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La stabilité des trous noirs

Illustration d'un trou noir stellaire. Document T.Lombry.

Introduction

Il existe un problème important en relativité générale appelé la conjecture de stabilité du trou noir. Depuis l'invention de la théorie de la relativité générale et du concept de trou noir, les mathématiciens et les physiciens n'ont eu de cesse de vouloir comprendre la nature et les propriétés de ces étranges objets afin de préciser le passé de l'Univers et prédire son évolution.

Les mathéaticiens reconnaissent que c'est un problème complexe car les preuves de stabilité sont plus difficiles à prouver que découvrir des solutions exactes aux équations d'Einstein elles-mêmes.

Les mathématiciens ont prouvé que les solutions des équations d'Einstein correspondent à des conditions physiques, c'est-à-dire l'état dans lequel l'espace-temps devrait se trouver.

Mais à défaut de pouvoir reproduire un trou noir en laboratoire, les chercheurs doivent soit tenter de le modéliser sur ordinateur et simuler son évolution soit essayer de résoudre les équations d'Einstein dans tous les cas de figure. C'est cette seconde méthode que nous allons décrire.

Point crucial, les deux méthodes doivent s'appliquer dans un modèle d'Univers aussi proche que possible de l'Univers réel. Bien sûr, on pourrait a priori reprocher aux chercheurs d'étudier des trous noirs virtuels dans un univers-éprouvette qui n'est qu'un erzat numérique de la réalité physique. Mais ils n'ont pas d'alternative. En fait, ils n'ont pas besoin de tous les ingrédients qui peuplent l'Univers pour découvrir sa recette et son évolution. En effet, en applicant la mécanique de Kerr-Newman on peut prédire l'évolution d'un trou noir en rotation à partir d'une dizaine de paramètres et constantes grâce à la première loi de la mécanique du trou noir. On peut aussi prédire l'évolution de l'Univers à partir des principaux paramètres cosmologiques (cf. les résultats de la mission Planck) et des lois fondamentales de la physique. Ces lois, les chercheurs les connaissent toutes, ou du moins toutes celles qui semblent jouer un rôle dans la nature, en écartant bien sûr temporairement de notre recherche le problème de la matière et de l'énergie sombres (ou noires) ainsi que celui de la gravité quantique qui sont toujours non résolus.

Deux nouvelles études ont apporté un début de solution vers une preuve complète que la conjecture de stabilité des trous noirs est vraie. Pour mieux comprendre ce problème théorique, remontons quelques décennies en arrière et profitons-en pour rappeler quelques concepts fondamentaux en collaboration avec les auteurs mêmes de ces travaux.

Rappel historique

Comme la mécanique de Newton permet de calculer avec précision l'endroit où va atterrir une sonde spatiale, on doit pouvoir résoudre les équations d'Einstein et donc trouver des solutions exactes quelle que soit l'évolution de l'espace-temps. Mais à ce jour, c'est illusoire. En effet, une difficulté centrale des équations d'Einstein est de trouver un système de coordonnées universel permettant de savoir (calculer) à quel endroit se situe les objets. Comme sur Terre, dans l'espace-temps il est impossible de trouver un système de coordonnées absolu.

Les équations de champ d'Einstein décrivent l'évolution de l'espace-temps, de sa forme caractérisée par sa courbure et l'énergie en chacun de ses points. Les équations donnent la structure de l'espace-temps à l'instant zéro, dans 5 minutes ou dans le futur. Malheureusement, l'Univers ne possède pas de système de coordonnées absolu ni privilégié.

Les référentiels de l'espace-temps d'Einstein nous montrent que l'espace-temps se courbe en présence de matière. En 1916, le physicien allemand Karl Schwarzschild trouva une solution exacte aux équations qui décrivent des singularités sphériques et statiques, ce qui donnera la fameuse équation du rayon de Schwarzchild.

En 1963, le mathématicien Roy Kerr trouva une solution exacte décrivant un trou noir en rotation puis des physiciens trouvèrent une solution exacte pour un trou noir chargé électriquement.

A ce jour, ce sont les seules solutions exactes décrivant un trou noir. En effet, pour peu que le moment cinétique du trou noir soit très élevé ou qu'on ajoute un deuxième trou noir, les interactions des forces deviennent si complexes à résoudre que les outils mathématiques actuels sont incapables de calculer une solution exacte dans toutes les situations, sauf dans quelques cas très particuliers comme un faible moment cinétique.

