Le Grand Chien (CMa)
Canis major (is) (380 degrés carrés)
Ouah
! Ouah !... Qu'as-tu à japper, "Canis Major",
"Sirios" de ton vrai nom - celui du chien d'Orion - qu'as-tu à
japper depuis les demeures azurées des lointains horizons
? Qu'annonces-tu de ta gorge déployée ? "Ouah !
Ouah !... Elles arrivent, elles arrivent, les crues prochaines du plus
grand fleuve du monde ! Ouah ! Ouah !..." Lorsque le Nil gonfle
et submerge les terres, il n'est plus un égyptien qui
dorme. "Jusqu'où ira-t-il cette année ? Quelles terres
ensemencera-t-il de son limon fertile ? Quelles brèches
ouvrira-t-il ? - car il fait aussi des dégâts..." Il
faut surveiller, attendre... Depuis le premier signal de "Sothis" =
"celle qui rayonne" : Sirius, surgissant dans les lueurs de
l'aube, le monde africain est en émoi. C'est à celui qui
la verra poindre le premier, et qui aura la joie de crier :
"Bonne année !" puisque celle-ci commençait alors avec
l'apparition de l'étoile. Dans la fraîche aurore aux
doigts de rose, les veilleurs guettaient, de leurs yeux exercés,
prêts à donner l'alerte. Le lever matinal de Sirius - le
museau du Grand Chien - annonçait la canicule, oui, la saison de
l’été, qui "accable les humains de la fièvre
et les chiens de la rage" écrit Théon d'Alexandrie
– canicule vient de "canis" = chien, celui-ci
précisément ! De nos jours, la précession
des équinoxes a bousculé la ronde, le lever
héliaque de Sirius n’arrivant qu’à la fin du
mois d'Août. Finies les fièvres, envolée la rage...
!
"Notre
année aura 365 jours, pas un de plus, pas un de moins !
répartis en 12 mois de 30 jours, plus 5 jours
complémentaires", décrétèrent les
prêtres égyptiens. "Qu'allons-nous faire du quart de jour
restant ?" - "Rien du tout ! Pas question de rajouter, de ci, de
là, un jour, qui compliquerait le comput. Ainsi, tous les
événements du Royaume et du Monde seront aisément
repérables dans le temps, et faciles aux calculs." - "Oui
mais... révérends pères, si vous faites ainsi,
l'année va dériver au fil des saisons... et le lever
héliaque de Sirius, au solstice d'été, retarder
d'un quart de jour tous les ans, et donc d'un jour tous les 4 ans !" -
"Qu'à cela ne tienne ! Nous attendrons son retour à
l'aube du solstice d'été, soit 4 x 365 jours plus
tard : dans 1460 ans. Et nous appellerons cette longue
durée : "La Grande Année Egyptienne" ou, si vous
préférez : "l’Année Sothique", ou
encore : "l’Année Caniculaire", ou mieux :
"l’Année du dieu Thoth" - le dieu du temps. La
1461ème année sera une année de fête, de
renouvellement, d'abondance et de réjouissance." Longue
tradition... qui oblige à tenir compte de deux
années : celle de 365 jours, légale ou religieuse,
et celle dite des "trois saisons", ou année agricole
: inondation, semailles, récoltes.
Demandez
maintenant à un astronome amateur quand a lieu le lever de
Sirius. Il vous répondra tout fier : "En décembre
!". Oui, pour ce qui est de son lever vespéral. Nous la voyons
sillonner le ciel pendant les longues nuits d'hiver, d'est en ouest,
relativement basse à nos latitudes (45°). Son nom grec
"Sirius" = "la Brillante" (de Séir = briller), et même la
plus brillante du ciel ! A droite de ce museau, saisissez la laisse du
Grand Chien (Bêta). Les pattes et la queue dessinent un triangle
quasi équilatéral vers 30° de déclinaison.
L'animal est assis, niché dans l'hémisphère
austral (Sirius à -16°). Orion, son maître, le
précède comme il convient.

a Alpha Canis Majoris : Sirius.
a = 6 h 45 m 08
s d = -16° 42' 58"
Sp : A1 V T = 10 000
K (BC : -0,32)
m = -1,44
M = 1,45 L = 22
p = 379,21 Dist :
8,6
double + un compagnon lointain.
