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Le Soleil en lumière de l'hydrogène alpha

Des protubérances solaires photographiées sur le limbe ouest le 28 août 2022 par Akihiro Yamazaki avec une lunette CFF de 200 mm f/8 équipée d'une Powermate Tele Vue 4x, d'un filtre Daystar ION de 0.5 Å et d'une caméra CCD Player One Apollo-M MINI. Celle de gauche apparut pendant l'éruption chromosphérique de classe M survenue dans la région active AR 13088

Les protubérances (IV)

Parmi les phénomènes les plus spectaculaires visibles en hydrogène alpha notamment (ou pendant les éclipses totales de Soleil ou au moyen d'un coronographe), les protubérances comptent parmi les sujets les plus appréciés du public et les plus photogéniques comme on le voit sur cette page.

Qu'est-ce qu'une protubérance solaire ? A l'image des filaments, les protubérances sont de même nature mais qualifient uniquement les formations solaires qui se détachent sur le limbe et s'étendent dans la couronne. Les protubérances sont des concentrations de matière dont la température varie entre 8000 et 10000 K alors que la basse couronne dans laquelle elles évoluent présente une température variant entre 1 et 20 millions de degrés selon l'altitude. Leur température est donc en moyenne 100 fois plus basse et leur densité 100 fois plus élevée que celle de la couronne.

Les protubérances sont constituées de plasma, c'est-à-dire un gaz d'atomes neutres composé d'hydrogène et d'hélium mélangé à des particules chargées électriquement (protons, ions et électrons) suite à des collisions entre particules ou sous l'effet de rayonnements de haute énergie.

Du fait que la matière est partiellement chargée, elle épouse la forme des lignes de force du champ magnétique local. Ceci explique l'existence de protubérances en forme d'arche, de boucle, de spirale ou formant des sortes de petits nuages en lévitation magnétique au-dessus de la chromosphère. C'est aussi le champ magnétique qui génère la force nécessaire à leur sustentation dans la couronne, les empêchant de s'écrouler sous leur propre poids.

Une protubérance se développe en l'espace d'une journée et les plus stables peuvent persister dans la couronne pendant plusieurs mois. Les scientifiques recherchent toujours à comprendre comment et pourquoi les protubérances se forment. Elles émergent de la surface solaire, généralement dans les régions actives (taches sombres) et restent un certain temps en suspension dans la basse couronne avant de se dissiper ou de retomber sur la surface solaire.

Mais étant donné qu'il s'agit de phénomènes dynamiques dont l'évolution est parfois discernable en quelques minutes, les décrire sans présenter quelques films en accéléré serait passer à côté de l'essentiel. Plusieurs vidéos déposées sur YouTube sont donc présentées ci-dessous afin d'illustrer leur réelle dimension.

A voir : Protubérances en boucle à 171/304 Å - 304 Å - 304 Å du 10-11 sept 2017

Sun Dance - Eruption 4 août 2012, NASA/SDO

Post-flare Loops Expansion 15 août 2014, SIC

A gauche, une protubérance éruptive photographiée par le satellite TRACE à 171 Å le 19 septembre 2000, l'année du maximum du Cycle 23. Au centre, une protubérance en boucle apparue au-dessus de la région active AR 2673 s'éloignant vers la face cachée du Soleil photographiée le 10 septembre 2017 vers 22h TU, quelques heures après les éruptions chromosphériques et les CME émises par la même région. Voir également les vidéos ci-dessus. Photo prise par Holly Mae-Connolly avec une lunette solaire Lunt Engineering de 102 mm de diamètre équipée d'un filtre Daystar Quark et d'une caméra CCD ZWO ASI 174MM. A droite, une protubérance en boucle quasiment vue de profil apparue après une éruption de classe M survenue le 28 août 2022 dans la région active AR 13088. Photographie prise par Akihiro Yamazaki avec une lunette CFF de 200 mm f/8 équipée d'une Powermate Tele Vue 4x, d'un filtre Daystar ION de 0.5 Å et d'une caméra CCD Player One Apollo-M MINI. Voir aussi les photos ci-dessous.

