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Uranus, le père de Saturne Les anneaux (II) Le 10 mars 1977, le laboratoire d'astronomie embarqué à bord de l'Observatoire Kuiper de la NASA (KAO) détecta la présence d'un système d'anneaux autour d'Uranus. A la faveur de l'occultation de l'étoile SAO 158687, J.Eliott découvrit 9 anneaux très étroits autour d'Uranus, situés à une distance comprise entre 17000 et 25000 km au-dessus des nuages de la haute atmosphère. Depuis deux nouveaux anneux ont été découverts, dont l'un se situe à 14000 km de la couche de nuages. Comme illustré plus bas, par ordre d'éloignement, ils ont été dénommés 1986U2R/Zeta, 6, 5, 4, Alpha, Beta, Eta, Gamma, Delta, Lambda, Epsilon, Nu et Mu. Certains anneaux paraissent incomplets et présentent localement une largeur réduite à 50 m. Les anneaux furent rephotographiés en détails par Voyager 2 en 1986, puis par le Télescope Spatial Hubble à partir de 1996 et par le JWST en 2019. Le système comprend 13 anneaux indépendants similaires à ceux de Jupiter et de Saturne mais ils sont constitués d'éléments bien plus petits et moins complexes. Ils sont divisés en bandes constituées d'une fine poussière également distribuée à travers tout le système d'anneaux. Comme le montrent les photos, l'anneau Epsilon (extérieur) est gris et est le plus brillant du système. Sa largeur varie entre 20 et 100 km pour une épaisseur maximale de 150 m.
Comme l'a montré l'équipe d'Edward M. Molter de l'UCB (cf. arXiv, 2019), les relevés du réseau millimétrique ALMA indiquent que l'anneau Epsilon est également très lumineux en ondes radios (1.3-3.1 mm soit 233-97.5 GHz). C'est également le plus brillant en infrarouge moyen (VLT/VISIR 18.7μm ou 100 THz). Il est constitué de particules de quelques centimètres et sa température est de 77 K. La composition des anneaux contraste avec ceux de Jupiter et de Saturne qui paraissent brillants et rougeâtres. Ils sont plus espacés les uns des autres et sont nettement plus sombres avec un albedo de 0.03, proche de l'aspect du charbon. Ils sont probablement constitués de débris carbonés recouverts de polymères organiques glacés. Voyager 2 découvrit également que les anneaux étaient plongés dans une couronne externe très étendue constituée d’atomes d’hydrogène. Ce milieu exerce une poussée sur les particules composants ces anneaux, provoquant un mouvement en spiral vers l’atmosphère, ainsi que le ferait un satellite ré-entrant. De nombreux planétologues pensent que les anneaux d’Uranus ne sont que temporaires et ont été formés suite à la collision de satellites inconnus il y a quelques millions d’années. On doit également à Voyager 2 la découverte de satellites "gardiens" (ou "bergers") autour de l'anneau Epsilon, phénomène qui fut également découvert dans l'anneau de Saturne. L'anneau Epsilon est escorté par deux satellites, Ophelia et Cordelia mesurant respectivement 20 et 30 km de diamètre qui empêchent l'anneau de se désagréger par un phénomène de résonance gravitationnelle.
Les anneaux intérieurs diffusent peu de lumière et résident à la limite de la visibilité dans un petit télescope (20 cm d'ouverture). Ils sont visibles lorsque Uranus présente la plus grande ouverture de ses anneaux. Une telle opportunité s'est reproduite en 2009. Enfin, le 22 décembre 2005, en analysant les images du Télescope Spatial Hubble, les planétologues de l'Institut SETI et du centre Ames de la NASA ont confirmé l'existence d'un second système de deux grands anneaux R/2003 U1 et U2 situés deux fois plus loin d'Uranus que les anneaux intérieurs. Ils soupçonnaient leur existence depuis 2003 ainsi que le révèle la photographie présentée ci-dessous à droite. Très pâles et constitués de poussière, à de si grandes distances de la planète ils ne peuvent se maintenir que s'ils sont constamment réalimentés et maintenus à leur emplacement, sans quoi ils se dissiperaient en formant une spirale. C'est en analysant en détail les images que les astronomes ont découvert que l'anneau extérieur R/2003 U1 était en fait escorté par un satellite gardien qu'ils ont baptisé Mab. C'est à cette occasion qu'ils découvrirent une deuxième lune, Cupid. Les deux lunes mesurent environ 20 km de diamètre.
