CHAPITRE 12

LA MORT DES DINOSAURES


Quand on parle de la mort des dinosaures, il s'agit bien sûr d'un raccourci facile et un peu abusif. En fait, pour être plus précis, il convient de parler de la mort (de l'extinction plutôt) de l'ensemble des espèces disparues à la fin du Crétacé, dernière période de l'ère secondaire (ou mésozoïque), et encore plus précisément de son dernier étage géologique, le Maastrichtien qui s'est étendu de 72 à 65 MA. Mais, comme je le montrerai au chapitre 15 consacré aux extinctions, celle-ci fut loin d'être une extinction généralisée (il n'y en a eu aucune de ce type), mais elle fut extraordinairement sélective, anéantissant de nombreux ordres du monde animal et végétal, et un très grand nombre d'espèces.

L'extinction de la fin du Crétacé

L'un des principaux mystères de la paléontologie a longtemps été la disparition d'un grand nombre d'animaux terrestres et aquatiques à la fin de l'ère secondaire, il y a environ 65 MA (1/2). Parmi la biosphère du Crétacé supérieur, on connaît surtout les grands reptiles, que ce soient les dinosaures terrestres, les plésiosaures et mosasaures marins et les ptérosaures volants, dont on a retrouvé ou reconstitué les squelettes si caractéristiques et si spectaculaires. On sait que les espèces étaient nombreuses, implantées dans le monde entier, et pourtant aucune d'entre elles n'a pu franchir avec succès le cap de l'ère tertiaire.

L'extinction du Crétacé est considérée comme l'une des cinq extinctions de masse répertoriées (voir le chapitre 15). Elle a affecté environ 75 % des espèces vivantes. 45 % des espèces marines flottantes auraient disparu contre seulement 20 % des espèces vivant au fond des mers. Pour le domaine continental, 15 % des espèces d'eau douce et 20 % des espèces terrestres auraient disparu. Mais, en fait, la vie terrestre dans sa globalité n'a pas été vraiment menacée, malgré une période post-catastrophe particulièrement difficile à vivre.

Plusieurs générations de paléontologues ont tenté de percer ce mystère et ont proposé des hypothèses plausibles (3). Une seule chose semblait certaine à tous : un refroidissement sensible de notre planète s'était produit il y a 65 MA, mais à lui seul il ne pouvait expliquer la disparition de toutes les formes vivantes qui se sont éteintes dans un laps de temps très court à l'échelle géologique.

On a parlé également d'un assèchement important des zones continentales et de sécheresse conduisant à un manque de nourriture et à une autodestruction du biotope des dinosauriens. D'autres auteurs ont noté des signes très nets (?) de dégénérescence, peut-être en liaison avec leur cerveau, bien connu pour être minuscule en comparaison de leur masse gigantesque.

Enfin, certains ont spéculé que le déclin et la disparition de la faune de l'ère secondaire étaient liés à l'apparition des premiers mammifères, apparus environ cinq millions d'années (vers –70 MA) avant la date charnière qui sépare les deux ères géologiques concernées. Mais il faut bien admettre que ce problème de concurrence n'a jamais été prouvé et ne peut expliquer la soudaineté du phénomène.

Jusqu'en 1978, de nombreuses hypothèses plus ou moins plausibles restèrent en concurrence, parmi lesquelles, dans le domaine astronomique, celle de l'explosion d'une supernova proche ayant entraîné une irradiation sur la Terre, et celle de l'impact cosmique. Cette hypothèse fut proposée dès 1942 par le météoricien Harvey Nininger (1887-1986) (4), reprise en 1956 par le paléontologue Max de Laubenfels (1894-1960) (5), puis ensuite par plusieurs chercheurs de diverses disciplines. Le chimiste (et prix Nobel) Harold Urey (1893-1981) (6), notamment, fut un chaud partisan de cette éventualité, dans un cadre plus large, puisqu'il envisageait la corrélation probable entre des impacts d'origine cosmique (astéroïdes et comètes) et la fin des ères géologiques. Mais pour possible qu'elle fût (et même quasiment certaine, on le sait aujourd'hui), cette corrélation n'était étayée alors d'aucune preuve.

Le problème de l'iridium et l'hypothèse des Alvarez

En 1979, Luis Alvarez (1911-1988), prix Nobel de physique en 1968, et son fils géologue, Walter Alvarez proposèrent à nouveau cette hypothèse de l'impact cosmique, mais cette fois avec un argument scientifique tout à fait nouveau et extrêmement ingénieux. L'argument principal qui soutient leur hypothèse est la découverte dans plusieurs régions du globe de concentrations anormalement élevées en iridium (jusqu'à 450 fois la valeur normale) et en osmium (250 fois) dans la fine couche géologique de l'époque (composée principalement d'argile et mesurant quelques centimètres d'épaisseur), baptisée 29R (la 29e période recensée depuis la période présente, durant laquelle le champ magnétique terrestre a eu une direction inverse "R" du champ actuel) et dont la durée a été évaluée à moins de 1 MA. Cette couche est aussi connue des spécialistes sous le nom de couche K/T (Crétacé-Tertiaire). Cet iridium et cet osmium excédentaires (7) sont très probablement d'origine extraterrestre et proviennent de l'astéroïde responsable de l'impact, mais comme nous le verrons, certains scientifiques croient encore à une possible origine terrestre.

Dans un article historique (8), cosigné avec deux chimistes nucléaires américains, Frank Asaro et Helen Michel, les deux Alvarez ont expliqué qu'un astéroïde d'une dizaine de kilomètres (c'est-à-dire un "très gros" EGA) aurait heurté la Terre, et qu'une quantité énorme de débris et de poussières aurait été projetée dans la stratosphère. Cette couche de poussières, rapidement distribuée dans toute l'atmosphère, aurait empêché les rayons solaires de parvenir au sol durant quelques années.

L'obscurité partielle, sinon totale, aurait interrompu le processus de photosynthèse qui, on le sait, libère de l'oxygène à partir du gaz carbonique contenu dans les plantes. Privée de lumière, cette végétation aurait disparu pour une très grande part, affamant évidemment tous les grands animaux et entraînant très rapidement leur extinction totale. Seuls, les petits animaux de moins de 25 kg, dont les premiers mammifères, auraient pu survivre en se nourrissant de racines et de graines, peut-être aussi de résidus organiques. L'élimination de leurs concurrents directs, les grands "reptiles" de la fin du secondaire, a certainement facilité le développement des primates rescapés en libérant des niches écologiques et ainsi accéléré leur montée au premier plan de la chaîne biologique. Sans cet important impact d'un corps cosmique, il y a 65 MA, la vie terrestre (faune et flore) ne serait sans doute pas identique de nos jours à celle que nous connaissons. Cette hypothèse des Alvarez que certains chercheurs des sciences de la Terre et de la vie croyaient pouvoir facilement discréditer a, au contraire, magnifiquement supporté l'épreuve du temps et s'impose aujourd'hui, tout au moins dans ses grandes lignes, comme incontournable.

D'autres variantes furent proposées au début des années 1980 pour expliquer cette disparition des dinosauriens. Celle due au géologue catastrophiste suisse Kenneth Hsü (9) mettait en cause l'impact d'une comète dans un océan. Cette collision aurait provoqué un réchauffement brutal de l'atmosphère fatal à la faune géante, tandis que la destruction du plancton (dûment constatée également) et des organismes marins serait due à l'empoisonnement du biotope aquatique par les gaz nocifs libérés par la comète, notamment du cyanure et du gaz carbonique.

Bientôt l'importance des recherches multidisciplinaires sur le sujet de la fin du Secondaire allait entraîner une multitude de résultats, parfois contradictoires. Mais il faut admettre que le problème de l'iridium excédentaire dans la couche K/T, imaginé (en physicien) par Luis Alvarez et étudié sur le terrain (en géologue) par son fils Walter, a été un détonateur extraordinaire, le point de départ d'une nouvelle façon de concevoir l'évolution. On a eu la preuve que le cataclysme peut être un facteur essentiel de création et d'évolution. Concept révolutionnaire qui a fait trembler plusieurs sciences sur leurs bases et qui a également permis la réhabilitation de celui de catastrophisme.