"Poikilos" = "multicolore", dit de cette étoile le poète
Aratos, au 3ème siècle avant notre ère. Rien
d’étonnant ! Regardez-la se lever ou se coucher :
son puissant rayon, réfracté par l'atmosphère, se
mue en l'arc-en-ciel : rouge, vert, jaune,
bleu... toutes les couleurs défilent et viennent à tour
à tour frapper votre rétine. Spectacle merveilleux,
éblouissant au télescope ! Les enfants raffolent...
Mais
alors que Sirius batifole dans le monde des couleurs, on l'a
noté "rouge" par le passé, Cicéron en tête,
qui traduisit en latin l'ouvrage grec d'Aratos. Voici ce qu'il
écrit : "l'étoile du Grand Chien brille d'un éclat
"rutilant" : "rutilo cum lumine claret", adjectif qui signifie
d'abord rouge ou roux. En 10 av. J.C. Horace parle
carrément de l'étoile rouge du Chien : "rubra
canicula". Plus tard, Sénèque (50 ap. J.C.) - qui
n'était pas astronome, précisons - se veut plus
explicite : "L'étoile de la canicule brille d'un rouge vif
: "acrior sit caniculae rubor", Mars est plus pâle :
"remissior" et Jupiter coloré d'aucune nuance : "nullus". Au
sixième siècle de notre ère, Grégoire de
Tours renchérit : "Stella rubeola", écrit-il
: "l'étoile rouge". Plusieurs témoignages donc...
Voyons
Ptolémée, qui apparaît au second siècle de
notre ère. Les éditions imprimées de son Almageste
reproduisent toutes le mot "rougeâtre" : "upokirros",
appliqué à Sirius. On pense néanmoins que
cet adjectif viendrait d'une faute de copiste, puisqu'il semble que les
manuscrits anciens de l'Almageste ne le portaient pas. Ainsi,
l'astronome Suffi, au 10ème S. épluchant le texte
(ancien) de Ptolémée, ne mentionne aucune coloration pour
l'étoile Sirius - ce qui ne veut pas dire bien sûr qu'elle
n'en a pas. Un autre astronome arabe du 9ème S.
Albategnius, (Al Battani) ne signale que 5 étoiles rouges
dans l'Almageste (version arabe) : "Antarès, Bételgeuse,
Aldébaran, Arcturus et Pollux". Pas question de Sirius.
Alors,
que penser ? Tous ces messieurs qui plaident pour le rouge ont-ils
copié les uns sur les autres (à partir de l'adjectif
"rutilo"), ou bien ont-ils réellement vu Sirius rouge ?
Regardons ce que dit Eudoxe, au 4ème siècle avant notre
ère, avant même Aratos : pas un mot sur la couleur
de Sirius. Homère, Hésiode, ont chanté
l'éclatante étoile sans jamais déclarer qu'elle
fut rouge. Et aujourd'hui, que voyons-nous ? Une étoile
blanche, multicolore à son lever et à son coucher, aux
reflets bleus lorsqu'elle culmine éclatante au méridien.
Sirius de nos jours n'est pas rouge, c'est un fait. Le fut-elle
? Nous verrons plus loin ce qu'il a pu en être... Un peu de
patience !
La
brillante étoile a une magnitude visuelle négative
(-1,44) : propriété qu'elle ne partage qu'avec
Canopus (-0,62), et Arcturus (-0,05) de justesse... Qui dit magnitude
négative, dit grand éclat apparent, la chose est
entendue. Sirius est donc l'étoile la plus brillante du ciel
nocturne (1) . Certes, Vénus atteint la magnitude -4, ce
qui lui donne un éclat 15 fois plus grand que celui de Sirius,
mais "l’Etoile du berger" est une planète, dont les blancs
nuages étincellent sous les feux du soleil.
Alors,
est-elle intrinsèquement puissante cette étoile Sirius ?
