CHAPITRE 6

LES ASTÉROÏDES QUI FRÔLENT LA TERRE


Les astéroïdes dans le Système solaire

On sait que le Système solaire (1/2) se compose principalement du Soleil, des neuf planètes et de leurs satellites. Mais on connaît également quatre grandes catégories d'objets secondaires qui sont plus ou moins liées entre elles : les astéroïdes, les comètes, les météorites et les poussières (3).

Les astéroïdes ou petites planètes (4/5) sont des petits objets qui circulent pour la grande majorité entre les orbites de Mars et de Jupiter, les quatrième et cinquième planètes par ordre d'éloignement du Soleil. On en connaît plusieurs milliers (6), découverts visuellement jusqu'en 1892 par les chasseurs d'astéroïdes (7), sur des plaques photographiques ensuite (8) jusqu'au milieu des années 1980 et depuis principalement avec des caméras CCD (9), mais surtout on sait qu'ils existent par millions (10). Leurs diamètres varient de quelques mètres à 940 km pour le principal d'entre eux, Cérès, qui fait presque figure de planète et qui est connu depuis 1801.

On sait maintenant qu'il y a continuité entre l'espèce planète et l'espèce météorite, puisqu'il y a tous les intermédiaires possibles, que l'on appelle parfois des météoroïdes. Le Système solaire est donc peuplé de milliards d'objets de toutes tailles, avec bien sûr une prépondérance marquée pour les petits objets. Il est important à ce stade de notre étude d'insister sur ce point fondamental : le Système solaire n'est pas un système propre, avec son étoile, ses neuf planètes et quelques dizaines de satellites. Il est sillonné par toutes sortes de débris qui se meuvent sur des orbites qui peuvent être beaucoup plus excentriques que celles des grosses planètes. Ces débris ont donc des possibilités d'approches aux astres principaux et les collisions sont fréquentes à l'échelle astronomique.

Les astéroïdes ont joué, et jouent encore, un rôle important dans le Système solaire et ils sont, avec les comètes, la clé de l'impactisme planétaire, dont l'impactisme terrestre n'est qu'un cas particulier, celui qui concerne notre planète. Les milliers de clichés fantastiques transmis par les sondes spatiales ont montré la réalité de cet impactisme planétaire, puisque toutes les planètes et tous les satellites à surface solide (11), sauf ceux dont la surface est constamment renouvelée par des phénomènes internes (notamment Io et Europe, deux des quatre gros satellites de Jupiter), sont criblés de cratères d'impact de toutes tailles et de tous âges.

Définitions et classification des différentes catégories d’objets

Il est nécessaire de rappeler quelques définitions concernant les sigles, les types et les sous-types basés sur certaines caractéristiques orbitales particulières (12). Le nombre d’objets très important et des caractéristiques et une origine différentes nécessitent une classification cohérente et suffisamment précise qui n’est pas toujours prise en compte par les astronomes spécialisés.

Ne pas confondre NEA, EGA et PHA

On appelle NEA (sigle de Near-Earth Asteroids), les astéroïdes proches en français, ceux qui ont une distance périhélique inférieure à celle de Mars, soit 1,381 UA (13). Le statut de NEA dépend donc uniquement de cette particularité.

On appelle EGA (sigle de Earth-Grazing Asteroids) (14), les astéroïdes qui frôlent la Terre en français, ceux qui ont une distance minimale à l'orbite terrestre inférieure à 0,100 UA, soit 14,96 MK.

Ces deux appellations recouvrent des données différentes : la valeur du périhélie (q < 1,381 UA) pour les premiers et la distance minimale à la Terre (Dm < 0,100 UA) pour les seconds.

On appelle PHA (sigle de Potentially Hazardous Asteroids), les astéroïdes potentiellement dangereux avec H £ 22,0 (soit plus de 130 mètres de diamètre moyen) et qui peuvent passer à l’intérieur d’un cercle de 0,05 UA (7,5 MK) situé dans le plan de l’écliptique à 1,0 UA du Soleil. Ce sont eux que l’on cherche à recenser d’une manière quasi exhaustive afin de les détruire (ou les détourner) si le besoin s’en faisait vraiment sentir.

Trois types différents

Depuis 1979, on reconnaît trois types différents de NEA, appelés aussi objets AAA (Aten ­ Apollo ­ Amor) :

– le type Aten qui concerne les astéroïdes qui circulent en moyenne à l'intérieur de l'orbite terrestre (a est inférieur à 1,000 UA), mais qui se trouvent à l'extérieur de cette orbite à l'aphélie (Q est supérieur à 1,000 UA) ;

– le type Apollo qui concerne les astéroïdes qui pénètrent à l'intérieur de l'orbite terrestre au périhélie (a est supérieur à 1,000 UA et q est inférieur à 1,000 UA) ;

– le type Amor qui concerne les astéroïdes dont le périhélie se trouve à l'extérieur de l'orbite terrestre et à l'intérieur du périhélie de Mars (q est compris entre 1,000 et 1,381 UA).

La figure 6-1 montre les orbites des trois objets qui donnent leur nom à un type de NEA : Aten, Apollo et Amor. Ce ne sont nullement les plus importants de leur type sur le plan du diamètre.

Seuls les NEA des types Aten et Apollo peuvent croiser l'orbite terrestre. Ce sont les Earth-crossers. En français, on les appelle les géocroiseurs (15), nom proposé par Alain Maury (16).

Il est important de signaler que plusieurs objets de type Amor deviennent à certaines époques de type Apollo, du fait de l'augmentation de leur excentricité qui leur permet d'avoir q < 1,000 UA, et inversement des objets de type Apollo deviennent de type Amor. Quelques objets dont le mouvement est en libration avec celui de la Terre passent également du type Aten au type Apollo et inversement. Leur demi-grand axe est légèrement inférieur ou supérieur à a = 1,000 UA selon les époques. La classification en trois types n'est donc valable que pour la période actuelle.

Signalons que l'on trouve des EGA dans les trois catégories d'objets. Il faut surtout bien se rappeler que tous les objets Aten, Apollo et Amor sont des NEA, mais seulement une partie d'entre eux sont des EGA.

Les sous-types sont fonction des demi-grands axes

Pour différencier des orbites qui peuvent être de dimensions assez différentes, nous distinguons quatre sous-types (17) pour les types Apollo et Amor, en fonction de la valeur du demi-grand axe a, étant entendu que le type Aten est également un sous-type, puisque basé sur une valeur particulière de a. Ce sont :

– le sous-type 1 qui concerne les objets qui circulent en moyenne entre les orbites de la Terre et Mars (a compris entre 1,000 et 1,523 UA) ;

– le sous-type 2 qui concerne les objets qui circulent en moyenne entre l'orbite de Mars et l'anneau principal des astéroïdes (a compris entre 1,524 et 2,060 UA) ;

– le sous-type 3 qui concerne les objets qui circulent en moyenne dans l'anneau principal des astéroïdes et qui sont donc des membres de cet anneau (a compris entre 2,080 et 3,580 UA) ;

– le sous-type 4 qui concerne quelques rares astéroïdes qui circulent en moyenne à l'extérieur de cet anneau principal (> 3,580 UA).

A noter donc que seuls les astéroïdes de sous-type 3 sont membres de l'anneau principal qui s'étend sur 1,50 UA (1 fois et demie la distance de la Terre au Soleil).

Des astéroïdes et des noyaux de comètes

Enfin, concernant l’origine des NEA, on distingue les NEA planétaires, qui sont des vrais astéroïdes, probablement des fragments d’objets planétaires plus gros brisés à la suite de collisions dans l’espace, et les NEA cométaires, qui sont des noyaux de comètes éteintes ou en sommeil d'apparence astéroïdale.

On connaît quelques objets qui ont présenté une activité cométaire à certaines époques, mais qui sont aujourd’hui des astéroïdes, puisque ne présentant plus d’activité cométaire décelable. Ils sont catalogués à la fois comme comète et comme astéroïde.

L'historique des découvertes de NEA

L'apparition de la méthode photographique de recherche des astéroïdes dans la dernière décennie du XIXe siècle a littéralement révolutionné leur étude. Cette nouvelle méthode de détection, grâce surtout, dans un premier temps, au travail acharné des deux pionniers que furent Max Wolf (1863-1932) et Auguste Charlois (1864-1910), a rapidement permis de se rendre compte que le nombre total des astéroïdes était quasiment illimité, et que certains d'entre eux ne restent pas cantonnés entre les orbites de Mars et de Jupiter. Au fil des décennies, on en découvrit certains qui ont des distances moyennes inférieures à celle de Mars et même à celle de la Terre.

En 1898, la découverte fortuite d'Eros (18), par Gustav Witt (1866-1946), fut une grosse surprise pour les astronomes de l'époque qui se trouvèrent en présence d'un astéroïde ayant une distance moyenne (a = 1,458 UA) plus faible que celle de Mars (a = 1,524 UA) et une distance périhélique (q = 1,133 UA) tout à fait imprévue et exceptionnelle. Les calculs montrèrent, en outre, qu'Eros pouvait s'approcher à 0,15 UA de la Terre, soit 22 millions de km, ce qu'il avait fait en janvier 1894, quatre ans avant sa découverte.

Une découverte importante mal exploitée

Nous avons expliqué au chapitre 4, l'importance particulière d'objets comme Apollo, Adonis et Hermes, photographiés dans les années 1930, et qui établissaient enfin la preuve que la Terre est constamment frôlée par des petits astéroïdes, et que souvent à l'échelle astronomique certains d'entre eux percutent la Terre en dégageant une énergie considérable. Ce fut une véritable révélation pour les astronomes, mais malheureusement la guerre brisa l'élan pour beaucoup plus de dix ans. L’importante découverte que constitue la réalité de l’impactisme terrestre ne fut pas exploitée par la nouvelle génération plus attirée par l’exploration du ciel profond.

En 1947, les premiers programmes d'observations structurés reprirent, et avec eux vinrent une multitude de découvertes dans presque tous les domaines de l'astronomie. Les astéroïdes, par contre, furent quasiment mis à l'index et devinrent la vermine du ciel. Les découvertes chutèrent d'une façon durable et l'on fut bien loin d'atteindre les chiffres d'avant-guerre. Seuls les astéroïdes vraiment particuliers étaient pris en compte dans les observatoires, et encore pas toujours, si bien que des objets très intéressants furent perdus immédiatement, faute d'un suivi indispensable.

Ce fut le cas en 1947 avec un objet baptisé 1947 XC, observé deux nuits seulement en décembre et laissé à l'abandon, et donc tout de suite perdu. Il ne fut retrouvé accidentellement qu'en 1979 et s'est avéré d'un intérêt extraordinaire. C'est le fameux astéroïde cométaire Oljato, frère jumeau de la comète périodique P/Encke, dont nous aurons l'occasion de reparler. Il s'approche de l'orbite terrestre à 120 000 km seulement et frôle aussi Vénus et Mars.

