

Le disque protoplanétaire entourant la jeune étoile Elias 2-27 située à 470 années-lumière dans Ophiuchus (Serpentaire) reconstruit par le radiotélescope ALMA en 2016. A droite, sa représentation artistique. Documents ESO/ALMA et U.Warwick.

Voyons également quelques étoiles plus connues entourées d'un disque protoplanétaire. Notons qu'à mesure que les astronomes scrutent le ciel à la recherche de ces disques de poussière et que les années passent, le nombre de systèmes protoplanétaires ne fait qu'augmenter, quelques uns étant situés tout près du Soleil.

Bêta Pictoris

Le tout premier disque de débris découvert par des moyens optiques fut celui de l'étoile β Pictoris découvert en 1983 grâce au télescope spatial infrarouge IRAS.

β Pictoris est une jeune étoile blanche de classe spectrale A6 V située à 63.4 années-lumière du Soleil et de magnitude apparente +3.86, donc visible à l'oeil nu. Elle présente une masse de 1.75 M et est 8.7 plus lumineuse que le Soleil pour une température effective d'environ 8050 K. Elle est âgée entre 8 et 20 millions d'années et appartient à l'association stellaire Bêta Pictoris dont les membres ont le même âge et évoluent ensemble dans l'espace. Elle se serait formée dans l'association OB Scorpion-Centaure qui comprend des centaines d'étoiles massives dont Antarès (15 M).

A consulter : Circumstellar Disk Learning Site

A gauche, le disque de débris de β Pictoris enregistré en infrarouge. La zone externe fut enregistrée en 1996 par l'instrument ADONIS installé sur le télescope de 3.6 m de l'ESO. La partie interne fut enregistrée à 3.6 microns par l'instrument NACO du VLT. On distingue clairement l'exoplanète ainsi que l'évasement du disque aux extrémités. A droite, aspect du disque interne en infrarouge, les couleurs arbitraires indiquant le gradient de température. La région sélectionnée sur l'agrandissement s'étend sur 11 milliards de kilomètres soit 75 UA. Documents ESO et NASA/ESA/STScI/LASP.

Les analyses en infrarouge ont montré que le disque de β Pictoris s'étend sur au moins 225 milliards de kilomètres soit plus de 1500 UA dont la partie centrale a été soufflée par le rayonnement stellaire. Ce disque comprend plusieurs ceintures de planétésimaux et présente une intense activité exocométaire, des indices laissant penser que le processus de formation planétaire est toujours en cours avec une importante dispersion de roches, y compris en direction du système solaire.

Les variations dans son spectre atmosphérique ont rapidement été interprétées comme l'activité d'exocomètes en chute sur l'étoile suite à une perturbation gravitationnelle probablement engendrée par une exoplanète. La première exocomète en orbite autour de β Pictoris fut découverte en 1987. Plus de 500 exocomètes présentes dans le disque de β Pictoris ont été étudiées par les scientifiques (mais selon des études par spectroscopie effectuées en 2014, β Pictoris abriterait des milliers d'exocomètes, cf. F.Kiefer et al., 2014 et M.A.Kenworthy et al., 2019). Elles se répartissent en deux familles en fonction de leur âge et de leur activité, les plus jeunes étant vraisemblablement issues de la fragmentation récente d'un ou plusieurs objets de taille supérieure.

Grâce au télescope spatial TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA lancé en 2018 dont la mission principale consiste à rechercher des exoplanètes, l'équipe de Sebastian Zieba de l'Université d'Innsbruck découvrit dans les courbes lumineuses de β Pictoris les traces de 3 exocomètes. Leur signature est très pâle; il s'agit de "dips" ou déclivités d'une profondeur de 0.5 à 2 millimagnitudes présentant des durées allant jusqu'à 2 jours pour le long "dip". Leur courbe est asymétrique et compatible avec le modèle d'évaporation d'une comète ayant une queue étendue transitant devant le disque de l'étoile. C'est la première fois qu'on observe ce genre de phénomène. Toutefois les moyens utilisés ne permettent pas de déterminer les dimensions de ces exocomètes (si leur noyau est petit et la queue importante ou l'inverse). Les résutats de cette découverte furent publiés dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2019 (en PDF sur arXiv).

L'existence de toutes ces comètes dans un seul système fait dire à certains planétologues qu'elles sont plus nombreuses dans l'univers que les exoplanètes.