Une recherche multidisciplinaire sans précédent

Dès la publication des résultats indiquant de très fortes concentrations d'iridium et d'osmium (et d'autres éléments sidérophiles) dans la couche d'argile séparant le Crétacé du Tertiaire, de nombreux travaux furent entrepris par des chercheurs de diverses disciplines pour trouver de nouveaux indices probants et pour avoir ainsi confirmation de la catastrophe (10/11). Voici notamment les résultats suivants.

L'étude des fonds marins datant de cette époque permit d'obtenir un autre résultat surprenant et très intéressant. Les océanographes remarquèrent en effet l'effondrement de la proportion de carbonate de calcium dans la fine couche (trois millimètres seulement) incriminée. Cette substance qui représente environ 40 % en poids des sédiments situés au-dessus (donc plus jeunes) et au-dessous (plus anciens) de la zone frontière n'en représente plus que 2 % (soit vingt fois moins) dans celle-ci. On attribue cette remarquable propriété à la disparition en masse du plancton, habituellement très riche en exosquelettes, principalement constitués de calcium, qui en temps normal recouvre les fonds marins.

Autre détail important relevé par les océanographes : l'augmentation de près de dix degrés de la température des eaux de surface dans l'Atlantique sud. Ainsi donc, après une courte période de froid intense, lié à l'hiver d'impact, la Terre a subi une importante augmentation de la température de sa biosphère, probablement liée à un effet de serre dû à un excès important de gaz carbonique. Cet excédent s'explique de la manière suivante. Normalement, ce gaz carbonique est assimilé par les plantes marines photosynthétiques. L'extinction massive de celles-ci aurait débouché sur une quantité de gaz carbonique largement excédentaire, et ce gaz serait passé dans l'atmosphère contribuant à l'augmentation de l'effet de serre et de la température constatée.

Cette très importante augmentation de la température, qui aurait peut-être duré 50 000 ans, pourrait avoir été responsable de l'extinction d'espèces rescapées de l'impact et de l'hiver d'impact qui lui a succédé. Les conséquences à moyen et long terme du premier cataclysme ont donc probablement contribué elles aussi à l'extinction massive, mais dans un deuxième temps seulement.

Quelques chercheurs, notamment des climatologues, ont tablé sur un échauffement de l'atmosphère terrestre tel qu'il aurait entraîné une série de réactions chimiques, notamment une production anormale d'oxyde d'azote, qui en se condensant et en se précipitant aurait formé d'importantes pluies acides. Celles-ci auraient pu "lessiver" les continents, empoisonner certaines chaînes alimentaires et priver certains animaux de nourriture.

Ainsi tous les travaux multidisciplinaires ont confirmé le scénario de l'impact et des conséquences terrestres qui en ont découlé. L'extinction se produit bien en réalité sur plusieurs milliers d'années, et n'est pas instantanée. L'impact crée les conditions de l'extinction mais ne semble pas, à lui seul, capable d'éliminer la totalité des formes vivantes de la Terre. Nous verrons que certains ordres du monde animal ont supporté sans dommages la période post-impact pourtant difficile à vivre.

Quelques autres hypothèses improbables

Tout de suite après l'hypothèse de l'impact cosmique, plusieurs autres hypothèses concurrentes furent proposées. Nous allons en dire quelques mots avant de parler plus en détail de l'hypothèse de l'impact (comète ou astéroïde, ou fragments de ceux-ci, on ne le sait pas encore avec précision) qui n'est pratiquement plus discutée aujourd'hui. Nous divisons ces hypothèses quasiment abandonnées (même si elles ont pu jouer parfois comme phénomène additionnel et secondaire), bien qu'elles conservent encore parfois quelques partisans irréductibles (souvent des chercheurs de l'ancienne génération) en deux grandes catégories : les hypothèses astronomiques et les hypothèses terrestres.

Les hypothèses astronomiques

Augmentation du rayonnement cosmique. Certains chercheurs, notamment des astrophysiciens (12), ont tablé sur une extinction due seulement à une très importante augmentation du rayonnement cosmique, associée à une inversion géomagnétique : l'extinction aurait donc été la conséquence d'un impactisme particulaire particulièrement virulent. Mais nous avons vu que si celui-ci est parfois responsable de mutations génétiques, il ne peut avoir causé une extinction de masse.

On soupçonne également le rayonnement cosmique d'avoir une influence sur la formation et l'importance de la couche d'ozone, qui protège en période normale la biosphère des ultraviolets dangereux du Soleil. Et il est bien évident que la disparition épisodique de cette couche d'ozone est en mesure d'entraîner dans un premier temps une catastrophe écologique majeure, et dans un deuxième temps la disparition d'espèces mal protégées. Ce scénario se produit fréquemment à l'échelle astronomique, mais en aucun cas, répétons-le, on ne peut parler d'extinction de masse. Comme nous le verrons, ces extinctions dues à l'impactisme particulaire sont le "bruit de fond" des extinctions, phénomène permanent et normal de l'évolution.

L'explosion d'une supernova proche. Cette hypothèse était privilégiée dans les années 1970 (13). On sait depuis longtemps que des supernovae explosent régulièrement dans notre Galaxie, même si elles restent rares à l'échelle humaine (la dernière remonte à 1604, à l'époque de Kepler). A priori, on ne peut s'empêcher de postuler qu'une étoile voisine (quelques dizaines d'années lumière) a explosé il y a 65 MA, libérant un tel volume de radiations que celles-ci auraient encore été très virulentes en atteignant la Terre.

Cette hypothèse est aujourd'hui abandonnée pour la raison suivante. Les astrophysiciens ont montré qu'une telle explosion n'aurait pas pu transférer la quantité d'iridium relevée dans la couche K/T. De plus, la proportion relative observée des deux isotopes différents d'iridium (Ir-191 et Ir-193) est tout à fait caractéristique de celle observée dans le Système solaire, ce qui ne serait pas le cas si on se trouvait en présence d'iridium exogène, c'est-à-dire formé à l'extérieur de notre Système solaire.

D'autre part, une autre insuffisance a été notée. En effet, au cours de la période d'implosion d'une étoile qui précède le phénomène supernova proprement dit, les noyaux des éléments lourds du centre de l'étoile capturent des neutrons. Cette association entraîne donc la formation de nouvelles espèces atomiques, en particulier du plutonium 244 (Pu-244). Cet élément radioactif est éjecté dans l'espace et aurait dû se trouver piégé en quantité mesurable dans la couche K/T. Or aucune trace de plutonium ne fut repérée.

La traversée d'un nuage interstellaire. Certains astronomes ont évidemment pensé à cette hypothèse classique qui privilégie un phénomène plus lent et qui se produit épisodiquement. Dans ce scénario, l'iridium surabondant et les autres éléments sidérophiles répertoriés, tous issus du nuage, se seraient déposés très lentement dans la couche K/T au fur et à mesure que le Système solaire (et la Terre) se serait enfoncé à travers le nuage cosmique. On table environ sur une période de 200 000 à 300 000 ans pour la durée d'une telle traversée, ce qui peut paraître bien long à ceux qui ne sont pas familiers des quantités astronomiques et ignorent que ces nuages interstellaires sont gigantesques et peuvent atteindre plusieurs centaines d'années-lumière. A noter dans l'hypothèse du nuage que la collision avec quelques blocs météoritiques plus gros que de simples poussières n'est nullement exclu, dans la mesure où l'on sait que l'accrétion est un phénomène normal, obligatoire même, dans un nuage de poussières dense. Ces poussières, dans un premier temps, s'agglutinent en grumeaux qui progressivement prennent de l'importance et peuvent fort bien percuter une planète de passage.