Dans les années suivantes, quelques découvertes d'objets intéressants eurent lieu comme sous-produits d'autres programmes, notamment celles d’Icarus en 1949, de Geographos en 1951 et de Quetzalcoatl en 1953. Plusieurs de ces nouveaux objets, suivis trop peu de temps, durent attendre de nombreuses années pour être redécouverts et numérotés, car, jusqu'à la fin des années 1960, les astéroïdes n'eurent pas la cote. Seul le remarquable Palomar-Leiden Survey (PLS) (19) de septembre et octobre 1960 émergea d'une médiocrité inacceptable.

Le renouveau des années 1970

Tout changea à partir de 1971, avec les premières recherches systématiques entreprises par Eugene Shoemaker (1928-1997) et Eleanor Helin à Palomar, recherches qui connurent un succès imprévu par son ampleur. En 1980, on connaissait une soixantaine de NEA, chiffre qui, contre toute attente (même celle des spécialistes les plus optimistes), allait passer à près de 150 à la fin des années 1980. En une seule décennie, le nombre des objets connus avait largement plus que doublé. L'année 1989 allait être extraordinaire avec la découverte d’objets comme Toutatis (20), Xanthus, Asclepius (qui battit le record d'approche de Hermes), Castalia et Minos.

Spacewatch ou la révolution des caméras CCD

Le début des années 1990 vit enfin la réussite (après plusieurs années de tâtonnements et d'échecs) pour le télescope automatique Spacewatch, imaginé par Tom Gehrels et mis en station à l'observatoire de Kitt Peak. C'est le début des découvertes sans support film, ce qui est une révolution aussi importante que celle qui fit le bonheur de Wolf et Charlois dans les années 1890. Les caméras CCD enregistrent automatiquement sur ordinateur les positions d'objets très faibles, parmi lesquels de nombreux NEA. La réussite fut si extraordinaire pour Gehrels et ses associés, parmi lesquels James Scotti et David Rabinowitz, que plus de 350 objets étaient répertoriés fin 1994. C'est un triplement des découvertes qu'ont permis les caméras CCD. On a dépassé les 500 NEA (chiffre totalement inimaginable il y a seulement vingt ans) en 1997, un an avant le centenaire de la découverte d'Eros.

Les années 1995, 1996 et 1997 ont vu la découverte de plus de 150 nouveaux NEA (près de 50 par an en moyenne), avec l’apparition de nouvelles équipes spécialisées super performantes (NEAT/Nasa et surtout LINEAR/US Air Force). 1998 a été l’année de l’explosion avec plus de 200 découvertes. On est entré dans une période de banalisation, où seule une découverte sortant vraiment de l’ordinaire, comme celle de 1997 XF11, EGA de taille kilométrique, soupçonné d’être un danger pour la Terre dans un proche avenir, fait encore parler, en dehors du milieu des initiés et des chercheurs spécialisés. L’annonce d’une très forte approche en 2028 pour 1997 XF11 a été le prétexte d’une invraisemblable campagne de presse dont nous reparlerons au chapitre 17.

La suite s'annonce impressionnante, tant et si bien que le danger que représentent tous ces objets, dont certains sont réellement menaçants à l’échelle du millénaire, est aujourd'hui pris en compte, à la fois par les scientifiques et par les militaires, comme nous l’avons expliqué au chapitre 4.

Désignations provisoires et noms définitifs

La majorité de tous ces NEA est suivie assez régulièrement, mais quelques-uns (surtout les plus petits) observés au cours d'une approche unique et non retrouvés par la suite sont considérés comme perdus (21). C'est un peu le revers de la médaille, on sait qu'une bonne partie des objets recensés ne pourront pas être suivis en permanence.

Quand les NEA ont été suivis lors de trois apparitions différentes, ils sont numérotés et reçoivent un nom définitif, souvent mythologique. Le problème des noms des astéroïdes, qui a été longtemps un vrai casse-tête, a été résolu par Lutz Schmadel et ses associés avec le Dictionary of minor planet names (22) qui répertorie les noms de plus de 5000 objets.

Les NEA qui n'ont été suivis qu'au cours d'une seule approche se contentent d'une désignation provisoire, formée du millésime de l'année et de deux lettres distinctives, avec quand c'est nécessaire un indice additionnel. On connaît donc des NEA qui sont connus sous leur désignation provisoire (23), comme par exemple 1950 DA, 1979 XB, 1987 SF3, 1994 WR12 et 1997 XF11. Des spécialistes (24) s'occupent spécialement de tous ces petits astres dont le suivi régulier demande un travail considérable, heureusement facilité par l'apparition d'ordinateurs et de logiciels spécialisés capables de calculer rapidement des éléments orbitaux et des éphémérides fiables.

Les orbites des NEA

Plus de 700 NEA sont connus fin 1998. Leurs orbites peuvent être très différentes, tant en ce qui concerne les demi-grands axes, les excentricités, les inclinaisons, les périhélies et les orientations dans l’espace. Mais il faut bien savoir que rien n’est immuable et que ces éléments varient avec le temps.

Type Aten. On connaît une cinquantaine de NEA qui circulent en moyenne à l’intérieur de l’orbite terrestre (a < 1,000 UA et P < 1,00 an). On les observe près de l’aphélie, quand ils ne sont pas noyés dans le rayonnement solaire. Plusieurs de ces objets peuvent frôler Vénus et même Mercure, et ils sont les principaux impacteurs de ces deux planètes.

Type Apollo. Plus de 300 objets de ce type sont recensés. Ils se répartissent en trois sous-types avec une prédominance marquée pour les objets circulant en moyenne entre la Terre et Mars (sous-type 1), même si les objets à orbite plus grande sont assez nombreux. Les excentricités sont très variables, elles peuvent être faibles pour les objets de sous-type 1, alors qu’elles sont toujours fortes pour les objets de sous-type 3. Les excentricités e > 0,70 ne sont pas rares, beaucoup étant le fait de fragments de HEPHAISTOS.

Type Amor. Plus de 350 objets ne pénètrent pas à l’intérieur de l’orbite terrestre, pour la période actuelle, mais s’en approchent au périhélie. La majorité sont membres de l’anneau principal (sous-type 3), mais on connaît aussi plus de 50 objets circulant entre la Terre et Mars (sous-type 1) sur une orbite à faible excentricité. Beaucoup d’entre eux sont facilement accessibles de la Terre et pourront être exploités dans l’avenir par nos descendants en mal de ressources minières. A noter que seulement 20 % des objets de type Amor sont des EGA contre près de 75 % pour ceux de type Aten-Apollo.

Les sous-types. Les sous-types 1, 2 et 3 sont très fréquents, mais le sous-type 4 est rare. Il concerne quelques NEA extérieurs d’origine cométaire et à orbite instable. Ces objets viennent d’être capturés récemment à partir d’orbites plus grandes, et leur orbite actuelle, très provisoire, est appelée à évoluer encore sensiblement durant les millénaires à venir. On pense, en général, que leur période se réduira et qu’ils deviendront donc des astéroïdes de l’anneau principal. Dans quelques rares cas, ils pourront être carrément expulsés du Système solaire, ou être réinjectés dans un réservoir de comète (nuage de Oort ou disque de Kuiper).

La composition physique des NEA

Depuis le début des années 1970, les astronomes ont obtenu un résultat fondamental : l'existence de plusieurs types physiques d'astéroïdes (25), que l'on peut associer avec certains types de météorites bien connues. Ce résultat est dès plus logique dans la mesure où l'on sait qu'il y a continuité entre les deux espèces. Trente ans de travaux sur ce sujet très important ont permis de recenser une quinzaine de types physiques différents (26) dont le tableau 6-1 rappelle les caractéristiques principales.

Les types S (objets silicatés) et C (carbonés) sont les principaux, mais on trouve des NEA dans certains autres, notamment M (métalliques) et V (objets originaires de Vesta). Les NEA cométaires sont principalement de type C ou D, mais il semble bien que certains soient de type S, car ils pourraient être recouverts d’une fine couche silicatée. On voit que les choses sont loin d’être simples et les surprises à venir nombreuses. On se pose aussi la question de savoir si certains NEA d’origine cométaire, récemment injectés dans le Système solaire intérieur, pourraient être totalement composés de glace.

Une origine multiple pour les NEA

A la lumière de tous les travaux entrepris depuis le début des années 1970, on sait d'une manière certaine qu'une double solution s'impose pour l'origine des NEA : une origine planétaire et une origine cométaire. En fait, à ces deux origines bien distinctes, on en ajoute une troisième qui cohabite avec les deux autres : les objets mixtes, qui sont à la fois planétaires et cométaires.

On a longtemps pensé que les NEA planétaires existaient dans une proportion de 3 sur 4 (soit 75 %), pour 1 sur 4 (soit 25 %) cométaire (27). Aujourd'hui, ce rapport est considéré comme trop fort. Les spécialistes, dans leur majorité, penchent plutôt pour un rapport 60/40, le nombre des objets d'origine cométaire ayant été probablement sérieusement sous-estimé.

Mais si l'origine est double, on connaît plusieurs systèmes de renouvellement qui permettent au mécanisme de s'auto-entretenir et à l'impactisme planétaire de perdurer depuis quatre milliards d'années et pour longtemps encore. Nous allons dire quelques mots de ces différents mécanismes.

NEA éclats d'astéroïdes

Certaines collisions importantes ou rasantes ne débouchent pas sur une fragmentation totale de l'astéroïde cible (le plus massif des deux), mais elles entraînent l'éjection de matière choquée de la surface dans l'espace. Suite à de tels impacts, des éclats d'astéroïdes deviennent donc des objets autonomes, propulsés dans le Système solaire sur des orbites assez différentes parfois de leur corps parent. Ainsi certains NEA recensés ont été dans un passé relativement récent (quelques millions d'années) partie intégrante d'astéroïdes plus gros.

On a un exemple excellent avec Vesta, le troisième astéroïde en importance (diamètre 500 km), le seul astéroïde différencié de type V (V pour Vesta justement) et corps parent des eucrites de nos collections de météorites. Sa surface est formée d'un assortiment complexe de roches ignées. On connaît plusieurs NEA avec des caractéristiques physiques identiques qui sont de tels éclats pouvant atteindre un diamètre kilométrique, mais qui sont en général de taille hectométrique. Evidemment, il existe aussi d'innombrables fragments de taille décamétrique ou métrique, mais ceux-ci restent indécelables par nos moyens actuels, sauf s'ils s'approchent très fortement de la Terre.

On connaît deux objets : Golevka et 1996 JA1 qui viennent frôler la Terre, alors que leur corps parent reste sur une orbite (a = 2,362 UA, e = 0,09 et i = 7°) peu excentrique, toujours comprise entre Mars et Jupiter. Que s'est-il passé pour que ces deux NEA aient eu leur orbite tellement modifiée ? On opte pour le scénario (très vraisemblable) suivant (28) : après leur éjection de Vesta (peut-être à partir du très grand cratère qui occupe tout le pôle sud), Golevka et 1996 JA1 ont vu leur demi-grand axe (et leur période) augmenter et ils se sont retrouvés prisonniers de la lacune 1/3 dans laquelle la période moyenne est égale au tiers de celle de Jupiter.

Pour tous les objets capturés dans cette lacune, c'est le "début de la fin". Leur orbite devient chaotique, du fait d'un phénomène de résonance, l'excentricité augmente sérieusement et les approches à Mars, puis à la Terre deviennent possibles, puis effectives. C'est la phase actuelle pour les deux NEA, qui ne sont rien d'autre actuellement que des eucrites géantes, capables à leur tour de heurter une planète ou de se fragmenter en une multitude de corps plus petits. Ainsi les eucrites ont une source qui n'est pas près de se tarir, et une multitude d'entre elles, filles et petites-filles d'un corps parent unique, Vesta, sillonnent le Système solaire intérieur pour leur propre compte sur des orbites qui souvent n'ont plus rien de commun.

La " Liste générale des objets Aten-Apollo-Amor " (29), forte de plus de 700 objets fin 1998, comporte une demi-douzaine de membres formellement identifiés comme étant des éclats de Vesta. Mais de nombreux autres objets doivent avoir une origine identique.

NEA fragments d'astéroïdes brisés

Nous avons vu avec Vesta que des éclats peuvent acquérir leur autonomie et devenir eux-mêmes des astéroïdes et plus tard, éventuellement, des NEA. Mais il y a un deuxième scénario catastrophe. La collision peut être telle que l'astéroïde cible est totalement brisé. Des millions de fragments remplacent la planète mère désintégrée. Certains vont rester groupés et former une famille d'astéroïdes, qui peut comprendre plusieurs milliers de membres de taille kilométrique et des centaines de milliers de taille hectométrique ou décamétrique.

On connaît depuis longtemps de telles familles (30). Dès 1918, Kiyotsugu Hirayama (1874-1943) avait mis en évidence les cinq principales, déjà bien identifiables à son époque : Flora, Maria, Koronis, Eos et Themis. Chacune de ces familles comporte un nombre variable de membres dont les éléments caractéristiques, au nombre de trois (ce sont le demi-grand axe, l'excentricité et l'inclinaison propre), restent à l'intérieur d'une fourchette assez étroite. Mais au moment de la désintégration du corps parent, de nombreux fragments prennent leur autonomie et deviennent totalement indépendants, et très rapidement il devient impossible de les rapprocher des autres membres de la famille.

Bien entendu, on sait que la majorité des NEA sont de tels objets, fragments de corps plus gros brisés et même souvent rebrisés à plusieurs reprises, de sorte que la diversité apparente des éléments orbitaux ne permet pas dans la plupart des cas de les rapprocher d'objets frères. Seule une étude physique permet de faire parfois le rapprochement. En effet, les fragments d'un même corps parent ont parfois exactement la même composition, le même albédo et un spectre quasi identique. Ainsi on sait que nos météorites sont souvent issues de quelques corps parents à la composition bien particulière.

En 1997, des astronomes italiens (31) ont créé une authentique surprise en annonçant que les deux plus gros NEA connus, Ganymed et Eros, dont les orbites sont aujourd'hui totalement différentes pourraient être issus du même corps parent, le proto-MARIA, c'est-à-dire l'astéroïde qui a engendré après sa désintégration la famille Maria. C'est évidemment l'étude physique de ces différents objets qui a mis les chercheurs sur la piste. Maria a a = 2,553 UA, e = 0,07 et i = 14° et les membres de la famille ont des éléments voisins de ceux-là. Par contre, Ganymed a a = 2,660 UA, e = 0,538 et i = 26° tandis qu'Eros a a = 1,458 UA, e = 0,22 et i = 10°. Personne ne croyait vraiment à une origine commune possible pour tous ces objets aux orbites actuelles si différentes.

Cet exemple remarquable et imprévu montre comment, à partir d'un astéroïde classique et suite à une désintégration, on peut obtenir des NEA très différents par leurs orbites, mais dont les caractéristiques physiques initiales restent quasiment les mêmes.

Astéroïdes cométaires et comètes en sommeil

Nous avons dit que l’on connaît plusieurs familles d’astéroïdes, issues de la fragmentation complète d’un corps parent, à la suite de collisions importantes. Jusqu’en 1996, tous les spécialistes étaient persuadés que ces familles étaient composées d’objets d’origine et de nature planétaire, c’est-à-dire ce qu’on appelle des vrais astéroïdes.

C’est la découverte de la comète périodique P/Elst-Pizarro en 1996 qui a jeté le trouble et le doute. Tout de suite, les spécialistes du calcul des orbites ont compris que la nouvelle comète faisait partie de la famille Themis, une grande famille d’astéroïdes. C’est la première fois que l’on se trouvait en présence d’une telle anomalie. D’autant plus que P/Elst-Pizarro a été retrouvée sur des plaques photographiques prises en 1939 (32) sur lesquelles elle apparaît sous un aspect totalement astéroïdal. De nouvelles observations en 1997 ont montré à nouveau un corps astéroïdal sans aucune activité cométaire.

Que s’est-il passé en 1996 ? Les spécialistes pensent que cet objet a subi une collision dans l’espace et que la couche superficielle opaque qui le recouvrait a été brisée, libérant une activité cométaire (celle qui fut photographiée) provisoire. Ainsi, cet objet était une comète en sommeil, comme on sait qu’il en existe quand tous les éléments volatils qui la composent ne sont pas épuisés, mais seulement prisonniers sous une couche protectrice trop épaisse pour être brisée en temps normal. Une comète morte, elle, a épuisé définitivement ses éléments volatils et ne peut donc, en aucun cas, être sujette à un sursaut.

Autrement importante est la conséquence qu’il est obligatoire de tirer de l’existence de P/Elst-Pizarro : le corps parent, le proto-THEMIS n’était pas un astéroïde, mais une comète ou un objet mixte, astéroïde-comète venu du disque de Kuiper. Cette comète aurait été capturée dans l’anneau des astéroïdes, où elle se serait trouvée une place permanente sur une orbite très stable. Seulement après cette installation, une collision importante l’aurait brisée, permettant par là même la création de la très nombreuse famille Themis. Dans un premier temps, une grande partie des fragments aurait donc eu une activité cométaire, jusqu’à ce que les éléments volatils se soient dispersés dans l’espace, ou soient recouverts d’une couche protectrice, celle-là même qui vient seulement d’être brisée très récemment (au début des années 1990) sur P/Elst-Pizarro.

Mais s’il s’agissait d’un objet mixte, plutôt qu’une vraie comète, il faut bien comprendre que de nombreux fragments étaient planétaires dès l’origine et n’ont jamais eu d’activité cométaire. Seuls certains résidus avaient une composition telle (principalement à base de glace et de gaz gelés) qu’elle fut capable d’engendrer une activité cométaire d’assez courte durée, compte tenu du diamètre restreint de la majorité des fragments.

Cette découverte très importante confirme donc que certains astéroïdes sont des résidus dégazés d’anciennes comètes, et aussi que certaines familles d’astéroïdes sont issues de la fragmentation de comètes formées et venues d’ailleurs et non d’astéroïdes primaires formés sur place.

C’est la preuve aussi que des NEA peuvent être des comètes qui restent longtemps en sommeil et qui, grâce à un événement extérieur fortuit (souvent un petit impact qui perce la couche externe protectrice), redeviennent provisoirement cométaires, le temps du dégazage redevenu possible, mais presque obligatoirement dégazage résiduel, donc de très courte durée. On en a eu un autre exemple avec l’objet Wilson-Harrington (33), découvert en tant que comète périodique à très courte période en 1947, et redécouvert comme astéroïde en 1979, quand le dégazage de la petite partie de la comète exposée au Soleil fut terminé.

Un émiettement quasi permanent

Un autre phénomène important à prendre en considération quand on étudie l’origine des NEA est l’émiettement. Tout redevient poussière, dans l’espace comme ailleurs… Aussi bien les astéroïdes cométaires que les vrais astéroïdes se fragmentent et s’émiettent.

On connaît plusieurs couples de NEA aux orbites caractéristiques très semblables qui ne se sont séparés que très récemment (quelques milliers d’années seulement dans certains cas), sans heurt majeur puisque les éléments orbitaux sont restés les mêmes. Seule l’orientation dans l’espace varie, la dispersion naturelle se faisant au rythme de quatre degrés par millénaire pour la longitude du nœud ascendant et pour l’argument et la longitude du périhélie.

Parmi les cas les plus frappants, on peut citer Icarus et Talos, deux astéroïdes cométaires de taille équivalente, Adonis et 1995 CS également d’origine cométaire mais de taille différente (1995 CS est un petit fragment d’Adonis qui est devenu autonome), mais aussi Geographos et 1992 SK, deux vrais astéroïdes récemment séparés (34), probablement à la suite d’un choc dans l’espace.

Les boules de glace cosmiques

L’émiettement progressif des astéroïdes, et surtout ceux d’origine cométaire qui sont de nature plus fragile, laissent livrés à eux-mêmes une quasi-infinité de petits corps minuscules, de quelques mètres ou même de quelques dizaines de centimètres seulement, qui deviennent des objets autonomes et que l’on regroupe globalement sous le nom générique de météoroïdes. Les noyaux cométaires, notamment, après émiettement laissent la place à des milliers, et même parfois à des millions, de boules de glace dont la vie est éphémère mais dont le renouvellement est permanent. Aucun de ces fragments ne présente plus d’activité cométaire décelable.

En 1986, l’astronome américain Louis Frank (35) émit la curieuse hypothèse que la Terre était constamment bombardée par de telles boules de glace cosmiques, dont le diamètre pourrait atteindre parfois quelques dizaines de mètres de diamètre. Compte tenu de leur composition fragile, ces boules de glace se désintégreraient dès leur entrée dans l’atmosphère terrestre, du fait de leur réchauffement rapide dû au freinage subi dans les couches externes de l’atmosphère terrestre.

Selon Frank, la Terre est bombardée depuis toujours par de gros morceaux de glace d’origine cométaire qui auraient contribué à la création des océans primordiaux. Pour justifier son hypothèse, il se base sur d’innombrables traces qui figurent sur certains clichés pris par des satellites d’observation américains, notamment par le satellite Dynamics Explorer en 1986. Mais les autres astronomes ne voulurent pas le suivre dans cette voie, considérant les traces observées comme des artefacts d’origine instrumentale, phénomène assez courant quand la résolution est limite.

En 1996, avec la mission du satellite Polar, spécialisé dans l’étude des aurores boréales, Frank réobserva les mêmes traces anormales et renouvela son hypothèse : pour lui, les photos étaient traversées par des traces correspondant au spectre d’émission de molécules d’eau. De fait, des mesures effectuées dans la haute atmosphère terrestre depuis les navettes américaines montraient un niveau plus élevé que prévu de composés à base d’hydrogène, signant par là même la possible présence d’eau.

Il semble que Frank ait beaucoup de mal à convaincre les autres spécialistes, non de l’existence de glaçons cométaires dans l’espace proche de la Terre, mais de leur nombre, puisqu’il table sur une vingtaine de collisions par minute pour des objets de taille décamétrique, ce qui paraît quand même beaucoup, même si de tels objets restent inobservables de la surface terrestre, car inexorablement voués à une désintégration certaine et très rapide dès le début du réchauffement atmosphérique.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons l’impact de glaçons de taille décamétrique sur la Terre comme certain, mais rien ne prouve la fréquence astronomique proposée par Frank. Une fréquence hebdomadaire ou mensuelle paraît plus vraisemblable, mais il faudra attendre pour avoir une réponse précise sur ce sujet.

Deux grands groupes : les NEA planétaires et les NEA cométaires

Pour résumer ce problème très important de l’origine des NEA, on peut dire qu’ils se divisent en deux grands groupes : les NEA planétaires et les NEA cométaires.

Les NEA planétaires sont considérés comme des objets issus de la fragmentation, relativement récente (car pratiquement aucun NEA n'a une espérance de vie supérieure à 100 millions d'années contre 4,6 milliards d'années au Système solaire) d'astéroïdes de l'anneau principal (2,08-3,58 UA) qui, à l'origine ne venaient pas à l'intérieur de l'orbite de Mars.

Les NEA cométaires sont considérés comme des noyaux de comètes ayant perdu tous leurs éléments volatils. Dans certains cas, il peut s'agir de comètes en sommeil, pour lesquelles le noyau est provisoirement inactif car entouré d'une "carapace" de poussière ou de substance opaque qui empêche toute activité de type cométaire. On sait que l'espérance de vie active des comètes à très courte période (moins de 12 ans) est extrêmement courte à l'échelle astronomique. Elle se chiffre en dizaines de milliers d'années pour des noyaux de taille kilométrique et en milliers d'années seulement pour ceux de taille hectométrique. Les noyaux de comètes survivent donc ensuite avec un aspect astéroïdal pendant plusieurs millions d'années, si le noyau est suffisamment résistant pour éviter la fragmentation ou l'émiettement à l'occasion d'approches serrées aux planètes.

On dispose aujourd'hui de quelques éléments d'appréciation pour distinguer les deux populations qui cohabitent aussi bien dans les trois types de NEA : Aten, Apollo et Amor. On pense notamment que les types physiques S, M et V concernent les vrais astéroïdes et les types C et D les noyaux cométaires. Mais on se base également sur les éléments orbitaux, une très forte excentricité et une très forte inclinaison étant un indice d'origine cométaire. On pense que la grande majorité des nombreux NEA présentant de fortes variations dans leur courbe de lumière sont des vestiges d'objets brisés lors de collisions. A tort ou à raison, les astronomes croient encore (malgré P/Halley) que les noyaux cométaires sont à peu près sphériques en règle générale (ce qui entraîne des exceptions) et qu'ils ne présentent que de minimes variations d'éclat.

Le nombre important de comètes actives à très courte période observées oblige à admettre un nombre de NEA cométaires très élevé, 100 000 de plus de 100 mètres de diamètre moyen d'après les chiffres retenus actuellement (250 000 NEA et 40 % d'origine cométaire). Cependant, il faut signaler que l'on ignore encore la proportion exacte de comètes ayant un vrai noyau solide (36), capables de survivre sous forme d'astéroïdes en évitant la sublimation totale de leurs matériaux (glace et gaz gelés notamment), ainsi que la fragmentation, phénomène assez courant pour les comètes.

Ce problème de la double origine pour les NEA est très important. Nous verrons que, du fait d'une composition et d'une densité différentes, les conséquences ne sont pas les mêmes quand la Terre entre en collision avec un vrai astéroïde ou un noyau de comète.

Les diamètres et les masses des NEA

Les NEA sont de très petits objets comparativement aux grosses planètes et même aux astéroïdes principaux qui ont plus de 100 km de diamètre (figure 6-2). Les diamètres moyens approximatifs des astéroïdes peuvent être calculés à partir de leur magnitude absolue H. Nous disons moyens car les astéroïdes en général, et les NEA en particulier, peuvent avoir n'importe quelle forme. Tous les astéroïdes d'origine planétaire sont des objets brisés et donc des fragments informes, et ceux d'origine cométaire sont des noyaux de comètes dégazées qui ne sont par forcément sphériques, même si en général ils présentent une courbe de lumière moins irrégulière que les vrais astéroïdes.

Cette magnitude absolue H est l'éclat qu'aurait un astéroïde situé à 1,00 UA (150 MK) de la Terre et du Soleil, avec un angle de phase nul. C'est un paramètre important à partir duquel on calcule toutes les autres magnitudes et les diamètres, et que les spécialistes essaient de déterminer avec un maximum de précision (au 1/100 de magnitude quand cela est possible) (37).

Parmi les NEA connus, trois seulement dépassent 15 km de diamètre moyen. Il s'agit de Ganymed, de loin le plus gros, qui a autour de 40 km, d'Eros qui a 23 km de diamètre moyen (avec un grand axe de 36 km) et de Don Quixote, un astéroïde cométaire de 20 km environ. Tous les trois sont du type Amor et ne présentent pas de danger pour la Terre pour la période actuelle. Quelques autres objets des types Apollo et Amor ont entre 5 et 10 km. On découvre encore actuellement des NEA avec des diamètres de 3 km et plus. Tous ces astéroïdes, dont la plupart sont condamnés à heurter une planète dans l’avenir, sont capables de faire des dégâts importants si la cible finale doit être la Terre.

Le nombre total probable de NEA

Il existe plusieurs méthodes pour calculer le nombre de NEA, et chaque spécialiste a la sienne. Si les résultats peuvent varier dans le détail, une constante ressort inévitablement : leur nombre total est très élevé, et les objets sont d'autant plus nombreux qu'ils sont petits.

On peut calculer le nombre de NEA comme un sous-produit de la distribution des magnitudes absolues (38). On sait depuis longtemps que l'on photographie, et donc qu'il existe, trois fois plus d'astéroïdes chaque fois que l'on augmente d'une magnitude. Cette méthode donne de bons résultats pour les magnitudes brillantes pour lesquelles la grande majorité des objets sont déjà découverts.

En 1982, dans La Terre bombardée, nous donnions le nombre de 60 000 pour les NEA de plus de 100 mètres de diamètre moyen et celui de 30 000 (50 % du total) pour les EGA. Ces chiffres correspondaient aux connaissances de l’époque. Il s’est avéré que le nombre de NEA a été très longtemps sous-estimé. L’introduction de méthodes modernes de détection a chamboulé l’ancienne vision et a logiquement débouché sur une nouvelle estimation, revue nettement à la hausse, du nombre de NEA et d’EGA qui, grosso modo représentent toujours 50 % comme auparavant.

Les chiffres à retenir, à la fin du XXe siècle, sont les suivants :

Objets de 5 km  à    NEA = 20                   EGA = 10
Objets de 1 km  à    NEA = 1500               EGA = 750
Objets de 500 m à   NEA = 20 000            EGA = 10 000
Objets de 100 m à   NEA = 250 000          EGA = 125 000
Objets de 50 m   à   NEA = 20 000 000     EGA = 10 000 000

Ainsi, on voit que pour les objets de 100 mètres, les anciennes estimations ont été multipliées par 4,2, ce qui d’ailleurs n’est pas énorme. Pour les objets les plus brillants, il n’y a que très peu de changements. C’est au niveau des objets minuscules que la progression est spectaculaire. En fait, pour les NEA d’une dizaine de mètres, leur nombre se chiffre en milliards et pour les autres astéroïdes de l’anneau principal, il est quasiment illimité. Heureusement que l’atmosphère terrestre est là pour nous protéger de cette mitraille cosmique.

Le XXIe siècle va voir la découverte de dizaines de milliers de NEA de plus de 100 mètres et devrait permettre de repérer la quasi-totalité de ceux dont le diamètre avoisine le kilomètre. Par contre, bien que certains spécialistes semblent y croire, il nous paraît utopique d’envisager un recensement quasi complet pour tous les NEA de 500 mètres. Certains resteront inconnus pour des siècles encore, et il faut savoir aussi que le renouvellement est constant. Il y aura donc toujours des "nouveaux".

Les approches possibles des NEA à la Terre

On entend par approche possible, la distance entre les orbites de la Terre et celle de l’astéroïde ou de la comète. A l’échelle astronomique, cette distance minimale (constamment variable avec le temps) peut être atteinte assez souvent, ou tout au moins approchée de près.

Il faut bien savoir que certains NEA s’approchent fortement de la Terre (ce sont alors également des EGA), d’autres pas, même parmi les objets Aten et Apollo qui croisent l’orbite terrestre. Cette distance entre les orbites évolue sans cesse selon l’orientation des orbites dans l’espace.

Les différents types d’approches

On distingue quatre sortes d’approches possibles différentes :

– les TFAP (T), Très Fortes Approches Possibles, inférieures à 0,050 UA ;
– les FAP (F), Fortes Approches Possibles, comprises entre 0,050 et 0,100 UA ;
– les AMP (M), Approches Moyennes Possibles, comprises entre 0,100 et 0,200 UA ;
– les FAP (P), Pas d’Approches Possibles inférieures à 0,200 UA.

Les objets ayant une TFAP ou une FAP à la Terre sont des EGA au sens strict ; ceux qui ont une TFAP et plus de 130 mètres sont également des PHA. Les autres objets sont uniquement des NEA pour la période actuelle. Mais de nombreux objets peuvent passer d’un statut à l’autre, au fur et à mesure de l’évolution des différents éléments orbitaux.

Analyse du tableau des approches possibles

Le tableau 6-2 donne les 25 EGA numérotés fin 1998 qui ont actuellement (39) les plus fortes approches à l’orbite terrestre (appelées approches possibles), mais il faut savoir que de nombreux autres objets non encore numérotés ont des caractéristiques identiques.

Depuis 1970, nous tenons à jour la liste des approches possibles pour tous les NEA connus. L’époque où des objets comme Apollo (Dm = 0,025 UA) et même Adonis (Dm = 0,013 UA) figuraient encore dans les dix premiers est loin. Fin 1998, plus de 40 EGA ont Dm < 0,0034 UA, soit 500 000 km du centre de la Terre. Aujourd’hui pour entrer dans le "top 10", un EGA doit être sur une orbite de quasi-collision (40) (Dm < 0,0010 UA, soit 150 000 km, ou 1/1000 d’unité astronomique, c’est-à-dire une distance insignifiante à l’échelle astronomique).

Certains objets de taille kilométrique, comme 1994 PC1 et Oljato qui figurent en tête du tableau 6-2, ou d’autres comme Midas, Toutatis et Phaethon (lié à l’important essaim météoritique des Géminides), s’annoncent très dangereux pour la Terre à moyen terme (quelques milliers d’années) et devront peut-être être détruits pour éviter une catastrophe dont la civilisation actuelle ne se remettrait que difficilement.

Signalons encore deux objets remarquables qui sont de temps à autre sur une authentique orbite de collision. 1994 GV, un objet d’une dizaine de mètres, n’est pas très dangereux (sauf éventuellement au niveau local) du fait de sa petite taille. Par contre, 1993 VB a un diamètre de 400 mètres et pourrait s’avérer très menaçant au cours des siècles prochains. Lui aussi devra peut-être être détruit pour éviter une catastrophe qui, si elle ne serait pas globale, pourrait être néanmoins très sérieuse.