Soulignons que contrairement à ce qu'on peut déduire du cycle solaire, les protubérances ne surgissent pas uniquement aux alentours du maximum du cycle. Les photos ci-jointes prises en 2017 et en août 2022 prouvent que près du minimum du cycle et au milieu de la période de 11 ans, le Soleil peut présenter de grandes protubérances et de belles éruptions chromosphériques.

Comportement des ions et des atomes dans une protubérance

On dit généralement que les protubérances restent en suspension dans l'atmosphère solaire car elles glissent le long des lignes de force du champ magnétique qui percent la surface solaire. Mais comment explique-t-on précisément ce phénomène ? Malgré près d'un siècle de recherches en astrophysique solaire, la question ne fut résolue que tout récemment bien que le sujet doive encore être étudié de manière systématique et à long terme.

Dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2019, l'astrophysicien solaire Eberhard Wiehr de l'Université de Göttingen et ses collègues ont étudié le comportement d'une protubérance et montré que dans les flux de plasma, les ions se déplacent plus rapidement que les atomes.

S'il n'y a pas trop de collisions dans le plasma, particules neutres (atomes) et ions peuvent évoluer indépendamment l'un de l'autre. Wiehr et ses collègues ont observé ce qu'on appelle un "plasma partiellement ionisé sans équilibre d'impact" dans une protubérance solaire. Dans cette protubérance, les ions de strontium se déplaçaient 22% plus vite que les atomes neutres de sodium. Seize heures après l'éruption, les ions étaient encore 11% plus rapides que les atomes. Selon Wiehr, "De toute évidence, les atomes de sodium étaient plus fortement entraînés en présence d'ions de strontium." Cela pourrait s'expliquer par une augmentation locale de la densité des particules, ce qui augmente la probabilité d'impact. "De plus, souligne Wiehr, le comportement de la protubérance aurait pu changer en 16 heures."

Des protubérances quiescentes. A gauche, une photographie prise le 10 septembre 2017 vers 14h30 TU par Paul Andrew au foyer d'une lunette solaire Lunt LS152THa f/6 équipée d'une Powermate 2.5x de Tele Vue et d'une caméra CCD couleur FLIR (PGR) Flea3. Au centre, une photographie colorisée prise le 27 août 2022 par Osamu Oshima au Japon au foyer d'une lunette Skywatcher de 150 mm f/8 équipée d'une Powermate Tele Vue 4x, d'un filtre Daystar Quantum et d'une caméra CCD ASI 174MM. Voici l'originale. Voir aussi la photo prise la veille par Gary Palmer. Cette protubérance se développa dans la région active AR 13088 et persista plus de 6 jours (22-28 août 2022). Elle s'éleva à ~150000 km au-dessus de la surface du Soleil. A droite, une photographie colorisée prise par Andreas Spiering le 30 août 2022 au foyer d'une lunette solaire Lunt LS100 de 100 mm f/7.1 équipée d'une Powermate Tele Vue 2.5x et d'une caméra CCD QHY5III 174M. Cette protubérance se développa dans la région active AR 13089 et s'éleva à 230000 km d'altitude.

Pour expliquer le maintien des protubérances dans la couronne, rappelons que les mouvements dans les couches les plus profondes du Soleil font fluctuer les lignes du champ magnétique générées par la dynamo interne du Soleil. Les ions réagissent directement à l'inversion du sens de l'oscillation, tandis que les atomes neutres doivent se réorienter à plusieurs reprises avec les ions. C'est parce que les ions les plus rapides se déplacent en même temps que l'oscillation du champ magnétique que les protubérances restent en suspension dans la basse couronne malgré la force de gravité du Soleil.