Illustrations artistiques du système β Pictoris qui abrite au moins deux exoplanètes massives ainsi que des milliers de comètes dont 500 ont été étudiées en détail. Documents NASA-Caltech et ESO//L.Calçada.

Entre-temps, en 2008 grâce au VLT de l'ESO équipé d'une optique adaptative, l'équipe d'Anne-Marie Lagrange du CNRS découvrit une première exoplanète par imagerie directe, mais il fallut plusieurs années d'études pour confirmer ses paramètres. Selon les données astrométriques du mouvement de l'étoile enregistrées par le satellite Hipparcos, la masse de β Pictoris b est de 11 ±2 Mj (cf. Snellen et Brown, 2018). Sa température est de ~1700 K (1427°C). Cette "Hot Jupiter" évolue dans le disque à 11.18 UA de l'étoile, soit juste à l'extérieur de la ceinture principale comme on le voit sur l'illustration présentée ci-dessus à gauche. Suite à des perturbations résiduelles non expliquées et des "trous" visibles dans les images infrarouges du disque, on présume qu'il abrite au moins deux autres exoplanètes de la taille de Pluton.

En attendant de les débusquer, après 10 années de mesures et d'analyses avec l'instrument HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher) installé sur le télescope de 3.60 m de l'ESO à La Silla au Chili, l'équipe de Lagrange annonça dans la revue "Nature" en 2019 la découverte d'une deuxième exoplanète massive. β Pictoris c est une exoplanète gazeuse de 9 Mj. Elle gravite à 2.7 UA de l'étoile, c'est-à-dire bien en deça du disque de débris et dans la région où en avril 2019, le télescope spatial TESS avait déjà identifié la présence d'exocomètes.

Epsilon Eridani

ε Eridani est une étoile naine orange de classe spectral K2 V située à 10 années-lumière du Soleil. C'est une petite étoile de 0.85 M dont la luminosité représente à peine 0.28 L. L'étoile est entourée d'un disque de débris (de poussière) qui fut découvert grâce au satellite IRAS.

Une exoplanète de la taille de Jupiter fut découverte en 2000 à 3.2 UA de l'étoile ainsi que deux ceintures d'astéroïdes par le télescope spatial Spitzer dont l'une en 2008 située à 20 UA de l'étoile.

Véga

L'étoile Véga, α de la Lyre, est une belle étoile blanche de classe spectrale A0 V située à 25.3 années-lumière qui brille à la magnitude apparente de +0.03. Elle présente une masse de 2.11 M et une luminosité d'environ 37 L.

Véga est entourée d'un disque de débris qui fut détecté en 2005 grâce au télescope spatial Spitzer. Sa taille apparente est de 43" à 24 microns soit 330 UA mais atteint 105" soit 815 UA à 160 microns. Les analyses en infrarouge montrent que ce disque est circulaire mais ne comprend pas de débris volumineux, les poussières ayant une taille comprise entre 1 et 50 microns. La masse totale du disque représente 1/3000 de celle de la Terre, juste de quoi former un petit astéroïde.

On estime aujourd'hui que le disque de Véga n'est pas un disque protoplanétaire, mais comme celui de β Pictoris, il s'agirait d'un disque de débris produit par la fragmentation récente de comètes ou d'astéroïdes entrés en collisions avec d'autres corps vagabonds.

Fomalhaut

Fomalhaut, α Piscis Austrinis, est une étoile blanche de classe spectrale A3 V de 1.9 M , d'environ 4 R et d'une luminosité d'environ 16.6 L située à seulement 25 années-lumière dans la constellation du Poisson Austral. Elle brille à la magnitude apparente de +1.17 et est âgée entre 100 et 300 millions d'années.

Le grand public et en particulier les amateurs de science-fiction la connaisse de réputation car cette belle jeune étoile est mentionnée dans divers romans d'anticipation dont "Les rois des étoiles" (The Star Kings) d'Edmond Hamilton sorti en 1947 (cf. l'édition d'Amazing Stories) qui donna ses lettres de noblesse au style space opera.

Comme on le voit ci-dessous, Fomalhaut présente un imposant anneau de débris que le Télescope Spatial Hubble photographia à partir de 2004 puis divers instruments sensibles à l'infrarouge lointain dont ALMA et les télescopes spatiaux Herschel et JWST.

