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Voyage au centre d'un trou de ver

Représentation d'un trou de ver de Schwarzschild, bref une singularité. La surface de la sphère représente l'horizon des évènements. La franchir revient à disparaître, happé par la singularité. Document T.Lombry.

Le trou de ver de Schwarzschild (II)

Pour nous aider à comprendre la dynamique d'un trou de ver, nous devons passer quelques instants à discuter des diagrammes représentant la structure de causalité globale de l'espace-temps, d'abord de celle d'un simple trou noir représenté à deux dimensions, puis de celle d'un trou de ver.

Le diagramme de Penrose présenté ci-dessous à gauche est une représentation théorique, donc moins réaliste que le diagramme de Kruskal qui sera discuté ci-dessous, mais elle est plus simple. Dans les deux cas, il s'agit d'une coupe dans l'espace-temps des cônes de lumière (représentés par le référentiel bleu) dont la géométrie spatiale a été arrêtée à un instant donné (ct). Les axes ont également été arbitrairement dénommés temps et espace puisque nous avons coupé une hypersurface à temps constant. Tous les rayons lumineux se déplacent à 45°. C'est pourquoi les particules massives doivent toutes se déplacer sur des trajectoires situées à l'intérieur du cône de lumière et remplissent chaque point du diagramme.

Ce diagramme de Penrose représente l'espace-temps d'un trou noir statique, le plus simple. L'horizon des évènements (en rouge) délimite pour ainsi dire la surface de l'espace-temps entre l'intérieur du trou noir et le monde extérieur. Cette représentation est dite simple car un trou noir classique dans la théorie de la relativité générale est une entité relativement simple qui peut être décrite par trois paramètres maximum, la masse, la charge et le moment angulaire.

Les deux diagrammes présentés ci-dessous sont respectivement un diagramme de Penrose (centre) et un diagramme de Kurskal (droite) d'un trou de ver. Le trou noir est situé en haut du diagramme, le trou blanc ou fontaine blanche, en dessous. Les singularités centrales sont tracées en cyan. Le trou noir est délimité par deux horizons des évènements (externe et interne) tracés en rose, le trou blanc est délimité par deux anti-horizons tracés en rouge. La région centrale représente le trou de ver qui sépare les deux univers, l'un à gauche, l'autre à droite dont les horizons respectifs s'arrêtent aux lignes rose et rouge.

Les trajectoires des photons entrant et sortant sont respectivement tracées en jaune et en orange. Remarquons que toutes aboutissent à la singularité. Les directions radiales et temporelles ont été représentées mais les directions angulaires ont été supprimées. Les flèches indiquent la direction des horizons, c'est-à-dire qu'une personne ou un signal traversant l'horizon ne peut le faire que dans la direction de la flèche et pas dans l'autre sens : un trou de ver de Schwarzschild ne peut être emprunté que dans une seule direction et pas plus loin que la singularité sur laquelle bute tous les photons. Voilà pour ce "plan de vol"... kamikaze.

Rappel : Schéma de la topologie d'un trou noir de Kerr

A gauche, diagramme de Penrose d'un trou noir statique. Au centre, représentation de l'espace-temps d'un trou de ver de Schwarzschild dans un diagramme de Penrose, plutôt théorique, et à droite dans l'espace-temps de Kruskal, plus réaliste. Consulter le texte pour les explications. Document Andrew Hamilton/U.Colorado.

Dans le diagramme de Penrose, les traits jaunes clairs symbolisent le futur (infini), les traits jaunes foncés représentent le passé (infini). Une fois l'horizon franchit (en allant par exemple du coin inférieur droit vers la singularité cyan), la seule façon de s'échapper vers le futur infini (trait épais jaune sur la droite) est de se déplacer plus rapidement que la vitesse de la lumière, ce qui est impossible en vertu des lois de la relativité restreinte. C'est pourquoi toutes les trajectoires conduisent irrémédiablement vers la singularité.

