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Bisphère 2

Illustrations de l'Université d'Arizona

Sacrez fourmis (I)

A défaut de saisir les conditions d'émergence de la vie, les biochimistes et les écologistes ont cherché à comprendre quels étaient les mécanismes qui maintenaient la biosphère en état d'équilibre et s'il était possible de maintenir un "monde" vivant en circuit fermé. Leur idée était de trouver une solution à l'augmentation exponentielle de la population terrestre, à la disparition progressive des ressources naturelles et des problèmes liés à la pollution.

Aux Etats-Unis, dans le désert d'Arizona se trouve une immense pyramide de verre de 122000 m3 : c'est le projet Biosphère 2 géré par l'Université d'Arizona.

En entrant dans l'espace réservé à la forêt pluvieuse transplantée qui se développe de manière luxuriante à l'intérieur de l'immense serre de verre, Bernd Zabel, un "biosphérien" convaincu, déposa son ordinateur portable sur un rocher qui se couvrit rapidement de petits bestioles qui s'agitaient en tout sens.

"Sacrez fourmis" me dit-il. "La bonne nouvelle, c'est qu'elles ne mordent pas et elles dorment la nuit." Bernd Zabel est directeur de l'exploitation et de l'ingénierie à Biosphère 2. Ces fourmis exotiques précise-t-il, du nom scientifique de Paratrechina longicornus, n'ont jamais eu l'intention de dépasser leur Arche de Noé long de 30 m de long et occupant 1.27 ha. Et pour cause, il est scellé !

Construit à la fin des années 1980, Biosphère 2 a été financé par l'homme d'affaire texan Edward P. Bass, un mécène visionnaire passionné d'écologie qui offrit au centre une donation de 200 millions de dollars qui se concrétisa par la construction de ce laboratoire aux allures futuristes. Bass fut copropriétaire avec ses trois frères d'ExxonMobil jusqu'en 2017. Selon le magazine "Forbes", en 2022 la fortune personnelle d'Edward P. Bass était estimée à 2.5 milliards de dollars.

Vue générale du complexe Biosphère 2.

Welcome to Biosphere Two !

Le but de Biosphère 2 est de simuler la biosphère terrestre, les interactions entre tous ses composants, dans un monde artificiel, copie conforme de l'écosystème terrestre - Biosphère 1 -, mais isolé de l'extérieur et autosuffisant en eau et en nourriture.

Initialement son promoteur voulait déterminer si des hommes pouvaient survivre dans un environnement clos riche en énergie. Aujourd'hui Biosphère 2 abrite 3800 espèces animales et végétales - y compris quelques êtres humains - et reproduit les conditions de vie des principaux binômes terrestres; on y retrouve en miniature une forêt pluvieuse tropicale, un océan avec sa vie marine, un désert, une zone semi-désertique, des marais et une savane. Il contient également à une échelle réduite des communautés synthétiques (mésocosmes) isolées de récifs coralliens, de plantes et différents types de sols qui peuvent être étudiés en tant que véritables systèmes clos.

Biosphère 2 contient approximativement 170000 m3 d'air, 1500 m3 d'eau douce, 3800 m3 d'eau de mer et 17000 m3 de terre. Ce laboratoire représente encore aujourd'hui le plus vaste environnement de croissance contrôlé. Ce système fermé contient un taux élevé de gaz, d'eau et de nutriments gérés depuis une salle de contrôle annexe. Biosphère 2 respire, excrète, se réchauffe et se refroidit à partir d'une centrale d'énergie externe à la structure.

Le laboratoire peut fonctionner dans différentes "configurations" comprenant le système clos mais également des modes plus ou moins perméables et ouverts sur l'extérieur afin de simuler in vitro la réaction du milieu face à différents agents et influences extérieures.

Plans schématiques de Biosphère 2. A gauche, les différents modules. A droite, la circulation d'air.

Alerte à l'oxygène !