A voir : Dust Models Paint Alien's View of Solar System, NASA

Simulation de l'évolution du disque protoplanétaire de Fomalhaut

A gauche, image composite multispectrale entre 0.6 et 25.5 microns du disque de débris (de poussière) entourant Fomalhaut, α Piscis Austrinis, obtenue à partir des images prises par le JWST (en orange), le HST (bleu) et ALMA (rouge) publiées en 2023. A droite, l'image déprojetée du disque prise par le JWST à 25.5 microns. L'exoplanète Fomalhaut b en formation alias Dagon, n'apparait plus. Il s'agirait donc d'un nuage de poussière. Documents ALMA/ESO, NASA/ESA/HST, NASA/JWST adapté par l'auteur et A.Gáspár et al. (2023).

Le disque de Fomalhaut est constitué de grains de poussière et de débris mesurant entre 10 et 100 microns et présente une masse totale estimée à 110 M, comparable à la masse primordiale de la Ceinture de Kuiper estimée à 30 M soit l'équivalent de plusieurs milliers de milliards de comètes. Le disque forme un tore incliné de 24° par rapport au plan du système solaire.

Grâce aux images prises par le JWST (cf. A.Gáspár et al., 2023), pour la première fois on peut examiner le disque interne qui semble vraiment différent de ce à quoi on s'attendait. En effet, les astronomes imaginaient quelque chose comme le système solaire, c'est-à-dire un système relativement mature et stable. En réalité, le système de Fomalhaut est encore très dynamique.

Le disque de Fomalhaut comprend plusieurs composantes. Du centre vers l'extérieur nous trouvons un disque chaud interne (0.08-0.11 UA), un disque chaud externe (0.21-1.08 UA), une ceinture de poussière (8-12 UA), un premier gap ou cavité, un disque de poussière intermédiaire dit interceinture (35-133 UA), un gap ou cavité extérieure, la ceinture principale qui est aussi la plus brillante et la seule visible depuis l'espace en rouge/proche infrarouge entre 600 et 1300 nm surnommée la "Ceinture de Kuiper de Fomalhaut" ou KBA (133-158 UA) et le halo extérieur (158-209 UA).

Sous la pression du vent stellaire et du champ magnétique émis par Fomalhaut, la partie centrale du disque a été soufflée dans un rayon de 15 UA - jusqu'au premier gap - soit 1.4 milliard de kilomètres, l'équivalent de la moitié du système solaire !

A gauche, le disque de débris entourant Fomalhaut photographié par le Télescope Spatial Hubble en 2005. Voici l'image sans annotations et celle montrant la progression de l'exoplanète Fomalhaut B01.08.13 entre 2004 et 2012. Document NASA/ESA/STScI. A droite, l'image de Fomalhaut et de son anneau KBA prise par le télescope spatial Herschel en infrarouge à 70 microns en 2012. Document ESA.

Enfin, en 2004 grâce au télescope Spatial Hubble, on découvrit dans le disque de poussière la présence ce qui ressemblait à une protoplanète en formation, Fomalhaut b surnommée Dagon dont l'existence fut confirmée en 2008. On estimait sa masse à environ 0.2 Mj, elle gravitait vers 117 UA de l'étoile sur une orbite légèrement excentrique (e=0.11) qu'elle bouclait en 320000 ans ! Mais les nouvelles images prises par le JWST en 2023 à 15.5, 23.0 et 25.5 microns ne montrent plus cet astre. On en déduit que Dagon serait en réalité un nuage de poussière. Mais c'est une hypothèse qui doit encore être vérifiée en réalisant des observations de suivi avec le JWST au cours des prochaines années.

Selon l'astronome András Gáspár de l'Université d'Arizona à Tucson et principal auteur d'un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2023 (en PDF) consacré à l'analyse des images de Fomalhaut prises par le JWST, une collision entre planètes explique probablement la présence de cet amas de poussière : il s'estompe et sa taille augmente tout en suivant une trajectoire cohérente avec la poussière soufflée par le vent stellaire de Fomalhaut. Ce sont des caractéristiques plus conformes au comportement de nuages de poussière qu'avec des planètes. L'équipe de Gáspár surnomma cette surdensité ou ce blob, le "Grand Nuage de Poussière" (The Great Dust Cloud). Mais ce n'est pas parce que Dagon n'existe pas que d'autres exoplanètes ne se cachent pas autour de Fomalhaut.

Que voit-on autour de Fomalhaut ? Une ceinture d'astéroïdes anormalement inclinée de 23° sur le plan orbital, un anneau extérieur étendu et un tas de poussière qui est entraîné. Selon Gáspár et ses collègues ces preuves indirectes indiquent qu' "il s'agit d'un aspect véritablement unique du système." Pour un planétologue, l'explication la plus simple est que cette ceinture inclinée pourrait être la conséquence de la présence d'une ou plusieurs exoplanètes non encore découvertes perturbant l'anneau de débris entourant Fomalhaut. Une exoplanète pourrait se trouver dans le disque mais suivant une trajectoire qui n'est pas alignée avec le disque. A son tour, par un effet de résonance, ce désalignement entraîne le décalage de la ceinture d'astéroïdes par rapport au plan du système.

IRS 48

L'étoile IRS 48 alias IRAS 16245-2423 située à 444 années-lumière dans Ophiuchus est une jeune étoile au stade T Tauri entourée d'un disque de transition. Il contient du gaz et des poussières de différentes dimensions. A ce stade évolutif, le disque présente une vaste cavité centrale qui s'étend dans un rayon de ~20 UA contenant une protoplanète en formation. La partie interne contient également plusieurs anneaux.

 A voir : Dust trap animation - Oph-IRS 48, ESO, 2013

A voir : Transition-Disk Gallery

A gauche, illustration du disque de transition de l'étoile IRS 48. Au centre, carte de l'émission continue de IRS 48 à 0.44 mm (685 GHz) obtenue par ALMA. A droite, son interprétation schématisée. Les taches brunes représentent les gros et les petits grains de poussière tracés par ALMA dans le continuum à 0.44 mm et l'émission VISIR à 18.7 microns (infrarouge). La zone bleue contient du gaz. Documents ESO et N.van der Marel et al. (2013).

Comme illustré ci-dessus au centre et à droite, ALMA a détecté un immense anneau de poussière qui brille dans sa partie sud car il contient de gros grains rayonnant fortement à 0.44 mm et en infrarouge. Ils se concentrent dans ce qu'on appelle "le piège à poussière" où on a notamment découvert du méthoxyméthane, une molécule organique de 9 atomes. La densité de surface du gaz a été mesurée en traçant le CO.

RW Aurigae A

RW Aurigae est un jeune système binaire accrétant situé à environ 456 années-lumière dans la constellation du Cocher. RW Aur A est une étoile variable d'une période de 2.64 jours dont le cycle fut mis en évidence en 1906 par madame L. Ceraski, la femme du directeur de l'observatoire astronomique de Moscou qui contribua beaucoup à l'observation des étoiles variables.

RW Aur A est une étoile T Tauri classique (CTTS, cf. page 4) ou YSO de début de classe spectrale K de magnitude 9.6 à 13.6. Son compagnon RW Aur B situé à 1.5" de distance est 2-3 magnitudes plus faible et de classe spectrale K4. Une troisième composante RW Aur C fut détectée en bande K (infrarouge) à 0.12" de B par Andrea Ghez de l'UCLA et son équipe en 1993 mais n'a pas été confirmée par imagerie optique. Les mesures photométriques et les modélisations récentes indiquent que RW Aur A présente une masse comprise entre 1.3-1.4 M et RW Aur B entre 0.7-0.9 M. Le système fait également partie de la famille des binaires X de faible masse (LMXB).

A gauche et au centre, les courbes de luminosité des 7 assombrissements de RW Aurigae enregistrés entre 1937 et 2017. (A) Données d'archives de l'assombrissement de 1937-1938. (B) L'assombrissement de 1987-1988 identifié par Berdnikov et al. (2017). (C) L'assombrissement de 2010-2011 reconstruit par Rodriguez et al. (2013). (D) L'assombrissement de 2012-2013 reconstruit par Rodriguez et al. (2016). (E) L'assombrissement de 2014-2016. (F) L'assombrissement de 2016-2017. (G) L'assombrissement qui débuta fin de 2017. A droite, recréation des courbes de luminosité de RW Aur A montrant ses fluctuations sur environ 110 ans. En haut, les courbes établies sur base des données de l'AAVSO (noir), Wesleyan (vert), KELT (bleu) et ASAS-SN (rouge). En bas, agrandissement montrant la variabilité photométrique du système au cours de la dernière décennie. Documents J.E. Rodriguez et al. (2018).