Les très fortes approches réelles des EGA

De nombreux EGA connus ont eu des très fortes approches réelles à la Terre (des TFAR, inférieures à 0,050 UA, soit < 7,5 MK) depuis le début du XXe siècle. Il est quasiment impossible de faire un bilan complet pour tous les objets connus à ce jour, car on manque trop d'informations sur les orbites passées d'objets qui, pour la plupart, ont été découverts dans les récentes années, et qui surtout, souvent, n'ont pu être observés que quelques jours à l'occasion de leur très forte approche.

Le tableau 6-3 donne quelques renseignements sur les approches réelles inférieures à 0,010 UA, soit 1,5 MK, approches passées uniquement. Plus de 25 sont recensées, ce qui n'est qu'une infime partie de toutes les approches déjà effectuées par tous les objets qui peuvent s'approcher de notre planète.

Analyse du tableau des approches réelles

Ce tableau devra être remis constamment à jour, car il y a du nouveau chaque année. Ainsi l’approche historique d’Hermes du 30 octobre 1937 (0,0049 UA = 0,73 MK), qui a été le record absolu durant plus d’un demi-siècle, ne figure plus parmi les dix approches les plus serrées. D’abord battu par Asclepius en mars 1989 (0,0046 UA = 0,69 MK), le record a été pulvérisé par 1991 BA, un EGA de moins de 10 mètres de diamètre, en janvier 1991 (0,0011 UA = 0,165 MK). Deux autres objets de même calibre l’ont amélioré depuis : 1993 KA2 en mai 1993 (0,0010 UA = 0,150 MK) et 1994 XM1 en décembre 1994 (0,0007 UA = 0,105 MK).

Mais le tableau rappelle une évidence : le 10 août 1972, le fameux météore du Montana a frôlé la surface terrestre à 58 km d’altitude, ricochant dans l’atmosphère terrestre avant de repartir dans l’espace. Il s’agissait d’un NEA d’une quinzaine de mètres qui n’a pas reçu de désignation provisoire, car il n’a été observé que durant quelques dizaines de secondes. Ce record ne sera jamais battu, car il constitue pratiquement l’approche minimale possible. Une approche inférieure à 50 km déboucherait obligatoirement sur une désintégration ou un impact.

Il faut noter dans la liste l’approche de 1994 PC1 en janvier 1933 : 0,0075 UA, soit 1,12 MK. C’est en effet le seul EGA d’un diamètre supérieur au kilomètre qui y figure. Il ne fut pas découvert pour autant, bien qu’il ait été un objet facile à l’époque (cette approche a donc été calculée rétroactivement). Cela montre bien que des objets très dangereux ont longtemps échappé aux observateurs les plus qualifiés. Delporte et Reinmuth, les deux ténors de cette période, et tous leurs confrères, ont également raté Toutatis l’année suivante, ne pouvant pas le distinguer de la masse des objets anonymes qui ont laissé leur empreinte sur des plaques photographiques.

Les six fortes approches de Toutatis entre 1992 et 2012

Toutatis est l’un des EGA favoris des spécialistes. A juste titre. C’est un objet exceptionnellement intéressant qui fut découvert en janvier 1989 à Caussols par Christian Pollas sur un cliché pris par Alain Maury. Retrouvé sur une plaque prise en Belgique en 1934, Toutatis a pu être très rapidement numéroté et son orbite est aujourd’hui parfaitement connue.

Il a la particularité d’avoir une période de révolution qui est en résonance avec celle de Jupiter : il fait trois tours autour du Soleil quand la planète géante en fait une. C’est donc un astéroïde lacunaire circulant sur une orbite chaotique, avec a = 2,501 UA et P = 3,96 ans en moyenne, mais avec en fait des valeurs en libration permanente autour de cette moyenne. Il en résulte que les approches serrées à la Terre se font épisodiquement par séries. Et précisément c’est ce qui se passe pour la période actuelle : après une longue période sans forte approche, Toutatis en a six consécutives à quatre années d’intervalle durant la période 1992-2012. L’astronome belge Edwin Goffin a calculé les approches suivantes : 3,62 MK le 8 décembre 1992, 5,30 MK le 29 novembre 1996, 11,06 MK le 31 octobre 2000, 1,57 MK (0,0105 UA) le 29 septembre 2004 et enfin 5,03 MK le 10 décembre 2012.

Une chose est sûre : cet EGA sera particulièrement dangereux dans l’avenir, d’autant plus que ses dimensions, même si elles sont inférieures à ce que l’on croyait jusqu’en 1992, restent appréciables : 4,6 km dans la longueur, 2,4 km et 1,9 km pour les deux autres (il s’agit donc d’un corps oblong). En fait, on sait aujourd’hui que Toutatis est un objet binaire, formé de deux anciens petits astéroïdes qui se sont "collés" l’un à l’autre (41). Les clichés pris en 1992 ont permis d’obtenir une première cartographie préliminaire de ce petit voisin qu’il faudra surveiller de très près.

L'espérance de vie des NEA

La fréquence de l'impactisme terrestre est principalement liée à l'espérance de vie des NEA. Celle-ci est courte à l'échelle astronomique, très inférieure à l'âge présumé du Système solaire. Cela est fort logique, quand on sait que les astéroïdes sont des astres brisés, souvent à plusieurs reprises. L'espérance de vie moyenne des objets pénétrant à l'intérieur de l'orbite de Mars, les Mars-crossers, est estimée en gros à 100 MA, avec des extrêmes pouvant aller de 1 MA à 1000 MA environ. Un Mars-crosser a donc une espérance de vie moyenne 50 fois inférieure à celle du Système solaire à son stade actuel d'évolution.

Les objets des types Apollo et Aten, les Earth-crossers (ou géocroiseurs en français), ont une espérance de vie encore dix fois plus courte que les Mars-crossers et plusieurs astronomes qui ont fait des simulations sur le sujet leur octroient seulement 10 MA en moyenne en tant qu'astres indépendants.

Ces âges, qui ne sont que des ordres de grandeur, ont été obtenus par comparaison avec ceux des météorites. On peut calculer avec une bonne approximation la durée d'exposition de ces objets aux rayons cosmiques, durée qui correspond à leur âge en tant qu'objets autonomes dans l'espace depuis la dernière fragmentation dont ils sont issus. Pour les chondrites ordinaires (types H, L et LL) qui représentent la majorité des NEA, la fourchette des âges probables va de moins de 1 MA à 50 MA. Il semble que l'espérance de vie des sidérites, qui sont beaucoup moins sujettes à la fragmentation, du fait d'une résistance largement supérieure, soit sensiblement plus élevée, dans de nombreux cas supérieure à 100 MA.

Ces âges sont cohérents avec ce que l'on sait de l'évolution des orbites à très long terme. Pratiquement, aucun NEA ne peut exister plus de 100 MA, sans subir une collision avec l'une des quatre planètes intérieures, la Lune ou l'un des millions d'astéroïdes de l'anneau principal.

Fréquence d’élimination individuelle

Environ 1 NEA sur 2 croise l'orbite terrestre, soit environ 125 000 objets de plus de 100 mètres de diamètre moyen. La combinaison des chiffres concernant le nombre total de NEA et ceux de leur espérance de vie moyenne permet d'obtenir la fréquence d'élimination individuelle d'un NEA, selon son type orbital, sa magnitude absolue et son diamètre.

Pour la préparation de la deuxième version de ce livre, nous avons recalculé tous les chiffres concernant les fréquences d’élimination et d’impact sur les différentes planètes. Nos chiffres de 1982 étaient basés sur un nombre d’objets recensés à l’époque qui n’atteignait pas la centaine, alors que les nouveaux, que nous proposons pour la première fois au lecteur, sont basés sur plus de 700 NEA recensés fin 1998 (42).

Le tableau 6-4 donne la fréquence d’élimination individuelle des NEA, étant entendu que leur espérance de vie reste la même en moyenne : 10 MA, c’est-à-dire peu de temps à l’échelle astronomique (on table actuellement pour 1/40 ou 1/50 de l’âge du Système solaire). La part attribuée à chaque planète est obligatoirement assez aléatoire et varie selon la méthode et les chiffres utilisés, mais certaines constantes émergent. Les quatre planètes intérieures récupèrent globalement 50 % du total (Mars 15 % (43), la Terre 20 %, Vénus 10 % et Mercure 5 %). Les 50 % restants se répartissent de la façon suivante : Soleil 15 %, astéroïdes, Lune et satellites 5 %, désintégration et émiettement 20 %, expulsion sur une orbite extérieure 10 %.

Ces chiffres ne sont évidemment que des ordres de grandeur. L’exemple de la comète d’Aristote (génitrice du groupe de Kreutz, voir chapitre 7) laisse à penser à certains spécialistes que la part du Soleil pourrait être nettement plus importante que les 15 % que nous lui accordons. Certaines simulations semblent montrer que la combinaison : attraction du Soleil + orbite chaotique conduirait pour certains astéroïdes et comètes lacunaires à une collision directe avec le Soleil (devenant très proche de 0,001 UA), ou à une désintégration dans la proche banlieue solaire et à la formation d’une poussière cosmique constamment renouvelée.

Il est possible que la part du Soleil et celle de l’expulsion aient été sous-estimées, de telle sorte que la Terre ne serait plus destinataire de 20 % des NEA existants des types Aten et Apollo, mais seulement de 10 % (hypothèse basse). Si tel était le cas, la fréquence d’impact serait à diminuer d’un facteur 2, mais nous préférons actuellement l’hypothèse haute.

Le problème posé par les NEA minuscules

Rappelons que l’on entend par astéroïdes minuscules, ceux de moins de 100 mètres de diamètre moyen. Il apparaît clairement que ceux-ci doivent être traités différemment des autres. Leur nombre est énorme : 20 000 000 de NEA et 10 000 000 d’EGA de 50 mètres, un nombre embarrassant pour les spécialistes, mais qu’il faut prendre obligatoirement en considération.

Il s’agit ni plus ni moins que de la poussière cosmique à l’échelle astronomique, avec des objets quasiment aussi nombreux que les grains de sable d’une petite plage. S’il n’existait pas de processus de destruction, chaque décennie verrait un impact terrestre, ce qui (heureusement) est contraire aux observations depuis deux siècles.

En fait, il existe trois mécanismes de destruction qui entrent en jeu : désintégration et émiettement dans l’espace et destruction dans l’atmosphère terrestre, mécanismes qui sont beaucoup plus efficients pour les petits objets que pour ceux qui sont de taille hectométrique ou kilométrique, notamment du fait qu’il s’agit très souvent de fragments cométaires dont la cohésion structurale est de mauvaise qualité. Une simple approche très serrée à une planète peut déboucher sur une fragmentation sévère, voire sur une désintégration totale.

De plus, il s’avère que les objets minuscules sont condamnés à l’émiettement quand ils pénètrent dans l’atmosphère terrestre, et ils ne franchissent que très rarement la totalité des différentes couches atmosphériques.