Que voit-on dans le diagramme de Kruskal (à droite) ? Enormément de choses, à la fois statiques et dynamiques. Comme dans le diagramme de Penrose, dans celui de Kruskal les flèches pointent vers le haut, comme dans les textes de relativité générale. Des diagrammes non standards existent dans lesquels le trou de ver présente une image miroir de l'autre côté de l'anti-horizon (la moitié inférieure du diagramme dans laquelle les flèches pointant vers le bas et où horizon/anti-horizon sont inversés). Cette géométrie miroir (non représentée par simplicité) est habituellement rejetée (par Misner, Thorne et Wheeler par exemple) car la géométrie miroir au point X ne correspond pas à notre univers à quatre dimensions. On aurait pu également nous placer "plus loin" de la singularité ("en dehors" de l'univers, dans l'ailleurs ou hyperespace) et ne pas observer ce point de jonction par exemple.

Diagramme de Kurskal d'un trou de ver de Schwarzschild : une singularité (trou noir) centrale, un fontaine blanche et deux univers reliés par leur horizon à un trou de ver. Cliquez sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 51 KB) Document Andrew Hamilton/U.Colorado.

Que représente ce point X au centre symbolisé par la jonction des horizon et anti-horizon ? Question pertinente. C'est un endroit spécial. Si vous êtes à cet endroit, vous verrez la lumière de chaque univers, mais décalée infiniment vers le bleu (blueshift) sous forme de deux faisceaux de lumière dans les deux directions opposées du ciel.

Ce point explique pourquoi ce type de  géométrie (assumant que le trou noir est vide sauf dans la singularité) ne correspond pas à la réalité. Le flux de matière tombant entre les deux faisceaux de lumière produit une énorme pression, qui elle même produit une énorme force gravitationnelle qui modifie la géométrie.

Tant que le voyageur ou le signal demeure au-delà de l'horizon externe des évènements, il peut communiquer d'un univers à l'autre. Passé l'horizon externe, il pourra encore communiquer quelque temps avec une personne également située sous l'horizon pendant qu'ils tombent tout deux sur le trou noir mais ils seront ensuite quasi instantanément engloutis sous l'horizon interne jusqu'à la singularité sans espoir d'y échapper. La zone située entre les deux horizons des évènements est appelée la "bulle de Schwarzschild". A cet endroit un voyageur distinguerait la lumière provenant de l'autre univers mais ce serait sa seule consolation avant la fusion totale des horizons ou sa disparition sous la surface de Schwarzschild.

Mais qu'y a-t-il de l'autre côté ? Sous l'horizon de l'autre univers, la situation est tout aussi chaotique ! Si vous désirez passer dans l'autre univers, vous devrez donc attendre que deux trous blancs aient fusionnés de même que leurs horizons des évènements respectifs (en rouge sur le diagramme de droite). Vous pourrez seulement ensuite envisager la traversée de l'horizon. Malheureusement, vous allez tout droit vers... la singularité sans moyen d'y échapper.

Et contrairement à ce que disent Hawking et les mathématiciens, les "solutions" n'évoluent pas dans un temps imaginaire ! Il est bien concret et vous écrasera bien avant que vous ayez tenté de rejoindre l'autre horizon. Cette funeste aventure signifie concrètement qu'il est impossible de traverser un trou de ver de Schwarzchild, c'est une question de physique, une loi de la gravité à laquelle on ne peut déroger... En fait c'est plus complexe que cela car même si les trous de ver de Reissner-Nordström ou de Kerr-Newmann permettent de passer d'un univers à l'autre, ils peuvent également contenir une singularité de Schwarzschild et donc être infranchissables sous certaines conditions.

Dans la pratique toutefois, tous ces trous de ver entourant des trous noirs vides sont instables. Comme nous l'avons expliqué, seul le trou de ver de Lorentz et sa masse négative serait viable.

Simuler pour comprendre

Que se passe-t-il à présent dans un trou de ver de Schwarzschild ? Nous ne pouvons pas demander à un être humain de voyager dans ce type de trou ver puisqu'il contient une singularité à laquelle nul ne peut échapper. Nous pouvons néanmoins réaliser l'expérience avec une sonde spatiale, quitte à perdre tout contact avec elle une fois qu'elle aura traversé l'horizon des évènements.

Quelles images enregistrerait-elle durant son voyage jusqu'à la singularité de Schwarzschild ? Dans les quatre simulations présentées ci-desous, le physicien Andrew Hamilton de l'Université du Colorado nous propose un voyage à travers un trou de ver situé au coeur d'un trou noir.