Tout dépend, évidemment, de sa distance. Depuis
longtemps, nos micromètres ont détecté sa
"parallaxe" : ce déplacement apparent de l'étoile
sur la voûte céleste, en raison du déplacement
réel de la terre autour du soleil, parallaxe qui permet
d'évaluer la distance. L'angle mesuré : 0"37921, place
Sirius à 2,637 pc, soit à 8,6 a-l. Etoile proche, non pas
la plus proche, mais la sixième dans l'ordre de
l'éloignement. Cherchons à présent sa
luminosité réelle: 22 soleils ; sa température
donnée par le spectre : 10 000 K ; son rayon : 1,7
r.s, sa masse : 2,5 m.s. (certains disent 2 m.s.), sa
densité : 0,45.
Mais, que
se passe-t-il ? Quelle danse as-tu imaginée Sirius ? Non
seulement tu décris cette petite ellipse sur le ciel, signature
de ta parallaxe, mais tu joues une curieuse farandole, et ceci à
vive allure, puisqu'en un an, tu couvres 1"3 sur la voûte
céleste, en 10 ans 13", en 100 ans 2'10", en mille ans 21'40" !
Grand voyage sidéral !... Cap vers le sud-ouest.
Examinant avec grand soin cette trajectoire, l'astronome allemand
Bessel découvrit un feston imprévu. Au lieu de se
propulser en ligne droite, comme vous et moi sans alcool, Sirius suit
une ligne sinueuse, au cours du temps. Tiens ! Et pourquoi donc ?
Après des années d'observations, Bessel confirme :
"Il s'agit bien d'une sinusoïde, ce mouvement est
périodique". Que peut-il bien se cacher derrière ce jeu
rythmique ? En 1844, Bessel, toujours lui, avançe l'explication
suivante : "Une étoile invisible perturbe la courbe de Sirius,
et provoque cette marche ondulatoire." Une étoile invisible ?
Une planète alors ! "Non ! une étoile, car il faut une
masse importante pour perturber la course de Sirius." Mais une
étoile est toujours visible ! Pourquoi celle-ci
serait-elle invisible ?... Voici bien le mystère ! que Bessel
lui-même ne pouvait résoudre... "A moins qu'elle soit
éteinte..." Eteinte ! une étoile éteinte ! on n'a
jamais vu ça !...
Dès que la nouvelle tomba dans les observatoires, tous les
astronomes cherchèrent cet astre pas comme les autres. Le danois
Peters calcula même, son orbite, à partir de la
sinusoïde. "Son compagnon doit tourner en 50 ans",
annonça-t-il. Nous étions en 1851. Personne n'avait
encore rien vu On avait beau s'écarquiller les yeux,
négatif... négatif... L'Arlésienne... Jusqu'en
1862. Cette année-là l'opticien Alvan Clark,
américain, terminait son plus grand diamètre : une
lentille de 47 cm, la plus grande du monde à l'époque. Au
soir du 31 janvier, il dit à son fils : "Essayons-la sur
Sirius". Bien vite le jeune homme saisit l'image au foyer de
l'objectif. Il s'extasia longtemps sur la beauté de
l’étoile, avant de s'écrier : "Père,
Sirius a un compagnon". Il le voyait à 10", d'éclat
très faible comparé à Sirius (mag. 8,49).
Clark-fils venait de découvrir presque fortuitement l'astre
obscur que tout le monde attendait. Mieux : il se trouvait, ce maigre
rayon, à la position que lui avait assignée Peters par le
calcul. Formidable !
Sirius
B... L'avez-vous vu à l'oculaire d'un télescope ?
Pour ma part, j'avoue sans honte : "non". Pas facile de voir un
astre si peu lumineux auprès d'une étoile si brillante.
Différence d'éclat : 10 000 ! Autant voir une bougie
à côté d'un phare ! Il n'est décelable, ce
timide falot, qu'à l'apoastre - au maximum d'écartement -
soit, au mieux, une fois tous les 50 ans, durée de sa
période. La dernière époque favorable
remonte au début des années 1970 (maximum 11"3 en 1972)
– je n’observais pas à cette époque. Donc,
inutile de vous fatiguer les yeux : attendez patiemment les
années 2020... En 1998, les deux astres étaient à
leur minimum d'écartement : 2"5. Gageure !...
