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Le Soleil en rayons X

Photographie des trous coronaux près des pôles) montrant également les régions actives blanches) prise par les astronautes de Skylab en 1974.

Les régions froides de la couronne

Dans les années 1960, les astronomes ont photographié le Soleil en rayons X grâce à des fusées stratosphériques et cartographièrent sa surface au moyen du radiotélescope de Mills Cross, une antenne filaire "fan beam" installée à 40 km à l'ouest de Sydney en Australie. Ils découvrirent de grandes zones sombres à la surface du Soleil mais ils ne parvinrent pas à les identifer. C'est grâce à la mission Skylab et aux images en haute résolution prises par les astronautes entre 1973 et 1974 telle celle présentée à droite qu'on identifia correctement ces structures comme étant des "trous coronaux"[1].

Depuis ces premières observations, les missions spatiales SOHO, Yohkoh, TRACE dédiées à l'observation du Soleil de même que Chandra et NuSTAR ont révélé un tout autre Soleil en rayons X, spécialement dans la bande des rayons X peu pénétrants (SX) d'une fréquence comprise entre 3 et 300 PHz (pétahertz) correspondant à une énergie comprise entre 12.5 et 0.125 keV (le télescope SXT de Yohkoh travaille entre 0.25 et 4 keV).

Pendant les périodes calmes du cycle solaire, le Soleil émet avec une luminosité X d'environ 1027 ergs/s similaire à celle d'autres étoiles naines de type solaire (par ex. Rigil Kentaurus AB) mais au paroxysme de son activité il peut atteindre 1033 ergs/s ce qui devient problématique pour l'électronique embarquée à bord des satellites et la santé des éventuels astronautes en orbite. La Terre étant protégé par son champ magnétique et surtout par son atmosphère, les rayons X sont absorbés avant d'atteindre le sol et sont donc sans conséquence sur notre santé. Si ce n'était pas le cas, la planète serait probablement devenue stérile et désertique.

Aux fréquences des rayons X, la luminosité du rayonnement ne dépend plus de façon linéaire du nombre d'électrons émis, mais varie avec le carré du nombre d'électrons. Les émissions des régions actives du Soleil seront donc plus brillantes que dans le spectre visible. Ce rayonnement intense provient des régions basse et moyenne de la couronne en raison de leur haute température dépassant le million de degrés qui excite fortement les gaz.

Une étroite corrélation peut être établie entre les éruptions, les régions brillantes et les taches de la photosphère. Il est donc très utile de réaliser des clichés en Hα et des magnétogrammes et de les comparer aux clichés en rayons X et UVE. On découvre ainsi que toutes les régions actives bipolaires sont reliées en rayons X par des structures brillantes en forme de boucles. Elles sont légèrement plus chaudes et beaucoup plus denses que la couronne moyenne. Leur champ magnétique est d'environ 100 gauss et est orienté vers l'intérieur du Soleil plutôt que vers l'extérieur comme dans les trous coronaux. Entre ces deux extrêmes se situe les régions mal définies des zones calmes de la couronne.

A consulter : Le spectre électromagnétique

Hydrogène alpha

Magnétogramme à 854.2 nm

Ces images du Soleil prises les 3 et 4 août 2000 permettent aux spécialistes de mettre en corrélation l'intensité des champs magnétiques et l'activité des régions actives sur toute l'étendue du spectre. Ces études permettent de vérifier la cohérence des modèles numériques et d'améliorer les prévisions tant celles de l'activité solaire à proprement dite que ses interactions avec le milieu interplanétaire. Documents Big Bear Solar Observatory, NSO/Sacramento, Yohkoh et Nobeyama.

Rayons X

17 GHz

Lorsqu'on observe la surface du Soleil en rayons X lors des périodes calmes de son activité, on constate que celle-ci est couverte de façon homogène par des arches peu denses et diffuses qui semblent obéir à des structures magnétiques à grande échelle, indépendantes des régions actives. La surface du Soleil peut également être couverte de nombreux points brillants qui apparaissent puis s'évanouissent en quelques heures. Ils sont associés à des champs magnétiques bipolaires ponctuels très intenses qui créent une multitude de petites régions actives éphémères. La distribution de ces points est uniforme ce qui laisse à penser qu'ils ont une origine différente des taches et des éruptions.

Grâce au satellite japonais Yohkoh, les astrophysiciens solaires ont pu confirmer en 1995 que le rayonnement X de la couronne solaire suivait également les fluctuations du cycle solaire de 11 ans. Photographiée deux ans avant le minimum de 1997, la couronne solaire s’était déjà assombrie d’un facteur 30 par rapport à 1992. Entre le maximum et le minimum du cycle solaire, la surface solaire devient 100 fois plus sombre en rayons X.

Evolution de l'activité du Soleil en rayons X. A gauche, durant la seconde moitié du Cycle 22 entre 1991 et 1995. A droite, entre deux maximum des Cycles 22 et 23, entre août 1991 et septembre 2001. Documents NASA/Yohkoh.