En 1952, la mathématicienne française Yvonne Choquet-Bruhat se demanda ce qui se passerait si on secouait un trou noir. Ce problème est connu sous le nom de conjecture de stabilité du trou noir. Elle postula que les solutions des équations d'Einstein rendent les trous noirs stables même en présence d'une perturbation.

Imaginez qu'on secoue un trou noir. L'espace-temps commencera par trembler comme de la gelée ou la surface de l'eau mais si on attend quelque temps, il va retrouver sa stabilité et reprendre sa forme initiale. La stabilité d'un trou noir signifie que de faibles pertubations ne modifient que temporairement sa structure car la dyamique résultante sera très proche de la solution de Kerr originale.

Ces résultats de stabilité sont un test crucial qui vaut pour toute théorie physique. Prenons un exemple pour mieux comprendre l'importance de ce résultat.

Démonstration du fait qu'une perturbation (le choc d'une bille) ne modifie pas la stabilité d'un trou noir de Kerr (le puits dans le bloc de gel) ayant un petit moment cinétique. Voir aussi l'animation (GIF de 7.3 MB). Document Quanta Magazine.

Imaginons la surface calme d'un étang. On la perturbe en y jetant un cailloux. L'eau s'agitera quelque temps puis s'immobilisera à nouveau. Mathématiquement, les solutions des équations utilisées pour décrire l'étang (les équations de Navier-Stokes) peuvent calculer un état physique futur exact. Ces équations s'appliquent également aux déplacements de la mer et aux masses d'air et sont à la base respectivement des prévisions maritimes et météorologiques. Si les solutions initiales et à long terme ne correspondent pas, dans ce cas il faudrait remettre en question la validité des équations et réviser le modèle.

Les équations d'Einstein sont similaires. Elles décrivent une condition physique, l'état dans lequel l'espace-temps devrait se comporter. Il peut s'agir de n'importe quelle propriété de l'espace-temps. Seul bémol, même si le résultat est mathématiquement correct, s'il va à l'encontre de son interprétation physique, il est probable que ce ne soit pas la bonne équation. Nous rencontrons par exemple cette inadéquation entre la théorie et la réalité avec toute les cosmologies alternatives.

Le problème de la mesure en relativité

L'une des principales difficultés des preuves de stabilité du trou noir concerne son évolution. Pour cela, il faut un cadre de référence permettant de mesurer des distances et d'identifier des points dans l'espace-temps, tout comme les lignes de latitude et de longitude nous permettent de définir des emplacements sur Terre. Mais il n'existe pas de moyen unique et universel pour le faire puisque dans l'univers de l'espace-temps, tout est relatif.

Sur Terre nous disposons d'un système de coordonnées inventé par les cartographes qui divise arbitrairement le monde en cercles de latitude et de longitude à partir de deux lignes imaginaires de réference, l'une placée à 0° de longitude à Greenwich (cf. The Greenwich Meridian), l'autre à 0° de latitude à l'équateur. Mais même sur Terre, ce système n'est plus valable aux pôles Nord et Sud. Topologiquement parlant, les pôles sont des singularités de coordonnées (pour les différencier des singularités physiques que sont les trous noirs).

On pourrait donc tirer des conclusions erronées sur les propriétés de l'espace physique en se fondant sur ce système de coordonnées localement inadéquat. C'est pour une raison similaire qu'il est difficile de prouver la stabilité de l'espace-temps d'un trou noir. En effet, il est possible que la stabilité soit vraie car on utilise un système de coordonnées approximatif qui n'est pas universel, stable, et qui cache le fait que la stabilité n'est pas toujours vraie.

Dans le cadre de la conjecture de stabilité du trou noir, quel que soit le système de coordonnées qu'on utilise, il doit évoluer en même temps que l'espace-temps se déforme, comme un tissu souple épouse les déformations d'un relief. De plus, cet ajustement entre le système de coordonnées et l'espace-temps doit être valable au stade initial et tout au long de son évolution et pas uniquement dans des cas particuliers. Si ce n'est pas le cas, cela prouve deux choses :

- Le système de coordonnées peut échouer à caractériser les singularités (de coordonnées ou physiques). Ce sont des points indéfinis dans ce système de coordonnées qui rendent impossible le suivi complet d'un évènement dynamique.

