Les  Gémeaux     (Gem)
Gemini  (orum)     (514 degrés carrés)


    Les "Jumeaux"  dit-on en français. Leurs noms : "Castor et Pollux", fils de Jupiter et de l'humaine Léda. "Mon cygne, mon doux cygne, que tu es beau dans ton habit de neige..." souvenez-vous... C'était Jupiter sous ce déguisement. La belle Léda fut prise au piège. Il naquit de cette sotte union, deux garçons, sortis tout neufs de leurs coquilles : les "Dioscures", fils de Jupiter.  Qui les a transportés dans le ciel ? Qui a créé cette constellation ? - elle remonte, paraît-il, au premier temps du Zodiaque. Heureux qui pourra le dire ! Alors,  où sont-ils ces enfants terribles, célèbres pour leurs crimes ? Ils se promènent l'hiver, dans le ciel glacé, au nord-est d'Orion, à la suite du Taureau, sur l'écliptique. En mai, ils sont encore là, déclinant vers l'ouest, baladeurs universels... Sur les cartes antiques, leurs visages pouponneux et leur ample chevelure occupent tout le terrain entre ces deux étoiles : Castor et Pollux, écartées de 5°. Leurs corps s'étirent jusqu'aux étoiles Gamma et Mu, et dessinent de ce fait un vaste rectangle.

    Jupiter eut d'autres fils. Bien sûr ! Apollon et Hercule, par exemple, qui, loin d'être jumeaux, n'avaient pas la même mère. Qui a placé une lyre dans les bras de Castor - celle d'Apollon - une massue dans la main de Pollux - l'arme d'Hercule - comme s'il s'agissait de ces deux loustiques-là ? Au moyen-âge, on fit des Gémeaux les parents de notre espèce humaine : "Adam et Eve", dessinés dans leur nudité originelle. Curieux mélange...

    Hâtons-nous... car les dieux de l'hospitalité - Castor et Pollux - nous attendent...

    Le pied de Castor s'étire très à l'ouest (étoile n°1) à la frontière d'Orion et du Taureau, par 6 h d'ascension droite. Guili... guili...! A cet endroit précis, passe le sommet de l'écliptique, par 23°,5 de déclinaison nord. Là, perché sur cette étoile, se pose le soleil au solstice d'été.
   
    An de grâce 1781, découverte sensationnelle à proximité immédiate ! Tout avait commencé par une observation banale. William Herschel, depuis l'île de Bretagne, scrutait le ciel, avec son télescope de 15,5 cm. Lorsqu'il vit, entre Dzêta Tauri (la corne méridionale) et 1 Geminorum (appelé alors "H Geminorum") un corps étrange... oui, différent de tout ce qu'il connaissait jusqu'alors... Qu'était-ce ? Une comète ? Il l'imagina tout d'abord... Nous étions le 13 mars 1781 au soir. Le 17, elle était toujours là, immobile. Pas de queue, une forme bien ronde, plutôt verdâtre. Une planète ? Au fil des semaines, elle se déplaça légèrement, suivant une trajectoire qui semblait circulaire. Emoi, trouble, vertige... la communauté astronomique frissonnait. Bientôt la ronde de sa course laissa entrevoir sa distance... deux fois plus lointaine que Saturne... Aucun doute, c'est une planète ! la septième ! inconnue jusqu'alors ! qui, d'un seul coup, doublait les dimensions du système solaire. "Impensable !..." disait-on... Le ciel vacillait au-dessus de nos têtes. "Merveilleux !..." pour tous ceux conquis à l'idée d'un monde grandiose. Quel nom donner à la nouvelle venue ? Ce fut là un poème !... "La "Planète Géorgienne" en l'honneur de mon roi Georges III ! ", lança Herschel, lui, le découvreur - "Hou !... Hou !..."  s'exclamèrent Français, Germains, Italiens... "...mais plutôt la suite des noms mythologiques !" - "Pourquoi pas "Uranus", le père de Saturne, grand-père de Jupiter ?... proposa quelqu’un - d'autant que "Uranos" est le nom même du ciel en grec. Et ce nom-là s'imposa.