Que se
passe-t-il dans ce monde stellaire ? Deux étoiles - la chose est
certaine aujourd'hui - s'attirent et se repoussent, au gré de
leurs mouvements réciproques, à 8 UA au plus près,
soit à 1,2 milliard de km (Soleil-Saturne) et jusqu'à 31
UA au plus loin, soit à 4,7 milliards de km (Soleil-Neptune).
Demi-grand axe de l'orbite vraie : 7"5. Excentricité : 0,592.
Une belle paire dans un mouchoir de poche.
Sirius
B... alors, qu'en est-il de cette petite étoile ? Elle est bel
et bien éteinte, je veux dire sans réaction
éteinte : son coeur a cessé de battre au rythme de
ses fusions successives. Plus assez de carburant pour entretenir la
réaction. Pas assez de chaleur, ni de pression, pour en allumer
d'autres. Sa luminosité et sa température actuelles
proviennent uniquement de sa contraction gravitationnelle :
l'étoile, incapable de maintenir en l'état ses couches
extérieures, s'est effondrée sur elle-même. Reste
un astre "comprimé", "écrasé", massif certes,
dense à l'excès - de l'ordre d'une tonne par
centimètre cube. On parle même de 38 tonnes par
centimètre cube pour Sirius ! Etoiles appelées "naines
blanches" - car les premières découvertes avaient cette
couleur - au nombre de 600 aujourd'hui recensées - pas toujours
blanches - et pas plus grosses que la Terre ! Oui ! dans la
contraction, les dimensions de l'étoile ont été
divisées par 100, et le volume par un million ! Sirius B fut le
premier spécimen en date (1862).
Ne croyez
pas que ces astres soient froids, quoique éteints. Sirius B
affiche une température de 30 000 K à sa surface ! Trois
fois plus chaude que Sirius A ! Au cours du temps, elle se refroidira,
mais lentement pour arriver à terme au stade ultime,
théorique, de "naine noire". Pas demain ! dans des centaines de
milliards d'années... Actuellement Sirius B rayonne comme 0,002
soleil, bien peu de chose... alors que sa masse reste celle d'un vrai
soleil !...
Réfléchissons maintenant : si la masse de Sirius B est
semblable à celle du Soleil, elle a dû connaître,
après la fusion de l'hydrogène, celle de l'hélium.
Or chacun sait que cette phase dégage énormément
d'énergie au point de transformer l'étoile en
géante rouge. En géante rouge ? Mais la voici
l'étoile de Cicéron, Sénèque,
Grégoire de Tours...! Sauf que... semblable
événement ne se produit pas en un jour, ni en un
siècle, ni même en mille ans ! On parle d'un milliard
d'années pour la phase complète. Il n'empêche
qu'elle a dû quand même passer par là, si nos
modèles sont exacts. Mais quand ?... A moins que... autre
hypothèse prise en considération aujourd'hui, Sirius B
ait connu un regain d'activité, une fusion de son
hydrogène superficiel qui l'aurait rougi temporairement... A
démontrer. D'aucuns prétendent que ce rougissement
temporaire peut provenir d'un facteur tout autre : si un nuage de
poussières vient à passer sur notre rayon visuel, il
rougit nécessairement l'éclat de l’étoile.
Est-ce la raison des dires de Cicéron et Cie ?
A moins
que le fin mot de l'affaire provienne tout bêtement d'une
mauvaise traduction du mot "poikilos" = "multicolore". Qui dit
"multicolore", dit "rutilant", qui dit "rutilant" dit rouge... et voit
rouge ! A mon avis, cet adjectif employé par Aratos, en a
trompé beaucoup, surtout les littéraires !...
Assez
parlé de Sirius B. Venons-en à la principale. Plus belle,
plus grosse que le Soleil ! Son diamètre, mesuré par
interférométrie, couvre 1,66 diamètre solaire
(0",00589). Autant voir une bille de 1 cm à 366 km. ! Par le
calcul, je trouve le même nombre : 1,7 diamètre solaire.
Question pour le moins embarrassante : comment se fait-il que cette
étoile, deux fois et demie plus massive que Sirius B, ait
évolué moins vite ? Elle en est encore à la fusion
de l'hydrogène ! La naine blanche, ca devrait être elle !