En septembre 1991 peu après son inauguration, Biosphère 2 annonça à grand renfort de médias qu'une équipe de 8 chercheurs s'étaient volontairement enfermés dans la serre pour une durée de 4 ans. Au bout de 2 ans, alors que Biosphère 2 "fonctionnait" et semblait bien à l'abri des vicissitudes du climat sous son toit de verre, les sondes ont enregistré une chute régulière du taux d'oxygène jusqu'à atteindre un seuil critique. C'était d'autant plus surprenant que les experts avaient plantés toutes une série de plantes grandes productrices d'oxygène.

Bernd Zabel qui passa six mois et demi dans l'enceinte scellée avec la deuxième équipe en 1994 se rappelle que "physiquement nous étions en très bonne santé. Nous étions minces, sans graisse avec une faible pression sanguine. Le problème est que nous nous sentions léthargiques."

La raison peut sembler contradictoire dans une enceinte contrôlée par ordinateur mais en réalité nos biosphériens vivaient à la limite de la suffocation !

Un chercheur analysant la réponse des plantes de la forêt pluvieuse à l'augmentation du taux de gaz carbonique.

Ainsi que chacun le sait, l'atmosphère terrestre contient 21% d'oxygène. En théorie, les plantes et les algues poussant à l'intérieur de Biosphère 2 ainsi que ses millions de litres d'océan devaient en produire une quantité comparable afin de maintenir le milieu en équilibre.

Après avoir longtemps hésité sur l'origine du phénomène, sa source fut identifiée : le sol absorbait l'oxygène. C'était le terreau, un milieu riche en éléments nutritifs et favorisant la croissance des plantes qui était également un environnement propice au développement des bactéries. Avides d'oxygène, elles s'étaient multipliées au détriment des autres espèces et avaient presque asphyxié toute la biosphère ! A l'époque de l'incident Zabel nous rappelle que le niveau d'oxygène tomba à 14.5%. "En dessous de 14% ajouta-t-il, vous pouviez mourir" (cf. cette illustration).

Dans le même temps la concentration de gaz carbonique s'éleva. En 2002, Zabel relevait sur son ordinateur une valeur de 571 ppm, à comparer aux 350 ppm qu'on pouvait mesurer à cette époque à quelques kilomètres du centre, dans les montagnes de Santa Catalina au nord de Tucson, AZ. La pression partielle de gaz carbonique était forcée mais elle permit aux scientifiques d'étudier l'influence du gaz carbonique auquel la planète devait faire face d'ici quelques dizaines d'années si nous ne maîtrisions pas nos émissions de gaz carbonique.

Pour que l'incident de 1994 ne se reproduise plus et afin que toutes les dispositions soient prises pour que l'on puisse mener des expériences scientifiques sérieuses, les chercheurs de l'Université d'Arizona ont découvert qu'il fallait au moins 10 ans pour que le carbone contenu dans le sol soit absorbé par les micro-organismes, jusqu'à ce que s'établisse un état d'équilibre. Ce n'est qu'une fois arrivé à ce stade que la biosphère serait autonome.

Aujourd'hui les sols riches en matière organique de Biosphère 2 sont employés dans l'agro-sylviculture et la forêt pluvieuse de sorte que des concentrations plus importantes de gaz carbonique apparaissent encore durant la nuit. Mais ce phénomène peut être réduit en utilisant des ventilateurs d'échappement.

En l'espace d'une décennie les teneurs en carbone et en azote se sont équilibrées et sont aujourd'hui comparables à un sol riche comme on en trouve dans les prairies américaines ou dans un sol fortement organique similaire à celui du sud-est des Etats-Unis. Ouf, le projet est sauvé !

Il n'empêche que la leçon de cette expérience est importante. Elle a fait prendre conscience aux scientifiques de la complexité de la biocénose et du peu de connaissances que nous avions des interactions qui s'y développent. Nous y reviendrons dans la conclusion.

Prochain chapitre

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