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Les volcans

L'éruption vulcanienne en 2004 du Karymski, le plus actif des volcans de la péninsule du Kamtchatka en Russie. Document Alexander Belousov.

Origine et structure (I)

Les volcans terrestres sont le résultat de l'émission en surface de produits magmatiques (magma, gaz, cendres) issus des profondeurs de la Terre et leur activité témoigne des forces qui règnent à l'intérieur de la Terre.

C'est dans le manteau inférieur qui commence vers 3500 km du centre de la Terre et s'étend sur 2900 km que se forment les cellules de convection et les courants qui transportent l'énergie calorifique engendrée par le noyau de la Terre vers la surface. Le manteau supérieur est divisé en deux zones, une couche profonde où la température varie entre 3500 et 2000°C et une couche superficielle épaisse de 650 km où la température varie entre 2000 et 1100°C caractérise par une lave plus visqueuse qu'en profondeur. C'est au sommet de cette dernière couche que le magma se fraye un chemin à travers l'écorce jusqu'en surface. Notons qu'on parle de magma tant que la matière se trouve dans le manteau ou dans le volcan et de lave après son éjection du volcan.

Comme illustré plus bas, un volcan se caractérise par un cône volcanique composé de couches de cendres et de lave solidifées qu'on appelle la croûte. Ce cône se forme sous la pression du magma qui s'accumule sous le volcan dans une chambre magmatique située à la jonction entre le manteau et la croûte terrestre formant la lithosphère. Il peut exister plusieurs chambres magmatiques : une première située dans le manteau inférieur et qui n'est pas nécessairement connectée aux chambres supérieures, et une chambre magmatique située dans le manteau supérieur, dans l'asthénosphère qui est ou non reliée aux cheminées formées dans la lithosphère. Sous la pression, le magma de l'une ou des chambres magmatiques se fraye un chemin à travers les fractures de l'asténosphère et de la lithosphère et remonte en surface jusqu'à la croûte océanique ou continentale. Il se forme alors une cheminée principale qui aboutit au sommet du volcan où se situe le cratère terminal dont le diamètre peut atteindre plusieurs kilomètres.

A consulter : Volcano Discovery

Hommage à Haroun Tazzieff

Cet article rend hommage au travail pionnier du vulcanologue d'origine russe Haroun Tazieff (1914-1998), ingénieur agronome et géologue de formation, membre du CNRS qui fit de la volcanologie une science de terrain à part entière, pour laquelle il n'hésita pas à inventer des instruments de mesures et à prendre des risques que d'autres jugeraient inconsidérés pour recueillir des données in situ.

A une époque où les géophysiciens et les géologues travaillaient surtout en laboratoire sur des sujets particuliers et considéraient les revues de volcanologie péjorativement comme des revues "illustrées de panaches de fumée", Tazieff et ses collègues passaient pour des électrons libres, des iconoclastes qui passaient leur temps sur les volcans à étudier leur dynamique.

Avec les membres de son équipe dont Maurice Krafft, Tazieff développa une réelle connaissance globale des volcans non pas basée sur des hypothèses et des modélisations mais sur l'expérience acquise sur le terrain. Après les éruptions volcaniques dramatiques de 1982 (El Chichón, 500-5000 morts) et 1985 (Nevado del Ruiz, 22000 morts), Tazieff et Krafft voulurent mieux connaître les entrailles de la Terre afin de prédire les éruptions volcaniques et éviter des catastrophes humaines et plus généralement prévenir les risques naturels. Deux ans avant sa mort, à l'âge de 82 ans, Tazieff était encore monté sur l'Etna.

D'un caractère affirmé sinon volcanique mais modeste, il n'hésitait pas à déplacer l'attention des médias sur ses collègues de travail. Fort de sa notoriété, en l'espace de 40 ans Tazieff publia une trentaine de livres sur les volcans, réalisa de nombreux films et participa à de nombreuses conférences. On le vit également quelquefois sur les plateaux de télévision et fit même l'expérience de la politique. Mais sans réel pouvoir, il s'en échappa rapidement pour revenir à sa passion qu'il transmit à de nombreuses émules. Le temps lui donnera raison.

L'activité volcanique étant liée à la tectonique des plaques et la plupart du temps soit à des phénomènes de subduction proches d'une zone de fractures soit à des points chauds (hot spots), comme l'illustre le schéma ci-dessous à droite, un volcan peut se former en différents endroits, ce qui permet de les classer en fonction de leur origine :

- le volcan de point chaud se forme sur la croûte océanique. Il peut aussi se former au-dessus des zones de subduction des plaques tectoniques, c'est-à-dire à l'endroit où une plaque lithosphérique s'enfonce sous une autre adjacente. Du fait du déplacement des plaques tectoniques, ces volcans forment généralement des arcs insulaires.

- le volcan bouclier se forme sur la croûte océanique par une poussée locale du magma.

- le volcan sous-marin ou la ride médio-océanique se forme dans la zone d'accrétion sur la dorsale océanique y compris dans les fosses abyssales, à l'endroit de divergence des plaques océaniques, le magma du manteau remontant à travers la croûte océanique.

- le volcan continental se forme également dans la zone d'accrétion mais au milieu des continents. A cet endroit, le magma du manteau s'infiltre dans les fractures de la croûte terrestre jusqu'en surface à travers la croûte continentale.

Coupe schématique d'un volcan (gauche) et origine des différents types de volcans. Voici une version plus complète adaptée par l'auteur. Documents D.R. et USGS.

La plupart des volcans se développent donc aux limites des plaques tectoniques, le long de ce qu'on appelle la "Ceinture de feu" du Pacifique qui explique l'existence des volcans de l'archipel d'Hawaï, de Java, du mont Fuji, du Kamtchatka, du St.Helens et d'El Chinon parmi des centaines d'autres, ainsi que ceux existant le long de toutes les autres zones de subduction, notamment celle qui traverse la Méditerranée à hauteur de la Crête (par ex. Santorin) et remonte vers l'Italie (par ex. Etna, Stromboli, Vésuve) ou celle qui divise l'Atlantique du nord au sud et dont la dorsale rejoint l'Islande et ses fameuses sources hydrothermales.

D'où provient le magma ?

C'est une question complexe car les géophysiciens n'ont qu'un accès très limité aux entrailles de la Terre soit à travers les bouches volcaniques soit à travers l'analyse des carrottes remontées des profondeurs.

Selon les chercheurs, le magma provient de la fusion partielle de roches situées généralement à moins de 100 km de profondeur. Toutefois, dans le cas des îles d'origine volcanique comme l'archipel d'Hawaï le matériau remonte d'abord à l'état solide et très chaud avant d'entrer en fusion partielle par un processus qu'on appelle un panache mantellique, une plume remontant du manteau. Mais vous verrons que cette théorie est controversée.

Ensuite, ce magma remonte en surface. Sous l'effet de la pression, de la température et de la convection, les roches profondes deviennent ductiles (elles se déforment sans se rompre). Sous les dorsales océaniques, elles subissent une fusion partielle vers 20 ou 30 km de profondeur. Le magma perd ensuite sa chaleur en remontant vers la surface soit à travers un point chaud ou des déplacements des plaques tectoniques. Le magma remonte alors dans une chambre magmatique (un réservoir situé sous la surface) ou emprunte des dykes, des sills (des fissures) voire tout un réseau de fractures jusqu'à la bouche ou cratère du volcan où se déverse la lave.

A voir : La formation des Bermudes

Go To Bermuda (tourisme)

Coupe polarisée d'un carottage de lave réalisé aux Bermudes contenant un cristal bleu et jaune de titane-augite entouré de minéraux broyés de feldspath, phlogopite, spinelle, pérovskite et d'apatite. C'est cet assemblage qui suggéra à l'équipe de Mazza que la source de cette lave se situait dans le manteau riche en eau. Document S.Mazza et al. (2019).

Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2019, l'équipe de Sarah E. Mazza de l'Université de Münster en Allemagne publia les résultats de l'analyse d'un carottage réalisé en 1972 aux Bermudes, des îles apparues il y a environ 30 millions d'années. Les chercheurs ont découvert que les laves poussées en surface par le magma présentent des signatures géochimiques typiques de la zone de transition située entre 410 et 660 km de profondeur, là même où se trouve la ringwoodite riche en eau (cf. ce schéma). Mais cela signifie surtout que ces îles ne sont pas le résultat d'un point chaud ni d'une activité volcanique classique mais d'une remontée de magma de la zone de transition dans le manteau supérieur. C'est la première fois qu'on découvre du magma provenant de cette zone riche en éléments volatils.

