L'observation des Supernovae par les astronomes amateurs... même débutants

 



Qu'est ce que les supernovae ?


Les supernovae sont des étoiles très massives qui, devenant instables, explosent très brutalement.
Ces explosions sont alors suivies d'un gigantesque expansion du gaz formant l'étoile et d'une augmentation très importante de sa luminosité. Les supernovae sont donc visibles de très très loin, de quelques dizaines de millions d'années-lumière pour les plus lointaines visibles par les amateurs à quelques milliards d'années-lumière pour les plus lointaines. Elles jouent un rôle essentiel dans l'enrichissement du cosmos en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium. Notre propre matière a été fabriqué dans une étoile qui a explosé en supernovae dans un lointain passé, bien avant la naissance du système solaire.

Très intéressantes à plus d'un titre, les supernovae ont toujours intrigué les Hommes. Les Chinois ont observé et noté celle qui a donné naissance à la célèbre nébuleuse du Crabe (Messier 1). Les astronomes de la Renaissance sont les derniers à en avoir observé une présente dans notre galaxie. La science moderne tire aujourd'hui profit de ces flashes dans l'Univers pour essayer de mieux en comprendre sa structure.

Le site suivant explique très bien le phénomène et les apports des observations des supernovae :

http://cdfinfo.in2p3.fr/Experiences/SNIa/SN.htmlLes supernovae, un exposé de Alain BOUQUET du Collège de France
 

L'observation par les amateurs


Annuellement, on détecte aujourd'hui une centaine de supernovae. Elle ne peuvent être toutes suivies photométriquement ou spectroscopiquement par les observatoires professionnels. Les astronomes amateurs jouent aujourd'hui un rôle non négligeable dans leur observation.












En effet, grace à l'évolution technologique des télescopes et la disponibilité des caméras CCD notamment, de nombreux amateurs observent les supernovae pendant les plusieurs semaines que dure le phénomène.  Des groupes d'observations se sont ainsi constitués de par le monde. L'intérêt de ces groupes consiste à fournir l'information dès la détection et de collecter les mesures obtenues.

La mail-liste Aude-L regroupe un certains nombres d'observateurs francophones et le site Supernovae des observateurs 

http://astrosurf.com/snweb2/

montre les résultats acquis et donne de nombreux conseils et méthodes de travail.
 

Petite Bibliographie de l'internet


L'internet est bien-sûr un véhicule d'informations très riche sur l'Astronomie et notamment sur les supernovae :

http://www.supernovae.org/isn.htm  International Supernovae Network
http://www.ggw.org/asras/supernova.html  Supernova in NGC and IC galaxies.
http://scully.harvard.edu/~cgi/CheckMP  (Super)Nova-Suspect Minor-Planet Checker

parmi bien d'autres.
 

Exemple d'observation par un amateur débutant en CCD

Le 9 Janvier 2000, le ciel se dégageait enfin sur Cesson (F-77). Après avoir réalisé quelques vues de Jupiter et Saturne, je décidai de tenter l'observation d'une supernova récenteSN1999gi. Je choisissait une cible facile : la galaxie faisait Mv=13 et la supernova était annoncé à 14. Le télescope de 200mm devait me permettre de ne pas chercher trop longtemps.

Je n'avais pas à ce moment de carte de champ ni liste des étoiles étalons. Ces documents sont en fait important pour faciliter la recherche et bien cadrer la supernova et les étalons photométriques. J'y penserai la prochaine fois !

Les coordonnées de NGC3184 la galaxie hôte sont :  10h18mn17s et +41°25'26'' c'est à dire dans la Grande Ourse, en limite du Lion. Le repérage est très simple : visez Mu Uma et décalez vous de 8mn vers l'Ouest environ. Le noyau était juste perceptible : il faut dire que le site est loin d'être parfait : un lampadaire au Sodium HP m'éclaire directement le dos !

Une fois la zone trouvée, j'effectue alors une série de poses de 15s en associant les pixels en mode 4x4. Ainsi le flux par pixel est 16 fois plus fort qu'à pleine résolution. On aperçois ainsi facilement la galaxie et la supernova.

Après un recadrage, je règle le binnig en 2x2 et commence une serie de pose de 15s maxi (la mise en station est mauvaise)

L'image suivante donne un aperçu de ce que l'on récupère à chaque pose. Les bras spiraux de la galaxie sortent à peine du bruit de fond. Le problème est de bien la repérer, ce qui est d'autant plus difficile que l'écran du portable qui me sert à l'acquisition ne montre que 16 niveaux de gris.



Comme je n'ai pas de dispositif permettant de suivre automatiquement lors des poses, ni lunette guide, ainsi le défaut d'alignement de mise en station n'est pas trop visible. Toutefois, à postériori je me suis aperçu qu'il est important de recadrer entre les poses : lors de l'addition des images, l'intersection est ainsi plus importante et l'image résultante est plus grande.

Il est 0h30 je fais quelques 'offsets' et 'noirs' et je range le matériel.

Le lendemain soir le ciel est couvert. Je consulte le site maintenu par Jean-Marie Llapasset (SNAude) et je vérifie que je ne me suis pas trompé !
Bon, c'est bien la bonne galaxie avec la supernova à sa place . