CHAPITRE 17

LES FAUSSES PISTES

 

Des érudits et des charlatans réécrivent l'histoire du monde

Avant d'étudier les cataclysmes terrestres (chapitre 18) et les cataclysmes cosmiques (chapitre 19) récents, il est nécessaire de faire le tri, car de nombreuses hypothèses et élucubrations interfèrent avec des informations certaines, plausibles ou seulement possibles mais crédibles. Ce chapitre a pour but d'éliminer quelques hypothèses qui ont eu, et ont encore parfois, un succès d'estime, mais qui se sont avérées fausses (figure) ou très improbables. C'est ce qui arrive pour certaines idées qui ont paru riches de promesses, mais qui n’ont résisté pas aux données d'observation.

D'autres hypothèses, par contre, furent jugées fausses par les scientifiques dès leur parution, comme la comète Vénus de Velikovsky par exemple. Cette hypothèse, étonnamment, eut un succès populaire inversement proportionnel à ses bases scientifiques inexistantes. Certaines idées enfin reposent seulement sur des fantasmes, comme les cataclysmes millénaristes ou les alignements et les groupements de planètes (figure), dont les effets sont totalement inexistants. Pourtant, même parmi ces élucubrations, certaines d'entre elles ont la vie dure, entretenues par des rêveurs, des astrologues ou des charlatans.

Parallèlement à ces hypothèses farfelues, des érudits, des scientifiques, des ingénieurs ou des historiens, ont, tout au long du XXe siècle, proposé des hypothèses personnelles pour prendre en compte des idées et des découvertes nouvelles et pallier l'insuffisance des théories officielles, qui souvent pêchaient par manque d'imagination et n'avaient pas une crédibilité suffisante. Certaines de ces solutions étaient révolutionnaires, mais toutes présentaient des insuffisances et n’expliquaient pas les observations. Une hypothèse doit s'appuyer sur des observations incontestables pour être plausible, à défaut d'être certaine, ce qui est une tout autre histoire. D'autant plus que l'on sait bien dans la communauté scientifique que la vérité du jour n'est pas obligatoirement celle du lendemain.

Nous allons rappeler sommairement certaines de ces hypothèses qui sont caractéristiques de problèmes qui se sont posés aux chercheurs et dont certains d'ailleurs ne sont pas encore résolus.

La comète Vénus de Velikovsky

Parmi tous ces érudits qui ont voulu réécrire l'histoire du monde, l'un d'entre eux est particulièrement célèbre. C'est Immanuel Velikovsky (1895-1979) qui a brossé, dans ce qu'il a appelé un essai de cosmologie historique, une fresque qui a obtenu un succès commercial mondial, mais non sans contrepartie. Son livre fameux, Worlds in collision (Mondes en collisions), paru en 1950, a eu un double effet. Il a plu au grand public par son côté mystérieux et par le parfum d'érudition qu'il dégage en première lecture. Mais, revers de la médaille, il a contribué à faire passer Velikovsky pour un charlatan qui s'est mis la quasi-totalité de la communauté scientifique de l'époque à dos.

Car il faut le redire, même si cet auteur passe encore parfois pour un martyr de la science, son livre est inacceptable sur le plan scientifique, bien que la partie historique soit assez remarquable. La méconnaissance de Velikovsky sur la partie astronomique du sujet est flagrante. Vouloir faire de Vénus une ancienne comète éjectée par Jupiter, il y a seulement quelques milliers d'années, a fait crier à l'imposture tous les astronomes. Les sondes spatiales qui ont étudié Vénus de près ont confirmé que cette planète n'a rien d'une comète capturée il y a 3500 ans.

Les quatre lunes de Hörbiger

Cette théorie qui remonte au début du XXe siècle a eu un certain succès en Allemagne et en Autriche jusqu'au début des années 1930, grâce au fait qu'elle était popularisée par le cosmologiste autrichien Hans Hörbiger (1860-1931), pseudo-scientifique et prophète nazi, et qu'elle faisait quasiment partie de la propagande scientifique des Allemands entre les deux guerres. Hörbiger était l'auteur d'une cosmologie sur la formation de l'Univers, basée sur l'antagonisme entre la Glace et le Feu, connue sous le nom de Glazialkosmogonie.

Il postulait que quatre satellites de la Terre s'étaient succédé, les trois premiers s'écrasant sur notre planète à la fin des trois grandes ères géologiques, et y ayant provoqué d'innombrables dégâts, comme l'avaient signalé les géologues des générations précédentes. Une première lune se serait écrasée à la fin du Primaire, permettant l'apparition des insectes géants et de végétaux tout aussi démesurés. Une seconde lune l'aurait ensuite remplacée (à la suite d'une capture) avant de heurter la Terre à son tour, provoquant la fin du Secondaire, cataclysme lié avec l'apparition des premiers hommes : des Géants et celle des grands animaux aquatiques. C'est la troisième lune qui aurait provoqué l'Apocalypse à la suite d'un nouvel impact à la fin du Tertiaire, il y a environ 150 000 ans, provoquant la disparition des Géants et l'apparition d'une nouvelle humanité dégénérée (!). Pendant 37 000 ans, ensuite, la Terre n'aurait pas eu de satellite, ce qui aurait entraîné la décadence de la vie terrestre. La Lune actuelle daterait de seulement 13 000 ans et serait donc très récente, il s'agirait d'une ancienne planète circulant auparavant entre la Terre et Mars et qui serait aussi plus grosse que les lunes précédentes.