RW Aur A attira l'attention des astronomes car elle affiche l'un des taux d'accrétion les plus élevés parmi les CTTS avec des valeurs de ~2-10x10-7 M par an, c'est-à-dire 10 à 100 fois plus élevées que la normale. Mais à l'inverse des autres CTTS offrant un taux d'accrétion similaire, son disque d'accrétion est peu massif (~3x10-4 M). Cela soulève le problème de savoir comment le disque est reconstitué pour soutenir un tel taux d'accrétion durant plus de 1000 ans, à moins qu'il existe un réservoir caché de matière (à un échelle circumstellaire).

Nous avons vu précédemment (cf. page 4) que son jet est également très brillant. De plus, les propriétés de son spectre affichent également des variations de vitesse radiale et des raies d'émissions fluctuant sur une période de 2.77 jours attribuées à son compagnon B très proche et de faible masse ou dues à la présence d'un "point chaud" dans le disque d'accrétion en rotation (cf. S.Cabrit et al., 2006). Toutes ces particularités ont incité de nombreux astronomes à étudier RW Aurigae en détails.

Illustration du disque accrétant de poussière entourant RW Aurigae. Document NASA/CXC/M.Weiss

En 2018, des chercheurs du MIT utilisant le télescope rayons X Chandra découvrirent que la perte de luminosité de RW Aur A enregistrée fin 2014 et qui perdura jusqu'en novembre 2016 provenait de la collision de deux planétésimaux qui produisirent un nuage de gaz et de poussière tellement important qu'il obscurcit temporairement la lumière de l'étoile de 3 magnitudes comme le montrent les graphiques présentés ci-dessus. Selon les astronomes, ceci renforce l'hypothèse que la région extérieure de son disque interne est encore remplie de poussière et donc que cette jeune étoile T Tauri continue d'accréter de la matière.

En juillet 2017, RW Aur A a de nouveau perdu quelques magnitudes, donnant aux astronomes et aux physiciens l'occasion de l'étudier dans le rayonnement X qui peut facilement traverser les nuages opaques de gaz. Selon Hans Guenther du MIT, l'analyse de près de 14 heures d'enregistrements a révélé plusieurs faits inattendus : le disque de l'étoile abrite une grande quantité de matière; l'étoile est plus chaude que prévu et le disque contient plus de fer que prévu - au moins 10 fois plus que le prévoit les modèles. Ce n'est pass autant que sur la Terre mais plus que sur la lune ordinaire du système ordinaire (à l'exception de la Lune qui en contient plus que le prévoit le modèle standard de disque protoplanétaire). Cette abondance de fer ne s'explique pas clairement, d'autant que de nombreux processus peuvent se manifester dans les jeunes étoiles (cet excès de fer peut être dû à un piégage des poussières de fer dans des zones peu turbulentes ou ce fer s'est peut-être concentré dans d'épais nuages suite à des collisions successives entre planétésimaux, mais c'est plus spéculatif).

 Le spectre X de RW Aur A a également révélé la présence de métaux comme l'oxygène, le fer, le silicium et le magnésium dont les abondances sont en accord avec le gradient de température du disque. Les prochaines études tenteront de vérifier si l'abondance de fer a changé, ce qui permettrait de déterminer la taille de la source de fer et si possible son origine. Pour l'heure, comme expliqué, on estime qu'il s'agit soit de fer abandonné dans le disque soit de résidus protoplanétaires.

PDS 70

  PDS 70 est une étoile naine orange de classe K7 située à 370 années-lumière dans la constellation du Centaure. Elle fait partie de l'Association Scorpion-Centaure qui comprend des centaines d'étoiles. C'est l'association OB la plus proche du Soleil (cf. T.Preibisch et E.Mamajek, 2008).

 PDS 70 est âgée d'environ 5.4 milliards d'années et est au stade T Tauri. Elle présente une masse de 0.76 M pour un rayon de 1.25 R. Elle est moins lumineuse que le Soleil et émet environ 1/3 de l'énergie du Soleil.

L'existence d'un disque de transition fut soulevée en 1992 par l'équipe de Jane Gregorio-Hetem de l'Université de Sao Paulo suite à un sondage réalisé grâce au télescope infrarouge IRAS. Son existence ainsi que l'émission d'un jet furent confirmés en 2006 par l'équipe de Pierre Riaud de l'Université de Liège. PDS 70 est une étoile T Tauri de faible masse entourée d'un disque de gaz et de poussière de 140 UA de rayon.