Nombre de volcans

On décompte aujourd'hui environ 450 volcans actifs dans le monde dont une centaine font l'objet d'une étroite surveillance. Mais pour un volcanologue, le terme "aujourd'hui" ne représente pas l'instant présent mais une période de temps d'environ 10000 ans. Il existe donc toute une série de volcans en sommeil.

Le long des 4000 km de l'arc Indonésien (cf. aussi le site Magma Indonesia) environ 132 volcans sont actifs, certains menaçant régulièrement les populations.

Si on considère la taille du pays, c'est au Japon qu'on trouve le plus grand nombre de volcans actifs (112 volcans actifs sur 378000 km2) mais c'est en Indonésie qu'ils sont les plus nombreux (148 volcans sur 1.9 million de km2).

Selon la NASA, au moins 1500 volcans pourraient se réveiller d'un jour à l'autre et menaceraient plus de 500 millions de personnes. 20% de ces volcans sont sous-marins.

Mais ces volcans ne représentent que le sommet de l'iceberg car dans une nouvelle étude publiée dans la revue "Science" (cf. ce résumé) en 2023, des chercheurs ont découvert plus de 19000 nouveaux volcans sous-marins, autant de bulles de magma qui n'attendent qu'à exploser. Parmi ces volcans sous-marins, le plus grand fut découvert en 2010 au large de l'Indonésie; sa base mesure 3 km de longueur (cf. NGS). Il y a quelques années, on a également découvert 91 nouveaux volcans sous l'Antarctique (cf. Volcano Active), le continent blanc totalisant 138 volcans en 2017. On y reviendra.

Les éruptions

De nos jours, on observe entre 50 et 80 éruptions volcaniques chaque année. Chaque jour, une trentaine de volcans entrent en éruption. Certaines éruptions sont récurrentes sur un même volcan comme sur l'Etna ou le Vésuve, ou durent depuis des années et même des décennies (Vésuve en 1912-1944, 31 ans), Nyiragongo (1927-1977, 50 ans), Stromboli (1934-en cours, >90 ans), Yasur (1774-en cours, >250 ans).

Comme nous l'avons évoqué, l'activité d'un volcan témoigne des forces qui règnent à l'intérieur de la Terre et en particulier dans le manteau. Les éruptions sont très variées et dépendent principalement du niveau de pression et de la composition du magma. L'activité volcanique peut aussi être déclenchée par une activité sismique dont l'épicentre se situe à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Les conséquences d'une éruption peuvent se limiter à des dégâts matériels locaux ou avoir des conséquences catastrophiques à l'échelle régionale ou planétaire. On y reviendra.

A voir : LIVE: La Palma Volcano Eruption, afarTV, 2021

Lava Fountains from Bardarbunga Volcano, Photovolcanica, 2014

Trois éruptions effusives fissurales projetant de spectaculaires fontaines de lave à plusieurs centaines de mètres de hauteur. A gauche, l'éruption du Mauna Ulu sur la faille située sur le versant est du Kilauea à Hawaï le 30 décembre 1969. La lave fut projetée à 300 m d'altitude. L'activité volcanique de ce nouveau volcan dura 5 ans (du 24 mai 1969 au 22 juillet 1974). Au centre, l'éruption du Bárdarbunga en Islande en 2014. Il s'agit d'un stratovolcan situé sous le Vatnajökull, la calotte glaciaire la plus étendue d’Islande. L'éruption dura 6 mois. A droite, l'éruption du Cumbre Vieja situé au sud de La Palma, aux Canaries, le 20 septembre 2021. Toute l'île de La Palma est un supervolcan. L'éruption qui ne fit aucun mort ni blessé dura jusqu'au 25 décembre 2021. Elle entraîna l’évacuation de plus de 6000 personnes. Fin décembre 2021, les dégâts et les frais engagés dans les secours et d'autres actions résultant de l'éruption s'élevaient à plus de 900 millions d’euros. Documents USGS, Reykjavik Helicopters et A.San Gil Hernández via El Diario.

Les éruptions volcaniques sont classées en deux types selon la nature de l'éruption :

- les éruptions effusives propres aux volcans hawaïens et stromboliens dits volcans "rouges", produisent des coulées et des fontaines de lave très fluide, les éruptions sont peu explosives.

