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La Terre, une planète fragile

Le climat sous influences (II)

Par climat on entend non pas la "météo du jour" mais l'ensemble des conditions météorologiques qui influencent une région. De manière globale, plusieurs facteurs influencent le climat :

- des facteurs astronomiques, liés au déplacement de la Terre et du système solaire dans l'espace

- des facteurs météorologiques, liés aux déplacements des masses d'air autour de la Terre

- des facteurs anthropiques, liés aux activités humaines.

Certains facteurs portent leurs effets loin dans l'avenir, à des échéances centenaires ou millénaires. Chaque facteur contient plusieurs sources perturbatrices ainsi que nous allons l'expliquer.

Les facteurs astronomiques

1°. Les oscillations périodiques de l'orbite terrestre. Ce n'est que depuis la fin du XIXe siècle et la théorie de Milanković notamment que nous savons que les périodes glaciaires sont le résultat des variations de l'orbite de la Terre associées à un changement de l'irradiance solaire (voir plus bas) et peut-être même au déplacement des masses continentales vers les régions polaires.

Pour ne pas alourdir ce paragraphe, nous verrons un peu plus bas que nous avons des exemples historiques aux quatre coins du monde où le réchauffement climatique qui suivit notamment la dernière période glaciaire a décimé des civilisations (le peuple de Nazsca, la civilisation de l'Oxus, les peuples du Sahara, de Mongolie, etc). Les conséquences furent tellement importantes qu'aujourd'hui encore ces contrées sont toujours désertiques.

SOHO surveillant l'activité solaire en H-alpha et UV. Document T.Lombry. Yohkoh surveillant l'activité solaire en rayons X. Document T.Lombry.

Les satellites SOHO et Yohkoh surveillant l'activité solaire en rayons X et ultraviolet. Documents ESA et T.Lombry.

2°. Les variations de l'irradiance solaire totale. Cette mesure, directe, de l'énergie totale reçue n'existe malheureusement que depuis les années 1980. Les variations à long terme ne peuvent expliquer que le réchauffement des 150 dernières années. L'IPCC et la plupart des climatologues s'accordent aujourd'hui pour reconnaître que le Soleil peut-être considéré comme le responsable du réchauffement qui s'est produit depuis 1950, contre 20-30% du réchauffement des 30 dernières années Sa contribution est donc significative. Il existe également une forte corrélation avec la longueur du cycle solaire et la température de surface. Un aperçu de cette influence est développé sur le site du WDC.

3°. Les variations de la quantité de rayonnement UV solaire affecte la couche d'ozone. Chacun de nous sait qu'il s'agit d'une partie très importante de notre atmosphère, lieu de réactions chimiques qui gouvernent le reste de l'activité de l'atmosphère; des variations à long terme modifieront la quantité d'ozone.

4°. Le champ magnétique solaire et le vent solaire, principalement sous la forme d'électrons et de protons issus du Soleil ont un effet protecteur sur tout le système solaire car ils forment une sorte de bouclier devant les rayons cosmiques constitués de particules énergiques issues du rayonnement des étoiles proches et des supernovae. Les mesures directes du champ magnétique sont réalisées depuis les années 1980.

A lire : L'indice Dow Jones et les taches solaires (sur le blog, 2009)

A gauche, corrélation entre le champ magnétique solaire et la variation de température sur Terre depuis un siècle. A droite, les variations climatiques depuis 4500 ans en relation avec les éruptions volcaniques (et dans une moindre mesure avec le cycle des taches solaires durant le Petit Âge Glaciaire). Certaines périodes de sécheresse ont conduit à la disparition de civilisations (Nazca, Oxus, en Mongolie, etc.). Selon les réanalyses du ECMWF (cf. Copernicus) faites depuis 1940, le mois de juillet 2023 fut le plus chaud jamais enregistré avec une moyenne mensuelle de 16.95°C, battant le précédent record de juillet 2019 (16.63°C). Documents WDC et Cliff Harris/Randy Mann/ECMWF adapté et tenu à jour par T.Lombry.

Si nous tenons compte des influences astronomiques, il s'avère que les rayons cosmiques modifient également le climat, conduisant soit à un refroidissement soit un réchauffant du climat en fonction de la couverture nuageuse :

5°. Le passage du Soleil dans les bras de la Galaxie est assez bien corrélé avec les époques glacaires. Telle est la conclusion à laquelle sont parvenus Douglas Gies et J.Helsel de l'Université d'Etat de Géorgie dans une étude publiée dans "The Astrophysical Journal" en 2005. Ils précisent qu'au cours des derniers 500 millions d'années, le Soleil a traversé 4 bras spiralés de la Voie Lactée dont les effets sont corrélés avec 4 chutes de température importantes sur Terre. Ce phénomène permet d'affirmer qu'une exposition prolongée à un taux élevé de rayons cosmiques associé aux bras spiralés peut conduire à une augmentation de la couverture nuageuse et à de longues périodes glaciaires sur Terre.

6°. Inversement, une corrélation a été établie entre les effets des rayons cosmiques et la quantité de nuages bas. Des chercheurs danois ont établi en 2001 que moins de nuages bas (cumulus, nimbus, stratus) produisent un effet de réchauffement climatique. Cette observation a été analysée au cours du XXe siècle et est comparable au réchauffement provoqué par l'effet de serre.