Les protubérances sont en moyenne dix fois plus grandes que la Terre. Comme on le voit ci-joint, elles peuvent ressembler à des langues de feu, des plumes, des arches, des haies, des colonnes verticales, se torsader, former des boucles, rester près de la surface et retomber sous leur propre poids ou s'étendre jusqu'à 0.5 rayon solaire et finir par s'échapper du Soleil lorsque le champ magnétique se brise ou lorsque leur vitesse est très élevée. Elles sont alors emportées entre 200 et 1200 km/s par le vent solaire et si notre planète est sur leur trajectoire, elles percutent la magnétosphère de la Terre environ 2 jours plus tard en y produisant parfois certains effets électromagnétiques dont les aurores ne sont que l'une des manifestations. On y reviendra.

A gauche, une protubérance enregistrée le 6 avril 2011 par Fabrice Morin au foyer de la lunette de 160 mm de l'observatoire de Rouen (F) équipée d'une caméra CCD DMK 31AU03. Cliquez sur l'image pour lancer l'animations (GIF de 2.9 MB). Au centre et à droite, deux protubérances enregistrées par Jean-Philippe Cazard respectivement le 7 juillet 2016 (gauche) et le 15 août 2016 entre 16:08-16:43 TU (droite) au foyer d'une lunette Bresser de 127 mm f/5 équipée d'un filtre Daystar Quark, d'un filtre anti-UV/IR et munie d'une caméra CCD ZWO ASI 174MM. La protubérance torsadée de droite s'éleva à plus de 500000 km d'altitude. A la surface de la chromosphère, les spicules se déplacent à 100 km/s et atteignent 9000 km d'altitude. Cliquez sur les images pour lancer les animations (GIF de 11 et 7 MB soit 250 images acquises en ~2 heures).

Le Soleil peut rester calme pendant des jours et brutalement présenter des protubérances pendant plusieurs jours consécutifs. On parle de protubérance éruptive lorsque cette structure devient instable et éclate en libérant le plasma. Lorsqu'un filament ou une protubérance se brise et disparaît, le phénomène est souvent accompagné d'une éruption chromosphérique et parfois d'une CME (voir page suivante) et d'intenses émissions radioélectriques en raison de l'instabilité locale du champ magnétique.

Ces différents comportements et la structure très variable des protubérances ont fait l'objet d'une classification sur base visuelle en fonction de leur forme et de leur dynamique. Les éruptions ont également fait l'objet d'une classification sur base de leurs propriétés électromagnétiques et notamment de leurs émissions radioélectriques.

A voir : Our Mr. Sun, F.Capra, 1956

A gauche et au centre, l'arche historique apparue le 4 juin 1946 photographiée avec le coronographe Climax de l'Observatoire HAO du Colorado. Elle s'éleva à 200000 km d'altitude à 1.7 km/s (6400 km/h) avant de se disperser au bout d'une heure. Cet évènement rare fut repris en 1956 à des fins éducatives dans le film "Our Mr. Sun" (séq. 20:19) de Frank Capra commandé par les Laboratoires Bell. A droite, une protubérance plus modeste mais spectaculaire dont voici le film en accéléré (.QT de 1 MB). Documents HAO et NSO/Sacramento Peak.

Si les éruptions et les protubérances apparaissent presque quotidiennement à la surface du Soleil sous différentes intensités, du fait que l'apparition des protubérances dépend de l'activité magnétique, elles seront plus nombreuses et plus fréquentes à l'approche du maximum du cycle solaire (2002, 2015, 2027, etc). Mais même aux alentours du minimum, on peut observer de temps en temps des protubérances gigantesques comme celle présentée ci-dessus à gauche apparue en 1946, peu après le minimum du Cycle 17 (survenu en 1945) et ci-dessous entre 1997 et 1999 peu après le minimum du Cycle 22 (survenu en juillet 1996) ainsi que des éruptions chromosphériques (voir plus bas) très violentes, de classes M et X, comme ce fut le cas en 2005 et en 2017, moins de deux ans avant respectivement le minimum des Cycles 23 et 24.