- les éruptions explosives ou vulcaniennes sont typiques des volcans "gris" dits péléens (par référence à la montagne Pelée et l'éruption de 1902) et pliniens (par référence à Pline le jeune qui fut témoin de l'éruption dramatique du Vésuve en l'an 79). Ils ne produisent pas de coulées mais des explosions destructrices avec énormément de cendres, des panaches de fumées et parfois des coulées pyroclastiques. Un volcan plinien peut émettre une colonne de cendres jusqu'à la statosphère (50 km d'altitude) et affecter le climat et la température globale de la Terre.

Deux éruptions de type éruptif plinien. A gauche, l'éruption du Pinatubo le 12 juin 1991 qui détruisit totalement le site. Voici une photo prise le même jour depuis l'ancienne base militaire américaine de Clark Air Base à Angeles, dans la province de Pampanga. Voici une photo montrant l'étalement du panache composé principalement de vapeur d'eau et de cendres. A droite, le début de l'éruption spectaculaire de l'Etna le 4 décembre 2015 qui fut la plus forte depuis celle de 1996. Documents USGC restauré par l'auteur, Arlan NAeg/AFP, PBS et Fernado Famiani.

Les éruptions volcaniques sont également classées en plusieurs catégories ou types en fonction principalement de la viscosité et de la composition de la lave ou de leur nature :

- Hawaïenne : fontaines et coulées de lave

- Strombolienne : projections de bombes, de scories, de lapilli et coulées de lave

- Péléenne : pluies de cendres et coulées pyroclastiques

- Plinienne : panache et colonne de poussière volcanique, pluie de cendres

- Vulcanienne : chute de ponces, de cendres et de blocs massifs.

- Surtseyenne : tirant son nom de l'île de Surtsey, en Islande, ce type d'éruption typique des îles se caractérise par l'émission d'une lave au niveau de la mer ou à une faible élévation

- Phréatomagmatique : Toute éruption deviendra beaucoup plus explosive si le magma interagit avec les eaux souterraines ou les eaux de surface peu profondes.

- Phréatique : ou hydrovolcanique, il s'agit d'une éruption provoquée par l'explosion de la vapeur d'eau due à la surchauffe des eaux souterraines par une source magmatique. Ce type d'éruption se produit généralement suite à l'infiltration d'eau de pluie, de la fonte de la neige ou de la glace, un phénomène qui a tendance à s'accentuer en raison du réchauffement du climat. Une éruption phréatique peut également contenir des cendres volcaniques constituées de roches brisées et éventuellement des gaz, mais ne contient aucun matériau magmatique. L'éruption phréatique peut annoncer une éruption magmatique ou des coulées pyroclastiques.

En fonction des caractéristiques du volcan et du magma, il n'est pas rare qu'un même volcan présente deux types d'activités d'une éruption à l'autre, par exemple le type Strombolien puis Vulcanien, Péléen puis Plinien, Phréatique puis Péléen, etc.

A voir : Volcano Driver, Sam Cossman

Drones Sacrificed for Spectacular Volcano Video, NGS, Sept.2014

Lac de lave bouillonnant du cratère Marum sur l'île d'Ambrym au Vanuatu

Nyiragongo Crater : Journey to the Center of the World, Boston.com, 2010

Ci-dessus à gauche, l'éruption de l'Etna en Sicile en novembre 2013 dont voici une vidéo sur YouTube. C'est un stratovolcan affichant des éruptions stromboliennes (explosives) en moyenne tous les 15 mois. C'est le volcan le plus haut d'Europe, culminant à 3340 m. Ce volcan est dangereux car il est à proximitié des villes de Catane et Taormina et menace plus de 3 millions de personnes. Il émet des laves fluides (volcan rouge), des cendres, des coulées pyroclastiques, des jets de vapeur et même des lahars. A droite, furmerolles sur le Stromboli, un volcan explosif situé dans les îles Éoliennes au nord de la Sicile. Connu depuis l'Antiquité, les avalanches de lave peuvent engendrer des tsunami. Bien qu'il produise des éruptions parfois violentes et très dangereuses, il reste une destination touristique très prisée. Ci-dessous à gauche, éruption du stratovolcan Tungurahua en Equateur. A droite, une des nombreuses éruptions de l'Etna en Sicile en juillet 2001 dont l'activité est documentée depuis plus de 2700 ans. Documents ESA, Jean du Boisberranger, Sebastián Crespo et Daisy Gilardini.

