P e r s é e     (Per)
P e r s e u s    (i)     (615 degrés carrés)


    Persée, l'homme au grand coeur, qui délivra Andromède des fureurs du monstre.... Regardez : ces bras écartés semblent voler à son secours. On le croirait... en fait ce V caractéristique - composé d'une grande et d'une petite branche - incarne d'une part la jambe du héros, et son bras, respectivement. Au bout du bras : Méduse, la terrible gorgone qui pétrifie quiconque la regarde. Ne vous attardez pas !

    Où trouver Persée ? Sur la "Route de saint Jacques" = la Voie Lactée, qu'il a suivie volontiers au cours de son périple.  Le voici aux côtés de Cassiopée, qu'il rejoint par le sud, belle-mère fort jolie comme chacun sait... Entre les deux, une aire assez vaste, délicatement laiteuse, sur laquelle se détache une région blanchâtre  : les "amas de Persée", "h et Khi", célèbres entre tous, splendides à l'oculaire d'un télescope. Combien d'étoiles dans ces frères jumeaux ? Un millier peut-être, nées dans une même nébuleuse qui s'est effondrée en deux fragments distincts. Leur distance : 7700  a-l. Leur âge : 10 millions d'années, pas davantage... En ce lieu, Persée brandit sa main droite qui porte le sabre, dont la pointe étincelle à l'étoile Phi. Plus au sud, le coeur du jeune homme - Mirfak, Alpha Persei (à l'angle du V) - brille d'un éternel éclat. Sa jambe gauche (la grande branche du V) s'étire jusqu'aux Pléiades. Facile à reconnaître donc. Les étoiles rassemblées en bouquet autour de la tête de Méduse  : Algol, (Bêta Persei), dévoilent les serpents pris dans sa chevelure. Pas drôle du tout !
    Voici décrit l'homme au grand coeur, qui habite entre 3 et 4 heures sidérales. Mirfak passe à 50° de déclinaison nord.

    En 1901, une nova spectaculaire illumina la constellation. Elle s'alluma entre les deux branches du V, (coordonnées 2000  : A.D  : 3 h 31,2 m  ; Déc  : 43°54'), grimpant brusquement à la magnitude 0,2  le 24 février . Son nom : "GK Persei" donné depuis lors. Elle saluait à sa manière le siècle neuf. On examina avec attention sa courbe de lumière, et son spectre. On découvrit bientôt qu'il s'agissait d'un système binaire en interaction. Toutes les novae, pense-t-on aujourd'hui, prennent naissance au sein d'un couple d'étoiles. Pas n'importe quel couple évidemment ! Il faut que les partenaires soient proches, la principale suffisamment grosse, pour remplir son "lobe de roche" : la région au delà de laquelle l'attraction de l'étoile secondaire devient prépodérante  ; troisième condition, indispensable  : que le compagnon dévoreur soit une "naine blanche", une étoile de petite dimension, très dense, qui n'a plus de réactions nucléaires, un astre "à la retraite", - sans vie active - passablement rabougri... Celle qui gravite autour de GK Persei est si proche de sa compagne qu'elle boucle son orbite en moins d'un jour (16 h 27).

    Dès lors, que se passe-t-il ? La matière de l'étoile géante – son hydrogène – s’en vient tournoyer autour de l'astre "éteint". Un disque d'accrétion se forme peu à peu. En tombant sur la naine blanche, ce gaz s'échauffe, jusqu'au jour où la température devient suffisante (20 millions de degrés) pour enclencher une réaction nucléaire de surface, d'autant plus violente et rapide que les éléments lourds de l'étoile naine : carbone, oxygène, azote... servent de catalyseur. Boum ! La nova explose ! L'étoile ressuscite momentanément !  L'hydrogène fusionne. L'énergie libérée provoque l'éclat que l'on sait et l'éjection à grande vitesse (3000 km/s) du disque d'accrétion. Celui-ci s'épanche dans l'espace, se disperse en quelques dizaines d'années, un siècle tout au plus. La nova de 1901 fut rapide : son maximum chuta très vite. 30 jours plus tard, l'étoile était de magnitude 4. Il existe des novae lentes, qui s'attardent au voisinage du maximum, et des novae récurrentes, moins spectaculaires, qui renouvellent leur exploit dans le temps : second afflux de matière sur la naine blanche, seconde explosion... etc... cycle perpétuel...