Cette activité étant permanente et le Soleil généralement visible à toute heure de la journée, c'est donc un sujet très accessible et très intéressant à observer, en particulier en hydrogène alpha. C'est d'ailleurs pour cette raison que plus d'un astronome amateur vont diront qu'ils utilisent plus leur lunette astronomique durant la journée que durant la nuit.

A consulter : Sun Activity (Earthsky) - SOHO - SDO - GOES-16 SUVI (NOAA)

Logiciel à télécharger : Space Weather JHelioviewer (SIDC)

Eruption du 14 Septembre 1999
Eruption du 14 Septembre 1997

Image composite de quelques protubérances exceptionnelles capturées par SOHO en UVE à 304 Å (He II) entre 1997 et 1999 alors que nous avions à peine franchi le minimum du Cycle 22 survenu en juillet 1996. Notez la taille de la Terre en haut à droite. La plupart de ces protubérances dépassaient 100000 km. Cliquez sur les différents quadrants pour agrandir les images. Documents SOHO.

Si les protubérances sont parfois spectaculaires, les éruptions chromosphériques sont bien plus violentes et s'accompagnent également de protubérances quelquefois exceptionnellement vastes et brillantes.

Les éruptions chromosphériques

Les éruptions chromosphériques (flares en anglais) mériteraient qu'on leur consacre tout un dossier tellement elles couvrent un vaste champ d'activités et de rayonnements divers dont les mécanismes sont très intéressants à étudier. Si les professionnels ont le loisir de les étudier à travers tout le spectre, l'amateur peut également les observer en hydrogène alpha.

Ces éruptions consistent en d'énormes explosions de plasma dans les régions actives portant durant quelques minutes la matière à plusieurs millions de degrés et libérant en moyenne une énergie de 1022 joules. Quelquefois l'éruption est 1000 fois plus intense, atteignant un niveau d'énergie de 1025 joules (~1032 erg) équivalent à dix milliards de mégatonnes de TNT soit 2 millions de fois l'arsenal nucléaire mondial (~ 20 Gt de TNT en 1968) ! Cette énergie phénoménale correspond à quelque 1010 eV/nucléon et équivaut à un flux dont la puissance est de ~10-4 W/m2 pour une éruption de classe M qui peut-être multipliée par 10 et plus (> 10-4 W/m2) pour une éruption de classe X, une énergie qu'il faut reporter sur une surface souvent des dizaines de fois plus grande que celle de la Terre !

A voir : Eruption chromosphérique du 28 août 2022 à 171 Å, SDO

A gauche, une éruption chromosphérique de classe C dans la région active AR 2673 photographiée le 10 septembre 2017 par Pete Lawrence. Il utilisa une lunette Vixen FL102S de 102 mm f/9 équipée d'un filtre Daystar Quark Chromosphère et d'une caméra CCD ZWO ASI 174MM. Cliquez sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 5.1 MB) couvrant 21m34s d'activité. Au centre et à droite, une belle éruption chromosphérique de classe M apparue sur le limbe ouest dans la région active AR 13088 le 28 août 2022. Au centre, une photo prise par Mike Wenz au foyer d'une lunette de 127 mm équipé d'un filtre Daystar Quark et d'une caméra CCD QHY5III290M. A droite, une photo prise à 10h TU par Giampaolo Salvato au foyer d'une lunette Truss de 205 mm portée à f/35 munie d'un filtre interférentiel de 0.3 Å. Cette éruption fut visible toute la journée. Voir aussi la vidéo ci-dessus. Notez que plus la bande passante du filtre est étroite plus les spicules sont apparentes. 

Ces éruptions apparaissent comme des taches blanches sur les photographies en Hα en raison de leur intensité en rayons X qui provoque un transfert d'énergie sur la matière qui, devenue instable émet des photons pour retrouver un état plus stable. Les éruptions les plus intenses sont de classe X, suivies des éruptions de classe M, C, B, et A. La différence d'énergie d'une classe à l'autre est d'un facteur 10. Consultez le tableau des indices géomagnétiques et solaires pour les détails de cette classification.