La photographie des anneaux extérieurs nécessita 80 minutes de temps d'intégration au Télescope Spatial Hubble. Ce sont des conditions extrêmes. En 2007, lorsqu'Uranus s'approcha de son équinoxe, le Soleil fut à la verticale de l'équateur et éclaira beaucoup mieux le système d'anneaux. Les astronomes en ont profité pour étudier les zones intérieures des anneaux. Ils soupçonnent en effet que ceux découverts à ce jour ne sont que les parties les plus visibles d'un système beaucoup plus vaste qui s'étend jusqu'à Uranus, réminiscent de l'éclatement d'un satellite dans un lointain passé et dont les différentes lunes ne sont que des fragments. Un cortège de 27 satellites Exploitant sur Uranus la sensibilité des instruments initialement prévus pour Saturne, où la lumière du Soleil était 4 fois plus intense, la mission de la sonde spatiale Voyager 2 fut couronnée de succès. Avant les missions spatiales Uranus ne disposait que de 5 satellites : Miranda, Ariel, Umbriel, Titania et Obéron à mesure qu'on s'éloigne de la planète, dont les distances oscillent entre 129780 et 582600 km de la "surface" d'Uranus. A ce jour, Uranus possède 27 satellites naturels. A l'intention des amateurs, précisons qu'il faut un télescope d'au moins 200 mm d'ouverture pour observer Titania (Mv 13.73) ou Obéron (Mv 13.94). Ariel (Mv 14.6) et Umbriel (Mv 14.8) exigent un 250 mm et Miranda (Mv 16.3) un 450 mm. Bien sûr il est plus facile de les enregistrer par voie photographique.
C'est William Lassell qui découvrit Ariel et Umbriel le 24 octobre 1851, puis William Herschel découvrit Titania et Obéron le 11 janvier 1787. Ensuite Gerard P. Kuiper découvrit Miranda le 16 février 1948 grâce au télescope Otto Struve de 2.1 m de l'Observatoire McDonald au Texas. Ensuite, il faudra patienter jusqu'au XXe siècle. En 1986, la sonde spatiale Voyager 2 détecta 11 petits satellites entre Miranda et le sommet de l'atmosphère tandis que 11 autres furent découverts depuis 1997. Parmi ces derniers, Mad et Cupid furent découverts le 22 décembre 2005 grâce au Télescope Spatial Hubble, en même temps que les deux grands anneaux extérieurs. Cupid gravite probablement sur l'orbite la plus instable des lunes d'Uranus, n'étant qu'à environ 800 km de la lune Belinda. Huit satellites gravitent entre 7 et 21 millions de km de distance et ont une taille comprise entre 30 et 100 km de diamètre. Parmi les petits satellite proches d'Uranus, Cordelia et Ophelia sont des satellites "gardiens" de l'anneau Epsilon (extérieur). Sur l'ensemble de ces satellites naturels, 18 sont réguliers et donc 9 sont irréguliers. Ces derniers gravitent tous au-delà de l'orbite d'Obéron, c'est-à-dire à plus de 600000 km du centre d'Uranus, en fait entre 4 et 21 millions de kilomètres de distance. Nous verrons plus bas que cette différence entre les deux types de satellites est un indice révélateur de leurs origines. En 2016, les astronomes Rob Chancia et Matthew Hedman de l'Université d'Idaho ont examiné les anneaux d'Uranus et observé un étrange motif ondulé dans deux des treize anneaux laissant penser qu'il s'agit du sillage laissé par un satellite comme l'explique le schéma suivant. Et effectivement, en réexaminant les données enregistrées par Voyager 2 en 1986, ils ont localisé deux nouveaux satellites potentiels gravitant entre les anneaux Alpha et Beta. Comme les satellites Cordelia et Ophelia, ils exercent une pression gravitationnelle sur la poussière et la glace environnante qui prennent la forme d'un étroit sillage. Comme les autres satellites gardiens, ils maintiennent le confinement des anneaux intérieurs. Les deux satellites sont assez sombres et mesurent environ 14 km de longueur. A ce jour, les chercheurs n'ont pas encore confirmé leur existence. La moitié des satellites orbitant autour d'Uranus gravitent dans son plan équatorial, les autres présentent des orbites très inclinées entre 56 et 167°. Seuls les 15 premiers découverts avant 1986 décrivent des orbites quasi circulaires (e < 0.005) et présentent une rotation synchrone. La température à leur surface est voisine de -190°C. Les cinq principaux satellites affichent une surface accidentée. Miranda (Æ 470 km) et Ariel (Æ 1160 km) ont visiblement connu une période dominée par l'activité tectonique comme en témoignent les excellentes photographies prises par Voyager 2. A la surface de Miranda, on aperçoit des réseaux de fractures très importantes (Argier et Verona Rupes), des coulées visqueuses (couronnes de Elsinore, Arden et Inverness), des zones d'éboulis et l'absence de grands cratères d'impacts.