     Une abondante source de rayons X s'échappe encore de GK Persei. Actuellement sa magnitude oscille entre 11 et 14.  Rejaillira-t-elle un jour ?... GK Persei : la bonne ou la mauvaise étoile du XXème siècle ?... Elle annonçait, hélas ! la "Puissance de Feu" de la Grande Guerre, qui fut épouvantable, ainsi que la "Force de Frappe" du grand Charles, et consorts... Pas brillant du tout...

   
GK Persei… si Einstein avait su… Figurez-vous que l’enveloppe gazeuse de cette Nova s’est enfuie dans l’espace 14 fois plus vite que la lumière. On l’a vue ! Calcul fait, c’est bien vrai ! Première "source superluminique" de  l’histoire ! Si Einstein avait su… lui qui lançait quelques années plus tard (1905) son fameux  postulat de la vitesse de la lumière comme vitesse limite qu’aucun mobile ne saurait dépasser. Prophétique cette Nova ! Qui saura lire son message ?…



    a    Alpha  Persei  : Mirfak    (ou Algénib)

    a  : 3 h 24 m 19 s       d  : 49° 51' 40"     Sp  : F5  Ib        T  : 6700 K    (BC  : -0,1)
    m = 1,79    M = -4,5      L = 5300    p = 5,51    Dist : 590  a-l     simple

    Honneur au coeur vaillant : "Mirfak", le sauveur d'Andromède. Il a risqué sa vie, pour délivrer l'infortunée. Ce nom conservé dans les catalogues modernes signifie "coude", celui d'une femme : constellation depuis longtemps disparue, qui englobait Cassiopée, Persée, le Taureau, la tête de la Baleine ; grande et belle déesse... On devrait donc dire "Algénib" = le "côté" de Persée, plus adaptée aux données du problème !  Disons, à la décharge des astronomes, qu'une autre étoile brillante porte le nom d'Algénib = "l'aile" du cheval Pégase : g Pegasi. Autant ne pas les confondre ! Une flamme dévorante jaillit de ce coeur héroïque : 5300 soleils. Supergéante blanche, que notre esprit peine à imaginer  : 55 rayons solaires, soit 38 millions de km ! Coeur pur, sans souillure... 11 masses solaires nourrissent cet organe  : de quoi battre longtemps pour sa chère Andromède ! Ce sauvetage se déroule à 590  a-l.    
Un coeur double Persée ?... Y songez-vous !...


    g    Gamma  Persei

    a  : 3 h 04 m 47 s    d  : 53° 30' 23"    Sp  : G8 III et A3 V T  : 5000 et 9200 K  (BC :-0,5 et -0,5)
    m = 2,91    M = -1,57   L =  360 soleils      p = 12,72    Dist  : 260  a-l     triple


"Gamma Persei" : le cerveau, l'intelligence éclairée, dont le dessein est désormais scellé : il sauvera celle qu'il aime, coûte que coûte ! Gamma : deux étoiles qui s'enlacent, comme elle et lui. Las ! ce baiser, vous ne le verrez pas, car elles sont trop lointaines ces deux étoiles  : 260  a-l. Bisous spectroscopiques ! Autant voir à cette distance l’écartement Soleil-Jupiter. La ronde s'étire sur 14,6 ans. 360 soleils s'échappent de cette "flamme" jaune et bleue. Bien rondouillet, le ventre de monsieur. Qu'importe... ils s'aiment...
    Une troisième étoile de magnitude 10,6  s'approche du couple à 57". Curieuse !


    d    Delta  Persei.

    a  : 3 h 42 m 55 s      d  : 47° 47' 15"     Sp  : B5 III    T  : 17 000 K      (BC  : -1,8)
    m = 3,01    M = -3,04      L = 1400    p = 6,18    Dist  : 530  a-l un compagnon

    "Delta Persei", qui brille sur la cuisse de la jambe gauche. L'homme au sabre levé, attend son gibier du jour : le poisson qui attaque Andromède. Bleue sous l'effort, cette cuisse : 1400 soleils sortent tout chauds de ses muscles tendus. Vibrante énergie !  9,5 rayons solaires dans son rayon, 12 masses solaires en réserve. Il vaincra ! Le combat se passe à 530  a-l.
    A 99"1, une étoile de magnitude 10,3 encourage le lutteur.


    e    Epsilon  Persei

    a  : 3 h 57 m 51 s         d  : 40° 00' 37"     Sp  : B0,5  V        T  : 23 500 K    (BC  : -2,8)
    m = 2,9    M = -3,19      L = 1600    p = 6,06    Dist  : 540  a-l     Triple

