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Le Soleil en lumière de l'hydrogène alpha Les détails chromosphériques (III) Les plages sont des zones brillantes très apparentes en Hα. Elles constituent une partie du réseau des émissions brillantes qui caractérisent la chromosphère. Les plages sont typiquement 10 fois plus étendues que les taches au-dessus desquelles elles se trouvent. On les trouve presque toujours au-dessus des régions de la photosphère associées à des concentrations du champ magnétique atteignant quelques centaines de gauss. Les plages apparaissent avant les taches solaires et subsistent après leur disparition, présentant une durée de vie de 40 à 50 jours. Elles n'ont pas le même aspect dans la raie Hα et dans celle du Ca II K mais elles délimitent évidemment la même région de la chromosphère.
Les fibrilles sont des structures plus ou moins radiales ou légèrement curvilignes qui ressemblent à de la limaille de fer attirée dans un champ magnétique (ce qu'elles sont pratiquement). Elles sont bien visibles dans la raie Hα dans l'espace intergranulaire ainsi que dans les régions actives, en particulier au-delà de la pénombre des taches et dans la région qui relie les groupes bipolaires. S'étendant radialement autour des taches, leur largeur varie entre 725-2200 km (soit entre 1-3") pour une longueur moyenne de 11000 km. Les fibrilles évoluent lentement sur une période de quelques heures bien que les fibrilles individuelles ont une durée de vie moyenne de 18 minutes. Ces structures reproduisent, au niveau de la chromosphère, les lignes de forces qui existent parallèlement à la surface du Soleil. Dans les parties centrales des régions actives, un grand nombre de fibrilles peuvent se grouper pour former des motifs plus ou moins parallèles et incurvés reliant les taches sombres et les plages de polarités opposées. Dès ce moment, de petits filaments arcés tracent l'émergeance d'un nouveau flux sortant. Après quelques jours, lorsque les mouvements ascendants ont cessé, un champ de transition formé de petites arches de plasma appelées FTA (Field Transition Arches) réapparaît entre ou près des taches (au-delà de leur pénombre) de polarités opposées. Ces FTA ressemblent à de tout petits filaments mais en fait en quelques heures ils reforment des fibrilles normales. A consulter : High Powered Solar Observing: Hydrogen-Alpha, ICSTARS Définition et illustration des structures chromosphériques
Lorsque les taches sombres deviennent âgées (au-delà d'une rotation solaire), elles sont entourées de fibrilles radiales appelées la superpénombre chromosphérique. Les fibrilles individuelles apparaissent au sein de la pénombre des taches puis le motif s'étend jusqu'à une distance d'environ le diamètre d'une tache. Ce motif à grande échelle reste très stable pendant plusieurs heures mais seules quelques fibrilles individuelles sont identifiables pendant quelque 20 minutes. Dans les fibrilles de la superprénombre la matière se déplace à la fois vers l'intérieur et l'extérieur des taches sombres à une vitesse voisine de 20 km/s; c'est l'effet chromosphérique Evershed inverse. Dans les parties extérieures d'une région active, les fibrilles forment un motif qu'on appelle parfois un vortex solaire. Cette formation délimite à peu près une ellipse dont les limites se déplacent continuellement vers l'extérieur à la vitesse moyenne de 0.2 km/s pendant le développement d'une région active. Ce motif est principalement visible dans la raie K du Ca II. Notons qu'on observe également cette petite ellipse légèrement sombre dans la raie du K3 où Deslandres l'avait appelée "circumfacule". Des fibrilles géantes ou chaînes de fibrilles peuvent également former des structures très longues et incurvées entre les taches sombres et/ou les plages et sont appelées des fils ou plus communément des threads selon leur dénomination anglo-saxone. Elles ressemblent à de petites régions actives de filaments mais elles ne suivent bien sûr pas une ligne d'inversion magnétique. Enfin, comme on le voit ci-dessous, des points brillants peuvent apparaître à la base des taches sombres dans les raies Hα et Ca II K et H. Découverts par Ferdinand Ellerman et George E. Hale en 1903-1904, ils furent d'abord dénommés "minute calcium flocculi" avant que les astrophysiciens solaires ne les dénomment "grains K" dans les années 1960.