- Un système de coordonnées mal adapté peut masquer les phénomènes physiques sous-jacents qu'il est censé mesurer. Pour reprendre l'image de l'étang, si on connaît les équations de la trajectoire du cailloux qu'on jette dans l'eau, il faut en plus connaître les équations qui régissent l'évolution des vagues et leur amortissement au cours du temps.

Le problème est similaire en relativité générale. Une perturbation déclenche une cascade d'ondes gravitationnelles, et prouver la stabilité nécessite de prouver que ces ondes gravitationnelles s'amortissent. Pour le prouver, il faut utiliser un système de coordonnées dit de jauge qui permet de mesurer la taille des ondes. La bonne jauge permet aux mathématiciens de voir les ondes s'amortir et finalement disparaître.

Selon Klainerman de l'Université de Princeton, l'amortissement ou "la décroissance doit être mesurée par rapport à quelque chose, et c'est ici que le problème de jauge apparaît. Si je n'utilise pas la bonne jauge ou échelle de mesure, même si en principe le système est stable, je ne peux pas le prouver car la jauge ne me permettra tout simplement pas de voir cet amortissement. Si je ne peux pas calculer le taux de décroissance des ondes, je ne peux pas prouver la stabilité."

Le problème est que, bien que le système de coordonnées soit crucial, il reste arbitraire et il n'est pas évident de choisir le bon. Selon Hintz, "Vous avez beaucoup de liberté sur ce que peut être cette condition de jauge. La plupart de ces choix seront mauvais."

Une preuve complète de la conjecture de stabilité du trou noir nécessite de prouver que toutes les solutions de trou noir connues issues des équations d'Einstein sont stables après avoir été perturbées. Parmi les solutions connues il y a la solution de Schwarzschild qui décrit l'espace-temps d'un trou noir statique et la famille de solutions de Kerr qui décrit l'espace-temps d'un trou noir en rotation (où les propriétés du trou noir - sa masse et son moment cinétique - varient au sein de la famille des solutions).

La conjecture de stabilité

Dans le cadre de la relativité générale, la solution des équations d'un trou noir de Kerr - en rotation - ne dépend que de deux paramètres, m (la masse) et a (le moment cinétique J = Mac, avec M la masse m > 0). Le trou noir de Kerr peut se résumer à trois configurations selon le moment cinétique :

- Un moment cinétique faible où 0 < |a| < M. Le trou noir présente un horizon externe et un horizon interne; c'est le cas le plus courant et le plus étudié.

- Un moment cinétique extrême où |a| = M et |J| = 1. Le trou noir n'a qu'un seul horizon.

- Un moment cinétique rapide où |a| > M et |J| > 1. C'est le cas de la singularité nue.

Depuis ces travaux initiaux, les chercheurs ont tenté de prouver que les trous noirs de Kerr sont stables.

Dans un article publié en préimpression sur "arXiv" en 2016 (et révisé en 2020), Peter Hintz alors à l'Université de Californie à Berkeley et András Vasy ont étudié la stabilité non linéaire de la catégorie particulière de trous noirs de Kerr-de Sitter.

Illustration du trou noir supermassif de 66 milliards de masses solaires - il détient le record - vraisemblablement tapis au coeur de l'AGN TON 618. Le rayon de ce trou noir (celui de son horizon externe) est estimé à 1300 UA ! A cette échelle, le système solaire interne n'est pas plus grand qu'un pixel. Document T.Lombry.

Prenons un exemple avec la plus simple de toutes les formes d'espace-temps, l'espace de plat et vide de Minkowski. Cette solution des équations d'Einstein fut découverte en 1908, à l'époque de la relativité restreinte. Or ce n'est qu'en 1993 que les mathématiciens Sergiu Klainerman de l'Université de Princeton et Demetrios Christodoulou de l'ETH Zurich ont réussi à prouver que si on déformait un espace-temps plat et vide, il redeviendrait plat et vide. Techniquement parlant, ils ont réussi à prouver la stabilité non linéaire de l'espace-temps de Minkowski de la relativité restreinte dans le cadre de la relativité générale (cf. C.Demetrios et S.Klainerman, 1993 et leur livre).