    Sept planètes  : nombre parfait !... Le Créateur avait bien fait les choses...
    On aurait pu y penser plus tôt !


    a    Alpha Geminorum  :  Castor

    a = 7 h 34 m 35 s           d = 31° 53' 18"     Sp : A1  V et  A2 Vm     T  : 10 500 et 8900 K
    m = 1,58    M = 0,59    L = 49        p = 63,27    Dist  : 52 a-l
    (BC  : -0,32 et -0,25)        quatruple + 3 compagnons

    "Castor"  :  le premier à avoir brisé la coquille de cet oeuf étonnant, l'aîné des jumeaux, qui n'est pas le plus brillant ! Ca arrive ! Mais il porte la lettre Alpha, parce qu'il sort le premier de l'horizon Est. Regardons-la de près cette étoile - avec un télescope. Il fallait s'y attendre : elle est jumelée, deux siamois, dirait-on, tant leur proximité est grande. Dans les années 1970, leur écartement était inférieur à 2". En l'an 2000, il atteignit 4"  : aucune peine pour les dédoubler ! En fait, le demi-grand axe de l'orbite réelle couvre 7" de degré, mais nous ne voyons que l'orbite apparente : celle décrite sur la voûte céleste (et non dans la profondeur de l'espace). (1)  Magnitudes des composantes : 1,93 et 2,97, astres bleutés. "Je pense,  dit monsieur Muller, que leur période est de 511 ans." -  "Moi, de 420 ans, dit monsieur Rabe." Etonnant qu'on ne soit pas plus précis après 200 ans d'observation... 

    Castor, où demeures-tu ?  A quelle distance ton divin père t'a-t-il placé dans l'espace ? - "A 52 a-l, où j'ai bâti ma résidence. Grande et vaste demeure que ce palais : votre système solaire tout entier, dans son diamètre, passerait sans problème entre mes deux étoiles : 16 milliards de kilomètres. (Soleil-Pluton  : 6 milliards de km)

    "Pas possible ! s'écrie le spectroscopiste. Ca alors ! Voici que chacune de ses étoiles est encore double ! Système quadruple que le système de Castor ! ronde invisible, détectée par le spectre. Tous les 9,2 jours, Castor A boucle son orbite, tous les 2,9 jours Castor B."  Rapide  ! - "Bien vu, monsieur le spécialiste, 4 étoiles dansent au rythme de ma musique. Je compte 36 soleils dans la flamme de Castor A et 13 dans celle de Castor B. Quelques millions de km seulement séparent les composantes de chaque couple. De surcroît, mon jardin merveilleux s'étire jusqu'à "Castor C"  : une cinquième étoile ! qui se trouve à 72"5 de mes rayons, de magnitude 9,21." - "Celle que nous appelons YY Geminorum ?" - "Exactement ! elle est accrochée à mes feux comme une balle à un fil." - "Oh ! s'écrie soudain le spectroscopiste, mais elle aussi est double ! composée d'un couple de naines rouges qui tournent, tenez-vous bien, en moins d'un jour, 0,8 jour exactement ! couple à éclipse mutuelle de surcroît - une algolide - dont l'éclat chute de la magnitude 9,21 à 9,6 au cours de sa période." - "Voyez : je suis donc une étoile sextuple, chose rare !"- "Est-ce bien certain ?" - "Oui ! vous même avez calculé la distance de Castor C  : 52 a-l, comme Castor A et B" - "Et cette étoile qui s'approche de vos rayons, à 204", fait-elle aussi partie de votre système ?" - "Hum... septuple ... j'en rêve ! Eh bien cherchez... et vous trouverez."


    b    Bêta Geminorum  :  Pollux.

    a = 7 h 45 m 18 s        d = 28° 01' 34"     Sp : K0  III    T  : 4900 K    (BC  : -0,5)
    m = 1,16    M = 1,09    L = 31        p = 96,74    Dist  : 34 a-l    six compagnons