Nous sommes là en pleine élucubration. Que des scientifiques aient pu soutenir une telle théorie paraît invraisemblable. Hörbiger était bien en peine pour justifier le renouvellement de ces lunes successives, privilégiant la théorie de la capture, à la mode à son époque. Mais une quadruple capture rendait déjà de son vivant cette théorie totalement inacceptable.

L'explosion de Sirius B et la cosmogonie des Dogons

Il s'agit d'une hypothèse basée sur deux bizarreries différentes, non liées entre elles, concernant Sirius, l’étoile (triple) la plus brillante du ciel et l’une des plus proches (8,6 a.-l.). On sait que Sirius B est une naine blanche de masse solaire dont la luminosité est 10 000 fois moindre que celle de Sirius A, ce qui rend son observation extrêmement délicate.

Sirius aurait changé de couleur depuis l’Antiquité, époque à laquelle elle était notée rouge, alors que de nos jours c’est une superbe étoile blanche (de type spectral A0). Cette anomalie a débouché sur l’hypothèse que l’explosion de Sirius B serait contemporaine tout en restant inobservée car noyée dans l’éclat de l’étoile principale. Cela est exclu pour de multiples raisons. Notamment, une telle explosion à proximité du Soleil aurait entraîné un déluge de radiations et de graves perturbations atmosphériques dont on ne retrouve aucune trace. Ce changement de couleur ne s’explique que par le passage d’un mini-nuage interstellaire entre Sirius et le Soleil qui aurait provisoirement altéré la couleur naturelle de l’étoile.

L'histoire de Sirius B, version Dogons, a été connue à partir de 1931, grâce aux travaux de l'ethnologue français Marcel Griaule (1898-1956), et elle est depuis source de polémique car la mythologie des Dogons plonge ses racines dans une antiquité au moins millénaire et qui pourrait même remonter à l’Égypte ancienne. Etonnamment, les membres de cette tribu soudanaise savent qu'autour de Sirius circule une étoile invisible, et aussi que sa période de révolution est de 50 ans. Cette étoile invisible c'est Sirius B, dont l'existence fut annoncée en 1844 seulement par Friedrich Bessel (1784-1846). Les Dogons savent aussi qu'une troisième étoile tourne dans le système et que celle-ci aurait une planète habitée ! Cette troisième étoile, baptisée Sirius C, soupçonnée dès 1894, a été confirmée en 1995. Il s'agirait d'une naine rouge gravitant à très faible distance de Sirius A et qui est repérable uniquement par les perturbations qu'elle crée dans le système multiple de Sirius.

Quel rapport entre les connaissances (non expliquées) des Dogons et le fait que Sirius aurait changé de couleur durant la période historique ? Apparemment aucun. Relier les deux, comme le font certains auteurs de la mouvance parascientifique et ésotérique, relève de la fiction pure et simple.

Vela X, l'étoile de Sumer et la légende d'Oannès

Dans le même genre d'idées fantastiques, il faut parler de l'hypothèse de l'érudit américain George Michanowsky, popularisée dans un livre paru en 1977 : The once and future star (traduit en français sous le titre : Le retour de l'étoile de Sumer). Son idée repose sur le lien possible entre la grande supernova de la constellation des Voiles (perpétuée par son résidu cosmique, le pulsar Vela X) et les origines de la civilisation. Michanowsky était un spécialiste des langues anciennes et son approche, différente de celle des astronomes, est très intéressante et aurait pu déboucher sur une découverte majeure, à la fois sur le plan historique et sur le plan mythologique.

D'abord, il faut préciser deux choses pour bien situer cet événement exceptionnel, unique même. La supernova fut visible quasiment comme un deuxième soleil, situé très près de 45° de latitude sud. Le pulsar qui en résulte est catalogué sous le nom de PSR 0833-45 (-45 signifiant 45° de latitude sud). Durant plusieurs mois, tous les habitants de l'hémisphère sud et ceux de l'hémisphère nord vivant en dessous de 35° suivirent l'évolution de cette gigantesque source de lumière totalement imprévue. Il s'agissait d'un des phénomènes cosmiques les plus grandioses dont l'homme a été le témoin depuis 15 000 ans, et il a eu obligatoirement un impact psychologique énorme et débouché sur la création de mythes et de légendes dont certains, souvent déformés, sont arrivés jusqu'à nous.

Deuxième chose, les Sumériens et avant eux les autres peuplades protohistoriques de la région, qui observaient chaque nuit le ciel vers le sud, connaissaient obligatoirement les étoiles de la Croix du Sud et les autres étoiles principales visibles sous leur latitude. Il ne peut donc y avoir confusion sur l'identification des étoiles brillantes.