Selon Ellis D. Miner du JPL, auteur de livres sur Uranus, Neptune et les systèmes d'anneaux, la source de chaleur de Miranda put être une combinaison de matériaux radioactifs accrétés par Miranda lors de sa formation et des marées de “chaleur” formées lorsque son orbite était plus elliptique. Umbriel, Titania et Obéron accusent les traces d'un bombardement météoritique intense dans le passé, leur relief n'ayant pas été modifié depuis. Obéron présente la surface la plus glacée, recouverte d'une matière riche en carbone. Leur surface est probablement recouverte de poussière et de brèches comme la Lune. Un impact à l'origine des satellites d'Uranus Selon une étude de Yuya Ishizawa de l'Université de Kyoto et ses collègues rendue publique en 2017 au cours de la conférence d'automne de l'Union Géophysique Américaine (AGU), grâce à une simulation, les chercheurs ont montré que suite à une collision frontale avec un gros astéroïde d'approximativement la taille de la Terre évoquée précédemment, non seulement la collision inclina l'axe de rotation d'Uranus à sa valeur actuelle mais produisit également une grande quantité de débris. Selon les chercheurs, ces débris correspondent à la taille des 18 satellites "réguliers" d'Uranus qui ne sont pas de simples astéroïdes capturés et qui représentent 98% de la masse des satellites de cette planète. Cela suggère qu'ils se sont tous formés dans les mêmes conditions. Le résultat de la simulation prédit également l'existence de plus petits satellites dans les orbites intérieures d'Uranus bien que les observations n'ont pas permis de les découvrir. Soit la simulation n'est pas aussi précise que le voudraient les chercheurs soit ces lunes intérieures ont fini par tomber sur la planète il y a longtemps. Mais il existe un moyen de le savoir. En effet, si les satellites d'Uranus présentent la moindre décroissance orbitale, les astronomes pourraient la mesurer et confirmer cette prédiction. Affaire à suivre. Composition et structure internes des principales lunes Dans un article publié dans le "Journal of Geophysical Research: Planets" (JGR Planets) en 2023, Julie Castillo-Rogez du JPL et ses collègues ont étudié la composition et la structure internes des principales lunes d'Uranus et leurs implications pour les futures missions spatiales. À partir des données de Voyager 2, les auteurs concluent que quatre des cinq lunes glacées d'Uranus contiennent probablement une fine couche d'eau saumâtre (ou autrement enrichie) enfouie sous leur épaisse croûte glacée. Il s'agit d'Ariel, Umbriel, Titania et Obéron. Seule la petite Miranda en serait dépourvue. Considérant qu'il s'agit de lunes glacées, ces éventuels océans seraient désespérément minces : moins de 30 km d'épaisseur dans Ariel et Umbriel et moins de 50 km d'épaisseur dans Titania et Obéron. Document J.Castillo-Rogez et al./NASA/JPL-Caltech (2023) adapté par l'auteur. Si des océans existent dans ces lunes, comment se sont-ils formés ? Selon les planétologues, il s'agirait des restes de couches liquides beaucoup plus vastes qui se sont formées lors de la formation de ces lunes. Le liquide résiduel serait blotti près de la chaleur décroissante du noyau rocheux de ces lunes, à l'abri sous des centaines de kilomètres de glace solide. Ces eaux seraient extrêmement saumâtres, hypersalées, tous les sels dissous abaissant la température de congélation de l'eau. Il existe deux sels candidats : le sel commun et l'ammoniac. Pour valider ces modèles, les chercheurs proposent d'envoyer une sonde spatiale visiter ces lunes : "Un océan salé serait détectable à partir d'un orbiter équipé d'un magnétomètre, tandis qu'un océan d'ammoniaque ne le serait pas. Mais même un océan d'eau ammoniaquée reste détectable car une couche globale de liquide déconnecterait mécaniquement le manteau glacé du noyau rocheux. Un suivi attentif du mouvement des caractéristiques de surface pendant que les lunes effectuent une nutation sur leur orbite elliptique autour d'Uranus pourrait révéler ce découplage des couches externes des lunes glacées de leur noyau." Les auteurs espèrent pouvoir tester leur hypothèse. Une enquête décennale réalisée par l'Académie Nationale des Sciences américaine auprès de la communauté scientifique détermina que l'envoi d'un orbiter et d'une sonde vers le système d'Uranus sont la priorité scientifique absolue pour la prochaine nouvelle mission phare, à présent que les missions Mars Sample Return et Europa vers Jupiter sont en cours. Grâce à cette mission qui reste à définir, vers 2040 ou 2050 selon les projets on espère avoir un relevé du nombre de lunes glacées d'Uranus abritant un océan. Future mission spatiale En 2023, la NASA proposa d'utiliser des Cubesats (des microsatellites modulaires de 1.3 kg mesurant 10 cm de côté alimentés par des TRC) pour une mission économique vers la planète Uranus vers 2049. Mais le type de sonde spatiale et son prix (qui atteindrait 4.2 milliards de dollars pour un orbiter lourd) n'ont pas encore été fixés. Les autres éventuelles missions restent pour l'instant à l'état de concepts. Pour plus d'informations Jet Propulsion Laboratory (JPL) Uranus et Neptune (PDF), Jamil Alioui, 2012.
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