    "Où es-tu, toi, Pollux ? A quelle distance as-tu fait ton nid ?" - "Vous qui savez manier  le micromètre, depuis Struve et Bessel, mesurez vous-même ma parallaxe !" - "Nous trouvons 0,09674 seconde de degré, soit une distance de 34 a-l : tu es plus proche que ton frère. Voici pourquoi ton éclat apparent l'emporte sur lui... Dis-nous qui tu es... raconte-nous ta vie dans ta lointaine contrée. Es-tu aussi complexe que ton aîné ?" - "Et bien, observez-moi  dans vos grosses lunettes." - "D'accord ! Ton rayon est d'or pur, limpide comme le cristal, sans nulle duplicité." - "Bien. Veuillez maintenant, je vous prie, scruter mes abords immédiats." - "Une, deux, trois, quatre, cinq étoiles t'environnent, jusqu'à 4' d'écartement, dont une, la plus lumineuse, est un couple serré (1"4), magnitudes 8,8 et 11,6. Serais-tu toi aussi une étoile septuple ? Dis-moi : comment saurai-je si tous ces astres t'appartiennent ?"  - "En mesurant leurs distances, chère amie ! Quant à mon composé, examinez mon spectre." - "Nous trouvons dans ton rayonnement 31 soleils, ce qui fait de toi, vu ta température relativement basse (4900 K), une étoile géante, orange. 10 rayons solaires dans tes dimensions. Ta masse voisine 3 masses solaires, ce qui te donne une densité de 0,003. Beau garçon, Pollux ! séducteur...
Envoie-nous longtemps tes chaudes couleurs..."


    m    Mu Geminorum  : Téjat  Medius

    a = 6 h 22 m 57 s        d = 22° 30' 49"     Sp : M3  III    T  : 3300 K    (BC  : -2,3)
    m = 2,87    M = -1,39    L = 300    p = 14,07    Dist  : 230 a-l     4 compagnons
   
    "Téjat Medius", "Téjat Primus" (Eta), " Téjat Postremus" (Nu) = "Les (étoiles) de dessous", la première (primus), la médiane (medius), la postérieure (postremus)  : toutes trois sises aux pieds de Castor, d’où leur nom. Et de surcroît placées sous l'écliptique !
 
    "Téjat Medius" : sur le talon gauche de Castor.  Que se passe-t-il ? A force de courir sur les champs de bataille, ce guerrier redoutable a les pieds en sang. Rouge, énorme cette "ampoule", sur le point de crever ! Quand ? Tout le problème est là... Pour l'instant, elle éclaire gratuitement le paysage : 300 soleils, s'étire sur 150 rayons solaires, soit 105 millions de km, - du Soleil à Vénus - se contente d'une densité minime : 2 x 10-6 , vu sa masse : 8,8 masses solaires.
    Deux étoiles assiègent ce pied malade. à 72"7, et 121"7.  La plus écartée est une binaire, dédoublée à 0"8  (mag. 9,8 et 10,7)


    Eta Geminorum  :  Téjat Primus  ou Propus

    a = 6 h 14 m 52 s        d = 22° 30' 24"     Sp : M3  III    T  : 3300 K    (BC  : -2,3)
    m = 3,31    M = -1,84    L = 460    p = 9,34    Dist  : 350 a-l      triple et variable
   
    "Téjat Primus" ou  "Propus" = "devant le pied"  de Castor, ainsi nommé par les Grecs. Qu'y a-t-il au bout ce pied pour que, très tôt, on ait remarqué cette étoile ? Elle envoie des signaux bizarres, difficiles à décrypter. "Propus ! Sors de la clandestinité et viens t'expliquer à découvert ! Quel stratagème as-tu inventé là ?" - "Pourquoi cette curiosité, mes amis ? N'ai-je pas le droit de vivre comme il me plaît ? Un couple compose l'éclat de mes feux, à 1"08 d'écartement (demi-grand axe). Magnitude de la secondaire : 6,07. En l'an 2000 les deux étoiles seront écartées de 1"6. Le docteur Baize a déjà calculé leur période : 473,7 ans." - "Bon, merci... Mais ceci n'explique pas les fantaisies de ton signal lumineux, qui passe de la magnitude 3,2 à 3,9 en une période chaotique." - "Soit, je suis complexe, et à mon goût... L'une de mes étoiles - la plus lumineuse - pulse d'une façon semi-régulière, en 7,6 mois (environ). Outre cette particularité, une troisième étoile vient brouiller les cartes, invisible pour vous. Elle boucle son orbite en 8,16 ans, sur votre ligne de visée précisément, et provoque une éclipse mutuelle des partenaires. Comprenez-vous ?" - "Donc, tu es une étoile triple ?" - "Evidemment !" - " Veux-tu nous dire enfin ce qui provoque la pulsation de ton rayon." - "Ah, chers amis, mon étoile principale arrive au terme de sa vie. Elle a grossi au point de risquer la rupture de son équilibre interne. Va-t-elle devenir une nébuleuse planétaire ? Son rayon s'étend, pour l'instant, sur 129 millions de km (184 rs). De toute façon, quand ses couches externes s’épancheront dans l’espace,  vous ne le saurez que 350 ans plus tard - longueur du voyage oblige."
    C’est peut-être déjà arrivé..