Seul le premier effet (irradiance) est inclu dans les modèles climatiques. Toutefois, quelques modèles de la circulation atmosphérique globale (MCG) tiennnent également compte de la température de l'atmosphère pour prédire le réchauffement futur ou passé du climat et ses effets indirects comme le changement de la durée du jour et de la période des marées.

Par conséquent, les effets indirects doivent être ajoutés aux effets directs et il est fort possible que les modèles numériques sous-estiment la vigueur du Soleil et ses effets. Le grand problème est qu'ils ne peuvent pas prédire ce que fera le Soleil demain (mis à part mes modèles des cycles de 11 et 22 ans mais dont la précision ne dépasse pas un cycle). Tous les spécialistes solaires des missions SOHO, Trace, SDO et autre Parker ont encore besoin de beaucoup plus de données pour expliquer les mécanismes physiques proposés qui se cachent derrière les effets indirects cités ci-dessus.

Les facteurs météorologiques

Enfin, le climat qui règne dans une région dépend bien entendu de l'influence des masses d'air, de leur pression, leur température, leur humidité, leur altitude et leur vitesse de déplacement. Il faut y ajouter l'effet temporaire mais parfois très perturbant des cataclysmes naturels, principalement des éruptions volcaniques décrites précédemment. Le sujet étant trop vaste et trop complexe pour être décrit en quelques lignes, reportez-vous au dossier sur la météorologie pour plus de détails.

En fait ce facteur météo est lui-même influencé à grande échelle par le facteur astronomique ainsi que par l'effet de serre dont la composante anthropique n'a cessé de croître depuis la révolution industrielle.

Rôle des océans et des landes dans la régulation du gaz carbonique

Les climatologues confirment que nous sommes actuellement dans une pause entre deux périodes glaciaires. Depuis 2.5 millions d'années, les glaciers ont périodiquement recouvert la Terre puis se sont retirés. Les scientifiques ont donc rassemblé des indices sur le fonctionnement de ce processus de glaciation et sur son déclenchement. Il est probable que des facteurs astronomiques comme de légers changements de l'orbite terrestre ont entraîné un refroidissement. Mais ce seul facteur ne suffit pas à modifier durablement le climat. En effet, il dût y avoir des changements importants dans le système climatique pour tenir compte de la glaciation qui suivit.

L'explication la plus plausible est qu'il y a eu un changement dans la façon dont le carbone s'est réparti entre l'atmosphère et l'océan. On ne sait pas encore exactement comment ces mécanismes s'articulent et s'harmonisent car les simulations sont en désaccord et aucune n'est tout à fait conforme aux archives géologiques dont disposent les scientifiques.

Image composite de la distribution globale de la photosynthèse (chlorophylle a) comprenant le phytoplancton océanique et les pigments chlorophylliens des végétaux terrestres relevés entre septembre 1997 et août 1998. Document SeaWiFS.

Certains scientifiques ont prétendu que rien ne démontrait l'origine anthropique des émissions de gaz carbonique et donc que l'homme était à l'origine de l'accentuation de l'effet de serre avec toutes les conséquences négatives de ce phénomène. Ils invoquent notamment le rôle des océans et des landes et leur capacité à émettre et dissoudre ce gaz.

Ainsi que nous allons le démontrer, leur remarque est partiellement correcte mais cet effet est largement couvert par les émissions liées aux activités humaines. En effet, la chimie de l'eau de mer consiste en un ensemble complexe d'équilibres faisant intervenir le gaz carbonique, des ions bicarbonates et carbonates, ainsi que les carbonates qui sont fabriqués par le plancton où déposés par l'érosion dans les sédiments sous forme de particules solides. Ce milieu est donc en équilibre avec la quantité de gaz carbonique contenu dans l'atmosphère et la pression de partielle de gaz contenue dans l'air dépend donc de la composition chimique des mers.

Selon ces scientifiques très minoritaires, rien ne prouve que la quantité de gaz carbonique contenue dans les océans n'a pas été libérée par un changement complexe dans le cycle du plancton, par la chimie de la surface des océans, par la circulation des courants abyssaux ou encore par le volcanisme...

On a toutefois pu démontrer que le taux de libération et de dissolution du gaz carbonique n’a pas été constant au cours de l’évolution; sa concentration n'est pas en équilibre[8]. Les océans modernes ont rapidement dissous le gaz carbonique alors qu’ils furent leur principale source durant l’ère interglaciaire. Dans le détail, alors que le gaz carbonique se concentre dans l'hémisphère nord, il est en même temps dissous dans les océans de l'hémisphère sud. Le problème vient donc d'ailleurs.

Il y a également la question du gaz carbonique qui disparaît au-dessus des landes. Celles-ci absorbent un bon tiers des dégazages de nos industries. Question importante : ce gaz carbonique va-t-il continuer à se dissiper, va-t-il saturer l'atmosphère ou augmenter durant ce siècle ?

Jusqu'à la fin du XXe siècle, on ignorait à quel taux disparaissait (dissout ou séquestré) le gaz carbonique terrestre, tant actuellement qu’à l'ère interglaciaire car il est toujours difficile de pister le CO2. Si la question de l'influence des terres sur la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère reste ouverte, comme nous l'avons expliqué page précédente, nous comprenons mieux le rôle des océans dans la régulation du taux de gaz carbonique présent dans l'atmosphère.

