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Les technologies du futur

La nanotechnologie (IV)

Ainsi que le disait le physicien américain Richard Feynman dans son discours intitulé "There is Plenty of Room at the Bottom" (il y a plein d'espace au fond) présenté à la réunion annuelle de l'American Physical Society au Caltech en 1959, il n'y a rien dans les lois de la physique qui empêche de fabriquer des armées de machines de taille moléculaire. Rapidement, des ingénieurs l'ont pris au mot et ont voulu relever son défi.

La nanotechnologie concerne les matériaux et instruments fabriqués à l'échelle atomique et moléculaire (10-100 nm). 1 nanomètre équivaut à un millionième de millimètre. Ingénieurs, biologistes et médecins fondent beaucoup d’espoir sur la nanotechnologie, notamment sur la bioingénierie et les nouveaux médicaments en cours de développement.

Il y a déjà une bonne dizaine d'années, des scientifiques travaillant chez IBM ou au MIT ont fabriqué des curiosités subatomiques telles que des caractères typographiques constitués de quelques atomes alignés, une abaque avec des "Buckyballs" (C60) ou une guitare atomique avec des cordes longues d'environ 100 atomes.

A lire : IBM stocke des données dans des atomes (IBM)

A gauche, anatomie d'une nanosonde médicale. La largeur de l'image correspond au diamètre d'un cheveu ! Jusqu'à 10 trillions de nanosondes d'une taille 200 fois inférieure à celle d'un cheveux pourraient être injectées en une fois. Au centre, un piston nanohydraulique fabriqué à partir d'un nanotube de carbone (en bleu), d'atomes d'hélium (en vert) et d'une buckyball (une molécule de C60, en gris). A droite, une onde thermoélectrique se propageant dans un nanotube couvert d'un combustible. Le système est capable de fournir du courant continu avec une intensité pouvant atteindre 2A. Documents Nanotech Now, ORNL et Michael Strano/MIT.

 En 2006, les chimistes du CEMES à Toulouse ont fait tourner une roue moléculaire de 0.7 nm de diamètre. Mettez tout ceci ensemble et vous pouvez fabriquer des robots capables de véhiculer des charges, y compris des substances à travers l'organisme.

En 2010, des chercheurs du MIT sont parvenus à générer de l'électricité, en fait une "vague thermoélectrique" dans un nanotube recouvert d'une couche de combustible (du cyclotriméthylène-trinitramine). En allumant l'extrémité du tube avec un rayon laser, l'onde thermique de plus de 2700°C a entraîné avec elle des électrons, créant un courant électrique d'une intensité maximale de 2A. L'onde s'est propagée à une vitesse 10000 fois plus rapide que la réaction chimique. A poids égal, ce nanotube a fourni 100 fois plus d'énergie (7 kW/kg) qu'une batterie Li-Ion ! A terme les chercheurs espèrent produire du courant alternatif en utilisant différents combustibles.

Suite à cette prouesse, les chercheurs espèrent bientôt fabriquer des composants électroniques miniatures de la taille d'un grain de riz alimentés par des nanotubes. Autre avantage, selon le professeur Michael Strano du MIT, de tels composants peuvent en théorie rester charger indéfiniment quand ils sont inutilisés, contrairement aux batteries.

Aujourd'hui le CERCA fabrique des parois souples en imbriquant des nanotubes et des webmarchands comme Seniorgghome vendent au détail des supports adhésifs à base de nanoparticules qu'on peut détacher sans laisser de trace et nettoyer à l'eau. Ces adhésifs high-tech sont capables de supporter des poids très élevés.

Applications médicales

Les médecins avant-gardistes utilisent déjà des nanosondes pas plus grandes qu'une gélule et bientôt de la taille d'une tête d'épingle pour explorer le corps humain et pénétrer à l'intérieur des cellules, la sonde, protégée par une coquille en diamant étant équipée de moyens radio, vidéo et d'éclairage autonomes ainsi que de bras manipulateurs ou de détecteurs. Le pas à franchir pour les envoyer dans l'espace est à notre portée puisque même la NASA envisage aujourd'hui d'explorer Mars avec des nanosenseurs.

Au quotidien, grâce à la nanotechnologie on pourrait concevoir des protocoles pour lutter contre les maladies génétiques mais également incorporer ces nanorobots dans les aliments. Imaginez un fruit capable de lutter contre une réaction allergique ou une sauce préparée capable d'éliminer elle-même les traces de mauvais cholestérol !

Le fonctionnement d'un "nanorobot marcheur" développé en 2004 par Carlo Montemagno et ses collègues de l'UCLA.

Plus étonnant, des chercheurs ont déjà réussi à faire vivre un neurone sur un chip de silicium, ouvrant la voie à des implants cervicaux hybrides carbone-silicium !