L'intérêt dans la version du nuage interstellaire est la sélection probable de certaines radiations cosmiques (14). Ainsi les radiations bleues du spectre solaire auraient été interceptées par les poussières cosmiques et le phytoplancton n'aurait pu effectuer sa photosynthèse. En effet, ces radiations bleues sont les seules à pénétrer l'eau des océans jusqu'à 200 mètres environ de profondeur. Le phytoplancton, élément essentiel dans la chaîne alimentaire de la vie sous-marine, aurait quasiment disparu entraînant avec lui la décimation de nombreux consommateurs qui dépendent de lui (ammonites, belemnites, zooplancton...).

Pour expliquer la mort des dinosaures dans cette hypothèse du nuage interstellaire, il faut alors envisager un dérèglement du métabolisme de la vitamine D, du fait de la quasi-disparition des radiations ultraviolettes (les UV), qui aurait débouché sur des troubles graves au niveau de l'ossification et de la formation de la coquille des œufs. Plusieurs paléontologues ont vu là une alternative crédible à l'impact cosmique et ont tenté de privilégier cette hypothèse gradualiste. Hypothèse crédible peut-être, mais ne répondant pas vraiment aux données d'observation.

Les hypothèses terrestres

La régression marine. C'était l'autre hypothèse favorite des gradualistes (15) qui voyaient d'un très mauvais œil le retour des idées catastrophistes dans les sciences de la Terre. On sait que quelques millions d'années avant la période incriminée, à la fin du Campanien, il y a 72 MA, le niveau de la mer était maximal et que, par opposition, les terres émergées étaient nettement plus restreintes qu'aujourd'hui. Toute l'Europe (telle qu'on la connaît sous sa forme actuelle) était un énorme plateau continental immergé, à près de 200 mètres de profondeur. Ce plateau tombait ensuite d'un seul coup vers les fonds marins où la vie était quasiment inexistante. Durant tout le Maastrichtien (72-65 MA), dernier étage du Crétacé, il se produisit au contraire une régression marine continuelle et très importante, et cela pour des raisons (probablement astronomiques) encore inexpliquées. Les continents regagnèrent progressivement du terrain, ce qui entraîna une continentalisation de la vie et aussi une modification globale du climat, avec des étés plus chauds et des hivers plus froids. Cet important contraste de température aurait été fatal aux gros reptiles à sang froid, dénués d'un système de régulation thermique. Leur disparition, ainsi que celle des autres espèces décimées, serait due, dans l'hypothèse de la régression marine, à une incapacité de s'adapter à la nouvelle donne climatique. Cette hypothèse, qui paraît bien légère pour les catastrophistes, fut vite remplacée par une autre hypothèse terrestre beaucoup plus solide, l'hypothèse volcanique.

L'hypothèse volcanique et les traps du Deccan. En fait, le dilemme concernant la fin du Crétacé, dès le début des années 1980 se réduisit à une controverse : impactisme ou volcanisme (16), sachant que les deux sont très fréquents et peuvent causer l'un et l'autre de nombreux dégâts à l'échelle de la planète. On a parlé d'hiver d'impact, on pourrait également parler d'hiver volcanique.

Depuis longtemps, les géologues connaissent les traps (mot néerlandais qui signifie "escaliers"), ces vastes coulées basaltiques qui recouvrent certaines parties du globe et qui sont associées aux "points chauds", c'est-à-dire à l'origine de ces coulées. Les traps du Deccan, en Inde, sont particulièrement impressionnants et spectaculaires, et justement ils sont contemporains de la fin du Crétacé. Les diverses coulées qui se sont succédé, et dont le volume a pu dépasser deux millions de kilomètres cubes, ce qui est tout à fait considérable, ont été datées avec précision à 65 MA (± 2 MA) et chevauchent donc très précisément la couche K/T qui indique avec précision la fin du Secondaire. Elles ont commencé avant l'impact, elles se sont terminées après l'impact. Les deux phénomènes ont été concomitants (17).

Cette coïncidence, plus que troublante, fut très logiquement exploitée par les géologues, mais il n'en demeure pas moins que les interrogations n'obtinrent pas de réponse vraiment satisfaisante. Ces éruptions, même violentes pouvaient-elles expliquer les pics d'iridium disséminés dans le monde entier ? Apparemment, la réponse est non. Pour ce qui est des extinctions, il est certain que cet événement terrestre a pu jouer comme phénomène additionnel. En effet, les chercheurs firent remarquer que l'événement volcanique du Deccan avait duré au moins 500 000 ans, ce qui était très largement suffisant pour créer des conditions défavorables pour la survie de certaines espèces. Cette affirmation paraît fondée, mais il semble exclu que le volcanisme de cet époque ait pu être la cause de l'extinction de masse.

Les géophysiciens pour expliquer les raisons de ce volcanisme firent remarquer que la période incriminée suivait une très longue période durant laquelle le champ magnétique terrestre ne s'était pas inversé. Ils précisèrent que cette étonnante et inhabituelle stabilité pouvait s'expliquer par un ralentissement exceptionnel des mouvements internes qui agitent le noyau terrestre. Ce ralentissement déboucherait sur une instabilité du manteau, et par suite sur une anomalie de température se traduisant au niveau de la croûte terrestre par un volcanisme d'une intensité inhabituelle, avec les conséquences écologiques et biologiques qui obligatoirement en découlent. Cette brillante hypothèse (mais pas forcément vraie ponctuellement) paraissait confortée par la formidable mutation que subissait la tectonique des plaques à cette période, et par le fait qu'à la même époque (–65 MA), l'Inde, véritable sous-continent, détachée du supercontinent qu'était le Gondwana, se dirigeait vers l'Asie et se trouvait à l'aplomb d'un point chaud, celui de la Réunion, qui est associé aux traps du Deccan.

Les émissions d'anhydride carbonique dans les couches supérieures de l'atmosphère auraient emprisonné la chaleur (effet de serre), l'élévation de la température étant suffisante pour stopper le processus de reproduction des grands reptiles, sans que les animaux de petite taille soient véritablement affectés par le phénomène. L'iridium, dont il faut impérativement expliquer la provenance, serait totalement terrestre et serait issu d'une couche beaucoup plus profonde que celle des volcans ordinaires. Il trouverait son origine dans les racines profondes des panaches qui prennent naissance à la limite du manteau et du noyau terrestre. Sa remontée vers la surface aurait ensuite eu lieu par les conduits volcaniques ordinaires et il aurait été expulsé en même temps que les cendres volcaniques classiques. Sa diffusion dans la couche K/T aurait bien été progressive et aurait eu le caractère habituel des événements volcaniques. Seule la substance même (l'iridium) différerait dans la mesure où son origine, beaucoup plus profonde, est différente et exceptionnelle. Seule une anomalie temporaire du mouvement du noyau terrestre pourrait engendrer un tel phénomène.

L'hypothèse volcanique qui a eu, et qui a encore, des partisans convaincus, comme le physicien Vincent Courtillot (18) en France, a progressivement perdu du terrain, en ce qui concerne tout du moins sa responsabilité dans l'extinction massive de l'époque. Comme je l'ai dit, en effet, cette remarquable catastrophe volcanique a démarré avant l'impact. Les traps du Deccan ont été divisés en huit couches différentes. D'après les recherches faites dans les années 1990, des traces de l'impact auraient été repérées dans la troisième couche.

L'impact cosmique : la recherche des preuves

A la fin des années 1980, les géologues et les géophysiciens se sont, dans leur grande majorité, ralliés, par la force des arguments développés et incontestables (excédent d'iridium et autres éléments sidérophiles, existence de quartz choqués et de spinelles nickelifères notamment), à la thèse de l'impact cosmique pour expliquer la fin du Crétacé. Cette chasse aux preuves a été une véritable saga scientifique, comme on n'en avait peut-être jamais connu auparavant. Je vais sommairement raconter les principales découvertes qui ont permis à la communauté scientifique dans son ensemble de comprendre et d'admettre (ce qui n'était pas évident pour beaucoup) le bien-fondé de cette démarche multidisciplinaire.