Le voyage commence au rayon de Schwarzschild, à 1 rs de la singularité et s'arrête à son contact. La surface rouge représente la surface de Schwarzschild située devant et en dessous de nous. Par simplicité, l'autre univers présente le même ciel que le nôtre, comme si nous nous regardions évoluer à travers un miroir, d'où la symétrie que présentent certaines images.

Il faudra attendre d'avoir traversé l'horizon des évènements du trou noir pour observer l'univers d'en face à travers la seconde ouverture du trou de ver. Mais ainsi que nous l'avons dit, voir cette lumière revient à se prendre pour un kamikaze et à s'écraser sur la singularité.

La première image a été prise à exactement 1 rayon de Schwarzschild de la singularité, sur l'horizon externe des évènements, la surface de Schwarzschild (maillage rouge). C'est le point de non retour. A cette distance la lumière ne s'évade pas et ne tombe pas sur la singularité. Elle se propage en ligne droite (géodésique) sur une orbite circulaire autour du trou noir. C'est pour cette raison qu'on l'appelle également la "sphère de photon".

A cette distance nous ne ressentons pas les effets de la gravitation et cet étrange effet peut être confirmé par notre gyroscope. Mais qu'un voyageur n'ait pas la mauvaise idée de changer sa trajectoire et de plonger comme nous sous l'horizon, car il n'en ressortirait plus jamais...

Voyage vers un trou de ver de Schwarzschild

1re séquence, l'approche depuis 100 jusque 3 rayons de Schwarzschild d'un trou noir. Le système est composé de deux étoiles binaires consistant en une étoile bleue de 60 Ms et d'un trou noir de 30 Ms, accompagnée d'un système binaire vert et jaune L'image présentée est située à 26 rayons de Schwarzschild et montre l'anneau d'Einstein centré sur le trou noir. 2e séquence, en orbite à 2 rayons de Schwarzschild. L'orbite est stable et correspond à une énergie cinétique nulle à l'infini. 3e séquence, la plongée sur la singularité entre 0.95 et et 0.01 rayons de Schwarzschild. Le petit point blanc est la lumière émise par le point d'entrée de l'horizon que nous allons traverser. 4e et dernière séquence, la plongée complète entre 107 et 10-9 rayons de Schwarzschild. Cliquez sur les images pour lancer les animations. GIF animés de 87, 181 et 78 KB. Documents préparés par Andrew Hamilton.

Pour l'observateur situé à l'extérieur du trou noir, il nous verrait jusqu'à cette limite. En deça, la lumière prendrait un temps infini pour s'échapper, le temps "ralentirait" et la fréquence du signal se décalerait de plus en plus vers les plus longues longueurs d'ondes. En ce moment, pour nous tout va bien, merci, le temps et l'espace se déroulent normalement.

Le petit point blanc est la lumière émise par le point d'entrée de l'horizon que nous allons traverser. En réalité c'est une ligne droite qui s'étend depuis la surface de Schwarzschild. L'arc pointillé bleu (ou orange sur d'autres images) représente la limite de la bulle de Schwarzschild délimitée par les horizons respectifs des deux univers.  Dès l'instant où nous franchissons l'horizon externe, la force de marée entre notre tête et nos pieds atteint 1 million de g pour un trou noir de 30 M comme celui-ci. Pour un trou noir mille fois plus massif, l'accélération de la force de pesanteur peut être inférieure à 1g.

A partir d'ici, il ne faut que 1/10000e de seconde pour tomber en chute libre sur la singularité ! La durée de la chute est proportionnelle à la masse du trou noir.

Relativement à un observateur en vol stationnaire sur la sphère de photon, notre vitesse atteint à présent celle de la lumière. Relativement à un observateur en chute libre et tombant radialement sur la singularité, notre vitesse est de √(8/9)c = 0.94c, le facteur γ ne vaut encore que quelques unités. Cédons à présent notre place à une sonde spatiale et poursuivons notre voyage.