Quand il eut connaissance par des articles de la presse scientifique de la probable association génétique entre la nébuleuse Gum, la supernova des Voiles et le pulsar Vela X, Michanowsky entreprit des recherches pour savoir si la supernova avait été observée et notée par les Anciens sous une forme quelconque. Il se référa aux textes qui traitent du ciel de l'ancienne Mésopotamie. Il connaissait l'existence d'une tablette sumérienne du British Museum connue sous le nom de tablette BM-86378. Celle-ci avait déjà été exploitée par des érudits au début du XXe siècle, notamment par le spécialiste allemand de l'astronomie cunéiforme Franz-Xavier Kugler (1862-1929). Son contenu est astronomique et concerne surtout un catalogue d'étoiles mésopotamien.

Michanowsky savait que l'âge probable pour l'explosion était –9000, mais il croyait possible que des variations dans la fréquence des pulses auraient pu intervenir et autoriseraient ainsi une date plus récente, possible jusqu'à –4000. Dans les années 1970, certains chercheurs pensaient même que la date historique permettrait de déterminer la date astronomique de l'explosion.

La distance de Vela X a été évaluée à 1300 années lumière, ce qui reste assez proche pour une supernova, mais l'intensité des rayons X, gamma et cosmiques est probablement insuffisante pour avoir des conséquences sur la vie, puisque la magnétosphère et, en deuxième rideau, l'atmosphère terrestre en absorbent et neutralisent la plus grande part. Par contre, l'effet de surprise et de terreur passé, les conséquences psychologiques ont dû être énormes.

Deux lignes de la tablette font référence à une étoile géante située à l'endroit même où s'est produite l'explosion de la supernova. Kugler, le premier historien astronome à avoir disséqué le contenu de la tablette avait fait remarquer que le texte s'appliquait à une région du ciel austral que la mythologie assimilait comme étant l'équivalent céleste de la cité d'Eridu. Michanowsky a défini la région comme étant le triangle céleste formé par les étoiles dzéta de la Poupe (m = 2,3) et gamma (m = 1,8) et lambda (m = 2,2) des Voiles. C'est précisément à l'intérieur de ce triangle d'étoiles relativement brillantes que le pulsar PSR 0833-45 a été localisé, ce qui paraît plus qu'une simple coïncidence. Cette région céleste était considérée comme particulièrement importante dans la tradition céleste mésopotamienne, alors qu'aujourd'hui rien n'y attire l'attention particulière d'un observateur, puisque les étoiles principales sont de magnitude 2.

La fameuse légende d'Oannès, être mythique mi-homme, mi-poisson a été transmise par le prêtre chaldéen Bérose, qui lui-même la tenait d'une multitude de devanciers. Oannès était considéré comme le dieu qui surgissant du golfe Persique aurait enseigné aux premiers habitants de Mésopotamie les arts de la civilisation (écriture, mathématiques, science des étoiles). Comme conclusion de sa minutieuse analyse des textes anciens et de sa connaissance de l'astronomie, Michanowsky propose la solution suivante :

« J'en suis venu à la conclusion que la légende d'Oannès devait ses origines à la grande étoile des Voiles et que l'apparition de ce prodige céleste était finalement resté dans les mémoires comme la visite d'une entité surnaturelle à forme semi-humaine. Quand la supernova fut observée au ras des eaux de la vaste mer des Sumériens, la réflexion lumineuse sur la surface de l'Océan s'étendit comme un ruban brillant depuis l'horizon du sud jusqu'au littoral. Les habitants de la côte ont réellement cru voir l'étoile qu'ils considéraient comme une divinité s'avancer vers eux en marchant sur l'eau. En tant que dieu mésopotamien, une telle apparition aurait été retenue sous une forme humaine. Etant venue par la voie maritime, elle aurait également projeté une image suggérant les caractères d'un poisson. Nous avons là un modèle ancien des êtres hybrides de la mythologie et du rêve, associé au rayonnement céleste émanant d'une source située près de l'horizon. » 1

L'hypothèse de Michanowsky est astucieuse, d'autant que certaines de ses conclusions sont troublantes (surtout la présence du pulsar dans le triangle d'étoiles des Sumériens) et comporte probablement une partie de vérité. Il est sûr que les Anciens, à quelque époque qu'ils aient vécu, ont dû être terrorisés en voyant apparaître en quelques jours seulement une étoile aussi brillante que la pleine Lune, et qui brilla durant plusieurs mois comme un phare dans le ciel du sud.

Le gros (et quasi insoluble) problème en ce qui concerne l'étoile des Voiles (perpétuée depuis par Vela X) est celui de la datation, car l'époque –4000 ne tient pas. Tout semble indiquer au contraire une explosion vers –9000, ce qui n'est pas la même chose. Exit donc la liaison génétique entre la supernova des Voiles et la légende d'Oannès, à moins que cette légende ait survécu dans les traditions des Anciens à la suite d'une transmission orale durant 5000 ans (200 générations en gros) avant d'être enfin traduite par écrit par les premiers utilisateurs de l'écriture.

Le mythe de la météorite géante de l'Adrar

L'histoire de cette célèbre météorite fantôme à laquelle reste étroitement attaché le nom de Théodore Monod, qui lui a consacré un livre passionnant Le fer de Dieu (écrit avec Brigitte Zanda), mérite d'être racontée car elle est exemplaire. Pendant plus de 70 ans, elle a été un point d'interrogation pour les spécialistes, même si beaucoup n'y croyaient plus, à commencer par Monod lui-même,.