Les anomalies de la température

S'il est difficile de savoir si le gaz carbonique présent dans l'atmosphère provient ou non d'un processus naturel lié au cycle des océans ou des landes notamment, on peut utiliser une autre méthode pour déterminer son origine. Puisque gaz carbonique et effet de serre sont corrélés, demandons-nous quels sont les changements les plus récents de l'effet de serre ? La température de l'atmosphère de la Terre a-t-elle récemment changé, si oui depuis quand, et à quel taux ?

A consulter : ENZO Page

Température des océans et oscillations australes El Niño/La Niña

Anomalies annuelles de la température à la surface de la mer et des terres (gauche) ainsi que celle des eaux (droite), conséquences du changement climatique global qui se déroule sous nos yeux depuis le début du XXe siècle. Documents Crudata et GRIDA adaptés par l'auteur.

Comme l'indique les graphiques ci-dessus concernant les anomalies de la température à la surface des océans et des terres (gauche) et dans les eaux intermédiaires (droite), les climatologues ont constaté que les eaux et l'atmosphère se sont légèrement réchauffées vers 1880; elles sont refroidies entre 1900 et 1920 mais depuis les années 1960, la vapeur d'eau réchauffe l'atmosphère à raison de 0.2% chaque année. Sur ce point tous les scientifiques sont d'accord, sauf quelques lobbies défendant les énergies fossiles, les Républicains américains, la Chine et quelques États émergeants d'Asie et d'Afrique dont les vues à courts termes refusent de reconnaître l'évidence. Mais sans doute plus pour longtemps quand ils constateront impuissants que leurs plages ou leurs luxueuses villes balnéaires sont noyées sous les eaux, que les champs et les terres arables sont brûlées par le Soleil, que les réserves d'eau sont épuisées, que les rivières et leur beau jardin sont desséchés.

Depuis les années 1980, les analyses ont démontré que l'augmentation de la température de l'air et la modification des régimes climatiques n'étaient pas liées à des fluctuations naturelles mais à des facteurs anthropiques et de nombreuses données peuvent le démontrer.

Les variations climatiques depuis la Préhistoire

 Parmi les exemples emblématiques de l'influence du climat dont les hommes ont conservé le souvenir (ne fut-ce que sous la forme de gravures rupestres ou de ruines) et dont la terre porte encore les cicatrices remonte aux évènements climatiques survenus au cours des derniers millénaires.

Le Sahara

Le phénomène climatique le plus spectaculaire fut l'assèchement progressif du Sahara depuis 7.2 millions d'années. Au cours des temps, le climat du Sahara a fluctué entre un régime chaud et sec et un régime doux et humide. Ainsi, il y a 125000 ans, le Sahara était aussi vert et plus peuplé que nos forêts. Puis, il y a 22000 ans le Sahara est devenu un désert de sable aride similaire à aujourd'hui.

Ensuite, son climat s'est adouci durant le Néolithique. Il y a 14000 ans, la limite sud-est actuelle du Sahara est remontée jusqu'au Tropique du Cancer et 1000 ans plus tard la limite sud-ouest remonta à son tour. Au total, la surface désertique s'est réduite de 50% par rapport à sa superficie actuelle.

Le Sahara connut ensuite deux périodes humides : l'Holocène humide (Grand Humide) entre 14000 et 8000 ans et l'Humide Néolithique entre 7000 et 4000 ans durant lesquelles le Sahara était couvert de steppes et de savanes ainsi que d'immenses lacs et traversé par de nombreux fleuves et rivières où venaient s'abreuver lions, éléphants, rhinocéros et girafes tandis que les eaux abritaient des crocodiles et des hippopotames. Entre ces périodes, le climat du Sahara est devenu sec et aride.

A lire : Chimie atmosphérique et climat (PDF), G.Brasseur/MPI

A gauche, distribution des régions humides en Afrique du Nord durant l'Holocène (<10000 ans). Aujourd'hui, à part quelques oasis et lacs (par ex. le lac Oum El Ma dans le sud de la Libye), tout est désertique. A droite, illustration de l'extension maximale à la fin de la dernière glaciation (~7000 ans) du lac Méga-Tchad (dont il ne reste que le lac d'Ounianga Serir) et du lac Congo (dont il ne reste qu'un fleuve). Documents Nick Drake/King's College London et T.Lombry.

Il y a 18000 ans et jusqu'à l'Holocène (<10000 ans), le Sahara contenait au moins 15 grands lacs de plus de 100 km de longueur dont le lac Méga-Tchad au Tchad, Megafezzan en Lybie et le Méga lac Chotts en Tunisie. Comme on le voit ci-dessus à droite, il y a environ 7000 ans le lac Méga-Tchad atteignit son taille maximale avec une superficie estimée à 400000 km2 soit supérieure à celle de mer Caspienne de nos jours. Le Sahara devint comparable à aujourd'hui il y a environ 4500 ans.

Ces variations climatiques eurent un impact important sur toutes les formes de vie sahariennes. Progressivement, les rivières et les lacs se sont asséchés, se transformant en oueds puis en désert. Les animaux de la savane se sont repliés vers les plaines puis les plateaux, avant de disparaître.

Les derniers animaux ayant disparu furent les girafes et les lions, ne laissant aujourd'hui que quelques rares crocodiles dans les refuges que constituent les petits lacs de montagnes et des poissons prisonniers dans quelques lacs perdus en plein désert comme les lacs d'Ubari en Lybie. La faune de la savane fut remplacée par des animaux adaptés au désert, capables d'économiser l'eau et de se protéger des chaleurs excessives comme le dromadaire, le fennec, la gazelle doncas, l'addax ainsi que quelques reptiles et insectes, y compris les arachinides comme les scorpions.