A 0.95 rs, donc sous l'horizon interne des évènements, nous pénétrons dans une région à sens unique, condamnés à nous écraser sur la singularité. L'évènement ne dure qu'un instant, plus rapidement qu'il ne faut pour y penser, et plus vite encore si nous mettons en marche nos rétrofusées. Mais soyons sans inquiétude, nous serions déjà morts, écartelés et aplatis par les forces de marée au comportement chaotique.

Que se passe-t-il concrètement avant d'arriver sur la surface de Schwarzschild ? Arrivé à cet endroit, plus aucun observateur ne peut rester en vol stationnaire par rapport à un référentiel d'étoiles distantes. Si un tel observateur existait, il nous verrait en train de nous déplacer plus rapidement que la vitesse de la lumière, et inversement.

Représentation d'un trou de ver connecté à un trou blanc. Document Pitris/Dreamstime

Plus bas dans notre chute libre, on observerait que bientôt la surface de Schwarzschild se divise en deux parties autour de nous, comme si nous nous trouvions au centre d'une bulle formée par les deux surfaces. En regardant vers l'extérieur, nous verrions la surface de Schwarzschild (maillage blanc) que nous venons de traverser. Si d'autres observateurs nous suivaient dans cette chute, nous les verrions comme d'habitude, pas plus rouge ni se déplaçant plus vite ou plus lentement que nous. En revanche, en regardant devant nous, nous verrions apparemment la même surface de Schwarzschild (maillage rouge). Une personne tombant juste devant nous serait encore visible mais son image serait décalée vers le rouge et ralentie, le phénomène s'accentuant à mesure de sa progression vers la singularité.

A 0.65 rs, la séparation entre les deux surfaces de Schwarzschild augmente encore. Si nous observions quelqu'un pénétrer dans la bulle de Schwarzschild par le haut (maillage blanc), l'instant de son franchissement correspondrait à celui de son passage à l'intérieur de l'horizon externe des évènements du trou noir.

A 0.35 rs, le "ciel" que nous observons commence à être déformé par deux effets : les forces de marée générées par la gravitation du trou noir et celui induit par notre vitesse proche de celle de la lumière qui réduit notre champ de vision. L'image au début étirée comme vue à travers une mauvaise loupe, devient de plus en plus allongée et déformée pour finir par ressembler à une forme oblongue puis une couronne au centre de laquelle se trouve le trou noir.

En raison de la vitesse relativiste du vaisseau, relativement à un observateur en chute libre tombant radialement sur la singularité, notre vitesse augmente d'un facteur γ = 1/√(1-v²/c²) qui augmente à une distance r de la singularité comme : 1 + 2 rs/r. Ainsi, pour une vitesse de 0.99c, γ = 7; pour 0.9999999c, γ = 2236 : vu de l'extérieur, les évènements sont ralentis d'un facteur 2236 et pour la sonde en chute les distances se sont raccourcies d'autant !

En regardant par les hublots de notre vaisseau vers la surface de Schwarzschild, nous pouvons distinguer sa partie la plus éloignée de nous. Le trou noir n'apparaîtrait pas comme une hémisphère dont le disque d'accrétion situé à l'arrière serait caché par la singularité. Suite à un effet d'optique provoqué par l'influence de la gravitation sur la trajectoire des rayons lumineux, l'image du disque serait déformée et apparaîtrait au-dessus du trou noir !

A présent, le voyageur situé devant nous, à l'intérieur de la bulle de Schwarzschild, vient de franchir l'horizon interne du trou noir. Si son vaisseau est suffisamment proche de nous, nous pouvons encore communiquer avec lui, mais un bref instant, juste avant de ne nous fracasser contre la singularité centrale, à peine le temps de transmettre un dernier signal.

A 0.01rs, les forces de marée sont tellement importantes que notre champ de vision est affecté et se concentre dans une petite lucarne à l'avant du vaisseau à travers laquelle tout le champ de vision est déformé par l'effet gravitationnel du trou noir. Les forces de marée et notre vitesse décalent la lumière provenant du monde extérieur vers le bleu, vers des longueurs d’ondes toujours plus courtes qui seront bientôt du domaine des rayonnements X et gamma !

Parvenu à 10-9 rs soit à 1 millimètre de la singularité, les forces de marée sont devenues si intenses que toutes les images se concentrent le long d'une étroite ligne au centre de l'écran.