Hintz et Vasy ont réussi à prouver que les trous noirs en rotation lente sont stables. Mais leurs travaux ne couvrent pas les trous noirs en rotation au-dessus d'un certain seuil. Leur preuve fait également des hypothèses sur la nature de l'espace-temps. La conjecture originale se trouve dans l'espace de Minkowski, qui n'est pas seulement plat et vide mais aussi statique, de taille fixe. La preuve de Hintz et Vasy se déroule dans ce qu'on appelle l'espace de Sitter, où l'espace-temps est en expansion, tout comme l'Univers réel. Ce changement de cadre rend le problème plus simple d'un point de vue technique et plus facile à visualiser : si on jette un cailloux dans un étang en expansion, l'expansion va étirer les vagues et elles s'amortiront plus rapidement que si l'étang ne s'agrandissait pas. Selon Hintz, "Appliqué à l'Univers réel, nous regardons un Univers en expansion accélérée. Le problème paraît donc un peu plus facile car il semble diluer les ondes gravitationnelles."

Le travail de Klainerman et Szeftel porte sur un sujet légèrement différent. Leur preuve, dont la première partie d'une longue démonstration fut publiée sur "arXiv" en 2017, s'applique à un espace-temps de Schwarzschild, plus proche du cadre original, mais aussi plus difficile à résoudre. Les chercheurs ont réussi à prouver la stabilité d'un trou noir statique.

Selon Klainerman, "si ces solutions étaient instables, cela impliquerait qu'elles ne sont pas physiques. Ce serait un fantôme mathématique qui existe mathématiquement et qui n'a aucune signification d'un point de vue physique." Autrement dit, puisque les trous noirs existent et qu'ils survivent probablement plus longtemps que la matière baryonique (bien qu'on exclut de ces études les effets quantiques), non seulement ils doivent être stables mais s'ils étaient instables il faudrait modifier la théorie de la gravitation d'Einstein.

Mais les deux chercheurs n'abordent pas les solutions pour un trou noir de Kerr (ce qu'ils feront plus tard). De plus, ils ne prouvent la stabilité des trous noirs que pour une classe restreinte de perturbations, celles où les ondes gravitationnelles générées par ces perturbations sont symétriques d'une certaine manière.

Les résultats obtenus par les deux équipes de chercheurs font appel à de nouveaux outils mathématiques pour trouver le bon système de coordonnées. Hintz et Vasy commencent par une solution approchée des équations, basée sur un système de coordonnées approximatif, et augmentent progressivement la précision de leur réponse jusqu'à ce qu'ils arrivent à des solutions exactes et à des coordonnées correctes. Klainerman et Szeftel adoptent une approche plus géométrique.

Dans une seconde étape, les deux équipes se sont appuyées sur leurs méthodes respectives pour trouver une preuve de la conjecture complète.

Stabilité des trous noirs à faible moment cinétique

Dans un article publié dans la revue "Inventiones mathematicae" en 2020, Peter Hintz et ses collègues Dietrich Häfner et András Vasy démontrèrent la stabilité linéaire des trous noirs de Kerr présentant un petit moment cinétique, c'est-à-dire le cas où |a|/m << 1 : "toute perturbation l inéarisées de la métrique de Kerr décroît à un taux polynomial inverse en une métrique de Kerr linéarisée" (auquel s'ajoute un terme de jauge pur à sept dimensions d'espace).

Dans un autre article de 894 pages publié en préimpression sur "arXiv" en 2022, le mathématicien Jérémie Szeftel de Sorbonne Université et ses collègues Elena Giorgi de l'Université de Columbia et Sergiu Klainerman de l'Université de Princeton ont également prouvé la stabilité des trous noirs de Kerr ayant un petit moment cinétique. La preuve entière comprend un article de 800 pages publié en 2021 par Klainerman et Szeftel, complété par trois articles de fond et totalise environ 2100 pages de démonstrations. A réserver aux mathématiciens de haut vol.

Concrètement, si on envoie des ondes gravitationnelles sur un trou noir de Kerr, il va se déformer mais à terme il retrouvera sa stabilité conformément à la solution de Kerr.

Cette démonstration confirme une fois encore l'exactitude de la théorie de la gravitation d'Einstein. Selon Christodoulou précité, le nouveau résultat "constitue en effet une étape importante dans le développement mathématique de la relativité générale."