Les homme ont peuplé le Sahara durant des milliers d'années et nous ont laissé des peintures et des gravures rupestres témoignant que le climat d'alors permettait le développement d'une faune abondante d'herbivores et de carnivores ainsi que d'oiseaux et de poissons. Mais dès que la chaleur est devenue suffocante et que le sable a envahi leurs champs et asséché les points d'eau, le combat face aux éléments était perdu d'avance et comme cela s'est produit en d'autres lieux de la planète (Moyen-Orient, Mongolie, Andes, etc), les hommes quittèrent leurs terres pour ne plus jamais y revenir.

Aujourd'hui, le climat du Sahara est tellement hostile que ses 2 millions d'habitants sont regroupés dans les seules régions où l'air est plus frais et l'eau disponible. Il s'agit des régions montagneuses du Hoggar (Mali), du Tassili n'Ajjer (Algérie) et de l'Aïr (Niger) où l'on retrouve de nombreuses peintures rupestres remontant à la fin du Néolithique. Les populations ont également peuplé les oasis de Ghardaïa, Tamanrasset et Souf en Algérie, Sebah, Ghadamès, Mourzou et Koufra dans la région lybienne de Feezan ainsi que Kattara et Baharieh en Égypte. Tout le reste a été abandonné au sable et aux vents du désert.

A gauche, carte géomorphologique de l'ancien lac Megafezzan en Lybie d'une superficie d'environ 130000 km2. Comme on le voit au centre, aujourd'hui cette région est désertique, recouverte de sédiments et de calcaire. A droite, carte topographique (SRTM DEM) de la péninsule du Sinaï obtenue par radar qui permet de découvrir le réseau de drainage issu du wadi El-Arish (les affluents dans le bassin versant sont indiqués en blanc). Documents Nick Drake/King's College London et Google Earth/Maps et Radarsat-1/SRTM.

Même phénomène s'assèchement dans la péninsule égyptienne du Sinaï dont on voit une carte topographique ci-dessus à droite. Cette extension du Sahara est l'un des déserts les plus secs de la planète, mais il n'en fut pas toujours ainsi. Des preuves géologiques indiquent que le Sahara oriental a subi des fluctuations climatiques d'épisodes humides et secs au cours des deux à trois derniers millions d'années, le dernier cycle humide majeur ayant eu lieu il y a entre 9500 et 4500 ans. Le wadi El-Arish est l'une des rivières éphémères qui étaient actives pendant ces phases humides, bien que les affluents de wadi El-Arish soient actuellement secs, canalisant la crue soudaine vers le nord sur le plateau carbonaté central du Sinaï, vers la mer Méditerranée à la ville d'El-Arish. Bien que le nord-est du Sinaï reçoive la plus grande quantité de précipitations de toute l'Égypte (~304 mm/an), le manque de ressources en eau douce continue d'entraver le développement durable dans le Sinaï.

De nos jours, le wadi El-Arish représente le plus grand bassin versant du Sinaï et recueille plus de 60% des précipitations de la péninsule et représente pour l'avenir un lieu susceptible d'être exploité dans le cadre de l'agriculture durable (cf. l'étude publiée dans la revue "Geomorphology"en 2013).

Le second évènement climatique majeur remonte a seulement 2000 ans. C'est l'impact des inondations de la Mer Noire et de l'aridification de l'Asie Mineure sur le cours du fleuve Oxus rebaptisé Amu Darya et les civilisations qui en vivaient.

La civilisation de l'Oxus

Dans les années 1950, les archéologues découvrirent au Turkménistan, à 70 km au nord de Mary, la cité impériale de Gonur (Gonur Tepe) qui fut bâtie environ 1800 ans avant notre ère, soit 1500 avant Alexandre Le Grand (~350 avant notre ère).

Gonur abritait l'une des civilisations les plus avancées de l'Âge de Bronze mais aussi l'une des moins connues. De l'ampleur des grandes cités d'autrefois de la vallée de l'Indus, Gonur a prospéré durant 5 siècles puis a soudainement disparu. On sait aujourd'hui qu'elle fut victime du changement climatique extrême qui modifia le cours de l'Oxus.

Les régions d'Asie Mineure et Centrale entre la mer Noire, la mer Caspienne et la mer d'Aral qu'évoquent Homère dans "Patrocle" et que conquit l'armée d'Alexandre le Grand entre 334 et 323 avant notre ère. Document T.Lombry adapté de Google Earth.

A ce propos, on peut s'étonner que les Anciens Grecs de l'époque du mythe de "Patrocle" d'Homère au VIIe siècle avant notre ère, puis Alexandre le Grand, roi de Macédoine et dont l'Empire s'étendit de l'Egypte à l'Indus évoquent l'Oxus et le qualifie de plus grand fleuve du monde. A l'époque, il s'agissait de la voie la plus rapide reliant la Grèce à l'Orient et par laquelle transitaient une bonne partie du commerce entre l'Asie et l'Occident (l'autre voie passant par la mer Rouge et la Mésopotamie).

Cette voie fluviale commençait au nord de la mer d'Azov et reliait la mer Noire à la mer Caspienne. Le relai était ensuite assuré par l'Oxus (l'Amu Darya) puis l'Indus jusqu'en Inde.