Si nous devions classer les volcans par dangerosité, ce n'est pas la lave qui fait peur car mis à part les coulées sur les flancs du volcan ou les éruptions fissurales, généralement la lave progresse lentement et les habitants ont le temps d'évacuer les lieux à défaut de pouvoir bloquer sa progression (on peut juste parfois la dévier de son cours). Ce sont en fait les volcans explosifs et autres volcans gris (stromboliens, péléens et pliniens) qui font le plus de victimes en raison des pluies de cendres et notamment des lahars et parfois des coulées pyroclastiques qui les accompagnent. Ils peuvent aussi provoquer un glissement de terrain à l'origine d'un tsunami. On y reviendra.

Lac de lave et lac d'acide

Si le volcan est actif, le cratère peut contenir un lac de lave. Il n'en existe que quatre permanents sur la planète : Nyiragongo, Erta Alé, Kilauea et Érébus plus le lac temporaire du Marum et les lacs du Masaya. En août 2011, il y eut également un lac de lave dans le cratère de l'Anak Krakatoa. Si le dégazage d'acide sulfurique et/ou chlorhydrique est important, il peut aussi se former un lac d'acide. C'est notamment le cas à Ambae, Irazú, Inielika, Kelimutu, Poás, etc. où le pH de l'eau varie entre 0.3 et 0.4. Le record est détenu par le lac acide du Kawah Ijen à Java avec localement un pH voisin de 0.2; tout corps non protégé plongé dans l'eau en ressort... corrodé ou brûlé !

Un volcan actif peut présenter des fumerolles soit dans le cratère soit émanant de fractures dans ses flancs, des coulées de lave voire même parfois un cône adventif, c'est-à-dire un second petit volcan sur ses pentes alimenté par une cheminée issue de la principale.

Après la phase éruptive et le dégazage quasi complet du volcan, l'activité volcanique s'assoupit et un bouchon de lave ou d'autres matières pyroclastiques solidifiées obstrue la bouche du cratère.

A gauche, le lac de lave permanent du Nyiragongo en 2010. Il contiendrait 8 millions de mètres cubes de lave dont l'activité varie entre le calme plat et le bouillonnement. A droite, le lac d'acide du Kawah Ljen sur l'île de Java dont le pH est d'environ 0.2. Documents D.R.

Si le volcan est endormi ou apparemment éteint, le cratère sommital peut également être noyé sous un lac ou tout le cône volcanique peut même être recouvert de sédiments ou de végétation donnant l'impression qu'il s'agit d'une simple colline ou d'une montagne comme c'est le cas de la Chaîne des Puys en Auvergne dans le Massif Central (F), constituée de 80 volcans dont les derniers entrèrent en éruption il y a 7600 ans (puys de la Vache et de Lassolas). On ne peut donc pas certifier qu'ils sont éteints. En revanche, la dernière éruption du puys de Dôme que l'on voit ci-dessus à gauche (à l'arrière-plan) remonte à 11000 ans tandis que celle du puys des Goules (le deuxième volcan avec le cratère vert clair à l'avant-plan) remonte à environ 30000 ans.

Le réveil des volcans

Malgré toute notre science et notre technologie, s'il y a bien un sujet qui fait encore peur aux volcanologues c'est le réveil soudain d'un volcan. En effet, il est arrivé plus d'une fois qu'un volcan que l'on croyait éteint ou endormi depuis plusieurs siècles ou des millénaires se réveille brusquement. Ce genre de phénomène confronte les chercheurs à des mécanismes qu'ils ne comprennent pas encore, raison pour laquelle l'étude conjointe des séismes et des phénomènes connexes comme les aspérités et les trémors (ondes de basses fréquences) est très importante pour tenter de cerner tous les facteurs pouvant déclencher une éruption afin que le cas échéant, les autorités puissent évacuer les populations en danger.