On s'est longtemps demandé si la sidérite de Hoba, découverte seulement en 1920 en Namibie, était bien la plus grosse météorite terrestre et s'il était possible qu'on en retrouve encore de plus grosses dans un désert encore inexploré. Et surtout, les spécialistes se demandaient quel pouvait être le diamètre maximal d'une météorite après son impact à la surface terrestre.

Personne n'envisageait sérieusement qu'un objet d'une centaine de mètres puisse survivre sans fracturation à la traversée de l'atmosphère, jusqu'au moment où, au début des années 1920, Gaston Ripert (1881-1957), capitaine de l'armée française résidant à Chinguetti dans le Sahara mauritanien dans les années 1916-1917 raconta au minéralogiste Alfred Lacroix (1863-1948) avoir recueilli une météorite de 4,5 kg en 1916 « sur une énorme masse métallique mesurant une centaine de mètres de côté et une quarantaine de mètres de hauteur ». Les indigènes de la région la considéraient comme étant d'origine météoritique et l'appelaient le fer de Dieu.

Lacroix fit remarquer qu'en admettant une valeur de 40 mètres pour la troisième dimension qui n'avait pu être mesurée, on se trouvait en présence d'un bloc métallique d'un volume de 160 000 m3 et d'une masse d'environ 1 mégatonne, ce qui était phénoménal pour une météorite. Pour le fragment qu'il examina, il indiqua une composition de 80 % de fer et de nickel et 20 % de silicates. Il s'agissait donc bien d'une sidérite, et l'on pouvait supposer que la composition était la même pour l'énorme bloc.

A partir de 1930, si des doutes apparurent sur l'existence même de la météorite qui ne fut pas retrouvée par les voyageurs de passage, de nombreux scientifiques croyaient encore à sa réalité. Théodore Monod entra alors en scène et essaya d’en savoir plus en interrogeant les autochtones. Ce fut un fiasco, il ne trouva personne pour le renseigner et la météorite géante resta introuvable. Dès cette époque, il fut à son tour intimement persuadé de l'inexistence de la météorite.

Des reconnaissances furent effectuées par d'autres voyageurs et par des militaires entre 1938 et 1980, toujours avec le même résultat négatif. Monod lui-même, désireux d'en avoir le cœur net, reprit ses recherches en 1987 (à l'âge de 85 ans !) et en 1988, avec deux expéditions dans l'année. Malgré un ratissage de toute la région, il n'obtint aucun résultat nouveau, si ce n'est cependant qu'il identifia la montagne (soi-disant métallique) observée par Ripert en 1916. Il s'agit d'un « relief rocheux d'une quarantaine de mètres de hauteur, nommé guelb Aouinet ou tarf Aouinet », constitué en fait de grès et de quartzites et qui n'a strictement rien à voir avec un objet d'origine cosmique. (figure)

Il semble aujourd'hui impossible qu'un objet d'un diamètre supérieur à une vingtaine de mètres (même une sidérite) puisse arriver à traverser l'atmosphère sans se désintégrer ou du moins se fracturer. L'inexistence de la météorite géante de l'Adrar ne doit donc pas surprendre, elle est tout simplement logique.

Fortes approches annoncées = fin du monde

La multiplication des découvertes d’astéroïdes, et dans une moindre mesure des comètes, débouche obligatoirement sur des fortes approches à venir, quelquefois spectaculaires, et même carrément inquiétantes dans certains cas. Dans cette section, nous allons voir deux cas qui ont défrayé la chronique ces dernières années, et permis à la grande presse de faire des titres accrocheurs, susceptibles de faire frissonner leurs lecteurs (et donc de vendre). Le premier concerne la comète P/Swift-Tuttle et le second l’astéroïde 1997 XF11.

La fin du monde du 14 août 2126

Les journaux toujours avides de nouvelles à sensation ont fait leurs choux gras, en 1992 et 1993, de l'annonce d'une collision possible avec la Terre de la comète périodique P/Swift-Tuttle le 14 août 2126, en baptisant bien prématurément cette comète de Comète de l'Apocalypse ou Comète de la fin du monde. De telles annonces sont assez fréquentes, en fait, mais elles n'engagent que leurs auteurs, souvent des mythomanes et des gourous de sectes apocalyptiques, et sont vite oubliées.

Ce qui fut différent avec cette annonce, c'est qu'elle fut faite par Brian Marsden, le directeur du Minor Planet Center, et publiée dans la circulaire n° 5636 de l'Union Astronomique Internationale (UAI) en date du 15 octobre 1992. Marsden n'est pas n'importe qui : c'est l'expert mondial n° 1 du calcul des orbites, un astronome connu pour sa prudence, qui connaît le problème des approches des astéroïdes et des comètes aux planètes mieux que personne. C'est lui calcula plusieurs mois à l'avance les instants des impacts des fragments de la comète P/Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en juillet 1994, avec la précision que l'on sait.

S'il publia l'annonce d'une collision possible (titre un peu malencontreux dans lequel le possible devint vite quasi-certitude pour tous les médias qui vivent de sensationnel), c'est qu'il y avait une raison. Avec les derniers éléments orbitaux calculés de la comète P/Swift-Tuttle, qui fut retrouvée en 1992 seulement, peu de temps avant la fameuse annonce, et 130 ans après le passage de la découverte en 1862, Marsden trouva que cette comète passera très près de la Terre en août 2126. Personne n'est en mesure de dire exactement à quelle distance, car cette comète subit des forces non gravitationnelles par nature imprévisibles. Le passage prévu pour le 14 août 2126 peut avoir lieu à 8 heures du matin comme à 20 heures le soir.