La nanotechnologie avance à pas de géant, au sens propre. Ainsi, le 28 février 2004, la revue New Scientist annonçait que le professeur Carlo Montemagno et ses collègues bioingénieurs du Département d'Ingénierie Mécanique et Aérospatiale (MAE) de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) avaient réussi à fabriquer un "nanorobot marcheur" animé à partir d’un muscle cardiaque de rat (des cellules cardiomyocytes) fixé sur un fil de silicium ainsi que le montre le schéma de gauche. Le nanorobot fut capable de se déplacer seul à une vitesse de l'ordre de 40 micromètres/seconde par la seule force musculaire ! De nouvelles expériences probantes ont été réalisées en 2005.

Aujourd'hui Montemagno envisage d'utiliser ces nanomachines en médecine, notamment à des fins de diagnostic et pour fabriquer des tissus synthétiques, en particulier des noyaux neuronaux, ainsi que l'explique son article sur les transplants publiés en janvier 2006.

La médecine est l'un des secteurs où la nanotechnologie et les implants artificiels sont les plus demandés.

Dès à présent le laboratoire Oak Ridge National Laboratory (ORNL) fabrique des nanosondes mille fois plus fines qu'un cheveu capables d'interagir avec les cellules et les globules rouges. A l'image des implants artificiels, ces nanorobots bioélectroniques permettent de réguler certaines fonctions métaboliques déficientes.

La nanotechnologie permet aussi de soigner et d'explorer le corps humain. Depuis quelques années, Apple travaille avec Intel et beaucoup d'autres entreprises sur des applications médicales. Quand Steve Jobs lança le slogan "Intel Inside" à propos des Mac d'Apple comprenant un processeur Intel, nous n'avons pas saisi toute l'ampleur de la révolution.

Car au second degré, cette expression s'applique plus que jamais à la médecine. Aujourd'hui, les ingénieurs sont capables de construire des caméras tellement mininuscules qu'ont peut s'en servir pour fabriquer une nanosonde qui remplace avantageusement le stéthoscope du médecin et les techniques endoscopiques.

En effet, aujourd'hui et plus encore dans les années à venir les médecins pourront explorer le système digestif des patients sans devoir utiliser de moyens invasifs ou faire d'opération. Le patient avale une capsule et immédiatement le médecin peut suivre sur un écran, que ce soit un ordinateur ou une tablette, localement ou à distance, l'évolution de la caméra nanoscopique, ce qu'elle voit et ce qu'analyse son système embarqué, mieux que ne le ferait un endoscope plongé au plus profond de notre corps.

Les nouveaux patchs exploitent également la nanotechnologie, rendant obsolète les dispositifs d'injections sous-cutanés (contrôle du glucose, etc). Ces patchs intelligents peuvent injecter les substances requises grâce à une matrice de nanoaiguilles. Ils complètent la panoplie des seringues et des pistolets injecteurs.

Mieux encore, la nanotechnologie alliée à l'informatique permet de diagnostiquer précocement des maladies à risques, comme par exemple le développement d'un cancer et agir immédiatement pour l'éradiquer avant qu'il ne tue son hôte. Nous reviendrons plus en détail sur ces méthodes high-tech révolutionnaires dans le prochain chapitre consacré aux progrès réalisés en médecine.

Des lentilles de contacts bioniques

Début 2008, Babak Parviz et son équipe d'ingénieurs en bionanotechnologie de l'Université de Washington sont parvenus à fabriquer une lentille de contact équipée d'un circuit nanoélectronique. Ce système serait capable d'afficher des informations devant l'oeil de l'usager.

La nanotechnologie utilisée est très complexe. Le dispositif est constitué de divers éléments interconnectés. Le dessin d'un circuit nanoélectronique métallisé a été placé sur une couche de polymères (du polyéthylène téréphtalate ou PET). Ce circuit mesure quelques nanomètres d'épaisseur. Le système d'affichage est constitué de diodes (des LED rouges), couvrant une surface de 0.3 mm de côté au centre du circuit.

Les différents composants électroniques ont ensuite été saupoudrés sur la surface de la lentille afin d'éviter tout échauffement. Les forces de capillarité (qui ont tendance à incurver les composants) ont ensuite permis aux éléments de prendre tout seuls leur place.

Les chercheurs ont également utilisé des composants organiques pour ne pas irriter les yeux et minimiser tout risque liés à la libération de chaleur par le circuit nanoélectronique. Les chercheurs ont testé ce prototype sur un oeil de lapin durant 20 minutes sans observer d'effet indésirable.

Selon, Babak Parviz, l'ingénieur en bionanotechnologie responsable du projet, le dispositif ne gêne pas la vision et précise même qu' "il y a encore beaucoup d'espace autour de la partie transparente de l'oeil que nous pouvons utiliser pour placer des instruments", pensant notamment à des systèmes de télécommunication sans fil.