Nous précisons bien que tous les chiffres que nous donnons dans cette section sont variables avec le temps, la désintégration d’une comète (comme celle d’Aristote, génitrice du groupe de Kreutz) ou d’un centaure (comme HEPHAISTOS) pouvant ponctuellement, pour quelques centaines de milliers d’années, augmenter sérieusement le nombre d’objets dans l’environnement immédiat de la Terre. On peut quasiment parler de pollution astronomique. On le voit nettement encore aujourd’hui avec le Complexe des Taurides, vaste courant d’objets minuscules qui circulent sur des orbites similaires, apparentées à un progéniteur commun.

La fréquence d'élimination que nous donnons peut paraître trop forte à certains spécialistes. A notre avis, il n'en est rien. On sait que les NEA se renouvellent sans cesse, notamment la part cométaire, par l'introduction dans le Système solaire proche d'objets en provenance du disque de Kuiper ou du nuage de Oort. Des objets mi-planétaires mi-cométaires souvent, dont la cohésion ne résiste pas à l'approche d'une des grosses planètes (Jupiter surtout, mais aussi Saturne, Uranus ou Neptune) et qui se fragmentent en une multitude d'objets plus petits. Mais on sait depuis le début des années 1990 que ces anciens membres du disque de Kuiper, qui passent souvent par le type intermédiaire de centaure, peuvent dépasser 100 km dans certains cas, et que leurs fragments peuvent dépasser largement les 10 km. Un diamètre de 3 km ne peut être considéré comme exceptionnel, on l'a vu avec les fragments de HEPHAISTOS, dont plusieurs dépassent ce diamètre.

Fréquence des collisions sur la Terre

Les données actuelles nous laissent à penser qu'environ 1 NEA de type Aten et Apollo sur 5 entrera en collision avec la Terre (en 1982, nous donnions 1 objet sur 3, du fait de la sous-estimation de la part revenant au Soleil et à l’expulsion). La combinaison de cette nouvelle information avec celles dont nous avons fait état plus haut concernant la fréquence d'élimination individuelle permet de connaître la fréquence des collisions sur la Terre et sur les parties émergées et immergées de notre globe. Le tableau 6-5 donne cette fréquence des collisions pour différentes catégories de diamètre.

On peut admettre au vu des données actuelles (toujours comme de simples ordres de grandeur), pour des objets entrant dans l'atmosphère, que, en moyenne :

– 1 EGA de 100 mètres heurte la Terre tous les 350 ans, les océans tous les 500 ans et les terres émergées tous les 1200 ans ;

– 1 EGA de 300 mètres heurte la Terre tous les 3500 ans, les océans tous les 5000 ans et les terres émergées tous les 12 000 ans ;

– 1 EGA de 500 mètres heurte la Terre tous les 10 000 ans, les océans tous les 15 000 ans et les terres émergées tous les 35 000 ans ;

– 1 EGA de 1 km heurte la Terre tous les 50 000 ans, les océans tous les 70 000 ans et terres émergées tous les 170 000 ans.

Dans les chapitres suivants, nous reviendrons sur ces chiffres quand nous étudierons les conséquences de l'impactisme. Nous précisons bien qu'il s'agit d'objets entrant dans l'atmosphère, et non ceux qui touchent effectivement le sol, qui sont évidemment moins nombreux, dans la mesure où la fragmentation, et même la désintégration, sont chose courante, surtout pour les petits objets. Heureusement, quand on sait le danger que représente un impact océanique, comme nous le verrons en détail au chapitre 13.

L'énergie d’impact des EGA

On connaît le diamètre approximatif des EGA, ainsi que leur densité probable. Il est donc possible de calculer leur énergie cinétique au moment de l'impact, avec la formule classique : Ec = ½ mv2. Cette énergie cinétique est égale au demi-produit de la masse par le carré de la vitesse d'impact. La vitesse est donc un facteur très important, puisqu'une vitesse double entraîne une énergie cinétique multipliée par 4.

On sait que tous les EGA connus ont des orbites directes et donc que leur vitesse à la distance de la Terre au Soleil ne peut pas être supérieure à 42,1 km/s (vitesse parabolique de la Terre). En fait, leur vitesse à r (rayon vecteur) = 1,00 UA est comprise entre 25 km/s (EGA de type Aten) et 38 km/s (EGA de type Apollo avec a > 2,50 UA et e > 0,70).

La vitesse géocentrique d'un EGA est une vitesse relative qui résulte de la combinaison de la vitesse propre de l'objet avec celle de la Terre (qui varie entre 29,3 et 30,3 km/s du fait de la légère excentricité de l'orbite terrestre). Cette vitesse géocentrique est la vitesse au moment de l'impact (à peu de choses près, car il faut aussi prendre en compte l'accélération due à l'attraction terrestre). On admet, comme moyenne une vitesse d'impact de 20 km par seconde, ce qui est énorme, mais avec des extrêmes qui peuvent atteindre 10 et 35 km/s selon la géométrie des orbites.

Il faut encore préciser qu'à partir d'une certaine masse (quelques dizaines de milliers de tonnes, soit une vingtaine de mètres de diamètre), les EGA ne sont pratiquement plus freinés durant leur traversée de l'atmosphère et ils gardent donc une fraction très importante (plus de 90 %) de leur vitesse initiale.

Le tableau 6-6 donne, en joules, les énergies cinétiques des EGA pour différents diamètres et pour quatre densités typiques : 2,5 pour les objets carbonés (type C), 3,5 pour les aérolithes typiques (type S), 5,0 pour les sidérolithes (type S également) et 7,8 pour les sidérites (type M). La vitesse d'impact prise en compte est 20 km/s, valeur qui est, nous l'avons dit, considérée comme moyenne par tous les spécialistes qui se sont penchés sur la question.

Ce tableau montre clairement que les EGA ont une énergie cinétique loin d'être négligeable. Cette énergie, pour un objet supposé sphérique (car c'est loin d'être le cas en général), augmente d'un facteur 1000 quand le diamètre augmente d'un facteur 10. Ainsi un EGA de 1 km, comme les astronomes en découvrent régulièrement, de type S, densité 3,5 (aérolithe) avec une vitesse d'impact de 20 km/s, a une énergie cinétique Ec = 3,7 ´ 1020 joules. Un astre dix fois plus faible (100 mètres) a une énergie cinétique Ec = 3,7 ´ 1017 joules et un autre dix fois plus gros (10 km) a une énergie cinétique Ec = 3,7 ´ 1023 joules. Eros, avec un diamètre moyen supposé de 24 km et une densité de 4,0 a une énergie cinétique Ec = 5,8 ´ 1024 joules, c'est-à-dire comme nous allons le voir dans la section suivante largement supérieure à l'énergie totale libérée par tous les grands cataclysmes purement terrestres passés et présents connus.

L'énergie comparée des impacts et des cataclysmes terrestres

Pour bien comprendre ce problème de l'énergie libérée par les impacts d'astéroïdes sur la Terre, il est nécessaire de faire des comparaisons avec les cataclysmes terrestres connus (figure 6-3).

La Terre est une planète vivante et violente (44), sujette à d'innombrables cataclysmes plus ou moins destructeurs. Il ne se passe pas une année sans que notre planète ait à souffrir d'un séisme important ou d'une éruption volcanique notable. Depuis le début du siècle, on a essayé de calculer l'énergie libérée par les grandes catastrophes terrestres, mais les calculs ont toujours été difficiles et approximatifs. Les techniques se sont affinées, cependant, et on possède maintenant quelques données intéressantes permettant de faire des comparaisons utiles.

Les séismes et les éruptions volcaniques

La hiérarchie des très grands séismes du XXe siècle a été bouleversée par l'introduction d'une nouvelle échelle de magnitudes (magnitudes Mw), en 1977 (45), basée sur le moment sismique et qui prend en compte l'énergie libérée par toute la zone de rupture des séismes majeurs. On se doutait depuis longtemps que l'échelle des magnitudes de Richter (Ms) (46/47), calculées d'après l'étude des ondes sismiques P et S, était saturée pour les grands séismes. Cet effet entraînait une sous-estimation assez importante de l'énergie dégagée. L'échelle Mw peut être utilisée comme une continuation naturelle de l'échelle Ms qui reste valable pour les séismes jusqu'à la magnitude 8,0. Les volcanologues et les sismologues ont des formules un peu différentes pour calculer l’énergie des cataclysmes qu’ils étudient. La formule que nous utilisons pour ce livre (48) est quelque peu différente de celle utilisée en 1982 pour La Terre bombardée, aussi les valeurs obtenues ne sont-elles pas exactement les mêmes que celles que nous donnions alors. Le lecteur ne doit pas s’en étonner, tous ces chiffres ne sont que des ordres de grandeur.

L'énergie maximale des séismes que l'on pouvait situer aux alentours de 2 ´ 1018 joules (Mw = 9,0) doit être considérablement relevée. Le séisme du Chili en 1960, qui est maintenant le plus important connu (ce qui n'était pas le cas avec les classiques magnitudes de Richter) a dégagé une énergie au moins égale à 1,1 ´ 1019 joules (Mw = 9,5). Trois autres séismes du XXe siècle ont atteint ou dépassé la magnitude Mw = 9,0 : ceux de l'Alaska en 1964 (Mw = 9,2), des îles Aléoutiennes en 1957 (Mw = 9,1) et du Kamchatka en 1952 (Mw = 9,0). Heureusement, seule la catastrophe du Chili a concerné une région à forte densité de population.

Les éruptions volcaniques (49/50) sont les cataclysmes terrestres qui peuvent libérer le plus d'énergie, une énergie assez nettement supérieure à celle des grands tremblements de terre. La plus importante des temps modernes est celle du Tambora, dans l'île indonésienne de Sumbawa, qui éjecta plus de 150 km3 de produits en 1815. On admet une énergie totale de 1020 joules pour cette éruption, dix fois supérieure à celle plus connue du Krakatoa, en 1883. Mais il est certain que plusieurs éruptions géantes de l'ère tertiaire, et même celle de Toba, dans le nord de Sumatra, qui date de 75 000 ans et qui est la principale éruption connue de l'ère quaternaire, ont libéré des énergies sensiblement supérieures à celle du Tambora, pouvant atteindre dans certains cas 1022 joules.

Les autres cataclysmes

Parmi les autres cataclysmes terrestres, dont on peut mesurer l'énergie et que l'on peut donc comparer aux impacts d'EGA, il faut encore citer les tsunamis ou raz de marée. Leur énergie varie de 1013 à 1018 joules et est de l'ordre de 1/10 à 1/100 de celle du cataclysme responsable (séisme sous-marin, glissement ou effondrement du fond océanique, explosion volcanique, impact). Cela veut dire que, bien que la force de destruction d'un tsunami soit importante et qu'un séisme de magnitude 8,5 puisse contribuer à la formation d'une vague de plus de 30 mètres et à des destructions sévères jusqu'à 500 km à l'intérieur des côtes, son énergie reste largement inférieure à celle du cataclysme responsable. Un petit EGA de quelques centaines de mètres au moment de l'impact est donc en mesure de créer un fantastique tsunami, d'une magnitude très supérieure à celle engendrée par les séismes terrestres.