Suite à l'émotion provoquée dans le grand public par des articles souvent démentiels et grossis à l'extrême avec des titres racoleurs, de nombreux astronomes furent réquisitionnés pour calmer un peu ce délire cométaire et faire comprendre aux médias et à leurs lecteurs qu'approche serrée et collision possible ne veulent pas dire collision certaine et fin du monde. L'astronome belge Jean Meeus publia le texte suivant en réponse à l'annonce trop rapide de la catastrophe à venir dans une revue astronomique de son pays :

« Marsden n'a jamais dit qu'en 2126 la comète entrera en collision avec la Terre. Il a donné cette date comme date de collision possible. Mais quelle est la probabilité d'une collision en 2126 ? Pour qu'il y ait effectivement collision, il faudrait que les deux conditions suivantes soient satisfaites simultanément :

a) il faudrait que la plus courte distance entre les deux orbites (celle de la comète et celle de la Terre) soit inférieure à 6378 kilomètres, valeur du rayon de la Terre. Si la plus courte distance est supérieure à cette valeur, aucune collision n'est évidemment possible !

Quelle sera cette plus courte distance ? Il est possible que Marsden l'ait calculée, mais je n'ai jamais vu de valeur publiée. Lors du retour précédent (1862), la plus courte distance entre les deux orbites (et non pas entre les deux astres eux-mêmes !) était de 670 000 km, la comète passant à l'extérieur de l'orbite terrestre. Pour le retour actuel (1992), la distance minimale entre les orbites est de 150 000 km, la comète passant cette fois à l'intérieur de l'orbite de la Terre.

b) la seconde condition est que la comète et la Terre passent pratiquement simultanément au point de plus grand rapprochement. Or, la Terre ne met que huit minutes pour parcourir, sur son orbite, une distance égale à son propre diamètre (12 756 km). La Terre ne se trouve que pendant huit minutes dans la région "dangereuse" ! Non seulement cela représente une très faible probabilité pour une collision, mais en outre il est parfaitement impossible de prédire, à huit minutes près, l'instant de passage de la fameuse comète en l'an 2126. Alors, que l'on ne vienne pas raconter qu'en 2126 la comète sera sur une "orbite de collision" avec notre Terre... » 2

P/Swift-Tuttle est une comète très remarquable, liée génétiquement, on le sait, aux Perséides qui illuminent chaque année notre ciel nocturne du 10 au 12 août. Elle fut déjà observée en 1737 en Chine, 125 ans avant sa découverte de 1862. On voit qu'à l'époque la période était de 125 ans, cinq de moins qu'actuellement. Son mouvement est particulièrement difficile à prédire à long terme du fait, nous l'avons dit, d'importantes et irrégulières perturbations liées aux forces non gravitationnelles. C'est grâce à Marsden d'ailleurs qu'elle put être retrouvée en 1992, alors qu'elle était attendue dix ans plus tôt, en 1982.

Le cas de P/Swift-Tuttle n'est qu'un exemple parmi d'autres d'annonce de cataclysme cosmique à long terme menaçant la Terre. Particulièrement en ce qui concerne les comètes actives, par définition des astres souvent imprévisibles, de telles prédictions sont pour le moins prématurées. Et ne faisons surtout pas dire à Marsden qu'il a annoncé la fin du monde. Comme un astronome extraordinairement précis qu'il a toujours été, il a annoncé une forte approche de P/Swift-Tuttle à la Terre le 14 août 2126, ce qui n'est pas la même chose. Cette approche serrée aura lieu, sauf désintégration de la comète d'ici là. Pour la fin du monde, il faudra encore attendre...

L’astéroïde 1997 XF11 et l’approche de 2028

Cet astéroïde a été découvert le 6 décembre 1997 par l’astronome américain James Scotti au cours d'une séance d'observation routinière. C’est un NEA de sous-type 1 (a = 1,442 UA, e = 0,484 et = 4,1°) comme on en connaît plus de 250. Le premier intérêt qu’il suscita fut son diamètre : 1,3 km (H = 17,0) et son approche possible à la Terre (Dm = 0,0010 UA). Un objet très intéressant donc, mais à première vue pas vraiment exceptionnel.

Comme toujours après une telle découverte, les astronomes font tourner les ordinateurs pour voir si l’on doit s’attendre à une forte approche réelle dans les décennies à venir. Et c’est de là que vint la surprise. 1997 XF11 doit nous rendre une visite très serrée le 26 octobre 2028. Brian Marsden, l’expert dont nous avons parlé plus haut, annonça une approche possible à 42 000 km seulement de la Terre, insistant bien sur la nécessité de nouvelles observations pour affiner ce résultat brut.  (figure)

Aussitôt les médias du monde entier se ruèrent sur cette annonce alléchante, rivalisant de superlatifs, d’autant plus que le cataclysme annoncé doit avoir lieu en 2028, ce qui laisse tout le temps pour s’y préparer. En France, le quotidien Libération, qui aime bien commenter les événements scientifiques, fit sa première du vendredi 13 mars 1998 (cette date était le simple hasard, puisque liée à l’annonce de la nouvelle !) avec ce titre : « 26 octobre 2028, Alerte à l’astéroïde. Ce jour-là, un énorme caillou frôlera la terre, sauf si… » et consacrait totalement ses pages 2 et 3 à l’événement. Le gros titre de la page 2 sur les cinq colonnes était : « Un astéroïde menaçant se dirige vers la planète terre ». Des interviews, heureusement rassurants des spécialistes Alain Maury et Antonella Barucci, permirent aux lecteurs de tout savoir sur ce qui nous attend.