C'est la première fois que des chercheurs montent un circuit électronique sur des verres de contacts ordinaires. "C'est un tout petit pas vers notre objectif, mais je pense que c'est extrêmement prometteur", a déclaré Babak Perviz. "Le prototype ne fonctionne pas encore et n'affiche aucune information. mais il prouve qu'il est possible de fabriquer une lentille électronique saine à porter et qui n'obstrue pas la vision. Toutefois, ce prototype de lentille de contact ne corrige pas la vision, mais la technique peut-être appliquée à des lentilles correctrices" a-t-il ajouté.

Reste à trouver le moyen d'alimenter le nanocircuit. Car si le circuit est fonctionnel, les diodes ne s'allument pas. Les chercheurs pensent trouver l'énergie dans la combinaison d'un signal radio fréquence couplé à des cellules photoélectriquess placées sur la lentille.

A voir : LCD Displays On Your Contact Lenses

Bionic Contact Lens Displays Have Gone Up to Eight Pixels Resolution

A gauche, des ingénieurs en bionanotechnologie ont fabriqué une lentille de contact équipée d'un circuit nanoélectronique qui serait capable d'afficher des informations dans le champ de vision de son propriétaire. Le système d'affichage LED couvre une surface de 0.3 mm de côté au centre du circuit. Au centre, la lentille de contact testée sur un lapin. A droite, le prototype de lentille de contact "smartlens" développée par Google X. Documents U.Whasington et Recode.

Les chercheurs ont testé ce prototype sur un oeil de lapin durant 20 minutes sans observer d'effet indésirable. Selon, Parviz le dispositif ne gêne pas la vision et précise même qu' "il y a encore beaucoup d'espace autour de la partie transparente de l'oeil que nous pouvons utiliser pour placer des instruments", pensant notamment à des systèmes de télécommunication sans fil. 

Reste à trouver le moyen d'alimenter le nanocircuit. Car si le circuit est fonctionnel, les diodes ne s'allument pas. Les chercheurs pensent trouver l'énergie dans la combinaison d'un signal radio fréquence couplé à des cellules photoélectriquess souples placées sur la lentille.

Pour sa part, début 2014 Google X annonça qu'ils étaient en train de développer une "smartlens", une lentille de contact souple qui permet au patient diabétique de mesurer son taux de sucre dans ses larmes. Le système de mesure est situé en périphérie de la lentille de contact pour ne pas gêner la vision. Google pense également équiper la lentille d'un LED qui préviendrait visuellement le patient. Le système qui est toujours à l'état de prototype est équipé d'une puce et d'une antenne et peut se connecter à un autre appareil qui administrait la dose d'insuline. Google espère commercialiser la smartlens vers 2019.

Les enduits de protection

Grâce à la nanotechnologie, on peut également fabriquer des nanotubes de carbone et les façonner de telles sortes à leur donner certaines propriétés : élasticité, électroconductivité, dissipateur de chaleur, anti-adhésif, etc.

On peut par exemple créer des enduits protecteurs qui permettent d'éviter de salir ou de contaminer les vêtements, les objets, les lieux publics, etc. C'est fascinant ! A l'avenir les enfants comme les adultes pourront jouer ou travailler sans craindre de se salir ! La corvée lessive se limitera à l'essentiel. Quel soulagement !

Développements futurs

A l'image des systèmes d'affichage tête haute (HUD) pour voiture (par ex. le système BMW) ou des porteurs de lunettes Lumus qui peuvent déjà visualiser dans leur champ de vision tout le contenu d'un écran informatique, notamment des données GPS, des jeux vidéos ou des émissions TV, ces verres de contacts donnent accès à ce qu'on appelle la "réalitée augmentée".

Cette technologie ouvre de nouvelles voies dans l'assistance, la supervision et les supergadgets. Parviz et ses collègues ont démontré que la base technologique était réalisable et sans risque. Il faut à présent lui trouver de nouvelles applications. Certains pensent déjà implémenter une biopuce sur une lentille de contact pour mesurercertains paramètres sanguins comme le taux de cholestérol ou la glycémie (taux de sucre).

Selon Parviz, bientôt un système à faible consommation et contenant moins de pixels sera commercialisé.

Dans ce domaine la technologie évolue rapidement. En 2012, la société Innovega annonça la mise au point de lentilles de contact à réalité virtuelle et augmentée. Dans quelques années elles seront peut-être disponibles chez votre opticien, à côté des lunettes de Lumus ou Google.

Ceci dit, selon l'expérience des utilisateurs des lunettes à réalité augmentée, peu de personnes apprécient avoir en permanence dans le champ de vision des données virtuelles. On peut donc supposer que cette technologie sera avant tout utilisée dans des cas particuliers et surtout exploitée sur de grands écrans comme une TV, une vitre ou un pare-brise.