J'ai parlé dans le chapitre consacré aux astroblèmes de leur formation et des sous-produits de l'impact comme les tectites et les minéraux choqués. Il était donc logique que les chercheurs essaient de les retrouver dans les sédiments de la couche K/T et de déterminer le fameux "point zéro", à partir duquel la diffusion se serait faite. C'est le géologue américain Bruce Bohor (19) qui annonça le premier la découverte de nombreux grains de quartz choqués dans une couche K/T du Montana, ainsi que des microsphérules de feldspath ayant incontestablement subi des déformations dues à des surpressions très importantes puisque de l'ordre de 100 gigapascals (soit 1 million d'atmosphères).

A partir de cet instant, de nombreuses découvertes similaires furent signalées, étonnamment éparpillées dans le monde entier, sur tous les grands lieux de la couche K/T, mais aussi en Russie. Ainsi donc, la distribution des résidus de l'impact semblait avoir été planétaire. Ce qui ne simplifiait pas la découverte du "point zéro". Si le quartz était le minéral le plus abondant, d'autres comme le feldspath et le zircon présentaient également des traces indéniables de déformation dues à des hautes pressions.

La première leçon de cette découverte importante était que l'impact avait été probablement continental et non maritime, comme on le croyait d'une manière préférentielle pour une triple raison. D'abord parce qu'on avait pas retrouvé l'astroblème responsable, malgré d'incessantes recherches, ensuite pour des raisons statistiques évidentes : l'impact avait 7 chances sur 10 d'avoir eu lieu en mer, et enfin parce qu'un impact maritime expliquait mieux certaines extinctions consécutives principalement à un empoisonnement des eaux océaniques. En effet, le quartz est presque toujours absent des basaltes océaniques, alors qu'il est très fréquent dans les roches continentales.

Une autre découverte importante fut l'existence d'une poussière de diamants dans la couche K/T. Ces microdiamants, observables au microscope électronique, ne dépassaient pas 5 à 6 nanomètres de diamètre mais prouvaient, outre bien sûr la haute pression indispensable pour les former, la présence de carbone en grande quantité sur le site d'impact.

Une nouvelle preuve fut trouvée avec la découverte de spinelles (une famille d'oxydes métalliques) dans la couche K/T. Contrairement aux spinelles habituels, qui sont très fréquents sur Terre, ceux de la couche K/T sont oxydés et se distinguent par une haute teneur en nickel et en magnésium. Ils ont subi ce qu'on appelle l'ablation aérodynamique, dont nous avons parlé pour les météorites et les tectites. Ils ont donc été formés dans l'atmosphère avant l'impact, et ont subi leur oxydation à une altitude inférieure à 20 km, avant de se répartir un peu partout au gré des courants atmosphériques probablement très perturbés durant la période post-impact et se sont retrouvés piégés dans de nombreux sites encore identifiables de nos jours, 65 MA plus tard.

Enfin, dans les couches K/T, extraordinairement intéressantes et prolifiques pour ceux qui savent les "faire parler", on signala également la présence d'acides aminés d'origine extraterrestre (20), ce qui renforça encore la quasi-certitude des chercheurs sur la réalité de l'origine cosmique de l'extinction liée à ces couches. Ce furent d'abord deux biochimistes américains, Meixun Zhao et Jeffrey Bada, qui en étudiant la fameuse couche K/T de Stevns Klint, au Danemark, découvrirent dans des sédiments plusieurs acides aminés, en quantité infime mais mesurable. Deux d'entre eux s'avérèrent être d'origine extraterrestre puisque quasiment inexistants dans la matière organique terrestre. Cette découverte remarquable fut rapidement confirmée et amplifiée sur d'autres sites K/T, tant et si bien que plus de 50 acides aminés différents furent répertoriés, dont une vingtaine qui n'existent pas sur Terre et qui sont donc obligatoirement d'origine extraterrestre (21).

La recherche du cratère

Pour les géologues qui ne doutaient plus de l'impact, la question principale était de trouver le cratère associé. Ils se posèrent évidemment la question : fait-il partie de la grosse centaine d'astroblèmes repérés sur la Terre et dont beaucoup restent non datés, ou reste-t-il à découvrir ? Nous avons dit que l'hypothèse continentale pour le cratère était privilégiée depuis la découverte de carbone dans les couches K/T. Plus précisément, divers indices laissaient supposer un impact sur la croûte continentale de l'Amérique du Nord où les quartz choqués sont les plus nombreux.

Un gros effort fut donc entrepris pour la datation précise des quelques grands astroblèmes pouvant éventuellement convenir par leur taille et par leur âge. Plusieurs cratères furent successivement proposés (Manson dans l'Iowa, Kara en Russie et Popigai en Sibérie notamment), mais leur âge supposé ne correspondait pas aux sacro-saints 65 MA obligatoires.

Les diverses simulations, notamment celles d'Eugene Shoemaker (1928-1997), le géologue-astronome américain, laissaient supposer un cratère au moins égal à 150 km si l'astéroïde supposé avait 10 km de diamètre au moment de l'impact, valeur considérée comme minimale pour justifier la formidable quantité d'iridium dispersé tout autour du monde. Le fait même qu'un astroblème de 150 km relativement récent à l'échelle astronomique, surtout si on le compare aux deux vieux astroblèmes de Sudbury et de Vredefort encore discernables bien que 27 fois plus anciens, obligeait à penser que des processus très importants et très efficaces de sédimentation et d'érosion devaient jouer pour entraîner la dissimulation rapide d'une structure géante.

Nous allons voir maintenant les étapes essentielles qui ont mené à la découverte du cratère.

En 1985, le géologue néerlandais Jan Smit, procatastrophiste convaincu et très efficace, attira l'attention sur l'existence d'une couche exceptionnelle de grès grossiers, de galets argileux et de nodules de carbonates recouverts de grains plus fins. Ce type de sédiments aurait été déposé très rapidement à la limite d'un affleurement K/T sur un site de Brazos River, dans l'Etat du Texas, proche du golfe du Mexique (22). Il l'attribua avec beaucoup d'à-propos et de perspicacité à l'action d'un tsunami géant lié à l'impact. La suite allait lui donner raison. Des études complémentaires menées sur ce site par la géologue américaine Joanne Bourgeois et son équipe (23) confirmèrent le bien-fondé de l'idée de Smit. L'équipe américaine décrivit cinq affleurements K/T sur le site de Brazos River et annonça qu'un tsunami d'impact avait bien eu lieu, et compte tenu de l'amplitude de 100 mètres relevée sur le site étudié, elle annonça que le lieu d'impact était distant de moins de 5000 km et devait être recherché depuis les côtes du golfe du Mexique jusque dans l'Atlantique. Etant donné que l'impact terrestre était privilégié, les côtes du golfe du Mexique devaient pouvoir fournir la solution tant recherchée.

La confirmation du tsunami d'impact fut apportée en 1986 par la découverte d'une nouvelle couche de grès à la limite K/T, à Cuba cette fois. A Haïti, c'est le jeune géologue canadien Alan Hildebrand, à la recherche du cratère, qui découvrit avec son directeur de thèse, le planétologue américain William Boynton, des éjectas d'impact sur la côte sud de l'île, indéniablement liés à l'impact et répartis sur un demi-mètre d'épaisseur (24). Hildebrand identifia parmi eux des tectites atteignant jusqu'à 1 cm de diamètre, preuve formelle d'un impact. Compte tenu de l'épaisseur des dépôts, le cratère source n'était plus distant que de 1000 km au maximum.

Il faut savoir qu'à la fin du Crétacé, la géographie de l'Amérique du Nord et de l'Amérique centrale différait sensiblement de ce qu'elle est actuellement. Les côtes actuelles étaient noyées par le niveau des eaux, qui quoique en diminution, nous l'avons vu quand nous avons parlé de l'hypothèse de la régression marine, était encore supérieur au niveau actuel. De plus, elles ne se trouvaient pas exactement à leur emplacement actuel, la tectonique des plaques (via notamment la plaque Caraïbes) ayant joué depuis son office.