Alain Maury qui traque les NEA depuis des années, et qui connaît parfaitement le sujet, expliquait fort bien la situation :

« C’est un gros, et on n’en a jamais vu passer un si près… Qu’il touche le sol ou l’océan serait spectaculaire. Un impact au sol pourrait détruire en totalité plusieurs départements français. Un choc avec l’Atlantique nord déclencherait un raz de marée qui atteindrait Paris. Dans les deux cas, il injecterait dans l’atmosphère une telle quantité de poussière que le Soleil en serait obscurci six mois à un an. Ce qui provoquerait un "hiver" capable de détruire une saison agricole…

Pour l’instant, la probabilité d’une collision, compte tenu des incertitudes sur la trajectoire, est non nulle, mais faible… Nous sommes certains que l’astéroïde va passer à l’intérieur d’un cercle de 200 000 km de diamètre, où se trouvera la Terre. Imaginez un cercle de 2 m et une cible de 12 cm à l’intérieur. C’est nous. » 3

Dans cette même double page de Libération, Antonella Barucci s’employait à rassurer les gens et aussi à tempérer l’ardeur des médias :

«  Faut-il s’inquiéter ? Une collision avec la Terre serait catastrophique, évidemment. Mais pour l’instant, le calcul ne dit pas que cette collision va survenir. En plus, c’est ce qui est très intéressant et justifie pleinement les opérations de surveillance, nous avons du temps pour réagir. En trente ans, si le risque d’une collision se précise, nous pouvons développer le moyen d’aller détourner la trajectoire de cet objet. Que les médias ne paniquent pas les gens… » 4

Au-delà du sensationnel, qui passionne ou terrorise le lecteur selon le cas, il y a la réalité incontournable que représente le danger potentiel des approches d’astéroïdes. Dans la double page de Libération, Alain Maury concluait d’une façon pragmatique :

«  On s’excite sur XF11, mais peut-être que d’autres astéroïdes sont passés bien plus près la semaine dernière… Des astéroïdes, on en découvre toutes les nuits. Loin, dans la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter, environ 300 à 400 par nuit. Et une dizaine par mois pour ceux qui vont passer dans la banlieue de la Terre. J’estime qu’à moins de 400 000 km de nous, il y a en permanence une cinquantaine d’objets de plus de 50 mètres de diamètre… Aujourd’hui, on sait que les catastrophes cosmiques ne sont pas réservées au passé. » 5

Des calculs ultérieurs ont montré que si la très forte approche du 26 octobre 2028 est confirmée, elle sera moins serrée qu’annoncée d’après les premiers éléments orbitaux calculés d’une manière précise. Elle ne devrait pas être inférieure à 800 000 km et ne présentera donc aucun danger pour la Terre. Elle n’en demeure pas moins un événement astronomique d’un grand intérêt que les astronomes ont tout le temps de préparer à loisir.

Les astronomes sont des gens raisonnables qui n’ont pas vocation d’effrayer le commun des mortels, beaucoup plus enclin à paniquer à la moindre annonce sensationnelle. S’ils annoncent un événement possible, c’est qu’il résulte de calculs réels, mais qui peuvent être issus d’éléments orbitaux préliminaires, et qui doivent donc être longtemps affinés grâce à des observations ultérieures avant de pouvoir être considérés comme définitifs et certains.

Malheureusement, dès qu’une information est lâchée dans la presse, elle ne leur appartient plus totalement. Des requins, sous forme de gourous auto-proclamés, s’en emparent et l’exploitent au détriment de gogos (complices de leur propre exploitation) qui aiment se faire peur et attendent un monde meilleur. Pour eux, pas de problème : le préliminaire se transforme immédiatement en certitude. Nous verrons un autre triste exemple de la bêtise humaine, lié celui-là à la comète Hale-Bopp, dans la dernière section de ce chapitre.

L'anneau à éclipses de la Terre

Cette hypothèse de l'existence d'un véritable anneau à éclipses autour de la Terre fut présentée par l'astronome danois Kaare Rasmussen au début des années 1990. Il postulait que de nombreux corps célestes (astéroïdes et comètes) qui passent parfois très près de notre planète pourraient se désintégrer et leur matière se satelliser autour d'elle. Pour arriver à cette conclusion étonnante, il avait étudié statistiquement toutes les données disponibles concernant la fréquence annuelle des pluies de météores, des observations de bolides et des chutes de météorites du VIIIe siècle av. J.-C. jusqu'en 1750, c'est-à-dire sur près de 2600 ans. Il retint 747 pluies qui lui permirent de tracer une courbe d'évolution dans le temps, mettant ainsi en évidence 44 figures remarquables, dont 16 se distinguaient nettement par leur forme caractéristique en "U", soit un pic, un plat, un pic.