Nous reviendrons sur les systèmes HUD et la réalité augmentée à propos des voitures et des ordinateurs du futur.

La médecine cybernétique

Selon une étude publiée dans la revue "Science Advances" en 2021, des ingénieurs de l'Université de Columbia ont démontré qu'il était possible de miniaturiser une puce électronique (chip) jusqu'à la taille d'un grain de sable. Et surtout que cette minuscule puce électronique peut être implantée via une aiguille hypodermique pour mesurer la température interne du corps, et potentiellement assurer d'autres fonctions.

Une puce électronique (chip) posée dans une aiguille hypodermique. Le chip de 0.1 mm cube présenté en 2021 par des ingénieurs de l'Université de Columbia n'est pas plus grand qu'un grain de sable et consomme à peine 0.1 nW. Document C.Shi et al. (2021).

L'implant présenté à droite fabriqué par l'équipe de l'ingénieur Chen Shi de l'Université de Columbia contient une puce en technologie CMOS qui n'est visible qu'au binoculaire. Tout le circuit électronique et ses fonctions tiennent dans un volume inférieur à 0.1 mm3 qui intègre également la source d'alimentation et les moyens de communications.

Techniquement, la mise au point de cette puce fut un défi. En règle générale, les petits appareils électroniques comportent des modules radiofréquence (RF) afin de transmettre et recevoir des signaux électromagnétiques. Mais cette méthode utilise des longueurs d'ondes trop grandes pour provenir d'appareils aussi petits que cette puce. Alternativement, on peut utiliser des longueurs d'ondes ultrasonores (comprises entre 18737 et 30 m soit entre 16 kHz et 10 MHz) mais à des fréquences spécifiques car la vitesse du son est beaucoup plus lente que la vitesse de la lumière à laquelle les ondes électromagnétiques se déplacent. Les ingénieurs ont donc utilisé des ondes ultrasonores de ~8.3 MHz en intégrant un transducteur piézoélectrique - un convertisseur de signal - capable de fonctionner comme une antenne pour la communication sans fil et l'alimentation. L'appareil complet consomme à peine 0.1 nW.

Intégré à un capteur de température de faible puissance pour transformer la puce en sonde de température en temps réel, l'appareil possède la capacité de surveiller la température corporelle en plus des petites variations de température liées à l'utilisation thérapeutique des ultrasons (dits de diagnostic, fonctionnant entre 1 et 10 MHz). 

La preuve de concept de l'implant fut réalisée sur des souris vivantes, dans lesquelles les chercheurs ont utilisé une neurostimulation par ultrasons. Cela impliqua d'implanter jusqu'à sept souris à la fois avec une injection intramusculaire via une seringue.

Si la prouesse technique fit la une des médias, depuis 2018 c'est l'équipe de David Blaauw de l'Université du Michigan qui détient le record de miniaturisation avec une puce électronique de seulement 0.3 mm de côté comme le montre cette photo.

A l'avenir, de telles puces électroniques pourraient être implantées dans le corps humain et communiquer des informations mesurées sans fil par ultrasons. Dans l'état actuel, l'appareil mit au point par l'équipe de Shi ne peut mesurer que la température corporelle, mais il pourrait éventuellement également surveiller la fonction respiratoire, la glycémie et la pression artérielle. Dans un rapport de New Atlas, Ken Shepard, responsable de cette étude déclara que "Nous voulions voir jusqu'où nous pouvions repousser les limites de la petite puce fonctionnelle que nous pouvions fabriquer".

Selon Shepard, "C'est une nouvelle idée de "puce en tant que système" - c'est une puce qui, à elle seule, avec rien d'autre, est un système électronique fonctionnel complet. Cela devrait être révolutionnaire pour le développement de dispositifs médicaux implantables miniaturisés et sans fil capables de détecter différentes choses, d'être utilisés dans des applications cliniques et éventuellement approuvés pour un usage humain".

A l'ère post-coronavirus, on peut déjà imaginer les avantages immédiats des injections massives de ces minuscules appareils sans danger capables de surveiller la température corporelle. Un jour, ce type de capteur pourrait représenter un système d'alerte précoce pour les responsables de la gestion d'une pandémie. Mais il y a beaucoup plus à attendre dans ce domaine de la nanotechnologie médicale qui commence à peine à pénétrer dans l'univers cybernétique de demain.

A gauche, une nanosonde pénétrant dans une cellule. A droite, illustration d'une nanosonde interagissant avec un globule rouge. Documents ORNL.

Sachant qu'une fois encapsulé ce type d'appareil mesure moins de 1 cm3 et est plus léger qu'un papillon, on peut aussi envisager mille applications qui vont de l'imagerie assistée par l'IA, y compris la sécurité et la surveillance, à la recherche appliquée en passant par toutes sortes de détecteurs miniaturisés.