    "Epsilon Persei", le genou, décidé, volontaire. 23 500 K sortent de cette rotule brûlante. Etoile d'un bleu acier, dont l'éclat grimperait à 20 000 soleils si l'on pouvait saisir son rayonnement ultraviolet. Dans le visible elle brille comme 1600 soleils réunis! Car il faut le tuer ce monstre ! 8,5 rayons solaires savamment rangés dans ses dimensions, 16 masses solaires pour gagner la bataille. A craindre ! Nous sommes ici à 540  a-l.
Assistent à l'assaut 2 compagnons de magnitude 8,1 et 13,8,  à 8"8 et 78"1 d'écartement.


    z    Dzêta  Persei  :  Atik.
 
    a  : 3 h 54 m 07 s      d  : 31° 53' 01"      Sp  : B1 Ib    T  : 23 000 K     (BC  : -2,9)
    m = 2,84     M = -4,55    L = 5600   p = 3,32    Dist  : 980  a-l     quintuple

    "Atik", le pied aux 5 orteils... normal, me direz-vous... dressés en éventail !  Regardez à l'oculaire, comptez : 4 étoiles de magnitudes  9,5  11,3  9,5  10,2 encadrent la principale - le pouce, sans aucun doute. Il est classé parmi les étoiles supergéantes, s'il vous plaît : 17 rayons solaires - les étoiles bleues, rappelons-le, ne sont jamais très, très grosses. 23 masses solaires  dans cet unique doigt ! Examinons maintenant son éclat : éblouissant ! chargé d'ultraviolets dangereux ! car si 5600 soleils frappent notre rétine, 76 000 l'atteignent avec les ondes courtes. Qui pourrait vivre auprès de cette étoile ? Je me le demande... Elle se trouve à 980  a-l.


    b    Bêta  Persei  :  Algol.

    a  : 3 h 08 m 10 s  d  : 40° 57' 21" Sp  : B8 V et K2 IV  T : 13 000 et 4500 K  (BC : -0,85 et -0,5)
    m = 2,09    M = -0,18      L = 100    p = 35,14    Dist  : 93  a-l     Triple et algolide

   
Algol = le "monstre", Méduse, que vous attendiez tous... Là voici, diabolique, cannibale, vampire... Oui, elle dévore ses adversaires, l'observation l'a révélé, et après les avoir pétrifiés. Prenez garde ! Un "amoureux" de cette étoile - il en existe - a étudié Méduse sous toutes ses coutures. "Ma chérie !" l'appelle-t-il, un sourire attendri aux lèvres. Cet astronome passionné, marseillais de surcroît - Emile Nègre - a tout dit sur "l'étoile magique". Je m'en tiendrai à ses données et conclusions.

    Algol : depuis l'antiquité, l'étoile fascine. L'oeil - pourtant bien averti - ne peut s'empêcher d’observer. Et pour cause !  En 2,8673 jours, son éclat varie. D'abord flamboyante pendant 25 h 27 m, (m = 2,20), elle chute en 4 h 17 m,  devient jaunâtre, (m = 3,47) pendant 17 m, retrouve enfin son état initial en un temps égal au premier (4 h 17). Telle est sa demi-période.

25 h 27 m plus tard, elle recommence, mais cette fois-ci la chute de lumière est moindre (m = 2,26), quoique un peu plus longue : 4 h 24 m. Son disque apparaît alors nettement bleu pendant 16 m. Après quoi elle remonte à l'état initial en un temps égal au premier (4 h 24), ayant achevé sa période. A nouveau pimpante, elle s'apprête à entamer, infatigable, un nouveau cycle, copie conforme du précédent. Durée totale d'une mise en scène : 2 j 20 h 49 m  (2,8673 jours)
   
