P é g a s e (Peg)
P é g a s u s ( i ) (1121 degrés carrés)
Pégase, le "carré magique", le "cheval ailé"
sorti flambant neuf du sang répandu de Méduse...
Pégase, le carré parfait, de 15° de
côté, dont l'angle nord-est appartient déjà
à Andromède : la belle délivrée a
enfourché le coursier aux ailes d'argent. Pégase,
monture de Persée, gage de son succès, ami de ses
victoires, soutien de ses rêves, qui, d'un coup de sabot, fit
jaillir - dit-on - la fontaine Hippocrène (= la fontaine du
cheval), dans le vallon des Muses qui court au coeur des montagnes de
Béotie, en Grèce... fontaine inspiratrice des
poètes. Tout beau, tout beau...
Comment retrouver l'animal sur le ciel, dans sa course folle ?
Utilisez ce moyen simple : depuis les deux étoiles
arrières du Grand Chariot (Alpha et Bêta de la G.O),
passez par la Polaire - comme vous savez le faire - puis prolongez
l'alignement, de deux fois la première distance. Vous voici
arrivé à "Bêta Pégasi", l'angle nord-ouest
du carré. Jeu d'enfant que de reconstituer ensuite cette forme
géométrique qui, à nos latitudes, domine
l'Empyrée pendant les longues soirées d'automne.
Un carré, soit ! Mais un cheval ?... Oui ! un cheval !
stylisé bien sûr... la partie avant de son corps
seulement... "l'autre, postérieure, reste invisible, afin de ne
pas montrer que ce cheval est femelle", affirme Eratosthène. "Il
paraît que c'eût été là une
idée navrante," commente Flammarion. Et si ce cheval avait
été un étalon ?...
Une jument, bien. Mais où sont les pattes et la tête et le
cou... et les ailes, puisque celle-ci en possède deux ? Ces
dernières plutôt étriquées reposent sur le
dos. Attention ! il fait la cabriole notre équidé, le dos
au sud - pour qui le regarde depuis l'hémisphère nord,
ses ailes repliées sous le carré et sur la forme ovale du
Poisson (constellation des Poissons), bien difficiles à
discerner... Ses pattes avant opèrent un galop infatigable,
toutes deux accrochées à l'étoile Bêta. Son
cou, élancé, s'enracine sur l'étoile Alpha (Alpha
Pégasi). Quant au museau, il hume l'air des grands larges
à l'étoile Epsilon : "Enif", c'est son nom...
15° = 1 h puisque 360° = 24 h. Les méridiens 23 h
et 0 h encadrent le carré de Pégase. Le 20ème
parallèle le coupe par le milieu. Grande cette constellation
puisqu'elle couvre plus de mille degrés carrés
(1121°). Vaste pâture...
"51 Pegasi " : voyez-vous sur la carte cette petite étoile, si
proche du parallèle 20°, à l'orée du
côté ouest du carré, de magnitude 5,49 , juste
visible à l'oeil nu ? Elle vient de faire une entrée
fracassante dans le monde des stars : elle abriterait,
cachée dans ses rayons, une planète. Oui, une
"exoplanète", ou une "planète extrasolaire" si vous
préférez, la première repérée en
dehors de notre système solaire. (1) Grande
découverte ! L'affaire remonte à l'année 1995.
Deux astronomes suisses (2) surveillaient depuis quelques mois
cette étoile candidate, située à 42 a-l, et bien
semblable (G4) au Soleil. Alors pourquoi n’aurait-elle pas elle
aussi des planètes ? Venus à l'observatoire de Haute
Provence - chez nous ! - ils détectèrent dans sa
lumière un mouvement significatif : l'étoile s'approchait
puis s'éloignait, par un mouvement radial, d'une façon
alternative, en une période de 4,23 jours, et à une
vitesse tout à fait conforme à ce qu'on espérait :
59 m/s. "Il doit y avoir une planète massive, invisible,
tournant en 4,23 j, et exerçant sur l'astre de feu une
attraction sensible à nos appareils enregistreurs." Et d'aligner
les chiffres. "Elle doit se trouver à 7,5 millions de km de
l'étoile". Très proche ! "Nous estimons sa masse entre
0,4 et 1 masse jovienne (3) . Tout est dit, ou presque...
Nouveauté, nouveauté vraiment !... Et de donner un nom
à leur rejeton : "Bellérophon", en souvenir du
héros légendaire qui chevaucha Pégase
jusqu'à l'antre de la Chimère : cet animal
fantastique, mi-chèvre, mi-lion, mi-serpent... un vrai diable.