C'est en 2012, grâce aux télescope Subaru et Gemini South que l'équipe de Jun Hashimoto du NAOJ découvrit une large cavité de 54 UA dans le disque ainsi qu'un signal dans la partie interne du disque suggérant qu'il provenait d'une planète en formation. En 2019, grâce au VLT de l'ESO, l'équipe de Sebastiaan Haffert de l'Observatoire de Leyden détecta une forte émission Hα à partir de deux emplacements distincts dans le système PDS 70, l'un correspondant à la protoplanète PDS 70 b et un autre situé à proximité de l'anneau extérieur, coïncidant avec une tache de poussière brillante précédemment identifiée dans le disque et avec une petite ouverture dans un anneau d'émission moléculaire. Ce deuxième pic Hα correspond à une deuxième protoplanète nommée PDS 70c . Les spectres d'émission Hα des deux protoplanètes indiquent une accrétion continue sur les protoplanètes, qui semblent être proches d'une résonance 2:1. En parallèle, grâce à ALMA et aux images proche IR du VLT, en 2019 l'équipe d'Andrea Isella de l'Université de Rice confirma la présence de la protoplanète PDS 70c.

A gauche, image du disque de transition entourant l'étoile naine PDS 70 située à 370 années-lumière reconstruite en 2019 par l'instrument SPHERE installé sur le VLT de l'ESO. Le coronographe a masqué l'éclat de l'étoile. On distingue clairement l'exoplanète PDS 70b. A droite, une image plus précise reconstruite par ALMA en 2021 dans laquelle on distingue la deuxième exoplanète PDS 70c, un jeune Jupiter (PDS 70b n'est pas visible sur cette image). A l'extrême droite, l'agrandissement de PDS 70c révèle autour de lui la présence d'un disque de formation d'une lune. Documents ESO/VLT/V.Christiaens et al. (2019) et ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/Benisty et al. (2021).

Le système PDS 70 est intéressant à plus d'un titre. Comme on le voit ci-dessus à gauche sur cette image prise en proche infrarouge en 2019 grâce à l'instrument SPHERE (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch) du VLT, le disque protoplanétaire comprend une exoplanète cataloguée PDS 70 b qui évolue à 195 mas soit ~22 UA ou 3.3 milliards de kilomètres de l'étoile. La masse de la protoplanète se situe entre 1.4 et 3.4 Mj et devrait atteindre 12 Mj à la fin du processus d'accrétion. Sa température actuelle se situe aux alentours de 1350°C, ce qui explique sa forte brillance sur la photo.

De nouvelles images multispectrales à bande étroite prises en 2019 par l'instrument MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer) du VLT équipé d'une optique adaptative LTAO (Laser Tomography Adaptive Optics) ont permis de découvrir une deuxième protoplanète, PDS 70c, un jeune Jupiter. Ces deux protoplanètes sont entourées d'un disque circumplanétaire de gaz et de poussière, confirmant pour la première fois une théorie restée longtemps invalidée.

Ces protoplanètes ont creusé une cavité dans le disque circumstellaire en accrétant la matière du disque lui-même, augmentant ainsi sa taille. Au cours de ce processus, PDS 70c a acquis son propre disque circumplanétaire, qui contribue à la croissance de la planète et dans lequel des lunes peuvent se former. Ce disque circumplanétaire est aussi grand que la distance Soleil-Terre et possède une masse suffisante pour former jusqu'à trois satellites de la taille de la Lune. C'est la première fois que les astronomes découvrent le disque de formation d'une lune.

A voir : Zooming in PDS 70, ESO, 2021

Une illustration du système PDS 70. Document NOAJ.

Ces découvertes nous apportent les preuves que des planètes se forment bien dans le disque protoplanétaire à partir de la masse de gaz et de poussière et nous donnent des indices précieux sur la dimension des particules, leur nature, la pression et la température nécessaires à leur formation ainsi que sur la distance à laquelle se forment ces planétésimaux et ces exoplanètes.

Néanmoins, il nous manque toujours des indices pour comprendre la phase de transition entre les grains de poussière microscopiques et les objets kilométriques que sont les planétésimaux, de même que sur la formation des planètes gazeuses. Voyons ces problèmes en détails.

Prochain chapitre

La croissance des grains de poussière

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