De toute évidence, Méduse, grimaçante, cherche à troubler l'observateur. Mais celui-ci, opiniâtre, s'acharne. Il découvre derrière ce stratagème séducteur, la ruse imaginée par la Gorgone : en fait, il n'y a pas une, mais deux étoiles, qui s'éclipsent mutuellement.  La bleue, très chaude (13000 K), massive (4,72 masses solaires) règle la danse de sa compagne, jaune orangée (4500 K)  de 0,95 masse solaire, beaucoup plus légère. L'étoile cannibale, c'est elle ! la bleue, qui suce à petit feu la substance de l'étoile jaune. Comment échapper à cette emprise ? Et pourtant cette seconde étoile est plus grosse que son bourreau, oui, en dimension : 3,76 rayons solaires contre 3,57 pour la principale, donc de densité plus faible. Le festin a commencé, il ne s'arrêtera pas. 11 millions de km seulement, de centre à centre, séparent les composantes. Elles sont si proches qu'un phénomène de marée se déchaîne à leurs surfaces. De bord à bord, l'écartement des deux étoiles tombe à 6 millions de km.  Une chimère ! Dans un temps que je ne saurais chiffrer, la danse macabre cessera, faute de combattant : l'étoile bleue aura gobé son oeuf géant. Oui, un oeuf : un ovoïde parfait. Titanisée depuis longtemps par sa rivale, l'étoile jaune n'a plus de rotation sur elle-même. Comme la Lune, elle lui montre toujours la même face. L'effet de marée a modelé cette forme géométrique chère à nos gallinacés. La valeur maximale de la déformation est de 770 000 km à l'équateur pour un rayon de 2,63 millions de km, soit le tiers ! 770 000, c'est grosso modo le rayon du Soleil, dans la déformation ! L'étoile bleue subit également une marée, moindre. Ayant un mouvement de rotation sur elle-même, sa forme est celle d'un ellipsoïde de révolution.  La déformation maximale atteint 10 500 km pour un rayon de 2,5 millions de km : de l'ordre du millième (4/1000). 10 500 km  : grosso modo, le diamètre de la Terre !
   
Voilà ce que l'étude spectroscopique d'Algol a révélé : un diable à deux têtes, l'un dévorant l'autre, telle une sangsue vorace. Lorsque l'étoile jaune éclipse la bleue, nous sommes au minimum d'éclat (m = 3,47). Lorsque la bleue, très brillante, éclipse la jaune, nous voyons le minimum secondaire (m = 2,26). Par une heureuse coïncidence, le plan de révolution de ces deux astres est sur notre rayon visuel, d'où ce phénomène d'éclipses réciproques. Algol est devenue le chef de file de ces binaires à éclipses, qui sont nombreuses. Classées parmi les étoiles variables, on les appelle, comme de bien entendu, les "Algolides". 3500 sont recensées.

    Croyez-vous que le récit de mon histoire tourmentée soit terminé ? Eh non ! Méduse a plus d'un tour dans son sac. Un troisième corps interfère dans ce système déjà complexe. Une étoile métallique, bleue acier, ose s'aventurer à 353 millions de km du couple fou. Sa ronde en 1 an 314 jours, (1,8613) est une provocation manifeste : elle cherche à distraire ce repas gargantuesque, mais aussi à troubler l'oeil de l'observateur. A l'oculaire, cependant, ces trois étoiles sont confondues. Algol est beaucoup trop éloignée - 93  a-l - pour que ce triplet apparaisse. Cette dernière étoile ne produit aucune éclipse sur le couple.
    Souvenez-vous d'Algol, un monstre à trois têtes, vorace, insatiable...


    r    Rhô  Persei

    a  : 3 h 05 m 10 s      d  : 38° 50' 25"     Sp  : M4  III    T  : 3250 K    (BC  : -2,6)
    m = 3,32    M = -1,67    L = 390    p = 10,03    Dist  : 320  a-l       variable

    Après la tête aux trois visages, la vipère aspic, dans la chevelure de Méduse ! Qui va-t-elle surprendre de sa morsure ? Pas vous, qui êtes à 320  a-l ! Cette géante rouge-sang, gigantesque, a avalé plus d'une couleuvre, croyez-moi. Rendez-vous compte : 200 rayons solaires dans ses dimensions, soit 140 millions de km  : la distance de la Terre au soleil ! Sur le ventre du reptile, tournerait notre planète !
    "Je suis grosse, soit, et malgré cet embonpoint, très énergique. 390 soleils sortent de mes feux, 4000 s'échappent de mon rayonnement infrarouge."
    Cesse de nous charmer, aspic mortel. "Mais quels sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? et ces signaux ?... " Tous les 50 jours (environ) l'étoile passe de la magnitude 3,30 à 4. Quel stratagème a-t-elle inventé là ?... Classée parmi les variables semi-régulières (SR b), son éclat dépend  en fait de plusieurs cycles qui se superposent. Ainsi elle aurait une seconde période de 1100 jours... Pourquoi ? Allez savoir...

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