Au cours du Cycle 24 (2007-2020) on comptabilisa environ 21000 éruptions solaires dont 13000 CME (voir page suivante). En moyenne, on observe 100 éruptions de classe X par cycle solaire, 1000 éruptions de classe M, 10000 éruptions de classe C, etc.

Les émissions X et radioélectriques se produisent quelques dizaines de secondes avant l'éruption et sont souvent précédées par la rupture d'un filament, ce qui tend à confirmer que le champ magnétique joue ici un rôle prépondérant. Rappelons que toutes les éruptions chromosphériques sont associées à des filaments.

A voir : Éruption chromosphérique de classe X9.3 du 6 sept. 2017

 171 Å193 Å  - 211/193/171 Å1600 Å  - HMI-Hi

Five X-class Flares (AR 12192, 2014), NASA

Base d'images et vidéos de SDO - Top 50 solar flares, Spaceweather

From emergence to eruption: A comprehensive simulation of a solar flare, NCAR/UCAR

Deux éruptions chromosphériques majeures observées par le satellite SDO en UVE à 131 et 171 Å dont l'éclat signale l'émergence d'un intense flux de matière et de particules de très haute énergie. A gauche, l'éruption de classe X9.3 du 6 septembre 2017 survenue entre 11h53-12:02 TU dans la région active AR 2673. Ce fut la plus importante depuis celle du 7 septembre 2005 (classe X18). A droite, l'éruption de classe M8.1 du 8 septembre 2017 dans la même région active. C'était la sixième éruption intense depuis le 4 septembre 2017. Cette région active émit 4 éruptions de classe X et 26 éruptions de classe M en trois semaines et fut à l'origine de l'émission de trois CME les 4, 5 et 6 septembre 2017. Ces CME furent à l'origine d'aurores (Kp = 8) les 7-8 septembre 2017 et d'un blackout radio qui atteignit son maximum le 11 septembre 2017 avec une absorption des signaux ondes-courtes entre 40-70 km d'altitude (couche D) de 35 dB en V/UHF et en HF jusque 15 MHz ou 15 m alors que généralement cela n'affecte pas les bandes en dessous de 30 MHz (au-dessus de 10 m). Cf. cette carte du SWPC. Voir également les vidéos ci-dessus.

Ces éruptions sont visibles dans différentes raies spectrales, en particulier en UVE comme on le voit ci-dessus, en Hα et Ca II K où elles sont cependant un peu plus faibles mais toujours très brillantes. A l'occasion, on peut également observer une surbrillance en lumière blanche mais l'effet est peu visible, même pour la classe X comme on le voit sur la vidéo ci-dessus (HMI-Hi) de l'éruption de classe X9.3 du 6 septembre 2017. On peut l'anticiper si auparavant on a été informé de l'apparition d'une éruption chromosphérique, sinon dans un petit télescope on risque de la confondre avec un effet de la turbulence bien que l'éruption soit plus lente.

Dans le spectre radio, l'éruption de classe X9.3 du 6 septembre 2017 atteignit une densité de flux de 12000 sfu ou 1.2x108 Jy à 10.7 cm de longueur d'onde, soit 26 fois plus qu'une éruption de classe X2, avec des sursauts d'émissions radioélectriques de type II puis de type IV quelques minutes plus tard. A 12h12 TU, la vitesse du vent solaire atteignit 1962 km/s, une valeur rarement atteinte. Ce pic d'émission ne dura que 3 minutes.