Personne n'a jamais vu un rayon de sa splendeur - je parle de la
planète - pas même les découvreurs, mais seulement
le balancement de son étoile. Une planète de la taille de
Jupiter à un jet de son étoile ? "Impossible ! dirent les
uns : un corps gazeux - car il l'est, vu sa masse –
auprès d’une fournaise ardente, fond comme neige au soleil
! Et comment aurait-il pu se former dans cette région,
puisque l'étoile a balayé depuis longtemps sa banlieue
proche ? " Et les autres de rétorquer : "Et si
Bellérophon a migré des régions riches de ce
système solaire, spiralé lentement vers son
étoile, pour se stabiliser ensuite autour d'elle ?... " Les
spéculations vont bon train... et durent encore...
a Alpha Pegasi : Markab
a : 23 h 04 m 45 s d :
15° 12' 19" Sp : B9
V T : 11 000 K (BC :
-0,66)
m = 2,49 M = -0,67 L =
160 p = 23,36 Dist :
140 a-l simple
"Markab" = "l'épaule" de Pégase (traduit faussement par
"monture") sise à la base du cou, à la racine des ailes.
Comment ne pas être propulsé jusqu'aux confins du monde
par l'énergie qui s'échappe de cet endroit : 160
soleils... Va, belle jument, infatigable dans tes courses
aériennes... Etoile bleue. Pour l'heure, Markab fait halte
à 140 a-l : Persée laisse aller la bride et reposer
son fidèle coursier. 4,5 rayons solaires dans cette
étoile, 4,7 dans sa masse.
g Gamma Pegasi : Algenib.
a : 0 h 13 m 14 s d :
15° 11' 01" Sp : B2
IV T : 21 000 K
(BC : -2,3)
m = 2,83 M = -2,22 L =
650 p = 9,79 Dist : 330
a-l
variable + 2 compagnons
"Algenib" = "l'Aile" de Pégase (traduit faussement par "flanc"),
étoile sise à l'extrémité de l'aile,
accrochée à l'angle sud-est du carré, caressant le
dos. Elle frissonne d'un léger battement, presque imperceptible.
Va-t-elle s'ouvrir pour engager un nouveau galop ? Ou bien se fermer
tout à fait pour reposer un instant ? Nul ne sait...
L'éclat de cette étoile passe de la magnitude 2,80
à 2,87 en moins d'un jour (0,157495 j). Voyant
caractéristique d'une "Céphéide Bêta".
"Attention ! attention ! dit-elle, j'arrive à cours de
carburant. De graves événements se préparent en
mon sein... préparez-vous au meilleur comme au pire !..."
Allons-nous assister bientôt au spectacle étonnant de
l'allumage de l'hélium, qui, rappelons-le, peut être
éruptif ? D'autant plus que l'étoile est massive : 11
masses solaires. Aile au plumage bleu, chaude sous son couvert 21 000
K : couveuse idéale, où tournent à plein
régime 650 soleils chargés d'ultraviolets. Enceinte
royale, grande comme 5,4 rayons solaires. Nous voudrions y
être... mais elle se trouve à 330 a-l.
Algenib est accompagnée d'une étoile double. A 163" se
promène en effet un couple d'éclat très faible :
11,7 et 12,3 écarté de 20"4 seulement.
Agréable décor...
b Bêta Pegasi : Scheat.
a : 23 h 03 m
46s d :
28° 04' 58" Sp : M 2,5
II-III T : 3325 K (BC :
-2,2)
m = 2,44 M = -1,49 L =
330 p = 16,37 Dist : 200 a-l
variable + 2 compagnons
"Scheat" = "la patte" (l'avant-bras) où s'articule le galop
impétueux, impossible à maîtriser ! Depuis la nuit
des temps, il opère sa ronde inlassable, pur sang vif et
fringant... A lui les cieux et toute leur beauté, cet espace
à trois dimensions... "Scheat" : encore une étoile
capricieuse qui brille comme bon lui semble, grimpant tantôt
à la magnitude 2,31, chutant sans prévenir à la
magnitude 2,74 - écarts extrêmes - en un temps tout
à fait irrégulier. Cependant la variation d'éclat
n'est jamais brusque, lente plutôt. Qu'a-t-elle mangé
notre jument ?... L'étoile cherche un équilibre -
radiatif - qu'elle a grand peine à trouver. Notre terre ne
survivrait pas sous les feux de ce ballon rouge sang, dont le rayon,
immense, viendrait la caresser : 103 millions de km (147 rs). 330
soleils s'échappent jour et nuit de cette géante,
irradient l'espace d'infrarouge, avant de parvenir jusqu'à nous.
8,8 masses solaires habitent son enceinte. Notre soleil aussi
connaîtra cette phase de géante rouge, quand l'heure en
sera venue. Dans 5 milliards d'années, pas avant. Alors la Terre
aura joué son rôle de mère-porteuse... Elle
galope cette patte à 200 a-l.
Deux étoiles, visibles au télescope, accompagnent
"Scheat" dans ses expéditions nocturnes : à 108"5 et
253"1, magnitude 11,6 et 9,4 respectivement.