Hildebrand et Boynton firent une recherche, d'abord cartographique, des différentes structures de la région, dans un rayon de 1000 km autour de l'ancienne position d'Haïti, qui pourraient correspondre au cratère attendu. Il en retinrent deux, d'abord une grande structure de 300 km au large de la Colombie et enfouie sous 2 km de sédiments qui n'allait donner aucun résultat positif et qui fut donc abandonnée. Ensuite une structure de 200 km au nord du Yucatan, un peu en dehors de leur champ d'étude initial, mais qui avait été déjà étudiée en vue d'une possible utilisation pétrolière et sur laquelle on possédait quelques informations. Cela allait être le fameux "point zéro" cherché depuis une bonne dizaine d'années par tous les géologues qui étudiaient la fin du Crétacé.

Ce "point zéro" c'est l'astroblème de Chicxulub.

Chicxulub : le cratère invisible mais bien réel

Il faut savoir que cette structure de Chicxulub était déjà connue depuis une quarantaine d'années de la communauté pétrolière, puisqu'elle fut le lieu de carottages océaniques et terrestres, destinés à trouver des réserves de pétrole exploitables, à partir du début des années 1950. Les études gravimétriques et magnétiques de l'époque avaient révélé des anomalies et une structure annulaire centrée près de Mérida sur la côte nord du Yucatan. Les carottages ayant remonté des débris cristallins et vitreux, ressemblant à des andésites volcaniques, les géologues classèrent (un peu vite) la formation comme étant une ancienne caldéra volcanique, sans intérêt pour la communauté pétrolière.

Une nouvelle campagne d'investigations pétrolières fut entreprise en 1978 par la Pemex (société pétrolière nationale mexicaine), à laquelle participait le géologue américain Glen Penfield. Celui-ci comprit que la structure annulaire était en fait un astroblème de 180 km présentant une importante anomalie magnétique centrale. Avec le géologue mexicain Antonio Camargo, qui confirma totalement son hypothèse, ils tentèrent de faire reconnaître leur découverte. Ils firent à ce sujet une communication en octobre 1981 qui, de manière incompréhensible, ne sortit pas de la communauté pétrolière (25) et n'eut aucune répercussion.

Nous avons vu précédemment que, dans les années 1980, de nombreux chercheurs se démenèrent pour trouver des preuves et le lieu de l'impact. Si le travail de Penfield et Camargo avait été diffusé comme il aurait dû l'être, la communauté scientifique aurait probablement gagné plusieurs années dans la solution du problème de la fin du Crétacé. Mais les choses avançaient quand même.

En 1990, Hildebrand put étudier des échantillons d'un forage effectué sur le site du Yucatan à une profondeur de 1200 à 1300 mètres, échantillons qui s'avérèrent contenir des grains de quartz choqués atteignant 1 cm, preuve d'un impact important. En réunissant toutes les informations existantes et concordantes dont il put disposer, notamment grâce à l'appui de Penfield et Camargo, Hildebrand annonça l'existence probable d'un cratère d'impact de 180 km de diamètre, enfoui sous plus de 1 km de sédiments et centré sur la ville côtière de Chicxulub, plutôt que sur celle de Mérida située 15 km plus à l'ouest. En surface, le contour du cratère peut être cerné grâce à des points d'eau, connus localement sous le nom de cenotes, répartis tout autour de la structure d'impact et qui sont l'exutoire de failles souterraines.

La publication de son article, cosigné avec six autres chercheurs (26), fit l'effet d'une bombe dans les milieux scientifiques. Très rapidement, la structure fut confirmée par des images satellite, car évidemment elle n'est pas visible du sol, s'avérant du même coup l'un des plus grands astroblèmes probables recensés (27).

Il restait à la dater avec précision, bien que tous les autres éléments déjà connus associés au cratère, et dont nous avons parlé plus haut, postulaient bien sûr pour un âge identique de 65 MA. Un réexamen de tous les quartz choqués et des laves d'impact des environs du cratère donnèrent à Chicxulub un âge de 64,98 ± 0,05 MA, étonnamment proche de la valeur retenue pour les divers dépôts d'iridium et autres éléments de la couche K/T, mais aussi pour celle obtenue pour les éjectas d'Haïti, pour lesquels la datation par la méthode argon/argon donna exactement 65,01 ± 0,08 MA. Les deux valeurs quasiment identiques prouvaient définitivement l'unicité de la catastrophe et le lien génétique entre le cratère et les quartz choqués retrouvés un peu partout dans les couches K/T du monde entier.

C'était vraiment une belle victoire pour tous ceux qui pendant plus de dix ans se battirent pour prouver la réalité de l'hypothèse suggérée par les Alvarez en 1978, même si certains tentèrent un ultime combat d'arrière-garde en niant l'évidence et en soutenant encore que Chicxulub n'est rien d'autre qu'une caldéra volcanique (28).

Depuis sa reconnaissance définitive, la structure de Chicxulub a fait l'objet de nombreuses recherches complémentaires. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, cet astroblème est remarquablement conservé, parce qu'il n'a pas subi les classiques effets de l'érosion, très sensibles en règle générale en quelques millions d'années. Chicxulub, au contraire, du fait que l'impact a eu lieu sur une plate-forme continentale immergée, fut très rapidement enfoui sous une chape de sédiments calcaires côtiers de plus de 1000 mètres d'épaisseur, sédiments qui l'enterrèrent et le protégèrent ainsi d'une destruction inévitable. Le revers de la médaille, on s'en doute, est sa quasi-invisibilité qui explique d'ailleurs fort bien qu'il ait fallu tant d'années pour le mettre en évidence d'une façon certaine.

Chicxulub est un cratère d'impact de 180 km, mi-terrestre, mi-océanique centré sur la position 21,27°N et 89,60°W. Sa projection en surface est scindée en deux par la ligne des côtes du nord Yucatan. La moitié sud est terrestre et partiellement cachée sous des marécages, des broussailles et de multiples plantations de cactus, tandis que la partie nord s'étend sur le plateau continental dans une eau peu profonde et cachée par les sédiments du golfe du Mexique.

Certains géologues ont postulé pour un diamètre supérieur pour le cratère. On a évoqué 240 km ou même 280 km, mais ces résultats ne furent pas retenus par la communauté scientifique, car ils ne prenaient pas en compte la totalité des données existantes : résultats des forages, relevés magnétiques et gravimétriques, profils sismiques, volume calculé des divers éjectas et diamètre supposé (10 km) de l'objet responsable de l'impact.

Pour terminer le récit de cette longue chasse au cratère, il convient de retenir surtout le nom du géologue canadien Alan Hildebrand, jeune thésard au début de ses recherches, qui ne renonça jamais quand il sut qu'il était dans le vrai, et à qui de nombreux mandarins américains, jaloux de sa réussite, mirent des bâtons dans les roues. Mais, on le sait, la vérité finit toujours par triompher, même s'il lui faut du temps parfois.

L'impact cosmique

Après avoir longuement parlé de la chasse au cratère et du cratère lui-même, il nous faut revenir maintenant à la catastrophe, à l'impact cosmique.

Que savons-nous de l'impacteur, qui pouvait être un astéroïde ou une comète ou même un objet mixte mi-astéroïde/mi-comète ? Son diamètre estimé par les Alvarez à 10 km est tout à fait crédible. Rappelons qu'il avait été envisagé en fonction du volume d'iridium contenu dans les diverses couches K/T. Il contenait de nombreux éléments sidérophiles, notamment de l'iridium et de l'osmium. Il contenait aussi des acides aminés, c'est-à-dire de la matière prébiotique. Ces indices ne sont pas suffisants pour trancher entre les trois alternatives possibles : comète, astéroïde, objet mixte, même si certains scientifiques se sont cru en mesure de trancher pour la première ou la deuxième.