Rasmussen retint le scénario suivant pour expliquer ces cycles en "U" :

1. Après une période calme, l'activité météorique augmente brusquement, dessinant un premier pic. La désintégration d'une comète ou d'un astéroïde, lors de son passage à l'intérieur de la limite de Roche, débouche sur une première activité directe : l'entrée dans l'atmosphère d'une bonne partie de la poussière ainsi créée.

2. Cette activité redescend ensuite lentement vers un taux minimal très bas, inférieur même au taux moyen annuel. Cette période intermédiaire correspond à la formation de l'anneau. Sous l'effet de la force centrifuge liée à la rotation terrestre, les particules de l'anneau se concentrent progressivement dans un anneau de plus en plus plat. C'est le plat du "U".

3. Ensuite, par effet de friction avec les particules de la haute atmosphère, la vitesse des particules de l'anneau diminue, et donc celui-ci perd progressivement de l'altitude. Il finit par se désintégrer et son matériau entre à son tour dans l'atmosphère, créant le deuxième pic d'activité.

D'après Rasmussen, la durée de vie d'un anneau varierait de quelques années à près de deux siècles, avec une durée moyenne de l'ordre de 30 ans. Ses 16 figures principales représenteraient autant d'anneaux qui se seraient succédé sur la période considérée de 2600 ans à la moyenne d'un anneau nouveau formé tous les 160 ans.

Malheureusement pour l'astronome danois, ses confrères ne l'ont pas suivi dans sa démarche et ses résultats, et sa théorie de l'anneau à éclipses de la Terre risque fort de prendre définitivement le chemin des oubliettes. On lui a opposé plusieurs réserves sérieuses. D'abord, la fiabilité de ses données historiques qui sont douteuses parfois et surtout incomplètes. Ensuite, son scénario de formation des anneaux successifs manquerait de crédibilité. La capture des comètes et des astéroïdes et leur satellisation autour de la Terre ne peuvent être que des événements très rares. Enfin, il n'est pas du tout prouvé qu'un tel objet satellisé se fragmente pour former le fameux anneau, il pourrait tout aussi bien entrer directement dans l'atmosphère et se fragmenter seulement pendant la traversée de celle-ci, ce qui exclurait toute formation d'anneau extra-atmosphérique.

En fait, les spécialistes préfèrent l'explication traditionnelle à celle de Rasmussen pour expliquer à la fois les impacts passés et l'existence permanente des météores. De nombreux corps célestes passent à proximité immédiate de la Terre, tout le monde en est bien d'accord, et parfois la heurtent. Les météores sont les débris de comètes usées qui suivent l'orbite de la comète mère et rencontrent plus ou moins régulièrement (selon les perturbations qui peuvent les rapprocher ou les éloigner) notre planète au point de croisement des orbites. Rasmussen a bien raison de parler d'une poussière cosmique abondante dans le sillage de la Terre autour du Soleil, mais elle appartient au Système solaire lui-même. On ne peut donc pas parler d'anneau au sens propre, c'est-à-dire comparable à ceux des planètes géantes, qui serait satellisé autour de notre planète.

On sait, par contre, qu'exceptionnellement un tel anneau pourrait se former, mais certainement pas tous les 160 ans. Sa formation se ferait très rapidement, peut-être en quelques jours seulement.

Cycles cosmiques et groupements et alignements de planètes

Nous avons vu au chapitre 1 que, très tôt dans l'histoire, les Anciens se sont persuadés du bien-fondé de l'astrologie planétaire et de l'importance des cycles cosmiques et aussi de celle des groupements et des alignements de planètes. La Grande Année était l'un des éléments primordiaux de leur histoire et chaque géomètre de renom a tenté de la mesurer et donc de dater son début et sa fin. Chacun avait sa propre valeur (quelques milliers d'années) obtenue de façon arbitraire et sans aucune justification.

Qu'en est-il de ces cycles cosmiques et de ces alignements à la lumière des connaissances modernes ? Dans son livre Mathematical astronomy morsels, l’astronome belge Jean Meeus a calculé tous les groupements de planètes pour une période de 4000 ans (0-4000). Le résultat est éloquent et définitif : il n'a pas d'alignements possibles de toutes les planètes comme le prétendait Bérose, et les groupements sont rarissimes. Meeus a calculé pour les huit planètes principales (Pluton est exclu) tous les groupements réels à l'intérieur d'un secteur héliocentrique de 90° (un quadrant centré sur le Soleil représentant le quart de la voûte céleste) et il a trouvé seulement 39 cas au total, ce qui est très peu : 10 au premier millénaire, 7 seulement pour le deuxième, 7 également pour le troisième et 15 pour le quatrième.

Trois groupements sont assez remarquables puisqu'ils sont circonscrits à l'intérieur d'un secteur inférieur ou égal à 50°. Deux ont déjà eu lieu, ce sont celui du 11 avril 1128 avec un secteur minimum de 40° et celui du 14 avril 1307 avec un secteur minimum de 46°. Le troisième aura lieu seulement le 31 juillet 3171 avec un secteur de 50°. Précisons que ces groupements concernant des planètes qui circulent à des distances très différentes du Soleil sont en fait totalement artificiels et n'ont aucune incidence ni effet de marée particulier.