En approchant si près de la singularité centrale, les forces de marée sont devenues astronomiques. La moindre variation gravitationnelle se transforme en cataclysme. La moindre vibration d'une particule présente près de nous est amplifiée et provoque des perturbations gravitationnelles gigantesques. Ces perturbations s'amplifient toujours plus et se transforment en de violentes forces de marée. Même la chute d'un photon suffit à induire des oscillations.

Alors que l'éventuel explorateur serait mort depuis longtemps, dispersé en particules élémentaires, à présent les oscillations des forces de marée sont capables de créer spontanément des photons et des paires de particules-antiparticules, formant un lieu chaotique d'une violence inconcevable.

Ici s'arrête le voyage car nous ne verrions pas la singularité centrale. En effet, la gravitation empêcherait la lumière de nous atteindre.

Géométrie d'un trou de ver de Reissner-Nordström

Dans une géométrie de Reissner-Nordström, dans laquelle le trou de ver est ouvert dans une direction, l'espace avoisinant est vide et entoure un trou noir électriquement chargé. Si sa charge électrique est inférieure à sa masse (exprimée en unités géométriques où G = c = 1), il présente deux horizons des évènements, un externe et un interne. Entre les deux, l'espace s'effondre à une vitesse supérieure à celle de la lumière. En amont et en aval de la chute supraluminique, l'espace évolue à une vitesse inférieur à "c" et un calme relatif y règne. Notons que les particules chargées élémentaires comme les électrons et les quarks ne sont pas des trous noirs : leur charge est de loin supérieure à leur masse et ils ne contiennent pas d'horizon.

Géométrie dans un espace-temps statique de la bouche d'un trou de ver de Reissner-Nordström, franchissable dans un sens. Document Jurik Peter/Shutterstock.

S'il n'y a pas de discontinuité, il se crée une répulsion gravitationnelle; il s'agit d'une singularité de masse négative. Tout objet non chargé tombant sur le trou noir chargé est repoussé par la singularité et ne tombe pas sur elle, il est dévié. Mais si nous observons l'Univers à grande échelle, il apparaît électriquement neutre ou quasiment. Les véritables trous noirs ne sont donc probablement pas chargés. Dans tous les cas leur charge se neutraliserait d'elle-même par accrétion de charges de signes opposés.

Les deux diagrammes présentés ci-dessous à gauche représentent un trou noir de Reissner-Nordstöm dans un diagramme d'espace-temps. Il s'agit d'un diagramme à 2 dimensions d'un objet quadridimensionnel dont l'évolution a été arrêtée à un instant du temps de Reissner-Nordstöm.

Pour rappel, les hypersurfaces des cônes de lumière d'un évènement s'ouvrent à 45° maximum pour respecter la vitesse maximale de la lumière dans le vide. Une particule massive suit une trajectoire moins inclinée.

L'axe horizontal représente la distance radiale, l'axe vertical, le temps. Les deux lignes rose et rouge représentent respectivement les horizons des évènements interne (gauche) et externe (droit). Les courbes jaunes et oranges représentent les lignes d'univers d'un photon se déplaçant radialement, respectivement vers l'intérieur et l'extérieur du trou noir. Notons que sous l'horizon externe, plus aucun objet ne peut s'évader du trou noir. Les courbes mauves sont les lignes à temps de Reissner-Nordstöm constant. La ligne bleue brillante à gauche marque le rayon zéro, r = 0. Dans le diagramme de Penrose présenté ci-dessous à droite, la métrique des horizons externe et interne est respectée mais en corollaire il est impossible de conserver la rectitude du rayon zéro.

Qu'observe-t-on sur le plan théorique ? Un trou de ver de Reissner-Nordstöm ne peut être représenté correctement que dans un diagramme de Penrose comme celui présenté ci-dessous qui respecte la métrique des horizons et anti-horizons.

Que sa passe-t-il si vous tombez dans ce trou de ver de Reissner-Nordström ? Dans ce cas-ci il s'agit d'un trou noir chargé. En traversant l'horizon interne, vous verrez un point de lumière infiniment décalé vers le bleu juste devant vous, dans la direction du trou noir. Ce point de lumière représente le disque de l'histoire entière et passée de l'univers, condensée en un instant.