Il y a encore une famille de cataclysmes dont il nous faut dire quelques mots car elle engendre, elle aussi, des énergies colossales devant lesquelles l'homme est impuissant et totalement désarmé. C'est la famille des cyclones avec ses diverses variantes régionales (ouragans, typhons, etc.). Malheureusement, on sait que les spécialistes sont aussi désarmés lorsqu'il s'agit de mesurer avec une précision acceptable cette énergie. On a donné la valeur 1,9 ´ 1019 joules pour l'ouragan Carla-1961, l'un des plus terribles que l'on ait connus. Pour l'ouragan le plus important du XXe siècle, Camille-1969, l'énergie était encore supérieure et a pu atteindre 5 ´ 1019 joules. Mais répétons que la précision des estimations est fort médiocre.

Enfin, parmi les autres cataclysmes mesurables, mais qui ne sont pas naturels, il faut bien citer les explosions nucléaires qui se sont succédé lors du triste épisode de la guerre froide entre les Américains et les Soviétiques. L'inflation dans l'horreur et dans la puissance des moyens mis en œuvre aurait pu mener à la catastrophe. On sait qu'une mégatonne (= 1000 kilotonnes) de TNT équivaut à une énergie de 4,2 ´ 1015 joules, qui est également celle libérée par un séisme de magnitude 7,1. On admet, en général que la totalité des explosifs utilisés par les divers belligérants lors de la Seconde Guerre mondiale représentait entre deux et trois mégatonnes de TNT, pas plus, soit largement moins qu'un grand cataclysme terrestre naturel. Si la bombe d'Hiroshima (1945) avait une magnitude assez faible, approximativement 6,4, par contre la plus forte explosion nucléaire cataloguée, celle de 1961 en Nouvelle-Zemble (URSS) avait une magnitude de 8,1. L'énergie libérée, en gros 6,5 ´ 1016 joules, correspond à un impact d'EGA de 50 mètres de diamètre moyen.

Impact = énergie libérée instantanée et "extraterrestre"

On se rend compte avec ces quelques remarques et comparaisons de la fantastique énergie que peut libérer un EGA de 2 ou 3 km quand il heurte la Terre. Surtout qu'il ne faut pas oublier une chose. C'est que l'énergie libérée par un EGA est pratiquement instantanée (quelques secondes), alors qu'un séisme dure quelques dizaines de secondes, un ouragan quelques jours et une éruption volcanique quelques semaines. Un EGA de type S de 2 km peut provoquer un séisme largement supérieur à tous les cataclysmes terrestres connus avec son énergie cinétique de 2,9 ´ 1021 joules. Un EGA de 3 km de diamètre et de type M, c'est-à-dire un objet métallique (comme 1986 DA (51), fragment de noyau d'astéroïde différencié et qui est sur une véritable orbite de collision avec Mars à la fin du XXe siècle) a une énergie cinétique de l'ordre de 2,2 ´ 1022 joules. Enfin, un gros EGA de 5 km, comme on en connaît plusieurs, a une énergie de 5 ´1022 joules, ce qui correspond pratiquement à plus de 1000 fois l'énergie dégagée par le séisme du Chili en 1960, qui est le plus important connu, rappelons-le. Cela paraît quasiment incroyable, mais les chiffres sont là pour montrer qu'il s'agit bien de la réalité.

Mais rappelons quand même que les gros impacts (5 km) sont des phénomènes très rares, puisque le tableau 6-5 prévoit une telle collision sur la Terre tous les 5 MA, tous les 7 MA dans les parties du globe immergées et tous les 17 MA seulement sur celles émergées. Pas de panique donc... mais prudence, car il faut compter avec les nouvelles comètes capturées régulièrement, qui après désintégration et dégazage, peuvent générer de gros astéroïdes cométaires.

Autre conclusion très importante à signaler : l'énergie cinétique d'un EGA de 600 mètres de diamètre moyen n'est pas supérieure à celle des grands cataclysmes terrestres. Tous les impacts d'EGA de cette taille et les plus petits, qui sont de loin les plus nombreux, sont donc des événements très secondaires sur le plan énergétique et leurs conséquences sont médiocres à l'échelle terrestre (nous ne parlons évidemment pas ici des conséquences humaines et économiques).

Les NEA et l’hypothèse HEPHAISTOS

L’hypothèse de la capture, il y a quelques dizaines de milliers d’années, dans le Système solaire intérieur d’une grosse comète, proposée par les néo-catastrophistes britanniques, est extrêmement intéressante et probablement fondée. Le nombre d’astéroïdes connus issus de la fragmentation et de l'émiettement ultérieur d'un corps cosmique unique est en constante augmentation. Et surtout tous ces objets sont assez facilement identifiables, grâce à leur très forte excentricité (dans la fourchette 0,70-0,85 en général) et leur faible inclinaison (entre 0 et 12°), les valeurs du demi-grand axe étant plus dispersées, suite à des perturbations différentes. Certains membres ont été accélérés et ont vu leur période diminuer, quittant ainsi l’anneau principal (sous-type 3) où ils ont "commencé leur carrière" pour devenir de sous-type 2, avec < 2,00 UA.

On penche aujourd’hui pour la capture d’un centaure plutôt que d’une comète géante arrivant directement du disque de Kuiper. C’est HEPHAISTOS. On sait que ces centaures sont souvent des objets mixtes, mi-astéroïdes/mi-comètes et que leurs fragments peuvent être de nature différente, ce qui est moins paradoxal qu’il n’y paraît. Certains ont eu une activité cométaire, mais pas tous. Le type physique de ces fragments est différent selon leur composition de surface, et c’est bien ce que l’on observe avec les divers fragments recensés. Un des fragments de HEPHAISTOS, qui n’est pas le plus gros, loin de là, après une longue période de sommeil durant laquelle il a été un NEA cométaire parmi d’autres, s’est réveillé, peut-être à la suite d’un choc dans l’espace. C’est P/Encke, la fameuse comète périodique qui n’est à nouveau active que depuis trois siècles seulement et pour très peu de temps (deux ou trois siècles au maximum).

La découverte par le calcul que P/Encke et Oljato étaient encore, il y a moins de 10 000 ans, un seul et même fragment de HEPHAISTOS a été une découverte essentielle pour comprendre la complexité de notre histoire cosmique récente. A la fragmentation initiale, il s’est ajouté une fragmentation ultérieure et un véritable émiettement, du fait de la très faible cohésion de certains fragments et des très fortes approches aux planètes qu’ils ont subies. Mais comme la rupture initiale est quasi contemporaine (à l’échelle astronomique), la désintégration est loin d’être terminée et elle se poursuit encore actuellement quasiment sous les yeux des astronomes.

Nous reparlerons plus en détail de l’hypothèse HEPHAISTOS dans le chapitre consacré aux comètes, car P/Encke est le fragment le plus connu et c’est par rapport à cette comète que l’on situe les divers courants météoriques associés, courants déjà dispersés et issus eux-mêmes de l’émiettement d’objets secondaires qui se sont séparés bien après le cataclysme initial qui a donné naissance à des fragments majeurs comme Hephaistos et Heracles. Une partie de ces divers courants et de nombreux astéroïdes sont des composants du Complexe des Taurides. L’origine commune ne fait pas de doute, la désintégration du corps parent non plus. La Terre en a obligatoirement subi les conséquences, et c’est l’une des grandes leçons des années 1980, durant lesquelles le phénomène a été mis en évidence par les néo-catastrophistes britanniques.

Il n’empêche qu’aujourd’hui la quasi-totalité des fragments générés par HEPHAISTOS sont des astéroïdes, définitivement dégazés pour ceux qui ont eu une activité cométaire. On est en droit d’attendre la découverte de plusieurs centaines de membres de taille kilométrique et hectométrique, ce qui est énorme et montre bien que l’environnement terrestre est complètement pollué par des produits de désintégration cométaire. Heureusement que notre atmosphère est un écran de protection très efficace pour tout le matériel fragile d’origine cométaire et qu’elle est en mesure de faire elle-même le plus gros du ménage. Il semble bien que les fragments de glace de taille décamétrique, ainsi que les fragments carbonés (type C) soient condamnés à une désintégration quasi complète. Mais d’autres sont composés de roches (type S et même type E), avec une cohésion nettement supérieure. L’objet de la Toungouska, baptisé aujourd’hui Ogdy (pour le dieu du feu des Toungouzes), serait l’un d’eux (voir le chapitre 9).

Notes

1. S. Brunier, Voyage dans le Système solaire (Bordas, 1996).

2. K.R. Lang et C.A. Whitney, Vagabonds de l'espace (Springer-Verlag, 1993 ; traduction de M.-A. Heidmann). Titre original : Wanderers in space (1991).

3. A.H. Delsemme (ed.), Comets Asteroids, Meteorites - Interrelations, evolution and origins (University of Toledo, 1977).

4. T. Gehrels (ed.), Asteroids (University of Arizona Press, 1979) et R.P. Binzel, T. Gehrels and M. Shapley Matthews (eds), Asteroids II (University of Arizona Press, 1989). Ce sont les deux gros livres de référence sur le sujet parus à dix ans d'intervalle. Ils contiennent plusieurs milliers de références sur tous les domaines concernant les astéroïdes et sont indispensables aux spécialistes.

5. C.J. Cunningham, Introduction to asteroids (Willmann-Bell, 1988).

6. Collection des Minor Planet Circulars (MPC) 1947-1999.

7. M.-A. Combes, Historique des petites planètes, Ciel et Terre, pp. 393-418, 1975.

8. L'utilisation de la méthode photographique pour les découvertes d'astéroïdes, à partir de 1891 (avec 323 Brucia), par Max Wolf (1863-1932) à Heidelberg et Auguste Charlois (1864-1910) à Nice, a permis dans un premier temps un triplement des découvertes, avec surtout un effort bien moindre. Elle rendait caduque du jour au lendemain l'ancienne méthode visuelle des chasseurs d'astéroïdes.

9. L'utilisation des caméras CCD pour la recherche des astéroïdes, mise au point à Kitt Peak par Tom Gehrels, au début des années 1980, a été une nouvelle révolution technologique. Elle a entraîné un décuplement des découvertes en permettant de recenser des objets beaucoup plus faibles. Le support photographique a progressivement disparu pour laisser place à un enregistrement direct, ou électronique, des observations.

10. M.-A. Combes, Étude sur les magnitudes absolues des astéroïdes, L'Astronomie, 85, pp. 413-433, 1971. Nous donnions alors le chiffre de 22 millions d'astéroïdes de plus de 400 mètres de diamètre moyen, en nous basant sur le nombre d'astéroïdes brillants connus et sur le fait (par analogie avec les étoiles brillantes) que les astéroïdes sont trois fois plus nombreux chaque fois que l'on augmente d'une magnitude absolue.

11. R. Greeley and R. Batson, The NASA atlas of the Solar system (Cambridge University Press, 1997). L’atlas de référence sur le Système solaire avec une cartographie de tous les objets connus (214 photos, 157 cartes).