L'énergie d'un impact est égale au demi-produit de la masse de l'impacteur par la carré de la vitesse d'impact (E = 1/2 mv2) et elle est donc un paramètre très important. On connaît la masse approximative du bolide cosmique estimée très grossièrement à 1000 milliards de tonnes. La vitesse, elle, est indéterminée puisqu'elle a pu avoir toutes les valeurs possibles entre 10 et 72 km/s selon les éléments orbitaux et la géométrie de l'approche. On table sur une valeur moyenne de 20 km/s qui, dans le cas présent, est une grossière approximation. On voit, d'après le tableau des énergies du chapitre 6, qu'en tenant compte d'une densité moyenne, on peut retenir une énergie d'impact de l'ordre de 1023/1024 joules. C'est grosso modo de 10 à 100 millions de mégatonnes de TNT, soit de 1000 à 10 000 fois l'énergie dégagée par l'arsenal nucléaire de l'humanité. Si la vitesse était supérieure, ce qui est tout à fait possible, l'énergie d'impact a pu dépasser 1024 joules. Ces chiffres parlent peu en fait, mais il faut se rappeler que le plus important séisme connu, celui du Chili en 1960, a libéré une énergie de 1020 joules, 10 000 fois inférieure, et de plus comme je l'ai expliqué, l'énergie à l'occasion d'un impact est libérée en quelques secondes seulement. On peut donc l'affirmer : l'impact d'un objet de 10 km sur la Terre est un cataclysme de première grandeur, heureusement rarissime puisqu'il s'en produit un en gros tous les 100 millions d'années.

De multiples simulations, effectuées par des chercheurs de diverses disciplines, ont tenté de faire comprendre avec un maximum de précisions les conséquences de l'impact. Bien qu'elles diffèrent quelque peu selon le modèle théorique utilisé, on a obtenu pour les différentes phases de la catastrophe des ordres de grandeur assez convergents.

Ainsi on a constaté que l'objet cosmique n'était quasiment pas freiné durant sa traversée de l'atmosphère et que la troposphère a été traversée en moins d'une seconde, temps si court que la sublimation due à l'échauffement a juste concerné une fine couche à l'avant du corps cosmique et que l'arrière de celui-ci a été peu affecté. Par contre, l'atmosphère a été littéralement soufflée autour du corps céleste, emportant avec elle environ 0,1 % de l'énergie cinétique, soit de 1020 à 1021 joules selon l'énergie retenue. Le corps cosmique a été totalement volatilisé lors de l'impact, pulvérisant la croûte terrestre tout autour du "point zéro", l'énergie cinétique considérable se transformant en partie en énergie thermique. On estime que 98 ou 99 % de l'énergie ont été utilisés pour la fonte et la volatilisation de l'impacteur et de la roche cible, l'éjection des débris et aussi l'impressionnant ébranlement sismique, les 1 ou 2 % restants (ce qui représente encore de 1021 à 1022 joules) étant disponibles pour l'ouragan et le raz-de-marée.

L'impact, on s'en doute, fut fulgurant et terrible, libérant en moins d'une seconde une énergie supérieure à 1000 ans d'activité sismique. Comme l'impact a eu lieu sur un plateau continental immergé, les 100 ou 200 mètres d'eau ont été soufflés quasi instantanément. La matière du cratère, formé en moins d'une minute (période de compression + période de relâchement), mélangée à celle de l'objet cosmique, ce qui représente une colossale quantité de débris divers et choqués, a été projetée dans l'atmosphère.

On table aujourd'hui pour un impact oblique. Le bolide venait du sud-est (il survola l'Amérique du Sud avant l'impact) et se dirigeait vers le nord-ouest. L'astroblème a conservé les traces d'un tel impact avec un angle incident assez prononcé et son empreinte gravimétrique est restée asymétrique. Du coup, les diverses projections de matériel ont été maximales en Amérique du Nord, où l'on sait que les extinctions ont été plus nombreuses qu'ailleurs, et aussi dans l'Atlantique nord.

La période post-catastrophe

On entra tout de suite dans la période post-impact avec une Terre totalement meurtrie. Une fantastique onde de choc rayonna à la fois dans l'atmosphère, dans l'océan et sur les continents.

Sur la mer, ce fut un gigantesque raz-de-marée dont certaines traces sont encore décelables 65 MA plus tard (le fameux tsunami d'impact dont nous avons parlé). Sur la Terre, des séismes atteignirent jusqu'à la magnitude 13 sur l'échelle de Richter (1 million de fois supérieure à une "classique" magnitude 7) et eurent des répercussions jusqu'aux antipodes du point d'impact situé dans l'océan Indien (ce point est appelé le "point zéro bis"). Dans l'atmosphère, l'ouragan démarra avec une vitesse proche de celle de la vitesse d'impact (entre 10 et 72 km/s) qui diminua progressivement au fil des minutes, tandis que l'onde de choc se heurtait à une masse d'air de section croissante. Les modèles montrent que l'onde de choc avait parcouru plus de 500 km en 10 minutes seulement.

Tout de suite après l'impact et avec le déploiement de l'onde de choc, la température de l'atmosphère a grimpé d'une manière phénoménale, certains chercheurs ont même parlé de "rôtissoire". Dès cet instant, une grande majorité d'animaux ont été tués sur le coup, avant même de pouvoir se mettre à l'abri. Comme l'a remarquablement découvert la chimiste américaine Wendy Wolbach (29), l'effet "rôtissoire" est certainement dû en grande partie à un embrasement général de la végétation sur une partie importante de la surface terrestre, notamment en Amérique du Nord. Elle a en effet relevé dans la couche K/T une impressionnante quantité de carbone de combustion (jusqu'à 10 000 fois supérieure à la normale). Elle en a conclu que près de la moitié de la biomasse terrestre avait brûlé durant les premiers mois de la période post-impact. Cette catastrophe écologique, comme il s'en produit peut-être seulement une tous les 10 MA, entraîna une véritable hécatombe dans le monde vivant.

Progressivement (en quelques années probablement), cette chaleur insupportable diminua, pour laisser place dans un deuxième temps à une température glaciale, en liaison avec la fameuse "nuit" produite par la diffusion tout autour de la planète d'un véritable écran de poussières et de suie qui dura, lui aussi, quelques années ou même dizaines d'années. La chaleur du Soleil ne pouvant plus parvenir au sol, c'est toute la végétation restante qui fut soumise à l'hiver d'impact, et avec sa disparition les diverses chaînes alimentaires nécessaires à la survie d'espèces rescapées. Combien d'animaux survivants de la période précédente périrent alors ? A coup sûr, un très grand nombre au niveau des individus furent éliminés mais, comme nous le verrons dans la section suivante, ce ne fut pas la même chose au niveau des espèces et des niveaux supérieurs du monde animal. En tout cas, quelles que furent les conditions de vie (bien difficiles sans doute) durant cette période post-impact, certains êtres vivants parvinrent à survivre, protégés sans doute par des conditions climatiques régionales ou locales un peu moins ingrates, et aussi par des particularismes physiologiques favorables (tortues notamment).

Dans un troisième temps, beaucoup plus long, puisqu'on l'estime à 50 000 ans, la Terre fut soumise à nouveau à un important accroissement de la température de l'atmosphère (et de la biosphère) attribué, lui, à l'effet de serre bien connu aujourd'hui, créé principalement par un excès de gaz carbonique. Celui-ci, normalement assimilé par la végétation terrestre et par les plantes marines photosynthétiques, fut transféré directement à l'atmosphère du fait de la disparition de ses "consommateurs" habituels.

Pour résumer, la période post-impact eut trois phases principales bien distinctes :

1. Une courte période (quelques années) de chaleur intense, parfois supérieure même à 100° sur certains sites proches de l'impact et dans les régions où la végétation fut soumise à un incendie auto-perpétuant qui gagna progressivement des régions primitivement épargnées.

2. Un hiver sibérien pour toute la planète privée de l'indispensable chaleur solaire qui dura quelques années ou dizaines d'années et durant laquelle une partie de la faune rescapée disparut faute de nourriture.

3. Une augmentation progressive de la chaleur due à l'effet de serre, consécutif lui à un important excès de gaz carbonique dans l'atmosphère. Cette période fut beaucoup plus longue que les deux précédentes et dura peut-être 50 000 ans.

Cet enchaînement chaud-froid-chaud fut la cause de l'élimination d'innombrables individus qui avaient survécu à l'impact proprement dit.