A moins que... les deux étoiles ne soient pas nées en
même temps... A moins que... elles se soient rencontrées
par hasard, au détour d'un boulevard galactique... fort peu
probable. A moins que... Sirius A ait dévoré les couches
superficielles de Sirius B lorsque celle-ci était géante
rouge (ou nébuleuse planétaire) et que, du coup, elle ait
augmenté sa masse sur le tard... Belle idée !... A moins
que... il doit y avoir d'autre raisons... Je ne trancherai pas la
question.
On a
parlé d'un troisième corps - encore un ! - compagnon
fantomatique... Son existence n'est pas confirmée à ce
jour. Quelques observateurs, dans les années 20, disent l'avoir
vu à 1"4 d'écartement. C'est en décelant
certaines irrégularités dans la trajectoire de Sirius,
à la fin du siècle dernier, qu'on a émis cette
hypothèse... Elle semble actuellement douteuse.
Vogue,
vogue, belle étoile dans l'espace interstellaire ! Sirius est
accompagnée dans son voyage par quelques compagnes - un ban de
poissons en balade.... Oui, toutes sont portées par le
même "courant", appelé autrefois "le courant de la Grande
Ourse" - car les étoiles de l'Ourse en font partie, mais
aujourd’hui "Sirius group", parce que Sirius en est
l'étoile la plus remarquable, et pour cause !... Il s'est
avéré, ce courant, plus vaste qu'on ne l'avait
pensé tout d'abord. Combien d'étoiles dans cet
étrange communauté ? 140 au moins (y compris l'amas
M39 du Cygne). Quant au Soleil... figurez-vous qu'il nage dans le
bonheur - bien sûr - au sein de ce groupe, mais il se
déplace en sens quasi contraire. Contestataire né ! Alors
que "Sirius Group" file vers le Sagittaire, le Soleil s'élance
dans la main d'Hercule, nous l'avons vu, vers "l'apex", à la
vitesse de 19,6 km/s. Il traverse sans complexe cet essaim stellaire.
Que fait-il là ? Allez savoir !... Il a perdu depuis longtemps
sa famille génétique - l'amas qui lui a donné
naissance (à moins qu'il soit fils unique, ce qui est rare au
ciel) - et vit désormais libre, émancipé, à
la conquête du monde... Pourquoi a-t-il quitté son amas
d'origine, demanderez-vous ? Parce qu'il est vieux - 5 milliards
d'années dit-on - les forces de marée, au cours de ces
nombreuses révolutions galactiques, ont dispersé ses
frères et soeurs. Inévitable ! Ainsi va la vie des
étoiles...
A 31"6 de Sirius, brille une étoile de magnitude 14.
b Bêta Canis Majoris : Mirzam
a = 6 h 22 m 41
s d = -17° 57' 22"
Sp : B1 II-III
T = 23000 K (BC :
-2,5)
m = 1,98 M
= -3,95 L = 3200 p =
6,53 Dist : 500 a-l
variable + un compagnon lointain
"Mirzam
!" = "celle qui annonce"... Joli nom, que je donnerais bien à
mon chien - si j’en avais un !... Alors, qu'annonce-t-il ?
La crue du Nil, voyons ! Car cette étoile Bêta sort la
première de l'horizon Est, 23 minutes avant Sirius. Quand les
Egyptiens la voyaient poindre, ils savaient que Sirius approchait, et
avec elle, les eaux, pour inonder les terres, et féconder une
nouvelle fois le sol. Las ! aujourd'hui, les crues du Nil
appartiennent au passé, le chien lui-même a
dérivé sur la voûte céleste... l'histoire
est à réinventer... Discernaient-ils la variation
d'éclat qui caractérise cette étoile ? J'en doute.
Elle passe de la magnitude 1,92 à 2 , en l'espace de 6 heures.
Rapide !