Ci-dessus à gauche, les volcans en sommeil de la Chaîne des Puys en Auvergne. A l'avant-plan le dôme érodé du puys du Grand Sarcouy (1147 m) suivi par le puys des Goules (1146 m), puis le puys de Pariou (1209 m) et l'imposant puys de Dôme (1465 m) à l'arrière-plan sur lesquel sont installés un centre météo et une antenne de télédiffusion. Les dernières éruptions remontent à 8500 ans (puy Chopine et cratère Kilian) et 7600 ans (puys de la Vache et de Lassolas). A droite, le volcan du Kilimandjaro en Tanzanie. Culminant à 5895 m, il est considéré comme éteint car sa dernière éruption remonte à 300000 ans mais il émet encore des fumerolles et présente des secousses sismiques. Ci-dessous, l'imposant volcan chilien Ojos del Salado. C'est le plus haut du monde, culminant à 6893 m. Il est classé comme actif. Sa dernière éruption mineure de cendres date de 1993 mais sa principale éruption remonte vers l'an 750 ±250 ans. Documents D.R., Danita-Delimont et Culture Trip.

L'un des évènements récents les plus célèbres de ce type est l'explosion du St.Helens situé dans la chaîne des Cascades aux nord-ouest des Etats-Unis (près du Mt. Rainier). Le 18 mai 1980, après un sommeil de plusieurs siècles, à 8h32m locale un tremblement de terre de magnitude 5.1 se produisit provenant du volcan. Le St.Helens explosa avec une énergie équivalent entre 27000 et 40000 fois celle de la bombe d'Hiroshima soit 600 MT de TNT (VEI 5). Son souffle fit exploser une partie du versant de la montagne, provoquant le plus grand éboulement de roche de l'histoire et abattit des millions d'arbres. Après une succession de petits éclats qui expulsèrent des cendres et de la pierre ponce ainsi qu'une coulée de lave, de la roche partiellement fondue mêlée de gaz et de vapeur à haute pression furent expulsés de la montagne. L'explosion de type plinienne recouvrit toute la région sous 1.2 km3 de matière volcanique dont 470 millions de tonnes de cendres et de débris. 57 personnes y laissèrent la vie. Les dégâts furent estimés à 1.1 milliard de dollars.

A écouter : Earthquake Music, Z.Peng

Le Mont St.Helens vu depuis la Norway Pass et le lac Spirit. A gauche, tel qu'il était en 1970, à droite son aspect en 2009. Suite à l'explosion du volcan le 18 mai 1980, le sommet fut pulvérisé et sous l'onde de choc, dans un rayon de plusieurs kilomètres toutes les collines furent rasées. Le lac fut entièrement couvert de troncs d'arbres abattus. A droite, 29 ans plus tard, en 2009 les cicatrices étaient toujours apparentes mais la végétation a timidement repris du terrain. Documents D.R. et David Anderson.

Pendant près de 20 ans, toute la région ressembla à un immense jeu d'allumettes, jonchée de millions de troncs d'arbres abattus, grise, stérile baignant dans une poussière omniprésente. Il fallut patienter plus de 25 ans pour que le site retrouve une certaine vitalité et que la verdure reconquiert les pieds du volcan comme on le voit ci-dessus à droite.

Aujourd'hui, le Mont St.Helens est toujours actif et le cône effondré reste sous pression comme on le constate sur cette vidéo prise par l'USGS montrant la transformation du dôme volcanique entre 2004 et 2008. Par endroit, la température du dôme atteint 66°C (2004) et même 102°C (2006) comme le montre cette vidéo. Cette température élevée ne signifie pas que le magma est à proximité de la surface car une roche en fusion peut mettre des millions d'années pour se refroidir. Ainsi, si une coulée de lave atteignant la surface se refroidit et devient solide en quelques mois, à quelques mètres de profondeur, la roche peut toujours être à plus de 100°C et le rester pendant plus d'un siècle. Par conséquent, sur la seule base de la température, il est impossible de déterminer la profondeur du magma.

A voir : Images de l'éruption du St.Helens (.avi de 222 KB)

The Eruption of Mount St. Helens, 35 Years Ago, The Atlantic Journal, 2015

Mt St.Helens: Lava Canyon and Ape Cave,  2012

32 Years at Mt. St. Helens, Peter J. Mouginis-Mark

Ci-dessus à gauche, le nuage de cendre et de poussière éjecté du St.Helens le matin du 18 mai 1980. L'explosion de niveau VEI 5 fit 57 victimes. Au centre et à droite, les arbres abattus après l'explosion du volcan photographiés en juillet 1985. Ci-dessous à gauche, l'éruption du St.Helens le 5 septembre 1982 photographiée depuis Harrys Ridge à 8 km de distance. La plume s'éleva jusqu'à ~900 m d'altitude. A droite, l'aspect du St.Helens en 2011. Tout le sommet conique sur une altitude de près de 400 mètres fut pulvérisé et dans toute la région on retrouve des troncs d'arbres sur pied mais éclatés rappelant la violence de l'explosion. Documents D.R., Peter J. Mouginis-Mark, Lyn Topinka et Ewen-Donabel/Flickr.

