5. Sekhmet et le Ragnarök


Estelle Dumont. — Nous allons passer au cataclysme du XIIIe siècle avant J.-C. Michel tu connais bien le sujet, tu veux nous en dire quelques mots ?

Michel Dauvergne. — C'est la suite de l'épisode précédent qui datait de plus de 1100 ans. Ce n'est quand même pas tous les siècles qu'un impact d'envergure a lieu sur la Terre. Un autre fragment de HEPHAISTOS de taille kilométrique, mais qui heureusement s'est disloqué dans la haute atmosphère, a heurté la Terre en causant d'innombrables dégâts, d'abord en Égypte, puis en Asie mineure, en Grèce et enfin dans le nord-ouest de l'Europe. La trajectoire était toujours la même : sud-est/nord-ouest. C'est ce cataclysme qui a donné naissance à une multitude de légendes, notamment celles de Phaéton et Absinthe et à l'épopée du Ragnarök.

Gilles Avizard. — Vous prétendez que le mythe d'Absinthe est lié au cataclysme dont vous parlez ?

Michel Dauvergne. — Tout à fait. Depuis vingt ans, les astronomes catastrophistes en sont persuadés. De nombreuses allusions de l'Apocalypse sont liées à ce cataclysme. L'Apocalypse n'est pas un livre d'images gratuites. Elle a intégré des données et différentes légendes de sources diverses. La majorité des théologiens qui ne sont pas astronomes ne le savent même pas.

Gilles Avizard. — A vous écouter, j'ai bien fait de venir ce soir !

Michel Dauvergne. — En effet. John et moi qui avons soigneusement étudié cette période depuis des années nous pourrions être très utiles à vos collègues. Il faut savoir que l'impactisme est avant tout un problème astronomique et seuls des astronomes peuvent faire avancer les choses. La découverte de multiples fragments de HEPHAISTOS a été un vrai sésame et une relecture scientifique des mythes permet de dater certains cataclysmes.

Brigitte Sergent. — Vous pouvez dater l'histoire de Phaéton, comme on a pu dater le Déluge ?

Michel Dauvergne. — Oui. Le dernier tiers du XIIIe siècle est une période certaine, mais à l'intérieur de cette période trois dates sont possibles : 1230, 1227 et 1208 avant J.-C.

Pascale Barbeau. — Pourquoi trois dates ?

Michel Dauvergne. — Deux sont en rapport avec les dates du pharaon Merenptah, selon que l'on utilise la chronologie haute ou basse. L'autre est en rapport avec un événement volcanique.

Suzanne Dallot. — Comment cela ? Quelle éruption ?

Michel Dauvergne. — John va vous expliquer cela. Lui et ses collègues de la British Neo-Catastrophist School ont étudié ce point très en détail.

John Tyllman. — Oui. Nous avons fait le pari de reconsidérer avec une grande attention certaines légendes classiques avec l'aide de mythologues et historiens britanniques et la réponse a été extraordinaire. On peut dater le cataclysme au 5 novembre 1227 avant J.-C.
Il faut savoir que l'objet cosmique a été baptisé Sekhmet par les Égyptiens et que des textes égyptiens précisent que le cataclysme a eu lieu un 12 Tybi. C'était un jour néfaste pour les Égyptiens à partir du XIIe siècle. Le 12 Tybi de l'époque, c'est notre 5 novembre à nous.
Il faut reprendre aussi le verset de l'Apocalypse concernant le puits de l'abîme. Pour nous c'est l'un des plus intéressants de toute l'Apocalypse de Saint Jean :
« … Une étoile était tombée du ciel sur la terre, il lui fut donné la clef du puits de l'abîme. Elle ouvrit le puits de l'abîme. Il monta du puits une fumée comme d'une grande fournaise et le soleil et l'air furent obscurcis par la fumée du puits… »
En clair, cela signifie qu'un fragment de Sekhmet, qu'on pense être Phaéton d'ailleurs, est tombé dans la Méditerranée déclenchant par là même une formidable éruption de l'Etna. Ovide le rappelle expressément dans ses Métamorphoses au chapitre Phaéton. « L'Etna vomit, ses feux redoublés, des flammes démesurées… » La cerise sur le gâteau est que les volcanologues ont pu dater avec précision la plus ancienne très grande éruption de l'Etna qui soit encore décelable malgré que les couches correspondantes soient recouvertes par plusieurs couches plus récentes. Devinez la date !

Brigitte Sergent. — Cette date c'est –1227 avant J.-C., je suppose ?

John Tyllman. — Exactement. Pour nous la coïncidence est trop belle pour être fausse. Nous croyons à cette date pour l'impact, date dite volcanologique, plutôt qu'aux deux dates liées à Merenptah.

Gilles Avizard. — Vous m'épatez. J'ai lu il y a une quinzaine d'années un livre qui prétendait que le Passage de la mer Rouge était lié à un impact cosmique. Vous êtes d'accord avec cela ?