Aujourd'hui, dans la partie est de cette région située au nord du Caucase qui s'étend de Rostov-sur-le-Don (Rostov-na-Donu) situé à l'est de la mer Noire à Astrakhan au nord de la mer Caspienne (cf. Google Maps) ne coule aucun fleuve de cette ampleur. En revanche, comme on le voit ci-dessous à gauche, on trouve une zone très fertile qui s'étend sur 1500 km comprenant une série de lacs ainsi que deux grands fleuves, le Don et la Volga, cette dernière débouchant en delta au nord de la mer Caspienne. A l'est de celle-ci, il n'y a plus qu'un désert à perte de vue et une mer d'Aral pratiquement asséchée et vouée à disparaître.

Pourtant Homère et Alexandre le Grand ont bien rapporté l'existence d'un grand fleuve. Comme illustré ci-dessous à droite, l'Oxus s'étendit sur 2500 km depuis la mer d'Aral vers les frontières actuelles du Turkménistan, de l'Ouzbékistan et de l'Afghanistan. Où est-il passé ?

Les experts en hydrologie, des océanographes et des archéologues ont exploré l'Asie Mineure en quête de preuves pouvant corrober les récits historiques.

Ils ont découvert qu'il y a 15000 ans, quelques milliers d'années après le maximum glaciaire, suite au réchauffement climatique, le niveau de la mer Noire descendit de 120 mètres par rapport à son niveau actuel. Puis, il y a environ 9000 ans, suite à la fonte des glaciers, épisodiquement les fleuves alimentant la mer Noire connurent des débâcles catastrophiques. Il y a environ 7500 ans, suite à la montée du niveau des mers, la mer Noire s'est remplie d'eau salée et finit par déborder et inonder toutes les plaines avoisinantes. Toutefois, l'ampleur de cet évènement est controversé. On y reviendra à propos de l'origine des récits mythologiques mésopotamiens et leur lien possible avec le Déluge biblique.

Ensuite, vers 3000 ans avant notre ère, la mer d'Aral atteignit sa plus grande extension avec un niveau 60 mètres plus haut qu'aujourd'hui et s'étendit jusqu'au lac Sarygamysh (Sary Kamysh). Ses eaux s'écoulaient vers la mer Caspienne par l'intermédiaire du fleuve Ouzboï.

A l'époque le climat était beaucoup plus chaud et humide, les fleuves présentant un débit jusqu'à trois fois plus élevé qu'au début du XXe siècle; ils véhiculaient 150 km3 d'eau par an.

A partir de 2200 avant notre ère, une sécheresse sévit en Méditerranée et au Moyen-Orient durant 300 ans mais laissant localement des terres arides bien plus longtemps.

En 1993, l'archéologue Harvey Weiss de l'Université de Yale et ses collègues publièrent un article dans la revue "Science" dans lequel ils décrivent la découverte à Tell Leilan, en Syrie, d'une couche de limon datant de 2200 ans avant notre ère soufflée par un vent si stérile qu'il n'y avait pratiquement aucune preuve de vers de terre actifs à cette époque antique. La sécheresse frappa lorsque l'empire akkadien dominait la Mésopotamie (entre ~2334 et ~2083 avant notre ère). En 2150 avant notre ère, l'empire avait disparu; l'autorité centrale s'était désintégrée, et beaucoup d'habitants quittèrent la région.

A gauche, sur ce sceau cylindre du cinquième roi Sharkalisharri de la dynastie d'Akkad (2340-2200 avant coule de l'eau ainsi que des buffles, signé le scribe Ibni-sharrum. Cela remontre à peu près à l'époque où une sécheresse toucha l'empire akkadien. A droite, vue aérienne des fouilles à Tell Leilan en Syrie qui ont révélé des signes de sécheresse survenues 2200 ans avant notre ère qui forcèrent les habitants à abandonner la ville. Documents The Art Archive/Shutterstock et H.Weiss/Yale University.

Du temps d'Homère, au VIIIe siècle avant notre ère, de grands fleuves comme le Faz s'étaient déjà taris et Patrocle dut trouver une autre voie pour le conduire en Orient. Aujourd'hui l'Ouzboï situé au nord de l'actuel Turkménistan est lent et sa largeur ne dépasse pas 100 mètres. Il ne ressemble pas au fleuve dont parlent les Grecs qui était au moins dix fois plus large.

Selon les Anciens Grecs, les marchands naviguaient de la mer Caspienne jusqu'à l'Oxus, soit sur près de 500 km. Et de fait jusqu'au VIIe siècle avant notre ère, il existait une importante connexion fluviale mais aujourd'hui cette région est totalement désertique. La cité afghane de Balkh notamment située au sud de Termez en  Ouzbékistan se trouvait au bord des rives de l'Oxus alors qu'aujourd'hui elle est en plein désert à 62 km au sud du fleuve.

De nos jours, sur le territoire de l'ancien royaume gréco-bactrien, les actuels Turkménistan et Afghanistan situés au sud-est de la mer Caspienne, on ne trouve que des ruines d'anciennes cités parfois totalement rasées, mais surtout du sable à perte de vue, des puits et des aqueducs à sec et des reliefs sédimentaires.

Depuis 2300 ans, le climat de l'Asie Centrale a subi un changement majeur qui a transformé radicalement des paysages verdoyants, une économie florissante et tout un empire en cités fantômes et un désert à perte de vue.