A présent on peut littéralement dire qu'un grain de sable peut cacher une technologie, mais les pessimistes ou ses détracteurs diront qu'il peut aussi l'enrayer.

Il y a en effet un revers à cette vision idyllique du bienfait des nanoparticules, c'est le risque sanitaire lié à l'inhalation et l'ingestion de métaux inertes comme le dioxyde de titane (TiO2) utilisés dans beaucoup de secteurs industriels. Pour ne pas alourdir cet article et nous écarter de notre sujet, on reviendra en détails sur le risque sanitaire des nanoparticules en biologie à propos du système endocrinien.

La nanotechnologie dans la tourmente

A l'époque où la nanotechnologie était un mot magique, les experts annoncèrent que vers 2015 le prix des produits "nano-fabriqués" serait voisin de 1000 milliards de dollars. Ce chiffre n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Quand on sait que cette somme représente trois fois le PNB de la Belgique, dix fois le chiffre d'affaires annoncé de Google en 2010 et mille fois le chiffre d'affaires d'une maison de haute couture côtée en bourse, les financiers comme les spéculateurs ont senti la bonne affaire.

Processeur Intel Core Skylake gravé en 14 nm qu'on retrouve depuis 2015 dans les processeurs i5-6700K, i7-6600K, Z170 Express et M série vPro parmi d'autres.

Parmi les sociétés de pure nanotechnologie côtées en bourse, citons Advanced Nano, Harris & Harris, Arrowhead Research, Nanophase, Nano-Property, NaturalNano et Cyberkenics dont on reparlera, autant de spinoff valant déjà plus de 75 millions de dollars qui sont reprises au Lux Nanotech Index (^LUXNI) de la Bourse américaine depuis 2005.

En parcourant cette liste on découvre que les plus grandes entreprises s'investissent dans cette technologie, notamment 3M, BASF, Cray, Du Pont de Nemours, Hewlett Packard, General Electric, IBM, Intel, Lucent, Toyota MTR et Xerox. Des fonds de nanotechnologie existe également sur le marché européen.

Toutefois, comme le souleva le "Time" en 2015, dix ans plus tard certaines de ces entreprises n'ont atteint que 10% du chiffre d'affaires de l'année précédente, certaines furent même en liquidation ou ont préféré se reconvertir dans la vente de semi-conducteurs.

Que s'est-il passé pour qu'un secteur aussi prometteur ne décolle pas conformément au Hype Cycle ? Les économistes expliquent ce revirement par le fait que depuis son existence le secteur de la nanotechnologie n'a jamais été une industrie mais plutôt un champ de recherches et développements pour des ingénieurs spécialisés au niveau moléculaire. Selon Google Trends, la recherche en nanotechnologie reste stable entre 15 et 20% de son niveau de 2005 mais chaque année on découvre tout de même de nouvelles applications qui n'auraient jamais pu voir le jour sans nanotechnologie, notamment en microélectronique (CPU) et en médecine (nanosondes).

Le meilleur exemple sont les wafers (galettes) de semi-conducteurs utilisés pour fabriquer les processeurs et les mémoires, y compris les clés USB. En 2007, à l'époque où IBM sortait le processeur dual-core le plus rapide du monde, le POWER6 cadencé à 4.7 GHz, Intel utilisait un système de gravure d'une finesse de 65 nm (par ex. pour les processeurs Celeron M Yonah et Core 2 Duo). En 2014, Intel annonça un processeur dont les transistors mesuraient 14 nm, suffisamment petits pour intégrer 1.3 milliard de transistors sur un chip (on le retrouva dans les PC et la plupart des notebooks y compris sur les MacBook Pro). Selon Brian Krzanich, CEO d'Intel, le processeur Cannonlake en architecture Kaby Lake de 10 nm devrait être commercialisé en 2018. Ce chip fabriqué par lithographie extrême UV sera 6.5 fois plus dense que celui commercialisé 10 ans plus tôt !

Même fuite en avant chez IBM qui étudie la possibilité de remplacer le silicium par des nanotubes en carbone. Dans ce but, en juillet 2014 IBM annonça avoir investi 3 milliards de dollars en R&D.

En 2021, on apprenait que des chercheurs de l'Université du Sussex avait mis au point une technique pour fabriquer des microprocesseurs en graphène. Ils sont 100 fois plus petits et plus rapides que les microprocesseurs conventionnels.

Selon les analystes, d'ici 2024 la valeur du secteur des nanotechnologies et des nanomatériaux devrait atteindre 125 milliards de dollars, soit une augmentation moyenne de 57% par an.

Aussi, avec le recul, même si le secteur de la nanotechnologie n'a pas aussi bien progressé que l'espéraient les investisseurs, il ne s'en sort pas trop mal même si on peut regretter que le marché n'ait pas été plus dynamique.