Ellerman les compara à des explosions de bombes à hydrogène d'où leur nom de bombes de Ellerman. Leur dimension peut atteindre 3". Leur signature spectrale est marquée par une importante raie en émission dans les ailes de la bande passante pouvant s'étendre sur 5 à 10 Å, ce qui leur valut d'être surnommée les "moustaches" ou plus pompeusement les "grains de l'émission continue". Les bombes de Ellerman apparaissent dans les régions actives, en particulier les régions jeunes où émerge un nouveau flux. Leur durée de vie varie entre quelques minutes et quelques heures (20 minutes en moyenne). Elles commencent à briller en l'espace de 2-3 minutes puis maintiennent leur éclat (qui peut parfois fluctuer) puis disparaissent brusquement en l'espace de 2-3 minutes. Ces zones ne sont apparemment pas connectées aux éruptions. On y reviendra quand nous décrirons le champ magnétique solaire. Les filaments sont des nuages de plasma denses, des protubérances dont la hauteur atteint 50000 km et dont l'épaisseur du profil ne dépasse toutefois pas 7000 km. Les filaments forment la limite entre les régions de polarités opposées, exception faite dans les plages complexes et le voisinage des taches. Les filaments appartiennent à la couronne mais ils absorbent la lumière de la chromosphère, avec laquelle ils partagent plusieurs propriétés physiques. Ils sont en suspension au-dessus de la surface, portés par les boucles du champ magnétique. Emergeant de la chromosphère, les filaments sont donc plus froids et plus sombres que celle-ci. Ils peuvent s'étendre sur toute la longueur du disque solaire et survivrent durant plusieurs rotations du Soleil. Toutes les éruptions chromosphériques sont marquées par une absorption dans les filaments qu'on observe très bien dans l'aile bleue de l'Hα comme on le voit sur la photo ci-dessus à gauche. Bien que l'analyse ne soit pratiquement pas accessible aux amateurs, notons que certains filaments présentent un mouvement de rotation visible sur les dopplergrammes (qu'on peut réaliser au moyen d'un spectrohéliographe modifié).
Rappelons que dans une région active, la pénombre qui entoure les taches sombres arrivées à maturité se forme généralement à partir de la matière intergranulaire mais elle évolue ensuite sous forme de filaments sombres s'étirant tout autour de l'ombre parfaitement visibles à fort grossissement dans les raies Hα et du Ca II K ainsi qu'en lumière blanche (cf. ces gros-plans des régions actives AR 10030 prise au SST de 1 m et AR 10805 prise au NSOSP de 76 cm). La largeur de ces filaments est d'environ 200 km soit 0.2" à 0.3 ". Les canaux filamenteux sont constitués de fines structures, les fibrilles qui s'assemblent en bandes et s'orientent comme les filaments. Bien souvent le canal filamenteux se forme plus tôt que le filament et persiste souvent après sa disparition. Ces canaux filamenteux connectent des segments de filaments distants, des régions actives avec des filaments et quelquefois une région active à l'autre. Lorsqu'un filament chromosphérique se trouve sur le disque il reste sombre sans trop se détacher de la supergranulation car il est plus froid que la photosphère qui se trouve en dessous de lui. Mais lorsqu'il se détache sur le limbe du Soleil, le filament devient brillant sur le fond du ciel et devient une protubérance comme on le voit ci-dessous. C'est donc en fonction de sa phase de développement et sa localisation qu'on qualifera cette structure de filament ou de protubérance. On reviendra sur cette dernière.
Les clichés Hα montrent également des fins systèmes de filaments-arches au sein des régions actives. Ils sont petits et sombres car issus de zones très brillantes, signalant l'émergence d'un nouveau flux bipolaire provenant des profondeurs solaires. Ces systèmes évoluent dans une plage faculaire dont l'axe est perpendiculaire à la position de l'arche. Ces sortes de corridors se font plus larges avec le temps et laissent entrevoir de temps à autre des filaments et de nouveaux canaux filamenteux. Notons que les filaments et les canaux filamenteux s'étendent dans les plages où ils se courbent selon la structure bipolaire du groupe à l'image des fibrilles qui entourent les centres actifs. Ils n'apparaîtront donc pas au hasard sur la surface du Soleil. Se superposant au-dessus de la position des facules de la photosphère, se trouvent les flocules. Il s'agit de taches brillantes qu'on observe tant en Hα que dans les raies K et H du Ca II. Quelquefois, au cours d'un phénomène d'éclat, des points brillants d'une flocule deviennent subitement plus forts dans tout le spectre : il s'agit des éruptions chromosphériques qui s'accompagnent de violentes explosions et qui font l'objet du prochain chapitre. Prochain chapitre Les protubérances et les éruptions chromosphériques
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