À l'intérieur de l'horizon intérieur, la force de répulsion gravitationnelle engendrée par la singularité centrale va ralentir votre chute, vous faire dévier de votre trajectoire présumée et vous serez progressivement accéléré vers l'horizon interne de la fontaine ou du trou blanc.

À mesure que vous approchez de l'horizon interne, en regardant à l'extérieur dans la direction opposée au trou noir, vous verrez une partie de l'image de l'univers extérieur animée d'une certaine vitesse.

Diagrammes d'espace-temps d'un trou noir de Reissner-Nordstöm préparés par Andrew Hamilton de l'Université du Colorado. Le diagramme de gauche, classique, considère le temps de chute libre, celui du centre le temps de Penrose. A droite, la métrique des horizons externe et interne dans un diagramme de Penrose. Vous comprendrez mieux la similitude de ces diagrammes en lançant cette animation (GIF de 51 KB). Consulter le texte pour les explications.

Une fois passé l'horizon interne cette image sera infiniment décalée vers le bleu et deviendra un point de lumière qui disparaîtra dans un flash lumineux.

Cette fois le point de lumière décalé vers le bleu contient le futur entier de l'univers, condensé en un instant.

Le trou blanc vous éjectera finalement dans un nouvel univers. Puisque la lumière ne peut pas tomber dans le trou blanc du nouvel univers, vous ne verrez pas non plus le nouvel univers jusqu'à ce que vous traversiez l'horizon externe du trou blanc.

À l'instant où vous traversez l'horizon externe, vous verrez à nouveau un point de lumière infiniment décalé vers le bleu juste devant vous, loin du trou blanc. Ce point de lumière contient tout le passé du nouvel univers, concentré dans un instant.

A mesure que vous progressez, le point de lumière commencera à envahir tout votre champ de vision jusqu'à ce que vous ayez rejoint le nouvel univers. Si vous regardez à nouveau vers le trou blanc, vous pourrez voir l'univers d'où vous êtes venu, mais vous ne pourrez plus le rejoindre.

Une trajectoire stable dans la métrique d'Eddington-Finkelstein

Nous avons expliqué qu'en théorie un trou de ver est un milieu instable où toute tenative de le traverser se solderait pas un démembrement des astronautes et des déformations telles que rien ni personne n'y résisterait.

Document Eugen Dobric/Fotolia.

Einstein et Rosen ont construit leur trou de ver dans la métrique classique de Schwarzschild qu'utilise la plupart des chercheurs. Mais pas tous. Le physicien Pascal Koiran de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon a utilisé la métrique d'Eddington-Finkelstein pour tenter de trouver un moyen de traverser un trou de ver. Les résultats de son étude furent publiés dans la revue "International Journal of Modern Physics D" en 2021 (en PDF sur arXiv).

Pour rappel, en relativité générale, la métrique d'Eddington-Finkelstein utilise une paire de systèmes de coordonnées dans une géométrie de Schwarzschild (par exemple un trou de ver à symétrie sphérique) qui sont adaptés aux géodésiques nulles radiales. Les géodésiques nulles sont les lignes d'univers des photons; les photos radiaux sont ceux qui se déplacent directement vers ou loin de la masse centrale. L'idée semble avoir été inspirée par Arthur Eddington (1924) et David Finkelstein (1958). C'est Roger Penrose qui aurait été le premier à trouver la forme nulle mais il l'attribua à Eddington et Finkelstein.

Dans la métrique d'Eddington-Finkelstein, les rayons lumineux radiaux se déplacent vers l'extérieur (ou l'intérieur) et définissent les surfaces de "temps" constant. Les surfaces de symétrie de rotation valent 4πr2. Dans ce système de coordonnées la singularité au rayon de Schwarzschild n'est qu'une singularité de coordonnées et n'ont pas une véritable singularité physique.