Mirzam,
pourquoi ce signal depuis ta lointaine contrée (500 a-l) ? "J'ai
faim ", crie-t-elle à qui veut l'entendre. "Je quête
en vain mon pain quotidien – mon hydrogène vital - car mon
grenier se vide. Plus de réserves dans mon noyau. Mon rayon
couvre 11 rayons solaires, mais si mon coeur s'arrête, je crains
la chute irrémédiable de mes couches externes.
Amaigrissement dévastateur... Vais-je connaître la
flambée de l'hélium, cette seconde phase nucléaire
qui redonnerait vie à mes membres ?" - "Oui, bien sûr,
puisque ta masse est suffisante : 18 masses solaires." - "Mais dans
combien de temps ? Croyez-moi, cette mue m'est tout à fait
désagréable. Les astrophysiciens appellent ce genre
d'état les variables de type "Bêta Canis Majoris" - de mon
nom précisément - ou encore les "Bêta Cephei" (ou
Céphéides Bêta). J'en suis très
honoré, certes, mais... ils ne sont pas à ma place...!"
Dis-nous,
Mirzam, comment arrives-tu à survivre ? Tu es fort lointaine
(500 a-l) et malgré cela tu restes très lumineuse...
"Oui, 3200 soleils jaillissent encore tout chauds, hors de mon
enceinte. Si vous pouviez voir mon rayonnement ultraviolet, vous seriez
stupéfiés : 230 000 soleils ! J'ai emmagasiné une
énergie considérable, depuis fort longtemps : dans mes
couches successives, les photons formés se bousculent et ne
s'évacuent que très lentement. Pas facile pour eux de
trouver la porte de sortie ! Il y a toujours un obstacle - un autre
photon, un noyau d'atome, un électron - qui les en
empêche. On dit qu'il leur faut un million d'années pour
quitter la matrice qui les a vu naître ! Stupéfiant,
n'est-ce pas ? Voilà pourquoi vous me voyez toujours radieuse
à l'oculaire de vos télescopes. Mais pour combien de
temps ?...
A 3' brille une étoile de 9,8 magnitude. Trouvez-la.
z Dzêta Canis Majoris : Furud
a = 6 h 20 m 18
s d = -30° 03'
48" Sp : B3 V T =
19000 K (BC : -2)
m = 3,02 M
= -2,05 L = 560 p =
9,70 Dist : 340 a-l Spectroscopique
"Furud" =
"la Solitaire", par 30° de déclinaison sud,
extrémité de la patte avant de "Sirios" : le Grand
Chien d'Orion - assis par terre, pardon, au ciel... Si l'on regarde
attentivement cette extrémité, on devine deux
étoiles - au spectroscope seulement, sagement campées
dans la position du veilleur, attendant le signal du maître pour
entrer en action. En action ? mais elles le sont ! accomplissant un
tour d'orbite en 675 jours - durée de leur période. 560
soleils s'emploient à faire circuler le manège.
L'étoile principale est bleue, la secondaire rechigne à
dévoiler sa grâce. Patte postée à 340 a-l de
nos frontières.
o Omicron 2 Canis Majoris
a = 7 h 03 m 01
s d = -23° 50' 00"
Sp : B3 Ia T = 19000
K (BC : -2,2)
m = 3,02 M
= -6,46 L = 33000 p =
1,27 Dist : 2600
a-l simple
Omicron
2 : sise au nord du triangle - l'arrière train de
"Sirios", comme un point sur un i élargi. Etoile lointaine,
égarée dans les champs sans limites de la Voie
Lactée, à 2600 a-l. Imaginez cette étoile à
8 a-l, à la place du museau. Que verrions-nous ? 33 000 soleils
- au lieu de 22 pour Sirius - illuminer notre nuit d'une douce
lumière bleue, dissiper les ténèbres, briller
comme un quartier de lune ! atteindre la magnitude négative de
-9,3, inonder la planète d'ultraviolets (230 000 soleils)...
Supporterions-nous ce phare éclatant pendant les nuits d'hiver,
ce lampadaire sous nos fenêtres d'observation ? Difficile,
difficile... 44 soleils composent son diamètre, 31 sa
masse, alors que sa densité est de 0,0003. Superbe étoile
!
