L e s     C h i e n s    d e    C h a s s e    (Cvn)
C a n e s  (um)  V e n a t i c i   (orum)    (465 degrés carrés)

   
    Larges sont les fourrés, épais, pour ces deux animaux au flair aiguisé. Que cherchent-ils dans cet espace à trois dimensions, aux frontières inaccessibles ? Un lièvre ?...  Il y en a bien un au pied d'Orion, mais ce n'est pas vers lui qu'ils s'élancent. Retenus en laisse par le Bouvier, ils jappent et frémissent d'impatience, prêts à mordre de leurs incisives tranchantes les jarrets de la Grande Ourse. Ces deux lévriers qu'Hévélius de Dantzig a placés là, entre la Grande Ourse et le Bouvier, sont visibles aux étoiles Alpha et Bêta qui brillent sous la queue de l'Ourse dans un champ pauvre en étoiles. Oui, les "Chiens de Chasse", c'est cela :  une vaste région désertique, qui n'avait pas reçu de dénomination, lorsque cet astronome polonais, en 1660, décida d'en faire une constellation. Que mettre entre "les boeufs" et le Bouvier, sinon des chiens propres à diriger le troupeau ? Pourquoi des lévriers ? Noble race, digne du ciel, sans doute... A mon avis, il en avait un !

    Une curiosité célèbre, restée longtemps énigmatique, habite cette constellation. Elle se trouve au bout de la queue de la Grande Ourse, non loin d'Alkaïd (Eta Ursae Majoris). C'est Messier, qui en 1772, découvrit cette nébulosité ; il lui donna le numéro 51 dans son catalogue, numéro qu'elle a gardé. Dans sa petite lunette, elle apparaissait double, composée de deux foyers brillants noyés dans une vague atmosphère. Qu'était-ce ? Lorsque John Herschel l'observa avec son télescope de 45 cm, il vit que le noyau principal - le plus brillant - était entouré d'un anneau complet, qui se dédoublait lui-même sur la moitié de son parcours. Bizarre... Flammarion écrit :  "Cette structure rappelait si bien celle de notre Voie Lactée  que l'on s'accorda à voir en elle une image de notre univers". Bien pensé ! La notion "d'Univers-îles", lancée depuis la découverte des nébuleuses, faisait son chemin. Le Monde serait-il composé de galaxies semblables à la nôtre ? Sur l'heure, rien ne le démontrait. En 1845, branle-bas de combat, électrochoc... Le télescope de Lord Rosse, le plus grand du monde, tourna son miroir de 1,83 m vers la "nébuleuse" des Chiens de Chasse. Emerveillement, enthousiasme, spectacle enivrant... Jamais Lord ne fut plus ému. Une succession de spirales aux courbes harmonieuses enveloppait le noyau principal, s'étendait gracieusement jusqu'au noyau secondaire. Un prodigieux tourbillon prenait vie dans cet objet étrange. Vue de face, des millions, des milliards de soleils - sans doute - gravitaient autour d'un bulbe central. Certes, individuellement, les étoiles n'étaient pas visibles, mais... cette fine poussière blanchâtre n'est-elle pas l'image lointaine, très lointaine d'un monde stellaire féerique, très semblable à notre Voie Lactée avant l'invention de la lunette ?
 
    Il faudra patienter... jusqu'en 1924, pour voir enfin les étoiles de ce qu'il faut appeler la "galaxie" des Chiens de Chasse, grâce au télescope de 2,50 m du mont Wilson, construit en Californie. Désormais, la preuve est faite ! L'Univers est bel et bien composé de galaxies, plus ou moins grandes, spirales, elliptiques, lenticulaires, irrégulières... Quand on découvrit dans les années suivantes - Edwin Hubble en tête - la fuite des galaxies, le monde chavira... Vertige !  Etait-ce possible ? Notre Galaxie - la Voie Lactée – était-elle, elle aussi, emportée dans le vide ?  et vers quelle destination ?... On constata bien vite que leur vitesse était d'autant plus grande qu'elles étaient lointaines. Hubble lui-même établit le rapport - la fameuse constante de Hubble - qui lie la vitesse à l'éloignement (1) . Prenons le cas de la galaxie des Chiens de Chasse, M51  : elle file à 565 km/s et son compagnon à 658 km/s,  ce qui la place à 24 millions d'a-l (la différence - minime - entre les deux provient de leur révolution réciproque).



    a    Alpha Canum Venaticorum  : Cor Caroli

    a  : 12 h 56 m 01 s        d  : 38° 19' 06"     Sp  : A0 p et (F0 V)    T  : 10 800 K      (BC  : -0,4)
    m = 2,89 (et 5,52)    M = 0,25    L = 70      p = 29,60    Dist  : 110 a-l   double optique
    et variable

    "Cor Caroli" = "Le Coeur de Charles" : de Charles II, roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, de 1651 à 1685. Vous ne le saviez pas ? C'est Edmund Halley, sujet de sa Majesté britannique, et astronome de son état, qui "baptisa" ainsi cette étoile. Le nom est resté. Il est des royautés qui durent !

    Ce coeur captive... fascine l'observateur que nous sommes, car deux étoiles marient leurs feux blancs, nuancés de lilas et de nacre, à 19"4 d'écartement. Magnitudes : 2,89 et 5,52. Un coeur double Charles II ? Que dis-je ? Vais-je risquer les foudres de ses nombreux sujets... Rectifions au plus vite : cette duplicité n'est qu'apparente, ouf ! me voici sauve ! Si l'étoile principale a construit son palais à 110 a-l, la seconde a bâti sa cahute à 82 a-l. Aucun lien gravitationnel n'existe entre ces deux astres. C’est un couple optique.

    Surprise lorsqu'on braqua un spectroscope sur l'authentique coeur, la plus brillante des composantes ! Des raies de silicium, de mercure, et même d'une terre rare, l'europium, découpent le spectre. Un coeur métallique pour Charles II ? Eh oui ! Pourquoi pas ?... Les métaux abondent dans l’atmosphère de cette étoile. Métaux piégés dans le champ magnétique très puissant - et canalisées dans les calottes, ou dans des anneaux lumineux, pense-t-on. Ce phénomène crée des sautes d'éclat à la surface, visibles au cours de la rotation de l'étoile. Ainsi Cor Caroli passe de la magnitude 2,84 à 2,98 en 5,47 jours, période qui correspond justement à la rotation de l'étoile. Il fallait le trouver !

    "Charles II" est devenu le roi - le chef de file - des variables du même type : les "Alpha Canum Venaticorum" ! On en connaît plusieurs centaines qui toutes possèdent des raies métalliques intenses, un magnétisme fort, une période s'étalant de 0,5 à 160 jours, une amplitude de l'ordre du dixième de magnitude.
    70 soleils composent l'éclat de Charles, alors que son rayon reste somme toute ordinaire :  2,7 rs. Sa masse : 3,5 ms. Densité : 0,17.


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note 1 - Dans un premier temps, il fixe cette constante à 500 km/s/Mpc (Mégaparsec) ; elle est aujourd’hui ramenée à 75 km/s/Mpc. Cela signifie qu’une galaxie qui est à 1Mpc (= 3,26 millions d'a-l) s’éloigne à 75 km/s. Une galaxie qui est à 2 Mpc, s’éloigne deux fois plus vite, à 150 km/s. etc...