Un treillis de métal liquide à mémoire de forme

Une équipe de chercheurs dirigée par Pu Zhang, professeur de génie mécanique à l'Université d'État de New York (SUNY) à Binghamton a fabriqué un nouveau type de métal liquide à partir d'un alliage de Field à mémoire de forme (AMF). Leurs travaux ont fait l'objet d'un article publié dans la revue "Additive Manufacturing" en 2020.

Le terme "fabrication additive" ou FA en abrégé se réfère à des procédés de fabrication de pièces en volume où l'on ajoute de la matière afin de construire un objet, comme par exemple l'impression 3D (cf. les livres de P.Zhang et JC André). C'est l'opposé de la "fabrication soustractive", comme l'utilisation d'un tour où l'on retire de la matière pour obtenir la forme finale.

Structure en métal liquide déformable et à mémoire de forme qui résiste aux chocs grâce à un alliage de Field. Document P.Zhang et al. (2020).

Dans ce cas ci, le métal liquide est utilisé dans un processus plus complexe où une coque formant le "squelette" de l'objet est imprimée en 3D à partir de caoutchouc et de métal. Ensuite, ce maillage ou treillis est rempli d'alliage de Field, un alliage de métal liquide composé de 50% d'indium, ~30% de bismuth et 20% d'étain qui fond vers 62°C.

Selon Zhang, "Ce squelette est indispensable car c'est le maillage formé par cette coque qui confine l'alliage métallique et l'empêche de s'écouler".

Lorsque le maillage refroidit, il devient légèrement plus rigide, ce qui le rend flexible. Ensuite, lorsqu'il est chauffé jusqu'au point de fusion, il reprend la forme d'origine du squelette de la coque. Selon Zhang, "Cette conception hybride induit un effet de mémoire de forme en exploitant la transition de phase solide-liquide des métaux liquides". Cette mémoire de forme provient de la combinaison du maillage métallique avec un "dopage" d'élastomères.

Selon les chercheurs, leur conception pourrait s'adapter littéralement à n'importe quelle forme de métal qui pourrait potentiellement se plier ou se briser sans espoir de réparation, y compris aux vaisseaux spatiaux par exemple dont les matériaux de la coque extérieure seraient irrémédiablement endommagés.

Si ces enveloppes étaient faites avec le treillis de caoutchouc et l'alliage de métal liquide conçu par l'équipe de Zhang, elles pourraient être réparées simplement en leur appliquant un peu de chaleur. Les chercheurs affirment que les revêtements sont l'une des applications potentielles qui les intéressent le plus, le treillis amortissant étant une solution efficace et durable pour absorber les chocs, notamment dus à des accidents.

Etant donné que dans l'espace il ne faut pas lutter contre la résistance au vent ou le frottement de l'air, un matériau complexe comme celui-ci pourrait être pratique et résoudre de nombreux problèmes techniques.

Sur Terre, les utilisations de cette technologie comme amortisseur sont plus limitées, mais Zhang et ses collègues ne manquent pas d'idées. Zhang propose que cette technologie pourrait être uilisée comme étui pour protéger un ordinateur portable ou un smartphone par exemple qui viendrait à tomber par terre ou comme tapis de sol amortisseur pour protéger le corps humain contre des secousses répétitives. C'est d'ailleurs sur ce principe alliant mécanique et souplesse que notre peau protège nos organes et notre squelette.

Des patins et tapis anti-vibrations existent depuis longtemps (cf. le caoutchouc silicone et le sorbothane) et ce n'est pas le premier métal liquide, mais c'est la première fois qu'on réussit à combiner le caoutchouc et le métal pour former un treillis à mémoire de forme.

Selon Zhang, "Cette nouvelle classe de matériaux en treillis a des applications prometteuses dans l'aérospatiale, la robotique, les métamatériaux, etc", bref partout on l'on a besoin d'amortir les chocs ou les impacts, qu'il s'agisse d'un objet ou d'un être vivant.

Pour l'anecdote, Zhang n'a jamais vu le film "Terminator" et ses suites : "Pour être honnête, je n'ai jamais regardé ce film!". Mais il ne cache pas son rêve de construire un robot de type T-1000, "maintenant que nous avons une main... "

A voir : A hand that slowly opens as the metal lattice melts

Additive manufacturing - Fabrication additive

Les matériaux du futur

Depuis quelques années les ingénieurs étudient la possibilté d'utiliser de nouveaux matériaux plus performants comme la mousse de métal, le métal transparent et les métamatériaux. Ces matériaux sont élaborés à partir de découvertes dans le domaine de la chimie et de nouvelles techniques de synthèse. De quoi s'agit-il ?