A cette époque, des cités fortifiées comme Bactres, "la mère des cités", située à 75 km au sud de l'Oxus, pouvait abriter plusieurs dizaines de milliers d'habitants et sa culture rayonnait de la Grèce jusqu'en Inde.

A voir : Bactra : the Mother of all Cities, D.Adams, 2013

A gauche, l'Asie Centrale à l'époque de la civilisation de l'Oxus (2400-1500 avant notre ère) avec les principales cités antiques dont la capitale Bactres et la localisation probable de la cité d'Alexandrie de l'Oxus (Aï Khanoum) fondée après le passage d'Alexandre le Grand vers 319 avant notre ère au confluent du fleuve Amu Darya (Oxus) et de la rivière Kokcha. De nos jours, toute cette région est en grande partie désertique et les cités antiques sont à l'état de ruines ou furent totalement détruites. A droite, les berges de 80 mètres de haut de l'ancienne mer intérieure (aujourd'hui réduite au lac Sarygamysh) située dans le désert du Kara-Kum au nord du Turkménistan qui étaient très fréquentées il y a plus de 2000 ans. En voyant son état actuel, on réalise à quel point un extrême climatique peut être destructeur au point d'anéantir un empire ! Documents T.Lombry adaptés de Google Maps et David Adams.

Les reliefs sédimentaires que l'on voit ci-dessus à droite se situent dans le désert du Kara-Kum (dont le lac du même nom est pratiquement à sec) situé entre la mer Caspienne et l'Amu Darya. Ces falaises s'élèvent à 80 mètres de haut et s'étendent sur des dizaines de kilomètres comme un mur surplombant une vallée sèche où la chaleur du Soleil dépasse 40°C à l'ombre. Ici les températures varient entre +52°C en été et -40°C en hiver !

A priori anodins, il s'agit en fait des vestiges des berges que certains ont d'abord prises pour celles d'un fleuve majestueux avant d'y reconnaître grâce aux photos satellites les berges de la mer intérieure qu'évoquent les Anciens Grecs, aujourd'hui réduite au lac Sarygamysh, qui était très fréquentée du temps d'Alexandre le Grand.

Ailleurs, on trouve des douves protégeant d'anciennes cités Perses et même un grand puits profond de 30 mètres et large de 10 mètres mais aujourd'hui à sec prouvant que l'eau était abondante et l'importance des populations dans cette région il y a 2000 ans et jusqu'au XVIIe siècle.

La seule trace qu'il reste de la splendeur de l'Oxus se réduit au fleuve Amu Darya (Amou Daria) qui sépare le Turkménistan de l'Afghanistan. Il coule encore sur plusieurs centaines de kilomètres entre Termez et Khiva notamment et localement ses rives sont séparées de 500 à 800 mètres mais il n'a plus la puissance qu'il avait il y a 2000 ans. Son débit est si faible qu'il est en partie canalisé, alors qu'il coulait à plein débit du temps d'Homère et d'Alexandre le Grand.

La sécheresse mondiale d'il y a 4200 ans n'a jamais eu lieu

Après son étude sur le climat dans l'antique empire Akkadien d'il y a 4200 ans, l'archéologue Harvey Weiss précité compila des archives climatiques du monde entier, un travail qui lui prit une dizaine d'années. Il finit par être convaincu que la sécheresse survenue vers 2200 avant notre ère n'était pas confinée à la Mésopotamie, mais qu'elle eut des effets dans le monde entier.

Selon Weiss, l'empire akkadien n'aurait pas été la seule société complexe qui fut perturbée ou renversée par ce changement climatique : "Nous avons la Mésopotamie, le Nil, la mer Égée et la Méditerranée jusqu'en Espagne". Dans tous ces endroits, il y a environ 4200 années de preuves d'un assèchement du climat, de l'effondrement des autorités centrales et de personnes se déplaçant pour échapper aux zones nouvellement arides. Il conclut qu'une sécheresse d'ampleur mondiale sévit vers 2200 ans avant notre ère, atteignant même les Amériques. Selon Weiss, les preuves s'étendent "du Colorado au Massachusetts et le long de la colonne vertébrale ouest de l'Amérique du Sud et même au Brésil".

La sécheresse survenue vers 2200 ans avant notre ère acquit un statut officiel en 2018, lorsque la Commission Internationale de Stratigraphie reconnut les preuves géologiques de l'évènement dit de "4.2 ka BP" comme le début du Méghalayen. Pour marquer le début de cet âge, la Commission a choisi un enregistrement du climat passé contenu dans une stalagmite de la grotte de Mawmluh située dans la région de Meghalaya au nord-est de l'Inde. Cette décision mit en évidence des problèmes sous-jacents aux méthodes de datation.

Selon Nick Scroxton, paléoclimatologue à l'Université de Maynooth en Irlande, "Il est assez concluant que l'évènement de 4.2 ka existe en Méditerranée". Dans deux articles publiés en 2020, il confirme que la sécheresse toucha certaines parties du Moyen-Orient, l'Afrique du sud-est et l'arc circum-Indien, mais il considère que les preuves dans les autres régions du monde ne sont " pas concluantes".

Les évènements climatiques majeurs (conditions humides, inondations, sécheresses et tempêtes de poussière/sable) répertoriés dans le monde, respectivement vers 4400 ans BP (à gauche, par J.Wang et al., 2016) et vers 4200 ans BP (à droite, par B.Railsback et al., 2018).