En théorie, le même type d'explosion et même plus catastrophique pourrait se produire avec tous les volcans endormis ou n'ayant plus eu d'activité depuis plusieurs siècles comme le mont Fuji ou le Nyiragongo, mais également avec des volcans très surveillés comme le Vésuve situé dans la baie de Naples en Italie. Dans des zones peuplées de millions d'âmes on n'ose imaginer les conséquences d'une éventuelle explosion majeure.

Obéissant à un mécanisme similaire mais de bien plus grande amplitude et étant potentiellement bien plus dangereux, nous décrirons séparément les supervolcans en prenant l'exemple emblématique de celui du parc de Yellowstone.

Rappelons qu'il existe des volcans en Antarctique. C'est même la région de la planète qui possède le plus de volcans, mais ils sont cachés. Il y a évidemment l'Erébus sur l'île de Ross qui culmine à 3794 m d'altitude qui est le seul volcan actif sur le continent blanc. Un autre beau volcan est celui de l'île de Cockburn situé au sud de l'extrémité nord-est de la péninsule Antarctique. Il mesure 2.5 km de long et culmine à 450 m de hauteur mais il est éteint.

A gauche, le mont Erébus sur l'île de Ross est le seul volcan actif en Antarctique. Voici une photo du sommet. Il culmine à 3794 mètres d'altitude. Au centre, le volcan Cockburn forme une île ovale située à l'entrée nord-est d'Admiralty Sound, au sud de l'extrémité nord-est de la péninsule Antarctique. Voici une autre photo du volcan entouré par la banquise. L'île mesure 2.7 km de longueur pour 2 km de large et est composée d'un haut-plateau entouré de pentes abruptes surmontées du côté nord-ouest par un sommet pyramidal de 450 m de hauteur. Géologiquement, le volcan comprend un conglomérat de Pecten datant de la fin du Pliocène ou du début du Pléistocène surmonté d'une plate-forme érodée par les vagues à 220-250 m de hauteur. L'île est un rare exemple de volcan appelé tuya ou moberg, qui a été formé par trois éruptions successives. A droite, cartographie des sites volcaniques identifiés en Antarctique en 2017. Documents Johannes Zielcke/Flickr, Nicolas Bayou, Fernanda Bull/AFP/GettyImages (fév. 2011), Jeník Kavan et M.v.W de Vries et al. (2017).

Selon une étude publiée en 2017 par Maximillian van Wyk de Vries de la Geographical Society de Londres et ses collègues, grâce à des géoradars, 91 nouveaux volcans furent localisés dans la partie septentrionale de l'Antarctique. Ils viennent s'ajouter aux 47 volcans déja connus. Les 138 formations culminent entre 100 et 3850 m d'altitude. Selon les chercheurs, bien que très probablement endormis, ces volcans ne resteront peut-être pas inactifs et leur réveil pourrait représenter un danger pour un plateau de glace Antarctique déjà en train de fondre.

Les vertus des volcans

Sous des aspects menaçants et même mortels, sous certaines conditions on peut considérer que les volcans ont des "vertus" économiques très intéressantes, raison pour laquelle tous les volcans actifs (au sens vulcanologique) situés près de lieux peuplés voient fleurir une population qui certains jugent "irresponsable". Car si un volcan peut effectivement faire couler les larmes et le sang il peut aussi faire couler l'or et fertiliser les sols.

L'éruption de l'Etna en Sicile le 17 juillet 2001. Document Neovisioni.

D'abord les éruptions volcaniques n'ont jamais empêché les curieux et les touristes de s'approcher des volcans et à ce titre ils représentent une manne providentielle pour les commerçants et les agences de voyage (bien qu'il soit préférable de visiter un volcan en dehors des circuits touristiques). En 2013, l'Etna fut même inscrit sur la World Heritage List, au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO. Il est vrai qu'il fait partie d'un parc naturel et son activité est documentée depuis plus de 2700 ans et on peut tracer son activité géologique depuis 500000 ans.