Les coordonnées d'Eddington-Finkelstein sont fondées sur ce qu'on appelle la coordonnée "de la tortue", un nom qui vient de l'un des paradoxes de Zénon d'Elée (c.460 avant notre ère) à propos d'une course à pied imaginaire entre le véloce Achille et une tortue (cf. le concept d'infini à propos de la philosophie des sciences). Dans la cadre de notre problème, la coordonnée de la tortue (r*) s'approche de l'infini lorsque la distance (r) s'approche du rayon de Schwarzschild (2GM) selon la relation suivante :

r* = r + 2GM ln |(r/2GM)-1)|

Lorsqu'un vaisseau spatial (ou un rayon lumineux) s'approche de l'horizon des évènements d'un trou noir ou d'un trou de ver, sa coordonnée temporelle de Schwarzschild devient infinie : les rayons nuls sortants dans ce système de coordonnées affichent une variation de temps infinie lorsqu'ils sortent de l'horizon. La coordonnée de la tortue augmente à l'infini à la vitesse appropriée de manière à annuler ce comportement singulier.

L'augmentation de la coordonnée temporelle à l'infini à mesure qu'on s'approche de l'horizon des évènements explique pourquoi les informations ne pourraient jamais être reçues d'un vaisseau spatial ayant traversé l'horizon des évènements, ceci en dépit du fait qu'il peut néanmoins voyager au-delà de l'horizon. C'est aussi la raison pour laquelle la métrique spatio-temporelle du trou noir ou du trou de ver exprimée en coordonnées de Schwarzschild présente une singulière à l'horizon et qu'on ne peut donc pas calculer complètement la trajectoire d'un vaisseau spatial en chute dans un trou noir ou dans un trou de ver. Ca c'était avant les travaux de Koiran.

Ci-dessus, illustration de l'intérieur d'un trou de ver de Lorentz dans l'espace-temps ou pont d'Einstein-Rosen macroscopique et stable traversable dans les deux sens. Ci-dessous, un vaisseau spatial traversant ce trou de ver. Documents T.Lombry.

Koiran a découvert qu'en utilisant la métrique d'Eddington-Finkelstein, il pouvait tracer la trajectoire d'une particule à travers un trou de ver : la particule peut traverser l'horizon des évènements, entrer dans le tunnel du trou de ver et passer de l'autre côté, le tout en un temps limité. La métrique d'Eddington-Finkelstein ne présente aucune singularité à aucun moment de la trajectoire.

Mais comme nous l'avons expliqué, cela ne signifie pas que les ponts d'Einstein-Rosen sont stables. La relativité générale ne nous renseigne que sur le comportement de la gravité et non sur les autres forces de la nature. La thermodynamique qui décrit la façon dont la chaleur et l'énergie agissent nous dit que les trous de ver comme les trous blancs sont instables et les densités d'énergie seraient tellement élevées et variables qu'elles briseraient notre rêve de traverser un trou de ver.

L'intérêt de l'approche de Koiran est qu'il souligne que les trous de ver ne sont pas aussi catastrophiques qu'on le pense et pour la première fois, il apparaît qu'il existe des trajectoires stables à travers les trous de ver, parfaitement autorisés par la relativité générale. Reste à trouver une solution pour gérer les effets thermodynamiques.

Le trou de ver de Lorentz

En théorie, il serait possible de fabriquer un trou de ver traversable dans les deux sens; c'est un trou de ver de Lorentz. Seule contrainte, il faut de la matière de masse négative afin que la gravité répulsive l'empêche de s'effondrer, c'est ce qu'on appelle de la matière exotique. Et c'est valable dans tous les sens du mot. La matière exotique exerce une force opposée à celle de la matière ordinaire. Imaginez un univers dans lequel la densité d'énergie est inférieure à celle de l'univers dans lequel nous vivons. Prenons un exemple concret.

Dans notre univers, que ce soit sur Terre ou dans l'espace, si nous poussons sur un objet, par réaction il s'éloigne. Mais s'il était constitué de masse négative, l'objet se raprocherait de nous. Si les deux forces antagonistes sont égales, le trou de ver en matière exotique s'effondre.

On voit immédiatement le danger de voyager à travers un tel trou de ver. Si vous traversez un trou de ver de Lorentz, il a une probabilité certaine de s'effondrer avant que vous avez atteint la sortie. Il exiterait des solutions pour éviter son effondrement. Nous verrons que de l'antimatière par exemple pourrait maintiendrait l'ouverture du trou de ver loin de l'horizon des évènements et de la singularité centrale. Etant donné que l'entrée ou la bouche du trou de ver présenterait une pression de surface positive, cela maintiendrait l'ouverture pendant les transferts.