Le concept d'hiver d'impact, popularisé par le drame de la fin du Secondaire, a donné des idées aux scientifiques qui l'ont adapté ensuite à l'hiver nucléaire, qui en est une variante, un cataclysme causé par l'homme lui-même et non pas un phénomène somme toute naturel.

L'extinction des dinosaures

Il nous faut revenir maintenant à l'extinction de masse qui fut la conséquence majeure de la collision cosmique et des conditions de vie calamiteuses dans la biosphère durant la période post-impact. Nous venons de voir que ses trois phases entraînèrent successivement une décimation très importante au niveau des individus, mais très sélective au niveau des espèces et des ordres du monde animal (et végétal).

Les paléontologues pensent en général que la majorité des gros animaux fut décimée durant les deux premières phases. L'intense chaleur de la première, suivie du froid polaire de la seconde et surtout la disparition des diverses chaînes alimentaires furent probablement suffisantes pour éliminer les dinosaures. Tous ces paléontologues ont signalé une étonnante sélectivité de l'extinction de masse Crétacé-Tertiaire. Le tableau 12-1 donne un aperçu de cette question concernant les neuf ordres de reptiles existant en Amérique du Nord à la fin du Secondaire. Parmi ceux-ci, les gros animaux, dinosaures, ptérosaures, ichthyosaures et plésiosaures, soit quatre ordres divisés en vingt et une familles au total, furent exterminés à 100 %. Par contre, les huit familles de tortues, apparemment beaucoup plus aptes à faire face aux conditions draconiennes de l'environnement, et donc mieux armées pour la survie, passèrent sans dommages (au niveau des familles et non des individus bien sûr) la période difficile. Les deux ordres de serpents sortirent également indemnes. Pour les lézards et les crocodiliens, l'extinction fut seulement partielle, puisque 75 % des familles faisaient encore partie du monde vivant durant le Tertiaire. Le tableau montre que, globalement, en ce qui concerne les reptiles, l'extinction fut de 55 %.

Comme l'ont fort bien expliqué Stephen Jay Gould (30) et David Raup (31), entre autres, seule la malchance a éliminé les dinosaures et leurs semblables. Et pourtant, ils dominaient depuis plus de 100 MA le monde vivant. On a même postulé que le sténonychosaure, découvert au Canada en 1967, possédait des facultés étonnantes et que son cerveau était anormalement développé. D'autres petits dinosaures bipèdes carnivores évoluaient d'une manière très favorable vers l'intelligence.

Quelques paléontologues ont remarqué, avec humour, qu'il s'en est fallu de peu (à un impact cosmique et une catastrophe écologique près) que le successeur du sténonychosaure soit le maître de la Terre, à notre place. On ne pourra plus jamais prétendre que l'impactisme et le catastrophisme qui lui est associé n'ont pas de conséquence sur l'évolution, qui a sans aucun doute un caractère aléatoire et donc imprévisible à long terme. Le cataclysme est bien une force de destruction et de création.

Une véritable révolution épistémologique

L'explication nouvelle sur la mort des dinosaures et de nombreuses autres espèces à la fin de l'ère secondaire a été une révolution scientifique. Mais il faut rappeler pour terminer ce chapitre, et aussi la partie " Preuves " de ce livre, qu'elle a été beaucoup plus que cela : une authentique révolution épistémologique.

Certains commentateurs ont parlé de "guerre ouverte", dans les années 1980, entre les catastrophistes et les gradualistes, guerre qui s'est terminée par la déroute des seconds. Il faut bien comprendre que quasiment tous les mandarins de la géologie et de la paléontologie qui furent confrontés au "problème de l'iridium" étaient des hommes (très rarement des femmes) formés dans les années 1950-1960, à une époque où l'impactisme et le catastrophisme étaient totalement bannis de l'enseignement supérieur. A eux aussi, donc, le ciel est (intellectuellement) tombé sur la tête, quand il leur fallut admettre (certains ne s'y firent jamais) que le cataclysme devait être introduit comme un élément majeur et incontournable de l'histoire de la Terre et de celle de la vie.

Ce sont surtout de jeunes chercheurs (Hildebrand est emblématique à ce propos, mais il y en a eu de nombreux autres qui travaillèrent dans l'ombre), les élèves de ces mandarins, qui démontrèrent le bien-fondé des idées catastrophistes en allant chercher et trouver sur le terrain les preuves nécessaires, alors que les anciens, d'abord incrédules, étaient de plus en plus inquiets au fur et à mesure qu'ils sentaient le savoir, leur raison d'être souvent, leur échapper. C'est presque toute une génération de savants qui fut traumatisée et parfois ringardisée en une seule décennie (les "néfastes" années 1980), sans possibilité souvent de s'adapter à la nouvelle donne scientifique, mais aussi à l'évolution des nouvelles techniques d'observation et de datation.

La plupart d'entre eux campèrent sur des positions dépassées, s'appuyant contre toute logique sur des hypothèses insuffisantes, comme les régressions marines ou le volcanisme intensif. Il est sûr que de tels cataclysmes ont joué à certaines périodes de l'histoire de la Terre et ont été la cause d'extinctions secondaires ou mineures (voir le chapitre 15 consacré aux extinctions et à l'évolution). Il n'empêche qu'ils ne peuvent expliquer d'une manière satisfaisante les grandes extinctions majeures, dites de masse, qui ont été presque obligatoirement engendrées par des cataclysmes d'origine cosmique, comme le pensait déjà Harold Urey à la fin des années 1960.

Beaucoup de ces mandarins de la géologie et de la paléontologie en voulurent à Luis Alvarez (un physicien, arrogant de nature, totalement extérieur à ces spécialités qu'il considérait comme des sciences secondaires, paraît-il, surtout la seconde), un ancien lui aussi pourtant, mais ouvert aux idées neuves, d'avoir eu son idée géniale d'étudier les pics d'iridium dans les couches K/T réparties dans le monde entier. Cette idée, aussi lumineuse qu'imprévue, allait entraîner toute une série de recherches et de résultats décisifs qui conduisirent à une double révolution de la géologie et de la paléontologie.

Maintenant, il est clair que tout retour en arrière est impossible. Une page de l'histoire des sciences est tournée. Le catastrophisme devra être enseigné, l'interdisciplinarité sera obligatoire pour bien comprendre les multiples aspects de l'évolution à deux vitesses : gradualiste et catastrophiste.

Notes

1. Collectif, Dossier : La météorite, les dinosaures et le plancton, La Recherche, 293, pp. 51-69, 1996. Cet excellent dossier contient sept articles différents et complémentaires : R. Rocchia, Naissance d'une théorie, pp. 53-55 ; J.-C. Doukhan et H. Leroux, La preuve par les quartz, pp. 56-57 ; E. Robin, Le verdict du spinelle, pp. 58-60 ; Ph. Claeys, Chicxulub, le cratère idéal, pp. 60-62 ; J. Smit, Un épisode tragique : "l'océan Folamour", pp. 62-64 ; E. Buffetaut, Tous les gros animaux disparaissent, pp. 65-67 ; J.D. Archibald, L'impact du retrait des mers, pp. 67-69.

2. Ch. Frankel, La mort des dinosaures : l'hypothèse cosmique (Masson, 1996). Un excellent livre bourré d'informations.

3. D. Russell, Les extinctions massives de la fin du Mésozoïque, Pour la Science, 53, pp. 44-52, 1982.

4. H.H. Nininger, Cataclysm and evolution, Popular Astronomy, 50, pp. 270-272, 1942. Dans cet article, Harvey Nininger annonce clairement, pour la première fois, qu'un impact important pourrait avoir été la cause de bouleversements géologiques, comme la fin des différentes ères, et aussi la raison des bouleversements biologiques associés. Il fait ressortir le catastrophisme de sa tombe, en liant le cataclysme et l'évolution. A ce titre, Nininger est un pionnier important, un peu oublié aujourd'hui, malheureusement.

5. M.W. de Laubenfels, Dinosaur extinction : one more hypothesis, Journal of Paleontology, 30, pp. 207-212, 1956. Dans cet article, De Laubenfels suggère qu'un impact cosmique pourrait être responsable de la mort des dinosaures et des autres espèces anéanties à la fin de l'ère secondaire.