John Tyllman. — La corrélation ne fait pas de doute pour nous. Certains textes, qui datent de Séthi II, disent que l'impact eut lieu la cinquième année du règne de Merenptah qui a duré entre cinq et dix ans. Avec la chronologie basse, qui est la plus probable d'après les Égyptologues modernes, le 12 Tybi correspondant est le 31 octobre 1208 avant J.-C. Avec la chronologie haute, la date est repoussée de 22 ans : il s'agit alors du 5 novembre 1230 avant J.-C.
Pour nous, les choses sont claires. La date volcanologique doit primer les deux autres qui sont trop approximatives. Elle permet aussi de dater le Passage au mois de mars ou avril suivant, c'est-à-dire en 1226.

Gilles Avizard. — Comment pouvez-vous relier le Passage en avril 1226 et l'impact en novembre 1227 ?

John Tyllman. — Mes collègues et moi-même avons retourné le problème dans tous les sens et sommes arrivés à la conclusion suivante. Cette période de cinq mois est celle des Plaies d'Égypte qui sont des conséquences de l'impact, et non pas des conséquences de l'explosion du Santorin, autour de –1500, comme on le lit encore souvent. L'exode, c'est le XIIIe siècle, pas le XVe ou même le XVIe.
Rappelons-nous la fin du passage de l'Apocalypse concernant le puits de l'abîme. « Les hommes furent tourmentés pendant cinq mois… » Ces Plaies, nous les avons disséquées et il paraît évident que ce sont des conséquences logiques de l'impact : ténèbres, sécheresse, pollution, tarissement des fleuves, etc. Celle qui posait problème est bien sûr la dernière.

Gilles Avizard. — La mort des nouveau-nés ? Comment l'expliquez-vous ?

John Tyllman. — Nous sommes parvenus à la conclusion suivante. Cette mort des premiers-nés doit s'entendre premiers-nés après la catastrophe. Les légendes nous aident à comprendre ce qui s'est passé. Une explosion d'un fragment de Sekhmet a eu lieu au-dessus de l'Égypte et a entraîné une importante radioactivité à l'échelon régional, indécelable bien sûr par les populations locales. Les textes précisent : « Leurs os brûlent et grillent dans leurs membres. » Cela signifie que la radioactivité a entraîné des cancers de la peau, des leucémies et autres maladies incurables.
Pour les femmes enceintes, ce fut la catastrophe : les enfants ne purent arriver à terme d'une façon normale. On parle de non-viabilité des enfants post-catastrophe. C'est cela qui fit peur au Pharaon, en l'occurrence Merenptah, et le décida à laisser partir les Hébreux vers leur terre promise. Cette période dura environ cinq mois.

Michel Dauvergne. — Je voudrais ajouter à ce que vient de dire John que depuis le milieu des années 1970, on a eu la preuve que le Pharaon de l'Exode est bien Merenptah. Maurice Bucaille, un chirurgien français, a participé à l'autopsie de sa momie et constaté qu'il est mort de mort violente, probablement durant le Passage. Mais son corps a été récupéré et momifié. C'est pour cette raison que les Égyptologues rechignent quand on parle de lui comme du Pharaon de l'Exode.
Cela permet pourtant de dater approximativement l'impact de Sekhmet, les Plaies d'Égypte qui en sont les conséquences et l'Exode. Pas mal, non ? L'éruption de l'Etna en 1227 correspond juste à la cinquième année du règne de Merenptah, si l'on utilise la chronologie haute. A mon avis, il faudra recadrer les pharaons d'après l'impact et non l'inverse.

Pascale Barbeau. — Votre hypothèse est astucieuse à première vue, mais vous aurez du mal à convaincre les historiens, les Égyptologues et les théologiens. Cela fait du monde. Les astronomes pourront-ils présenter des preuves pour rendre incontournable le scénario que John et vous avancez ?

Michel Dauvergne. — Les progrès en vingt ans ont été fulgurants et tout paraît concorder. Je crois que les historiens devront réécrire l'histoire ancienne, en prenant en compte le cataclysme au sens large, ce qui n'a pas été fait jusque-là. Santorin, vers –1500 et l'impact cosmique en 1227 n'existent pas encore dans le cursus des historiens. Mais ils devront s'y faire. Nous revenons à Whiston. La comète de Whiston, au sens large, c'est tous ces cataclysmes ignorés mais qui ont eu une importance fondamentale dans l'histoire des hommes.

John Tyllman. — Le cataclysme de 1227 doit être étudié d'une manière plus globale, car l'impact ultime a eu lieu dans le nord-ouest de l'Europe. Il est la base du Ragnarök. Chez les Scandinaves, Sekhmet est devenu Surt, accompagné par les Géants du feu, probablement des petits fragments issus de l'émiettement de la comète durant la traversée de l'atmosphère. Toute l'Allemagne du Nord et le sud de la Scandinavie furent ravagés par les conséquences de l'impact et les populations rescapées durent fuir vers le sud de l'Europe pour survivre. Il y a longtemps déjà que le pasteur Jürgen Spanuth a montré que ces Nordiques devinrent l'une des constituantes des Peuples de la Mer.

Pascale Barbeau. — Si votre comète n'existait pas, il faudrait l'inventer !

Gilles Avizard. — C'est ce que les astronomes ont fait. J'ai du mal à croire que cette histoire soit vraie. Elle est à la limite du crédible, mais c'est l'avenir qui tranchera.

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