A gauche, la "porte des étoiles" de la série TV culte Stargate SG-1. C'est un trou de ver artificiel de Lorentz (franchissable dans les deux sens). Selon les auteurs, ce type de trou de ver permet à la matière d'être transférée d'un endroit à l'autre de l'univers en quelques secondes (~3 s pour atteindre une planète proche et moins de 20 secondes pour un autre endroit de le Galaxie). Le trou de ver est vide de matière et sa température est proche du zéro absolu (-273.15°C). En théorie, la surface quantique crée son propre horizon des d'évènements devant le trou de ver et dématérialise tout objet tentant de le traverser afin qu'il conserve son intégrité au niveau atomique malgré sa dématérialisation et la très basse température. En raison du vide, la structure dématérialisée est ensuite attirée à travers le trou de ver vers l'ouverture ou bouche opposée où elle est rematérialisée en franchissant l'horizon des évènements. Si on place une barrière constituée d'un obturateur de 3 nm d'épaisseur devant l'horizon des évènements, on empêche la rematérialisation ce qui provoque la destruction de l'objet en cours de transfert. Au centre, gros-plan sur la structure quantique hypothétique d'un tel trou de ver. Il faut imaginer qu'elle est dynamique et fluctue en permanence comme la surface de l'eau. A droite, un trou de ver installé dans un astrodrome que peuvent emprunter des touristes. Tout le monde connaît ce genre de trou de ver mais cela reste un concept, peut-être même une utopie, car on ignore comment le créer, le stabiliser et l'agrandir. Documents MGM et T.Lombry.

C'est ainsi que bientôt l'espace-temps foisonna de "sas de liaisons" que des "voyageurs de Langevin" explorèrent au gré de leurs excursions sidérales. La littérature de science-fiction était aux anges mais éloignait peut-être Carl Sagan ou Isaac Asimov de la réalité. Nous entrons là dans un domaine très hypothétique et inaccessible à l'heure actuelle, sauf aux héros de "Terminator", "Deep Space 9", "Stargate SG-1", "Sliders", "Contact", "Continuum", "Interstellar", "Doctor Who" ou encore de "The Time Tunnel", l'une des premières séries qui aborda le sujet en 1966.

Entouré de quelques astronomes, l'astrophysicien anglais John Gribbin considérait en 1977 que les trous blancs étaient une réalité : le phénomène d'expansion de l'Univers n'a-t-il pas pour origine un Big Bang, issu d'une singularité; les quasars ne sont-ils pas entretenus par des trous noirs ?

Développées autour de notions théoriques, ces idées seront bientôt du ressort de la philosophie... Certains cosmologistes, tels Gérhard 't Hooft estiment même qu'une théorie devrait interdire de tels concepts ! Mais attendez-vous à des surprises encore plus étonnantes car nous allons essayer de fabriquer un trou de ver.

A voir : Interstellar (séquence Wormhole)

Contact (wormhole travel)

The Time Tunnel Photo Gallery

A gauche, extrait de la série TV "The Time Tunnel" sortie en 1966. A droite, le premier numéro (1 jan 1966) du roman dérivé de la série.

Pour plus d'informations

Fabrication d'un trou de ver (sur ce site)

Les trous de ver, façon de se téléporter ?, J.-P. Luminet, YouTube

L'Univers dans une coquille de noix, Stephen Hawking, Odile Jacob, 2002

Stephen Hawking's Universe (3 DVD NTSC, Région 1), PBS Home Video, 2000

Trous noirs et bébés univers et autres essais (1993), Stephen Hawking, Odile Jacob, 2000

White Holes and Wormholes, Andrew Hamilton

Time machines : time travel in physics, metaphysics and science fiction, Paul J. Nahin. AIP Press, Springer-Verlag, 1999

Traversable Lorentzian Wormholes: An Overview, Adam Getchell, 2003 (maths)

"Wormholes in spacetime and their use for interstellar travel: A tool for teaching general relativity'', M.Morris et K.Thorne, American Journal of Physics, 56, 395-412, 1988.

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