Actuellement, la plupart des paléoclimatologues se rallient à l'avis de Scroxton et considèrent que les preuves de la sécheresse survenue il y a environ 2200 ans avant notre ère sont limitées à la Méditerranée et à l'Asie du Sud. Selon Selon Kathleen Johnson, paléoclimatologue à l'Université de Californie à Irvine, "Ce n'était pas un évènement mondial".

Le géochimiste Bruce Railsback de l'Université de Géorgie à Athens, aux Etats-Unis, rappelle que les marges d'erreur sur des évènements couvrant des siècles sont communes dans les études des archives géologiques de cette période. En conséquence, certains changements climatiques qui se sont produits des siècles avant ou après 4200 ans BP ont été considérés comme des preuves de la sécheresse de 4.2 ka. Mais les preuves relevées dans des stalagmites de Madagascar et du nord-est de l'Inde précitée nous ont apporté une meilleure résolution spatiale et nous donnent une autre image du climat régnant à cette époque. Ainsi, dans un article publié dans la revue "Quaterly Science Reviews" en 2018 il confirme que "l'évènement de 4.2 ka BP est en fait survenu il y a 4.07 ka BP". Quand on sait que certaines sécheresses régionales durent moins de 300 ans, une erreur d'interprétation est vite commise.

La plupart des climatologues sont en effet profondément sceptiques sur l'extension mondiale de la sécheresse de 4.2 ka BP. Selon Johnson, " Il n'y a vraiment pas beaucoup de preuves que cela eut de grands impacts en Amérique du Nord". Elle ajoute qu'en général, l'hémisphère sud est sous-échantillonné, de sorte que les chercheurs n'ont pas une image claire de la façon dont le climat y a changé.

Selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2021 par l'équipe de Dagomar Degroot, historien de l'environnement de l'Université de Georgetown à Washington DC, on sous-estime la faculté des sociétés à s'adapter à un changement climatique. Les auteurs ont identifié cinq voies par lesquelles les sociétés antiques ont survécu aux crises climatiques - par exemple, en passant à des régimes riches en viande lorsque les récoltes de céréales sont devenues peu fiables.

Selon la géoarchéologue Monica Bini de l'Université de Pise, "on ne peut pas affirmer qu'il y a un lien causal simple entre les changements climatiques et les perturbations sociétales".

En revanche, ce lien causal se confirme depuis la fin du XXe siècle. Le problème du réchauffement climatique est devenu l'affaire de tous, en commençant par les dizaines de millions de réfugiés de l'environnement qui tentent leur chance dans les pays épargnés, y compris en Occident. On y reviendra (cf. page 4).

Autres changements climatiques

On a du mal à croire que quelques degrés de plus ou la disparition d'un fleuve ou d'une mer intérieure suffisent à assécher tout un pays et peuvent anéantir une civilisation en moins de 2000 ans. Pourtant, nous en avons les preuves sous les yeux ! Des changements climatiques similaires se sont produits au cours des quatre derniers millénaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, en Asie centrale (Mongolie) et sur la côte ouest de l'Amérique du sud (Nazsca), conduisant parfois des peuples entiers à l'extinction, sans oublier le réchauffement climatique que subit l'Europe à l'époque médiévale.

Ces paysages majestueux mais désertiques et balayés par les vents nous rappellent qu'aussi puissante soit une civilisation, son économie est tributaire du climat et qu'il est prudent de le ménager.

Si ces changements eurent des effets dévastateurs alors qu'ils étaient naturels, à quoi devons-nous nous attendre dès lors que les changements climatiques sont en grande partie d'origine anthropique et beaucoup plus rapides ? Comme on peut le supposer, ils risquent d'être dramatiques. Un seul exemple vaut tous les discours.

L'Aralkum, au Kazakhstan, est le plus jeune désert du monde créé par la maladresse des hommes. A cet endroit, se trouvait la mer d'Aral, la 4e mer intérieure du monde dont il ne subsiste que quelques traces à l'horizon. Ce désert est le résultat de la politique agricole du gouvernement soviétique qui décida en 1960 d'irriguer les champs de coton du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan. Entre 1960 et 2000, la mer d'Aral perdit plus de 90% de sa superficie. Aujourd'hui l'ancien fond marin est couvert de sable et de pesticides. Document D.R. restauré par l'auteur.

Au XXe siècle, en moins de 40 ans (entre 1960 et 2000), l'homme est parvenu à créer un désert : l'Aralkum, suite à l'assèchement de la mer d'Aral située à cheval entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Aujourd'hui, dans cette région qui n'est plus soumise au doux climat tempéré engendré par la mer intérieure, les températures varient entre -35 et +49°C à l'ombre, elle est balayée par des tempêtes et des tornades de sable et le sol est pollué par les pesticides. Les politiciens en ont-ils tiré la leçon ? En partie seulement car grâce à un financement de la Banque Mondiale, le gouvernement essaye tant bien que mal de préserver ce qui reste de l'ancienne mer d'Aral voire de la réalimenter. Le projet est en bonne voie. On y reviendra à propos de l'impact de l'homme sur l'eau.

Les facteurs anthropiques

L'évolution du climat dépend notamment de paramètres variables comme les fameux gaz à effet de serre (GES) rejetés dans l'atmosphère par les activités humaines, même si une fraction de ces gaz proviennent de réactions naturelles mais celles-ci n'affectent pas aussi rapidement la température de l'air que l'activité anthropique.