Les métamatériaux

Qu'est-ce qu'un métamatériau ? Les métamatériaux sont des matières composites artificielles qui tirent leurs propriétés particulières non pas de leur composition mais de leur structure. Pour être efficace, la structure doit avoir la même échelle que la longueur d'onde utilisée. Ainsi un métamatériau affectant la lumière doit exploiter la nanotechnologie tandis qu'il peut être à l'échelle du centimètre s'il concerne les ondes radios et les micro-ondes. C'est dans cette gamme de fréquences que les premières applications verront bientôt le jour.

Le professeur Sir John Pendry de l'Imperial College de Londres fut le premier à mettre au point des fibres de carbone pouvant refléter les ondes micro-ondes de façon inhabituelle.

Les projets de l'USAF

C'est dans ce contexte futuriste que  l'USAF publia en 2008 une offre publique portant sur des "Applied Metamaterials for Antennas". Le but est de démontrer que des métamatériaux pourraient améliorer les performances des antennes, et notamment en "améliorant la forme des beams et des lobes de rayonnement; en améliorant la gamme d'accord de la fréquence centrale; en améliorant la bande passante; en réduisant la taille, le poids et l'épaisseur des antennes et en fabriquant des antennes isogones flexibles. L'objectif technique global de cette recherche consiste à améliorer les métamatériaux afin qu'ils offrent de faibles pertes électriques tout en permettant de contrôler la permittivité et la perméabilité dans un spectre de fréquences compris entre 20 MHz et 10 GHz".

En langage clair, l'USAF souhaite fabriquer de meilleures antennes pour une même taille. En particulier, ils s'intéressent aux antennes isogones intégrables aux surfaces, plutôt que collées à celles-ci comme c'est le cas actuellement. Ce genre d'antenne s'utilise essentiellement dans les avions et les drônes (UAV). En complément, les antennes en métamatériaux peuvent améliorer les performances des radars et de toutes les télécommunications par ondes-courtes.

Applications de la céramique transparente. A gauche, des lunettes panoramiques de vision nocturne (IR). A droite, des bijoux de synthèse en Yttralox. Documents Wikimedia/Creative Commons.

Des applications civiles

Il y a également un immense potentiel commercial dans cette technologie. Une antenne faite de métamatériaux ne signifie pas simplement que la réception par radio sera améliorée pour les petites antennes. Ce projet signifie également que les smartphones pourront tirer profit d'un signal plus faible et utiliser moins de puissance. Il en va de même pour les technologies Wi-Fi, Bluetooth et autres systèmes sans fil.

Grâce aux métamatériaux, c'est le futur paysage urbain qui pourrait être transformé le jour où les antennes de TV extérieures, les antennes paraboliques et les pylônes des relais GSM seront remplacés par des antennes isogones.

Un métamatériau présente des propriétés déconcertantes, ce qui en fait tout l'intérêt. Ansi un métamatériau liquide à la propriété de présenter un indice de réfraction négatif (c).

Bien sûr personne n'envisage sérieusement de fabriquer un "cloaking device" à la "Star Trek", hélas. Le programme de recherche concerne des applications liées au pointage optique par faisceau IR, les systèmes optiques compacts, les miroirs, les circuits optiques, les interfaces, les filtres, les limiteurs, etc.

Ce genre de technologie pourrait conduire à la fabrication de systèmes offrant une capacité de stockage plus élevée et trouver par exemple des applications dans les supports optiques comme les DVD. En astronomie, un "objectif" plat en métamatériau pourrait supprimer le problème de la diffraction qui limite le grossissement des télescopes et d'autres circuits optiques.

Enfin, pour s'affranchir des distances cosmiques on pourrait également créer des matériaux électromagnétiques qui permettent en théorie d'émuler un trou de verre et d'atteindre 25% de la vitesse de la lumière.

Mise à part l'offre publique de l'USAF (2008) qui porte sur les métamatériaux optiques ou les tests de substrat d'antennes dipôles en métamatériaux (2009), il existe encore très peu d'études et de recherches sur ces matériaux du futur.

La métalentille

Parmi les résultats les plus avancés, citons le centre de recherche Harvard John A. Paulson School of Engineering and Applied Sciences (SEAS) qui étudie les applications de la nanotechnologie. En 2017, Wei-Ting Chen du SEAS et son équipe publièrent dans la revue "Nature" les résultats d'un projet de métalentille achromatique (metalens) présentée ci-dessous à gauche. Remplaçant les encombrants objectifs des appareils photos notamment, la métalentille est constituée d'une fine surface plane qui exploite la nanotechnologie pour focaliser le rayonnement à travers tout le spectre visible. Selon Federico Capasso du SEAS, "les métalentilles sont fines, faciles à fabriquer et rentables". Si le premier modèle est achromatique, la technologie permet de supprimer l'aberration chromatique (il sera apochromatique) et donc d'améliorer la netteté des images. Pour l'instant, cette technologie n'est pas encore commercialisée mais le SEAS propose des licences aux chercheurs et entreprises qui souhaiteraient développer ce projet.