Qui dit
Omicron 2 dit Omicron 1 ! Oui, celle-ci brille à 9' de sa soeur
non jumelle, et à la magnitude 3,86.
d Delta Canis Majoris : Wezen
a = 7 h 08 m 23
s d = -26° 23' 36"
Sp : F8 Ia T = 6000
K (BC : -0,1)
m = 1,83 M
= -6,87 L = 47000 p =
1,82 Dist : 1800 a-l simple
"Wezen" =
"la pesante". Et pourquoi donc ? L'auguste
postérieur de notre canidé souffrirait-il de quelque
difformité ? Eh oui ! On totalise 20 masses solaires dans
son volume immense, démesuré. Blanche de son état,
elle dévore les kilomètres sur son rayon : 143 millions
de km (205 rayons solaires). Imaginez Wezen dans notre système
solaire. 47 000 soleils pour éclairer le paysage, c'est assez !
Et ceci malgré sa densité très faible : 2 x 10-6.
Il ferait bon vivre sur Pluton... Cette étoile merveilleuse
habite à 1800 a-l.
Eta Canis Majoris : Aludra.
a = 7 h 24 m 05
s d = -29° 18'
11" Sp : B5 Ia T
= 17 000 K (BC : -1,8)
m = 2,45 M
= -7,51 L = 86 000 p =
1,02 Dist : 3200 a-l un
compagnon
"Aludra"
= "la Virginité"... celle de Diane, sans doute, qui veut
la conserver face aux avances d’Orion, le beau prince. Sirios,
défends-la ! Dans l'atlas de Bode, cette étoile incarne
la queue du chien, vibrante, caressante. Elle nous réjouit cette
étoile éclatante, la plus puissante du Grand Chien
: 86 000 soleils bleus nourrissent sa flamme visible, 420 000 ses feux
invisibles ! Quelle intensité ! insupportable aux humains que
nous sommes. Depuis 3200 a-l, regardez-la : elle brille encore
beaucoup ! Même distance que Déneb. "Pesez-moi, dit-elle,
sur vos balances astronomiques" : 37 masses solaires. Aludra, la
supernova te guette ! "Mesurez mon rayon" : 75 rayons solaires (52
millions de km). Queue magnifique !
Un bon toutou, pas méchant pour deux sous, "Sirios".
Voyez-vous briller son lointain compagnon, à 3' d'écartement, magnitude : 6,9 ?
e Epsilon Canis Majoris : Adhara.
a = 6 h 58 m 37
s d = -28° 58' 20"
Sp : B2 II T = 21 000
K (BC : -2,8)
m = 1,5 M
= -4,1 L = 3700 p =
7,57 Dist : 430 a-l
double
"Adhara"
= "Les Vierges". Tiens ! Oui, les "Vierges d’Orion",
paraît-il. Les Pléiades alors ? filles de Pléione
et d’Atlas... Peut-être... (voir Orion et le Taureau) Un
vrai cortège... composé des étoiles "Delta, Eta,
Epsilon" - qui dessinent le triangle inférieur du Grand Chien -
et de l’étoile Omicron : le point sur le i... Ainsi
l'ont voulu les Anciens. Ravissantes ces miss, émouvantes dans
les frimas nocturnes... Les filles d’Atlas et de Pléione
étaient sept... il en manque à l’appel...
Toi
Adhara - l’étoile Epsilon - parle-nous de ton charme
prenant. "Messieurs, je suis accompagnée... Regardez, à
7"5 de ma robe brillante". En effet, un compagnon modeste, de
magnitude 7,4. ose un regard vers nous. "Sortez vos micromètres,
branchez vos spectroscopes, je ne saurais parler." Amis,
mettons-nous à la tâche.. 430 a-l séparent
cette belle princesse de notre terre bleue, habillée elle aussi
toute en bleu. Calculons tout de suite la puissance de son rayonnement
: 3700 soleils (46 000 avec son énergie ultraviolette).
Extrayons son rayon : 16 rayons solaires. Evaluons sa
masse : 20 masses solaires. Cherchons sa densité :
0,004.
Adhara, nous voici tous épris, amoureux pour toujours de ton corps virginal...
* * * * * * * * * *
note 1 - nocturne, puisque le Soleil, l'astre du jour, a une magnitude de -26,9 !