Enfin, soulignons que le vent solaire transporte des ions lourds et notamment des ions d'oxygène fortement ionisés (O6+) qui sont capturés par le champ magnétique des planètes dont celui de Jupiter et de la Terre. Ainsi, observée par le satellite Chandra, la Terre rayonne légèrement en rayons X

Les trous coronaux

Les trous coronaux sont principalement visibles en rayons X mous et en UVE mais ils sont également visibles en infrarouge moyen, notamment dans la raie de l'hélium à 1083 nm dans laquelle on peut également étudier la chromosphère et la polarisation de la lumière pendant les éruptions de classe X.

Comment se forme un trou coronal ? Un trou coronal apparaît lorsque le champ magnétique du Soleil est ouvert sur le milieu interplanétaire (l'aiguille d'une boussole indique toujours la même direction où que l'on se trouve). Ce champ tourne autour du Soleil tel un corps solide, conforme en cela à son origine magnétique. A l'inverse, les régions où le champ magnétique se referme sous forme d'arches correspondent aux régions brillantes. Les points les plus brillants qu'on distingue sur les photos correspondent généralement au sommet des boucles magnétiques ou des arches.

Comme le champ d'un aimant est ouvert au-dessus de ses pôles, les trous coronaux sont présents en permanence autour des deux pôles du Soleil tandis que d'autres se dispersent sur le disque et descendent même jusqu'à l'équateur.

A gauche, un spectaculaire trou coronal photographié en UVE à 193 Å par le satellite SDO le 13 octobre 2015. Au centre, l'analyse de son champ magnétique par LMSAL. A droite, un trou coronal photographié le 8 mai 1992 grâce au télescope SXT du satellite Yohkoh. Documents NASA/SDO/AIA-LMSAL et NASA/Yohkoh.

Ces régions d'aspect très sombre sont en fait légèrement plus froides que la couronne bien que cela soit tout relatif. Ainsi, selon une étude publiée en 1998 dans la revue "Astronomy and Astrophysics" par le doctorant Christophe David de l'IAS de Paris et ses collègues, la température au niveau des trous coronaux en période calme d'activité varie entre 700000 et 1000000 K entre respectivement 1.05 et 1.16 R alors que la couronne calme est 400000 K plus chaude, pour retomber à 316000 K à 1.25 R alors que la température de la couronne moyenne continue d'augmenter et atteint plus de 3 millions de degrés à la même distance.

Les trous coronaux présentent une plus faible densité que la couronne moyenne et sont donc moins émissifs que le reste de la surface avec un champ magnétique moyen de seulement 10 gauss. Ces trous coronaux ont une durée de vie variant entre quelques semaines et quelques mois. Ne pouvant soutenir la pression coronale, cette perte d'énergie doit être équilibrée par une autre force : les trous coronaux offrent la particularité de générer le vent solaire, dans lequel on retrouve l’énergie cinétique manquante. Rappelons que le vent solaire constitue avec le champ magnétique les deux composantes de l’héliosphère sur laquelle nous reviendrons.

Image composite réalisée en 2015 montrant l'activité des trous coronaux en UVE à 171 Å où la couronne solaire est portée à 1 million de degrés photographiée par le satellite SDO (en rouge) et les éruptions X de forte énergie (2-3 keV en vert et 3-5 keV en bleu) photographiées par le satellite NuSTAR. Document NASA/SDO.

Ce vent solaire est constitué d'un flux d'ions d'hydrogène et d'électrons éjectés dans l’espace à plusieurs centaines de kilomètres par seconde par les éruptions chromosphériques. Les satellites d’observation ont découvert que la vitesse du vent solaire était deux fois plus élevée au-dessus des trous coronaux qu’ailleurs sur le limbe solaire et atteint 750 km/s. On le qualifie de vent solaire "rapide". Par comparaison, les "rafales" du vent solaire "lent" émises par les courants de la couronne associés à des champs magnétiques fermés se propagent à 375 km/s. Cette vitesse est constante tout au long de sa propagation.

Lorsqu'un trou coronal est face à la Terre, le vent solaire rapide nous parvient en l'espace de 48 à 55 heures. Il produit généralement une tempête géomagnétique faible à modérée (G1-G2) accompagnée d'aurores polaires quelques jours plus tard.

Pendant le paroxysme de l'activité solaire, les tempêtes géomagnétiques sont généralement le résultat des CME émises par le Soleil tandis qu'en période de faible activité solaire, ce sont les trous coronaux qui sont à l'origine de ces tempêtes géomagnétiques. Etant donné la durée de vie assez longue des trous coronaux, il est possible de prévoir ces perturbations géomagnétiques étant donné que le faisceau de particules balaie la Terre à chaque rotation solaire (à l'image du faiseau lumineux d'un phare rotatif).

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[1] C.Davis et al., "Measurement of the electron temperature gradient in a solar coronal hole", Astronomy & Astrophysics, 336, p.L90-L94, 1998 - R.A.Kopp et al., "Dynamics of coronal hole regions", Solar Physics, 49,1, pp.43-56, 1976 - A.S. Krieger et al., "A coronal hole and its identification as the source of a high velocity solar wind stream", Solar Physic, 29, 2, pp.505-525, 1973.


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