Avec ses éruptions périodiques dont le risque pour la population est tout relatif et des laves très fluides (volcan rouge), l'Etna attire les curieux et la région reste un lieu de farniente très apprécié.

Mais les volcans sont tout aussi intéressants sur le plan agricole. En effet, à côté de la manne touristique et financière que peut apporter un volcan, ses cendres mêlées ou non à la terre s'altèrent par dégradation et forment des particules d'environ 2 microns qui constituent un engrais très enrichissant, c'est l'argilisation. Ces cendres sont riches en minéraux argileux et constituent une source de nourriture idéale pour les plantes. Ainsi, on cultive du vin dans la région de Naples, notamment plusieurs variétés d'Etna Rosso ainsi que des vins blanc et rosé.

Mais toutes les cendres ne ne transforment pas en engrais naturel. Ainsi, sous les climats froids (Andes, Islande, etc) les cendres ne fertilisent pas les sols mais au contraire, les rendent stériles. De même, les coulées de lahars sur lesquelles nous reviendrons sont bien trop compactes et chaotiques pour former des substrats fertiles; le site se transforme plutôt en dalle de béton ! On constate la même stérilité avec les projections de magma basaltique.

En revanche, si l'éruption se produit sous un climat chaud et humide (par ex. sous les Tropiques), la dégradation naturelle des roches et des poussières transforme rapidement les sols en terreau très fertile. Ainsi, avec une bonne irrigation des sols, les paysans peuvent réaliser 4 récoltes de riz par an alors que sans l'apport des volcans ils n'obtiennent que deux récoltes par an.

Enfin, il y a le cas particulier des volcans océaniques qui représentent une véritable pouponnière. En effet, l'argilisation des sols est pratiquement aussi rapide que l'éruption en raison de la chaleur et de l'humidité dégagées. Il suffit que des graines soient transportées par des bois flottés ou des animaux pour que le sol voit la vie émerger dès que la température descend sous environ 40°C (les mousses pouvant réduire cette température superficielle à moins de 20°C).

A voir : L'éruption du Saint Helens, 1980

Eruption de l'Etna en juillet 2001

Eruption du Calbuco au Chili le 22 avril 2015

A gauche, culture de thé près du mont Fuji au Japon. Ce volcan gris culminant à 3376 m est actif mais le risque d'éruption est faible. Sa dernière éruption remonte à 1708. A droite, le mont Taranaki dans le Parc National du Mont Egmont au nord de la Nouvelle Zélande. Voici une autre photo à la verticale prise depuis la station ISS expédition 38. C'est l'un des cônes volcaniques les plus symétriques au monde (avec le volcan Mayon aux Philippines). Le Taranaki s'est formé il y a 120000 ans et sa dernière éruption remonte à 1775. Son cône présente une forme quasi circulaire dont la limite inférieure est due à la différence de végétation (qui délimite aussi l'intérieur de l'extérieur du parc de ~19 km de diamètre). La teinte foncée représente la forêt indigène tandis que les zones vert clair sont des pâturages qui aboutissent jusqu'à la limite circulaire du parc. La plupart des forêts de plaine de la Nouvelle Zélande ont été défrichées pour l'agriculture, ne laissant que de petites poches fragmentées de forêt indigène remplies d'arbres âgés. Documents Nippon-Touch, D.R. et Stuart Rankin/Flickr.

Ailleurs, en raison de sa légèreté et son pouvoir abrasif, la pierre ponce permet de délaver les jeans ou est incorporée dans des pâtes dentifrices. Dans les stations hydrothermales les bains de boue ont des vertus curatives et l'eau chaude permet d'alimenter les habitations ou les piscines publiques gratuitement. Mais ces vertus ne peuvent être exploitées que dans les sites géothermiques stables et sous contrôle, comme par exemple en Islande. Ailleurs, lorsqu'il s'agit d'un volcan explosif ou émettant énormement de gaz, mieux vaut ne pas s'attarder près du volcan. Mais cela n'a jamais empêché les Japonais de vivre près du Mont Unzen ou les Indonésiens de profiter des vertus des nombreux volcans de leur pays.

Intéressons-nous justement à ces phénomènes connexes aux éruptions qui peuvent avoir des conséquences catastrophiques. C'est l'objet des prochains chapitres.

Prochain chapitre

Caractéristiques des laves

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