De manière indirecte, en augmentant notamment la température de l'air, la quantité de vapeur d'eau dans l'atmosphère et en favorisant certaines réactions physico-chimiques, les gaz à effet de serre influencent le système thermodynamique de l'atmosphère et donc le climat, tant à l'échelle locale que globale, d'où l'importance que requiert sa surveillance.

Parmi les principaux gaz à effet de serre, c'est le dioxyde de carbone, le fameux gaz carbonique, qui s'attribue l'essentiel des effets, d'autant qu'il est émis en masse (1367 tonnes/s en 2019) et que son temps de résidence peut atteindre 150 ans. Le sujet étant préoccupant, nous y reviendrons en détails dans l'article consacré à l'effet de serre.

A lire : L'effet de serre

L'influence humaine sur les extrêmes climatiques

Chacun a pu constater depuis la fin du XXe siècle que dans certaines régions les précipitations sont plus fréquentes et plus intenses, que les inondations sont plus nombreuses et touchent des zones jusqu'ici épargnées, que les plages disparaissent noyées sous les eaux, qu'il y a plus de canicules et de feux de forêts avec leurs lots de catastrophes socio-économiques quand ils n'emportent pas des vies. Les derniers extrêmes climatiques battent systématiquement et largement les records précédents. Ces évènements ont souvent des impacts importants en raison d'une tendance naturelle des humains à s'adapter aux intensités les plus élevées.

Carte des anomalies de la température au sol (haut) et au niveau 500 hPa (en bas) durant les canicules estivales. Les anomalies sont calculées relativement à la période 1986-2005. Documents E.M. Fischer et al. (2021).

Certains critiquent nos élus qui soi-disant acceptent des constructions en zones inonables ou qui n'assureraient pas une bonne gestion des forêts ou du littoral. Or certains sinitrés vivent dans des zones qui n'ont jamais connu d'inondations. D'autres subissent des feux de forêts dans des endroits qui n'ont jamais brûlé depuis plus d'un siècle.

S'il y a effectivement parfois des villages bétonnés qui canalisent l'eau des fleuves ou qui dévale des champs et des collines et finissent par noyer les habitations en aval sous plusieurs mètres d'eau, s'il y a des pyromanes qui s'amusent à bouter le feu aux pinèdes en été ou des touristes imprudents qui n'éteignent pas leur mégot ou les feux qu'ils allument dans les sous-bois, ce ne sont pas les seules raisons qui expliquent ces évènements qui se répètent à travers la planète.

Les climatologues confirment que la probabilité d'intensification des précipitations et des fortes chaleurs et plus globalement des extrêmes climatiques ont augmenté et augmenteront encore en raison des effets anthropiques.

Dans une étude publiée dans la revue "Nature" en 2021, Gavin D. Madakumbura de l'UCLA et ses collègues ont étudié l'influence anthropique sur les précipitations extrêmes sur la période 1982-2015. L'intensification des précipitations et de son lot d'inondations apparaît clairement dans les modèles climatiques sous forçage anthropique. Paradoxalement, elle est très difficile à détecter dans les données observationnelles en raison d'une grande variabilité interne qui fausse ce signal anthropique.

Jusqu'à présent, l'effet de l'influence humaine sur les précipitations extrêmes n'avait pas intégré l'incertitude du modèle et fut limitée à des régions spécifiques et à des ensembles de données locales. En utilisant des méthodes informatiques d'apprentissage automatique qui peuvent rendre compte de ces incertitudes et capables d'identifier l'évolution temporelle des modèles spatiaux, Madakumbura et ses collègues ont trouvé "un signal anthropique physiquement interprétable qui est détectable dans tous les ensembles de données observationnelles mondiales". L'apprentissage automatique a permis de révéler plusieurs sources de preuves soutenant la détection d'un signal anthropique dans les précipitations extrêmes mondiales.

Dans une autre étude publiée dans la revue "Nature" en 2021 ( et en PDF), E.M. Fischer de l'ETH Zurich et ses collègues ont étudié les prédictions d'extrêmes climatiques entre 2021 et 2080. Selon les auteurs, "les modèles projettent non seulement des extrêmes plus intenses, mais également des évènements qui battent les records précédents par des marges beaucoup plus importantes. Ces extrêmes records, presque impossibles en l'absence de réchauffement, devraient se produire dans les prochaines décennies".

 Evolution des anomalies maximales de la température. En deux mots, les extrêmes climatiques et notamment les canicules et leurs effets empirent. Selon les experts du GIEC (IPCC), si rien de change, cela s'aggravera fortement entre 2050-2100. Documents E.M. Fischer et al. (2021).

Les prédictions montrent que la probabilité que ces extrêmes se produisent dépend du taux de réchauffement, plutôt que du niveau de réchauffement global. Dans les scénarios à fortes émissions, des canicules records d'une semaine sont deux à sept fois plus probables sur la période 2021-2050 et trois à 21 fois plus probables sur la période 2051-2080, par rapport aux trois dernières décennies. Les checheurs estiment qu'entre 2051 et 2080 de tels événements se produiront environ tous les 6 à 37 ans quelque part aux latitudes moyennes nord.

A présent que nous savons ce qui nous attend d'un point de vue climatique si nous ne changeons pas notre style de vie, voyons concrètement quelles sont les conséquences de ces changements climatiques à long terme dont les effets sont déjà visibles aujourd'hui et sonnent comme autant d'alertes qu'il est grand temps de prendre au sérieux.

Prochain chapitre

Les conséquences à long terme

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