Eta Pegasi : Matar.
a : 22 h 43 m 00s d :
30° 13' 17" Sp : G2
II-III T : 5700
K (BC : -0,1)
m = 2,93 M = -1,16 L =
250 p = 15,18 Dist : 215 a-l
spectroscopique et multiple
"Matar" : la cavalière, l'intrépide, installée
confortablement sur le genou droit de la patte avant, et qui
dévore les années-lumière : 215 a-l. "Matar" : la
sauvage qui s'ébroue dans les pâturages infinis de
l'espace, et qui court sous la pluie, car son nom signifie : "Le
bonheur de la pluie". Il y a de grands nuages dans le ciel, n'oublions
pas... nébuleuses gazeuses... Quatre étoiles
l'environnent et forment avec elle un joyeux choeur. La plus brillante,
mag 9,9 sise à 90"4, est une double serrée (0"2) ; les
deux autres sont d'éclat très faible (13,8 et 15).
"Moi aussi, je suis double, s'écrie notre invitée. Mais
je cache mon jeu aux regards indiscrets. Dans mes chevauchées
interminables, je suis accompagnée d'un soleil - mon
fidèle cocher. Je ne vous dirai ni sa couleur ni sa grosseur, je
garde ce secret pour moi. Sachez une chose cependant : il gravite
autour de moi en 818 jours. Rapide pour une étoile. Elle n'est
guère plus loin que votre planète Mars l'est du Soleil !
Nous rayonnons ensemble comme 250 soleils réunis. Je suis pour
ma part une géante jaune, des plus chatoyantes - comptez au
moins 16 rayons solaires
m Mu Pegasi : Sadalbari.
a : 22 h 50 m 00s d : 24° 36'
06" Sp : K0 III
T : 4900 K (BC : -0,5)
m = 3,51 M = 0,74 L =
43 p = 27,95 Dist : 117
a-l simple
"Sadalbari" = "Le bonheur de l'homme émérite" :
Persée, évidemment. Le galop infernal s'est
rapproché. Sadalbari, accrochée au poitrail avec
l'étoile l, brille à 117 a-l. Laissons venir...
L'étoile, grande comme 11 soleils oranges, massive comme 3,2
soleils, envoie son flot d'énergie à des années
lumière à la ronde : 43 soleils dans sa flamme, aux
couleurs si chaudes, visible depuis chez nous, tel un lumignon
fixé au collet de Pégase...
z Dzêta Pegasi : Homam.
a : 22 h 41m 27 s d :
10° 49' 53" Sp : B 8,5 V
T : 12 000° (BC :
-0,75)
m = 3,41 M = -0,62 L = 150
p = 15,64 Dist : 210 a-l
double
"Homam" = "Le bonheur du héros" : Persée toujours,
l'homme au grand coeur. L'étoile est attachée à la
crinière, battue par les vents, au gré des
chevauchées éternelles... 150 soleils s'échappent
de son rayon bleu, grand comme 4 rayons solaires, massif comme 4,8
masses solaires. Belle étoile, rangée dans la
série principale, située à 210 a-l.
Un compagnon de magnitude 11,4 réside à 64"3 d'Homam.
e Epsilon Pegasi : Enif.
a : 21 h 44 m 11 s
d : 9° 52' 30" Sp : K2
Ib T : 4500 K (BC :
-0,9)
m = 2,38 M = -4,19 L =
4000 p = 4,85 Dist :
670 a-l variable et triple
Enif !... E-nif !... L'entendez-vous ? Elle éternue, elle hennit
notre jument grise... Ses "naseaux" piaffent et soufflent,
dilatés à l'extrême. Passants, écartez-vous
!... L'étoile est variable. A la fin du siècle dernier,
Flammarion notait une variation de 0,8 magnitude tous les 25 jours (de
2,4 à 3,2). Assez tranquille somme toute. Lorsqu'en 1972, elle
grimpa à la magnitude 0,7. Pourquoi ce brusque sursaut
d'éclat ? Colère subite, qui fit pâlir tous les
astronomes. Aujourd'hui encore, ils en ignorent la cause exacte. Est-ce
parce que l'étoile, trop grosse : 153 rayons solaires - soit 107
millions de km - a perdu une partie de son "manteau", sous la
poussée d'une toux nucléaire ? Locale ou
générale ? Qui peut savoir ?... Belle luminosité
en moyenne : 4000 soleils ! la plus puissante de notre
série. Elle demeure à 670 a-l, très loin, sinon,
quel éclat dans notre ciel d'automne ! 12 masses solaires se
partagent ses grâces.
Deux étoiles tiennent compagnie à cette curiosité
de la nature : la première de magnitude 11,2 à 81"8, la
seconde de magnitude 8,4 à 142"5.
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