Le mathématicien Shing-Tung Yau, professeur émérite à l'Université de Harvard et coinventeur de la théorie des variétés de Calabi-Yau, qualifia cette preuve de "première percée majeure" dans ce domaine de la relativité générale depuis le début des années 1990, rappelant que "c'est un problème très difficile." Yau avait déjà qualifié l'article précédent de 800 pages de "complet et passionnant."

L'une des raisons pour lesquelles la question de la stabilité est restée ouverte pendant si longtemps est que la plupart des solutions explicites des équations d'Einstein, comme celle trouvée par Kerr, sont stationnaires. Or dans la réalité les trous noirs présentent un spin et évoluent dans le temps.

Pour évaluer la stabilité d'un trou noir de Kerr, les chercheurs ont réalisé des expériences de pensées en soumettant les trous noirs à des perturbations mineures, puis ils ont observé comment évoluent les solutions qui décrivent ces objets. Pour ce faire, Szeftel et ses collègues se sont demandés si un phénomène de type résonance pouvait se produire lorsqu'un trou noir en lente rotation était traversé par des ondes gravitationnelles.

Les trois chercheurs ont envisagé plusieurs scénarii. Une onde gravitationnelle pourrait, par exemple, pénétrer sous l'horizon des évènements d'un trou noir de Kerr. La masse et la rotation du trou noir pourraient être légèrement modifiées, mais l'objet serait toujours un trou noir caractérisé par les équations de Kerr. Ou les ondes gravitationnelles pourraient tourbillonner autour du trou noir avant de se dissiper de la même manière que la plupart des ondes sonores se dissipent avec la distance. Ou elles pourraient se combiner pour créer des cataclysmes ou, comme le dit Giorgi, "Dieu sait quoi" puisque nous n'avons plus accès à l'information en dessous de l'horizon interne des évènements.

Les chercheurs se sont appuyés sur ce qu'on appelle la preuve par contradiction, une méthode qui fut déjà utilisée dans des études connexes. On peut résumer l'argument comme suit. Les chercheurs supposent le contraire de ce qu'ils essaient de prouver, à savoir que la solution de Kerr n'existe pas éternellement ; il existerait à la place, un temps maximum après lequel la solution de Kerr n'est plus vérifiée. Ils utilisent ensuite une astuce mathématique (une analyse des équations aux dérivées partielles qui sont au cœur de la relativité générale) pour étendre la solution au-delà du temps maximum supposé. S'ils parviennent à démontrer que quelle que soit la valeur choisie pour le temps maximum, celui-ci peut toujours être prolongé, alors leur hypothèse initiale est fausse, ce qui implique que la conjecture elle-même doit être vraie.

Les prochains défis

Jusqu'à présent, la stabilité n'a été prouvée que pour les trous noirs à rotation lente. Il n'a pas encore été démontré que les trous noirs à rotation rapide sont également stables. De plus, les chercheurs n'ont pas déterminé avec précision à quel point le rapport du moment cinétique sur la masse doit être petit pour assurer la stabilité.

Klainerman estime que d'ici la fin de la décennie soit en 2030, les mathématiciens auront résolu complètement la conjecture de stabilité de Kerr. Mais sa collègue Giorgi n'est pas aussi optimiste compte tenu de la complexité du travail qui reste à accomplir. Dépasser le cas particulier du trou noir à rotation lente exige des compétences rares en mathématiques. Giorgi estime que résoudre ce problème prendra probablement des années voire des décennies.

Au-delà de ce défi intellectuel se profile un autre problème beaucoup plus important appelé la conjecture de l'état final. En résumé, certains modèles cosmologiques prédisent que si nous attendons suffisamment longtemps, très longtemps, il n'existera plus dans l'Univers qu'un nombre fini de trous noirs de Kerr s'éloignant les uns des autres (cf. le Big Freeze). La conjecture de l'état final dépend de la stabilité de Kerr et d'autres sous-conjectures qui sont extrêmement difficiles à prouver en elles-mêmes. Selon Giorgi, "nous n'avons absolument aucune idée de comment prouver cela."

En résumé, depuis plus d'un siècle les astrophysiciens et les cosmologistes ont fait confiance aux équations d'Einstein qui se sont révélées très fiables pour comprendre l'Univers, son passé et son avenir. A présent, les mathématiciens sont peut-être sur le point de démontrer exactement pourquoi elles fonctionnent si bien.

A n'en pas douter, les trous noirs de Kerr retiendront encore l'attention des mathématiciens pendant des décennies voire davantage.

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