La  Coupe    (Crt)

Crater  (ris)        (282 degrés carrés)


    "Va me chercher, bel oiseau blanc, de l'eau dans cette coupe". Du revers de la main, Apollon caressa  la tête du volatile, enfila dans son  bec le rebord de la coupe, et lâcha le corbeau.  Il partit dans les airs au lieu présumé de la source. Le fils de Jupiter, musicien et poète, voulait offrir un sacrifice à son divin père. Il attendit le retour de l'oiseau. Le soleil croisa le méridien du lieu sans qu'il réapparut. "Pourquoi ce retard ?"  s'étonna-t-il. La soirée s'écoula sans que l'on aperçut le vol du vertébré. Le soleil se coucha, le ciel s'illumina, l'horizon restait vide.  La colère du Prince éclata : "Que je te trouve vif, et tu pâtiras de ce crime !" Les serviteurs, torches en mains, cherchèrent en tous sens. On le trouva bientôt, dormant paisiblement au couvert d'un figuier. "Que fais-tu là, oiseau de paille, alors que ton maître trépigne d'impatience ?"  - "Le serpent m'a trompé" -  "Ferme ton bec !"  Une main vigoureuse s'abattit sur son col ; on lui lia les pattes, on attacha ses ailes, avant de le précipiter dans une cage. "Tu vas rendre des comptes !"

    "Allons, explique-toi... Que t'a dit ce serpent ?"  Apollon exigeait. -"Regarde, m'a-t-il dit, la beauté de cet arbre, le figuier ;  arrête-toi, mange de son fruit savoureux, si doux pour ton palais". Disant cela, l'oiseau tremblait, sa voix, cassée, trahissait une étrange émotion. "Tu ne vas pas me faire croire que tu t'es gavé de figues du matin jusqu'au soir..." - " Non, mais  comme elles étaient encore vertes, j'ai attendu que la nature fasse son oeuvre... " - "Voilà comment tu sers le fils du grand dieu ! indigne et  mauvais serviteur... Ta désobéissance sera châtiée comme elle le mérite".  A l'instant même, la robe du corbeau, jusque-là blanche, devint noire de la tête à la queue. "Quel horrible plumage !" s'écria le volatile terrifié. Libéré, il partit se laver dans les eaux du torrent le plus proche, jusque sous la cascade, il s'ébroua, battit des ailes, lissa ses plumes... rien n'y fit. Déprime totale ! Pendant des jours, il erra sur le sol, refusant les airs, et fuyant toutes les bêtes des champs. "Et si on me voyait en tel accoutrement ! " Mourir ? Il y songea... Que faire ?... "Eh bien  : je triompherai du complexe !" tonna-t-il enfin, en bombant son jabot. Si nous le voyons aujourd'hui,  s'ébattre et sillonner l'espace... c'est qu'il a réussi !

    Disait-il vrai ?  Quant au figuier, oui  : il désirait son fruit  ; mais il accusa le serpent, faussement, pour tenter de se disculper. C'est du moins ce que l'histoire raconte...

    Avant Eudoxe, avant Aratos, la Coupe et le Corbeau existaient bel et bien, posés sur l'Hydre. C'est dire si l'aventure de "Maître corbeau tenant en son bec... une coupe" frappait déjà l'imagination des Anciens !

    Venons-en aux étoiles de cette Coupe peu banale, en équilibre instable, qui, depuis des lustres, se retient de tomber. Comment la repérer ?  A partir du Corbeau - quadrilatère bien visible sur l'horizon sud, au printemps, - vous la trouvez à  sa droite immédiate (ouest). Quatre étoiles composent le pied et le fond de ce vase, quatre autres les rebords de ce grand bol (voyez la carte). L'étoile la plus lumineuse, Alpha (proche de Nu Hydrae) atteint la magnitude 3,8 , trop peu brillante pour notre étude. Oh, coupe, nous ne boirons pas de ton jus délicieux, à la santé de tes étoiles !...
   


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