6. H.C. Urey, Cometary collisions and geological periods, Nature, 242, pp. 32-33, 1973. Urey reprend l'idée de Nininger et lui donne une consistance physique. Il relie clairement les impacts cométaires sur la Terre et les frontières des ères géologiques.

7. De nombreux autres éléments "nobles" de la famille du platine ont été repérés dans les couches K/T, notamment le rhénium, le ruthénium, le palladium, le chrome, ainsi que des éléments plus courants comme l'or, le nickel et le cobalt. Tous présentent des concentrations anormalement élevées.

8. L. Alvarez, W. Alvarez, F. Asaro and H. Michel, Extraterrestrial cause for the Cretaceous-Tertiary extinction, Science, 208, pp. 1095-1108, 1980. L'article historique sur la question.

9. K.J. Hsü, Terrestrial catastrophe caused by cometary impact at the end of Cretaceous, Nature, 285, pp. 201-203, 1980.

10. W. Alvarez, La fin tragique des dinosaures (Hachette, 1998). Titre original : T.rex and the crater of doom (1997). L’histoire moderne de la fin des dinosaures, vue par l’un de ses promoteurs : Walter Alvarez. Ce livre contient un important système de notes et de références sur les différents épisodes de cette saga scientifique.
Dans son livre, W. Alvarez raconte la découverte cruciale de la présence d’iridium dans la couche K/T et tout son travail les années suivantes. C’est son père, Luis Alvarez, physicien de grand renom, qui a eu l’idée d’étudier cette couche qui date de 65 MA et c’est lui, géologue de profession, qui le premier l’a mise en pratique sur le terrain. Une fois lancée, cette idée a été reprise par de nombreuses équipes multidisciplinaires et leur a, en fait, échappé. Il n’empêche que le tandem Alvarez, père et fils, restera comme celui qui a apporté la preuve qui manquait et qui a littéralement ressuscité la notion de catastrophisme d’origine cosmique. La science leur doit beaucoup. Je rappelle quand même que Walter Alvarez ne croyait pas dans les années 1980 que Chicxulub puisse être le cratère d’impact recherché par tous les spécialistes de la question. Comme beaucoup d’autres, il a été obligé de faire son mea culpa. Il appelle dans son livre Chicxulub "le cratère maudit" (chapitre VI).

11. R. Rocchia, La catastrophe de la fin de l'ère secondaire, La Recherche, 260, pp.1344-1353, 1993.

12. M.J. Benton, Scientific methodologies in collision : the history of the extinction of the dinosaurs, Evolutionary Biology, 24, pp. 371-400, 1989.

13. D.A. Russell, The enigma of the extinction of the dinosaurs, Annual Revue of the Earth Planetary Sciences, 7, pp. 163-182, 1979.

14. M. Renard et R. Rocchia, Extinction des espèces au Secondaire : la Terre dans un nuage interstellaire ?, La Recherche, 153, pp. 393-395, 1984.

15. M.J. Benton, Atlas historique des dinosaures (Autrement, 1998). Titre original : Historical atlas of the dinosaurs (1996). Un livre très visuel avec de nombreux renseignements sur toute la période où ils ont vécu. Le livre est sous-titré : 1000 espèces, 160 millions d’années.

16. C. Officer and J. Page, The great dinosaur extinction controversy (Addison-Wesley, 1996). Charles Officer a été l'un des leaders du courant "volcaniste" et l'un des grands adversaires de l'hypothèse cosmique. Il n'a jamais cru à l'importance des impacts dans les processus d'extinction et a même critiqué le caractère cosmique de Chicxulub, considérant cette structure comme étant d'origine volcanique.

17. V. Courtillot, What caused the mass extinction : a volcanic eruption, Scientific American, 263, 4, pp. 85-92, 1990.

18. V. Courtillot, La Vie en catastrophes (Fayard, 1995). Dans ce livre sous-titré : Du hasard dans l'évolution des espèces, Vincent Courtillot, partisan de l'origine volcanique de la fin du Secondaire, explique fort bien que les événements catastrophistes (quelle que soit leur origine, qui peut être variée et multiforme) peuvent être à la fois cause de destruction et de renaissance.

19. B.F. Bohor, E.E. Foord, P.J. Modreski and D.M. Triplehorn, Mineralogic evidence for an impact event at the Cretaceous-Tertiary boundary, Science, 224, pp. 867-869, 1984.

20. M. Zhao and J.L. Bada, Extraterrestrial amino acids in Cretaceous/Tertiary boundary sediments at Stevns Klint, Denmark, Nature, 339, pp. 463-465, 1989.

21. K. Zahnle and D. Grinspoon, Comet dust as source of amino acids at the Cretaceous/Tertiary boundary, Nature, 348, pp. 157-160, 1990.

22. J. Smit, A. Montanari, N. Swinburne, W. Alvarez, A.R. Hildebrand, S.V. Margolis, P. Claeys, W. Lowrie and F. Asaro, Tektite-bearing, deep-water clastic unit at the Cretaceous-Tiertary boundary in northeastern Mexico, Geology, 20, pp. 99-103, 1992.

23. J. Bourgeois, T.A. Hansen, P.L. Wibertg and E.G. Kauffman, A tsunami deposit at the Cretaceous-Tertiary boundary in Texas, Science, 241, pp. 567-570, 1988.

24. A.R. Hildebrand and W.V. Boynton, Proximal Cretaceous-Tertiary boundary impact deposits in the Caribbean, Science, 248, pp. 843-847, 1990.

25. Dans son livre La mort des dinosaures : l'hypothèse cosmique, Charles Frankel raconte qu'un article de vulgarisation parut sur le sujet dans le quotidien de Houston (la ville de la NASA), le Houston Chronicle du 31 décembre 1981, sous la plume du journaliste Carlos Byar, article qui faisait la liaison indéniable entre la mort des dinosaures et le cratère du Yucatan (Chicxulub) découvert par Penfield et Camargo. Cet article prémonitoire ne fut lu, semble-t-il, par aucun scientifique (pourtant nombreux à Houston) et n'eut aucune suite. Il fallut attendre dix ans pour que Hildebrand et Boynton redécouvrent le cratère. Frankel précise aussi que Walter Alvarez lui-même entendit parler du site du Yucatan, mais comme étant une caldéra et donc sans intérêt ! C'est Carlos Byar qui mit en rapport Hildebrand avec Penfield et Camargo qui seront coauteurs du premier article sur le sujet, paru dans la revue Geology en septembre 1991. Cet article très important fut dans un premier temps refusé par la revue Science pour une assez sordide raison de rivalité scientifique.

26. A.R. Hildebrand, G.T. Penfield, D.A. Kring, M. Pilkington, A. Camargo, S.G. Jacobsen and W.V. Boynton, Chicxulub crater : a possible Cretaceous/Tertiary boundary impact crater on the Yucatan peninsula, Mexico, Geology, 19, pp. 867-871, 1991.

27. Il est certain que plusieurs des astroblèmes terrestres possibles dont j'ai parlé au chapitre 11 ont un diamètre supérieur à celui de Chicxulub. Pour le moment, on n'a pas encore pu les associer à des extinctions, ou tout au moins à la fin d'étages géologiques. L'exemple de Chicxulub est symptomatique de la vitesse à laquelle peut disparaître à la vue un astroblème de grande taille.

28. A.A. Meyerhoff, J.B. Lyons and C.B. Officer, Chicxulub structure : a volcanic sequence of the late Cretaceous age, Geology, 22, pp. 3-4, 1994.

29. W.S. Wolbach, I. Gilmour, E. Anders, C.J. Orth and R.R. Brooks, Global wildfire at Cretaceous-Tertiary boundary, Nature, 334, pp. 665-669, 1988.

30. S.J. Gould, La foire aux dinosaures (Seuil, 1993). Titre original : Bully for brontosaurus (1991).

31. D.M. Raup, De l'extinction des espèces (Gallimard, 1993). Titre original : Extinction. Bad genes or bad luck (1991).

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