A gauche, une métalentille (metalens) mise au point en 2017 par les chercheurs de l'Université d'Harvard. Remplaçant les encombrantes lentilles des objectifs photos notamment et dépourvue d'aberration chromatique, elle se compose d'une surface plane utilisant la nanotechnologie pour focaliser le faisceau lumineux. A droite, propagation d'une onde à travers une interface planaire à indice de réfraction négatif. Documents Harvard SEAS et Wikimedia/Creative Commons.

A une échéance non déterminée, on pourrait également utiliser les métamatériaux pour fabriquer des absorbeurs de rayonnement électromagnétique, des systèmes d'invisibilité, des systèmes antiséismiques ou des systèmes de filtrage du son ou des ultrasons.

Ainsi qu'on le voit, le domaine des métamatériaux est un secteur d'avenir très prometteur qui, espérons-le, débouchera sur des applications révolutionnaires. L'avenir reste passionnant.

Le métal transparent

Le métal transparent comme l'oxynitrure d'aluminium (aluminum oxynitride ou ALON) cher à "Star Trek" ou le vanadate de strontium ou de calcium (cf. cet article) présente une grande résistance similaire voire supérieure à celle de l'acier et une transparence parfois équivalente à celle du cristal mais sans leurs inconvénients (l'excès de poids ou la faible dureté). On peut l'utiliser dans la masse ou sous forme de film mince.

Ce matériau a déjà trouvé des applications, notamment dans la fabrication d'écrans de smartphones, de TV, de cuves d'aquarium, de blindages transparents, de hublots réfractaires ou de dômes de protection à usage scientifique ou militaire. On peut même l'utiliser pour fabriquer des bijoux de synthèse, les saphirs et autres rubis étant composés de cristaux à base d'aluminium.

Si ce métal transparent est suffisamment résistant et compatible avec les autres alliages métalliques ainsi qu'avec l'acier et l'aluminium, on pourrait aussi l'utiliser pour remplacer les hublots des avions, des mini sous-marins et pourquoi pas des autres moyens de tranport y compris des bus et des voitures afin que les voyageurs profitent d'une vue panoramique en toute sécurité. Si nécessaire, rien n'empêcherait les fabricants de proposer des métaux transparents dont le pouvoir de transmission serait ajustable à la demande.

A voir : Aerospace Windowless Aircraft

A gauche, représentation spatiale des vanadates de strontium et de calcium. A droite, concept d'avion sans hublots imaginé par le Centre for Process Innovation (CPI). La carlingue intérieure et le dos des sièges sont tapissés d'écrans souples affichant les images de l'extérieur filmées par des caméras. En 2016, cela fut déjà testé par Samsung sur la face arrière d'un camion. Dans une vision plus futuriste, on pourrait aussi remplacer la carlingue des avions à hauteur de vue des passagers par des métaux dont la transparente serait ajustable. Documents Lei Zhang, Penn State et Tomasz Wyszo/mirski/ww.dabarti/CPI.

Comme on le voit ci-dessus à droite, pour l'instant, les chercheurs imaginent des avions de ligne sans hublots dont la carlingue intérieure serait tapissée d'écrans souples OLED affichant le paysage filmé par des caméras extérieures complété par des informations numériques en incrustation. Selon le CPI, toute réduction de 1% du poids d'un avion permet d'économiser 0.75% de carburant et donc son impact sur les émissions de dioxyde de carbone. A l'avenir les métaux transparents pourraient changer radicalement la manière de construire les vitrages de nos moyens de transport.

Notons que ce type de matériaux comprend également les céramiques optiques, des matériaux composites transparents dits de "YAG" (du nom de ses composants : Yttrium and Aluminium Garnet) dont la société CILAS parmi d'autres s'est faite une spécialité. Les miroirs adaptatifs (déformables) équipant les grands télescopes sont basés sur cette technologie.

La métasurface non-linéaire pour la vision nocturne

En 2021, équipe internationale de chercheurs a présenté une nouvelle technologie qui permet de voir clairement dans l'obscurité sans utiliser de photoamplificateur ni de système cryogénique. Cette découverte est une réponse à la demande toujours croissante de systèmes d'imagerie infrarouge. 

On reviendra en détails sur cette invention révolutionnaire dans l'article consacré aux appareils de vision de nuit.

La mousse de métal

Enfin, la mousse de métal (metal foam) dont la structure rappelle celle de la mousse est résistante, légère et isolante, en faisant un produit idéal pour la fabrication de très grandes structures ultralégères (hangards, structure spatiale, etc).

Nous verrons le cas particulier du graphène quand nous aborderons l'automobile du futur.

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