Rappelons pour mémoire le fameux rapprochement planétaire du 10 mars 1982, médiatisé sous le nom ronflant de « L'effet Jupiter », annoncé à grand renfort de publicité plusieurs années à l'avance par tous les astrologues et tous les charlatans apparentés, et qui se sont couverts de ridicule en annonçant la fin du monde ou des catastrophes épouvantables (qui n'ont pas eu lieu évidemment). Le 10 mars 1982 les neuf planètes (Pluton inclus) se trouvèrent à l'intérieur d'un secteur héliocentrique de 95° (et donc non retenu dans la liste de Meeus qui se limite à des secteurs de 90°) (figure). Cette bizarrerie mathématique, spectaculaire sur le papier, mais absolument sans conséquence pour la Terre ou les autres planètes, puisque les effets de marée invoqués pour provoquer les cataclysmes étaient totalement nuls, a eu le mérite de discréditer définitivement cette catégorie de catastrophes imaginaires basées sur les groupements et alignements planétaires qui ne relèvent que du fantasme pur et simple.

Le millénarisme souvent invoqué les siècles précédents pour une éventuelle fin du monde ne peut plus s'appuyer sur ces problèmes cycliques. L'ordinateur en prévoyant tout à l'avance (Jean Meeus a tout calculé jusqu'à l'an 4000 !) avec une précision diabolique, a quasiment enlevé le "pain de la bouche" aux charlatans de tout poil, obligés de se rabattre sur des phénomènes imprévisibles, comme la venue impromptue (toujours possible) d'une comète ou d'un astéroïde.

L'Apocalypse : le fantasme des sectes religieuses

L'avenir sombre qui nous attend monte déjà à la tête de certains qui voudraient voir arriver une apocalypse anticipée, dans laquelle ils seraient eux-mêmes acteurs. C'est le fantasme cosmique de sectes religieuses. Nous avons vu que le phénomène n'est pas nouveau, puisque des prêcheurs ont toujours annoncé une fin du monde proche, il est de tout temps.

Principalement liée aux cycles cosmiques, l'Apocalypse est quasiment devenue un phénomène de société, de fuite en avant, pour un nombre sans cesse accru de personnes mal dans leur peau. L'exemple de ce qui s'est passé le 26 mars 1997 dans une villa de San Diego, en Californie, en liaison avec l'arrivée dans la banlieue solaire de la belle comète Hale-Bopp, est révélateur à ce sujet. Ce lamentable épisode de la bêtise humaine, qui a fini par un suicide collectif sans précédent, a montré l'extrême fragilité psychologique de certains individus devant "l'appel cosmique".

Pas moins de 38 personnes (17 hommes et 21 femmes) regroupées dans une secte au nom pompeux et grotesque « La Porte du Ciel » et manipulées par un gourou fou et démoniaque, qui promettait à ses adeptes d'atteindre "le niveau supérieur" (sic !), ont accepté sans trop d'état d'âme de se suicider avec la motivation et les arguments suivants qui leur ont paru suffisants :

« Nous sommes venus d'un espace lointain et nous avons maintenant quitté les corps que nous revêtions pour notre tâche terrestre, pour retourner vers le monde d'où nous venons, tâche accomplie. Cette distance de l'espace à laquelle nous nous référons est celle que votre littérature appelle le royaume des Cieux ou le royaume de Dieu...

Vous pouvez nous suivre, mais vous ne pouvez rester ici. La planète Terre va bientôt être recyclée. Votre seule chance de survivre ou d'être évacué est de partir avec nous...

Les clés du ciel sont présentes comme elles l'étaient avec Jésus, il y a 2000 ans...

Alerte rouge... Hale-Bopp annonce la fin. » 6

Tâche accomplie, Terre recyclée... Cette prose, réellement affligeante, à laquelle ont souscrit près de 40 personnes de 18 à 72 ans qui ont accepté de sacrifier leur vie et de partir pour un "dernier voyage", au nom d'un millénarisme moyenâgeux mâtiné de religion, laisse perplexes les personnes rationnelles et de bon sens. Et ce n'est qu'un exemple, même si le plus souvent, heureusement, les adeptes des sectes millénaristes n'en arrivent pas à une telle extrémité. Ils se contentent d'attendre (et d'espérer parfois) la fin du monde.

Nous avons vu plus haut que deux événements annoncés, les très fortes approches à la Terre à venir de l’astéroïde 1997 XF11 en 2028 et de la comète P/Swift-Tuttle en 2126, sont là pour prendre la relève. Et il y en aura bien d’autres dans les décennies à venir. Les sectes apocalyptiques ont encore de beaux jours devant elles.

 

1. G. Michanowsky, Le retour de l'étoile de Sumer (Albin Michel, 1980), p. 74

2. J. Meeus, Revue du Cercle Astronomique de Bruxelles, 71, février 1993, p. 1.

3. Libération n° 5230 du 13 mars 1998, p. 2-3.

4. Ibid.

5. Ibid.

6. L. Zecchini, Le suicide collectif de 39 personnes en Californie a été méticuleusement planifié et exécuté, Le Monde, 29 mars 1997, p. 3.

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