12. La NASA utilise deux autres sigles que nous ignorons dans ce livre pour éviter que le lecteur se perde dans un jargon qui se complique sans cesse, mais qui a son utilité pour les spécialistes. Ces deux sigles sont les suivants : 1. Les ECA (pour Earth-Crossing Asteroids), qui sont les astéroïdes qui croisent l’orbite terrestre ; ce sont les Earth-crossers. 2. Les ECC (pour Earth-Crossing Comets), qui sont les comètes dont la période est supérieure à 20 ans et qui ont leur périhélie à l’intérieur de l’orbite terrestre (q < 1,000 UA).

13. La valeur de 1,30 UA, beaucoup plus arbitraire, est souvent utilisée.

14. M.-A. Combes, Contribution à l'étude des EGA. Etude générale sur les astéroïdes qui s'approchent de la Terre et sur leurs relations avec l'impactisme terrestre (thèse universitaire, Université Pierre et Marie Curie, Paris VI, 1979). C'est la première thèse soutenue sur le sujet et qui montre que les EGA et les astroblèmes ne sont que les deux faces d'un même problème.

15. Ce terme de géocroiseurs correspond aux Earth-crossers de langue anglaise qui regroupent les objets Apollo et Aten qui franchissent l'orbite terrestre. Compte tenu de sa longueur, il ne peut se substituer aux sigles spécialisés : AAA, NEA et EGA plus commodes à utiliser de façon répétitive.

16. Alain Maury est un astronome français catastrophiste, instigateur d’un important programme européen de recherche de NEA (baptisé ODAS) à l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA), opérationnel depuis 1997.

17. Classification Combes-Meeus établie en 1974. Les sous-types sont indispensables pour évaluer des orbites qui peuvent être de taille très différente.

18. J. Meeus, Eros et son apparition de favorable de 1974-1975, L'Astronomie, 88, pp. 295-304, 1974.

19. C.J. van Houten, I. van Houten-Groeneveld, P. Herget and T. Gehrels, The Palomar-Leiden Survey of faint minor planets, Astronomy and Astrophysics supplement series, 2, pp. 339-448, 1970. L’histoire d’un survey unique (le PLS) qui a permis aux époux van Houten, à l’observatoire de Leyde aux Pays-Bas, de découvrir près de 2000 astéroïdes sur des clichés pris au Mont Palomar par Tom Gehrels. Une formidable réussite collective qui a émergé comme un phare dans une période de grisaille où les astéroïdes étaient considérés comme la vermine du ciel.

20. M.-A. Combes et J. Meeus, Le retour de Toutatis, L’Astronomie, 106, pp. 4-10, décembre 1992. L’histoire d’un astéroïde exceptionnel et particulièrement dangereux dans l’avenir.

21. La liste des objets perdus s'allonge malheureusement. Certains petits objets observés quelques jours seulement ont peu de chance d'être réobservés dans l'avenir. Par contre, sauf dans de rares cas, un mois d'observations assure en principe une réobservation ultérieure.

22. L.D. Schmadel, Dictionary of minor planet names (Springer Verlag, 1997).

23. Les désignations provisoires des astéroïdes, utilisées depuis 1925 sous leur forme définitive, correspondent évidemment à des critères bien précis. L'année est celle de la découverte, la première lettre celle de la quinzaine de la découverte (le I et le Z ne sont pas utilisés) et la seconde celle du numéro d'ordre dans cette quinzaine (le I n'est pas utilisé). Après 25 découvertes, on recommence avec l'indice 1, puis avec l'indice 2 et ainsi de suite. Depuis le début des années 1990, on utilise couramment des indices allant jusqu'à 50, ce qui signifie que l'on a découvert 25 + (25 ´ 50) = 1275 astéroïdes différents dans une seule quinzaine. A partir de 1997, l’indice 100 a même été dépassé à plusieurs reprises, avec plus de 2500 nouveaux objets différents identifiés durant ces quinzaines, ce qui est considérable.

24. J. Meeus et M.-A. Combes, Les earth-grazers (ou EGA), des petits astres qui frôlent la Terre, L'Astronomie, 88, pp. 194-220, 1974 ; suppléments dans L'Astronomie sous la signature M.-A. Combes et J. Meeus : série des "Nouvelles des earth-grazers" (entre 1975 et 1991) ; suppléments dans Observations et Travaux : série des "Chroniques des objets AAA (entre 1992 et 1997). Au total plus de 30 articles spécialisés qui relatent chronologiquement les découvertes et l'amélioration des connaissances sur le sujet.

25. M.J. Gaffey and T.B. McCord, Mineralogical and petrological characterizations of asteroid surface materials, pp. 688-723, in Asteroids, op. cit., 1979.

26. M.J. Gaffey, J.F. Bell and D.P. Cruikshank, Reflectance spectroscopy and asteroid surface mineralogy, pp. 98-127, in Asteroids II, op. cit., 1989.

27. M.-A. Combes, Note sur les EGA planétaires et cométaires, L'Astronomie, 94, pp. 131-137, 1980.

28. M.-A. Combes et J. Meeus, Chronique des objets AAA (n° 18), Observations et Travaux, 47-48, pp. 1-13, 1996. Sur l’approche de 1996 JA1 et l’hypothèse Vesta, voir pp. 4 à 7.

29. M.-A. Combes et J. Meeus, Liste générale des objets Aten-Apollo-Amor, Observations et Travaux, 29, 1992.

30. F. Pilcher and J. Meeus, Tables of minor planets (private edition, 1973).

31. F. Guérin, Eros trouve une famille, Ciel et Espace, 330, p. 10, novembre 1997.

32. C’est la règle immuable. Chaque fois qu’un NEA ou qu’une comète est découvert, on recherche systématiquement avec une éphéméride rétroactive si le nouvel objet a déjà laissé sa trace sur d’autres clichés pris antérieurement dans d’autres observatoires. Très souvent c’est le cas, et ainsi le calcul de l’orbite définitive est facilité et le processus de numérotation accéléré d’une manière spectaculaire. Elst-Pizarro a donc été numéroté en octobre 1997 (l’année suivant sa découverte) à la fois sous le numéro de comète 133P/Elst-Pizarro (désignation provisoire = 1996 N2), mais aussi sous le numéro d’astéroïde 7968 Elst-Pizarro.

33. Wilson-Harrington est considéré, lui aussi, à la fois comme un astéroïde (n° 4015) et comme une comète (numéro 107P/). Cet objet a donc une double numérotation sous le même nom.

34. On ne peut que regretter davantage l’échec de la mission Clémentine 1 en 1994. Voir à ce sujet la note 10 du chapitre 5. Des clichés de Geographos auraient permis d’avoir une idée précise de ce qui s’est passé en étudiant la cratérisation des différentes parties de cet astéroïde, qui a la forme d’un cigare de 5,1 km dans sa longueur sur 1,8 km dans sa largeur.

35. H. Morin, Une bataille de boules de glace cosmiques divise les astrophysiciens, Le Monde, p. 14, 3 janvier 1998.

36. Z. Sekanina, A core-model for cometary nuclei and asteroids of possible cometary origin, pp. 423-428, in Physical studies of minor planets, op. cit., 1971.

37. On calcule le diamètre moyen d (en km) avec la formule suivante : log d = C – (H/5), dans laquelle C est une "constante" qui dépend du type physique et de l’albédo, et H la magnitude absolue. On utilise les constantes suivantes : type D = 4,00 ; type C = 3,90 ou 3,80 ; type M = 3,55 ; type S = 3,50 ; type E = 3,40 et type V = 3,30. Cette formule donne de très bonnes approximations. Quand on ignore le type type physique, on utilise la constante moyenne C = 3,50.

38. Voir la référence 10. Il est clair que pratiquement tout reste à faire pour les NEA de moins de 2 km de diamètre moyen.

39. Nous disons actuellement, car cette distance minimale (Dm) varie constamment, à la fois en fonction des modifications des éléments orbitaux caractéristiques (de l’excentricité surtout, et donc de la distance périhélique qui peut être très variable pour certains objets selon les époques), mais aussi de l’orientation de l’orbite dans l’espace.

40. Une orbite de quasi-collision ne veut pas dire obligatoirement collision prochaine, mais simplement que les orbites de la Terre et celle de l’astéroïde (ou de la comète) sont très proches l’une de l’autre, et qu’il suffit de perturbations minimes pour que ces deux orbites se croisent réellement, avec collision effective si les deux astres se présentent simultanément au point de croisement de leurs orbites.

41. O. de Goursac, Toutatis : une première cartographie, L’Astronomie, 110, pp. 74-75, 1996.

42. Il ne faut pas trop se focaliser sur cette fréquence d’élimination qui n’est que le résultat et l’analyse de statistiques qui varient sans cesse, mais il s’agit d’un ordre de grandeur acceptable, ou tout au moins, pour les sceptiques, d’une "idée" des chiffres qu’il faut connaître.

43. Ces statistiques concernent uniquement les NEA évidemment, car Mars est frôlée par de nombreux autres objets, dénommés Mars-crossers. Mars est une planète très menacée par les divers corps cosmiques qui fréquentent sa zone orbitale et sa colonisation future devra obligatoirement prendre en compte ce phénomène.

44. B. Booth et F. Fitch, La Terre en colère. Les cataclysmes naturels (Seuil, 1980). Titre original : Earthshock (1979).

45. H. Kanomari, The energy released in great earthquakes, Journal of Geophysical Research, 82, 20, pp. 2981-2987, 1977.

46. B.F. Howell, Introduction à la géophysique (Masson, 1969).

47. R. Madariaga et G. Perrier, Les tremblements de terre (Presses du CNRS, 1991).

48. Ce livre explique les problèmes concernant les magnitudes et donne les formules pour relier les diverses magnitudes les unes aux autres. Nous utilisons la formule donnée par les auteurs  (p. 195) qui relie la magnitude à l’énergie : log W = 1,5 Mw + 4,8, dans laquelle W est l’énergie exprimée en joules et Mw la magnitude basée sur le moment sismique. Comme le disent eux-mêmes les auteurs, il s’agit d’une énergie minimale. En effet, les chiffres obtenus avec cette formule sont sensiblement inférieurs à ceux que nous donnions dans La Terre bombardée en 1982. Peut-être la formule devra elle être réévaluée.

49. A. Rittmann, Les volcans et leur activité (Masson, 1963).

50. Collectif, Les volcans (Time-Life, 1996).

51. Nous avons parlé de ce NEA unique, un monstrueux morceau de fer et de nickel d'environ 3 km de diamètre et qui fut le cœur d'un gros astéroïde brisé par la suite, dans une de nos chroniques qui ont paru dans la revue Observations et Travaux. M.-A. Combes et J. Meeus, Chronique des objets AAA (n° 18), Observations et Travaux, 47-48, pp. 10-11, 1996. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'un NEA de cette taille, et surtout métallique, est sur une orbite de collision avec l'une des quatre planètes intérieures (actuellement Mars). S'il devait heurter la Terre dans l'avenir (ce qui n'est pas exclu, car les orbites se modifient sensiblement au fil des millénaires), il ne serait sans doute pas brisé lors de sa traversée de l'atmosphère et provoquerait un hiver d'impact comme notre planète n'en n'a pas connu depuis 700 000 ans.

Chapitre 7  //  Table des matières  //  Page d'accueil