A voir : Eruption de classe X9.3 du 6 septembre 2017 par SDO

Gros-plan sur l'éruption de classe X9.3 à 1700 Å

A consulter : Events of the solar flare of September 6, 2017, The Event Chronicle

A gauche, l'éruption chromosphérique de classe X9.3 apparue le 6 septembre 2017 dans la région active AR 2673 photographiée en Hα par Philippe Tosi avec une lunette Istar Optical de 204 mm f/10 équipée d'une Barlow 1.8x, d'un filtre PST de 1 Å et d'un filtre de réjection BF-15. Il s'agit du compositage de 20 images prises avec une caméra CCD Basler 1920-155. Au centre, une éruption de classe M6.5 dans la région AR 12371 enregistrée le 22 juin 2015 grâce au télescope solaire de 1.6 m (NST) de Big Bear. La résolution est <500 km soit ~0.7". Cliquez sur l'image pour lancer l'animation GIF de 30 MB. Document BBSO. A droite, le genre de "jam" ou parasites qu'on peut observer sur les images prises par SOHO lorsqu'une éruption de classe X ou une CME la touche de plein fouet comme ce fut le cas ce 14 juillet 2004 à 13h28 TU. Si ce genre d'incident se répète, cela peut endommager les circuits électroniques et mettre le satellite en panne.

Une éruption chromosphérique peut durer entre quelques secondes et plus d'une heure, les plus intenses diminuant progressivement en l'espace d'une demi-heure à quelques heures. Ces éruptions ont également une origine magnétique et se développent surtout dans les régions actives, c'est-à-dire dans les groupes de taches bipolaires en évolution, au voisinage de la ligne qui sépare les taches de polarités magnétiques opposées. Cette augmentation caractéristique de l'éclat de la surface s'explique en partie par l'augmentation de la densité de la matière à un niveau plus élevé de l'atmosphère, les champs magnétiques coronaux piégeant l'énergie radiante et thermique. On y reviendra.

Comment se forme une éruption chromosphérique ? Sous l'effet des champs magnétiques et des mouvements convectifs qui agissent sous la photosphère, la matière devient localement des milliers de fois plus dense. La pression qui en résulte a pour effet d'éjecter le gaz hors de la surface à des vitesses relativistes proches de la moitié de celle de la lumière. Les particules atomiques et les électrons piégées par ce confinement sont accélérées par le champ magnétique intense qui devient instable, forme des boucles et perce la surface.

A voir : La surface du Soleil comme vous ne l'avez jamais vue, SDO, 2010-2013

Un peu de pluie sur le Soleil (éruption de classe M7.7), SDO, 19 juillet 2012, 12h30

Tyger Bryte - l'éruption solaire du 25-26 octobre 2021, 171 Å, SDO (classes C9 et M1), Seán Doran

Le ballet d'une éruption de plasma (classe M9), 31 déc 2012

A gauche, une extraordinaire éruption de classe X5.7/B3 dont voici la vidéo à 195 Å (.QT de 6.6 MB) prise par TRACE qui s'est manifestée le 14 juillet 2000 à 10h03 TU au-dessus de la région active AR 9077. Un filament situé au centre a déstabilisé la région et s'est élevé au-dessus de la surface. Suite à cette éjection de matière portée à 1 million de kelvins, une arche magnétique s'est soulevée emportant la matière qui s'est lentement refroidie en retombant. L'image couvre 230000 x 170000 km; on alignerait 20 fois la Terre dans la longueur de la boucle ! Les caméras furent bombardées de protons lourds durant plus de 8 heures consécutives comme en témoignent les dernières images de la séquence vidéo enregistrée entre 9-18h TU (AVI de 2.5 MB). Cette éruption fut baptisée "Bastille Day". A droite, l'extraordinaire boucle de plasma apparue lors de l'éruption modérée de classe M7.7 le 19 juillet 2012 photographiée par SDO à 304 Å. Très spectaculaire, elle dura plus de 9 heures (voir la vidéo ci-dessus). On pourrait placer plus de 7 fois la Terre sous la plus grande arche ! L'évènement qui se déroulait dans la région active AR 1520 fut associé à une CME. Voici la photo et l'animation en time-lapse réalisées par Jean-Pierre Brahic le même jour. D'autres vidéos de cette éruption sont présentées sur le site de la NASA.