    g    Gamma  Geminorum  :  Alhena

    a = 6 h 37 m 42 s        d = 16° 23' 57"     Sp  : A0  IV    T  : 10 800 K      (BC  : -0,45)
    m = 1,93    M = -0,6    L = 150    p = 31,12    Dist  : 105 a-l     2 compagnons
   
    "Alhéna" = "La marque du feu"... celle imprimée avec une estranguille sur le cou des chameaux.  Marqué au fer rouge l'orteil gauche de Pollux ? Serait-il devenu l'esclave de son frère ?... 150 soleils s'échappent de ce "feu" stellaire qui a bleui sous la chaleur intense  : 10 800 K !  4 rayons solaires pour 4 masses solaires. Marqué à vie, Pollux !
      Deux compagnons de faible éclat accompagnent Alhéna, à plus de 2'.  Cherchez-les.


    x    Xi  Geminorum  : Alzirr

    a = 6 h 45 m 17 s        d = 12° 53' 44"     Sp  : F5  III (?)   T  : 6700 K   (BC  : -0,02)
    m = 3,35    M = 2,13    L = 12        p = 57,02    Dist  : 57 a-l        simple
   
    "Alzirr"  : L'orteil droit de Pollux. (Je ne connais pas le sens de ce nom). Un, deux, trois, quatre  : quatre étoiles alignées, toutes visibles à l'oeil nu,  pour les pieds des deux frères, Alzirr sise à l'extérieur du rectangle proprement dit des Gémeaux, vers le Sud. (voyez la carte). Il s'approche  - 57 a-l seulement - le demi-dieu. 2,5 rayons solaires, c'est assez pour faire peur. 2 masses solaires  : il a beau montrer "patte blanche", malheur à qui recevra ce pied quelque part ! Je compte 12 soleils dans son rayonnement.


    e    Epsilon Geminorum  :  Mebsuta

    a = 6 h 43 m 56 s        d = 25° 07' 52"     Sp : G8  Ib    T  : 5000 K    (BC  : -0,6)
    m = 3,06    M = -4,15    L = 3900    p = 3,61    Dist  : 900 a-l     un compagnon
        
    "Mebsuta" = "Le pied tendu". Elle est située en fait sur le genou gauche de Castor. Supergéante ! réveillant l'espace de ses feux d'or  : 3900 soleils, phare exceptionnel ! Si bien qu'à 900 a-l, vous le voyez encore briller très fort. Son rayon couvre 74 millions de km (106 rayons solaires). Et si notre soleil était comme çà ? 100 fois plus gros ? 50° de diamètre apparent !... Mebsuta peut contenir un million de soleils comme le nôtre ! Un jour, notre étoile atteindra ces dimensions, mais en conservant la même masse, et en rougissant beaucoup... La masse de cette étoile s’élève à 11,5 masses solaires, pour une densité très, très faible : 9 x 10-6 !
    Remarquez à 110"  une étoile de magnitude 9 .


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note 1 - Le problème du "relèvement de l'orbite" pour connaître les données vraies d'un système double est un des problèmes mathématiques les plus difficiles. Je recommande sur ce point les travaux de l'abbé Joseph Grumel qui a trouvé une solution géométrique élégante  :  http ://perso.club-internet.fr/josephmarie