Pendant les éruptions, les électrons libres entrent en collision avec le gaz ambiant avec lequel ils doivent partager leur énergie cinétique. Si le champ magnétique coronal peut stocker une partie de cette énergie, au-delà d'un seuil critique l'énergie est libérée sous forme thermique ce qui explique pourquoi la matière de la chromosphère d'ordinaire chauffée à quelques milliers de degrés est portée à près de 20 millions de degrés dans la basse couronne. Cette phase très chaude engendre une importante quantité de rayonnements électromagnétiques, des rayons gamma, X, ultraviolets et des particules de forte énergie (protons et électrons) ainsi que des photons, la lumière vive que nous observons. Une certaine quantité d'électrons très énergiques parviennent jusqu'à la couronne où ils excitent les couches successives en émettant des ondes radios caractéristiques.

Dans le cadre des missions spatiales et principalement des missions lunaires et des activités extra-véhiculaires (EVA), ces éruptions chromosphériques sont très dangereuses pour les astronautes par l'intensité des rayonnement ionisants qu'elles véhiculent. Pour éviter tout risque d'irradiation ou de dommage génétique, les responsables du contrôle au sol ordonnent la suspension des activités spatiales durant quelques heures lorsqu'une éruption solaire majeure est annoncée.

A lire : Le mal de l'espace - Les radiations

Les niveaux d'énergie libérés par le Soleil

RAYONNEMENT SOLAIRE

INTENSITE

Energie :

< 1010 eV/nucléon

Composition :

0.01 - 0.1 % éléments Z >2

VENT SOLAIRE

 

Energie  :

< 4x103 eV/nucléon

Composition :

électrons, protons, hélions

ERUPTIONS SOLAIRES

 

Energie :

106 - 1010 eV/nucléon

Composition :

protons, hélions, ions lourds

Rappelons que dans les jours qui suivent une éruption chromosphérique, des protons, des ions lourds et des électrons libres arrivent sur Terre véhiculés par le vent solaire et pénètrent dans la magnétosphère à hauteur des pôles en y provoquant de brillantes aurores et des blackout radio. De telles manifestations, qui ne se produisent pas avec toutes les éruptions, perturbent la magnétosphère terrestre, générant des tempêtes géomagnétiques et induisent des surcharges sur les centrales électriques pouvant conduire à la coupure de tout un réseau électrique. Les éruptions chromosphériques comptent ainsi parmi les quelques phénomènes astronomiques pouvant directement perturber l'environnement terrestre.

A voir : A Decade of Sun, NASA/GSFC/SDO, 2020

Sun Dance in 4K, 2020 - Three Months of Sun in 4K, 2022, SDO/Seán Doran

Éruption d'une boucle de Hudson le 29 août 1992 (MPG de 540 KB)

Les éruptions chromosphériques se prolongent dans la basse couronne et peuvent occasionnellement provoquer des éjections de plasma plus ou moins violentes comme ici ou des éjections de masse coronale lorsque le champ magnétique devient instable suite à l'injection d'énergie de plus en plus élevée faisant exploser l'arche de plasma. Ci-dessus à gauche, une image prise en UVE à 171 Å d'une éruption de plasma de classe M8 survenue le 9 novembre 2000 (l'année du maximum du cycle solaire). Au centre, des boucles de plasma observées en 2009. Une séquence de cette éruption est présentée sur YouTube (séq.2:59). Documents TRACE. A droite, éruptions et boucles de plasma photographiées en UVE à 171 Å par SDO le 6 octobre 2017. Voir la vidéo sur YouTube. Ci-dessous, l'activité solaire en UVE à 171 Å photographiée par SDO en avril 2014. Voir la vidéo 4K ci-dessus (séq:21:00) préparée par Seán Doran.

Mais dans les années 1970, les astronomes ont découvert un autre phénomène solaire bien plus puissant qu'une éruption chromosphérique, la CME (Coronal Mass Ejection) ou l'éjection de masse coronale qui fait l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Du mythe de l’éruption solaire aux CME

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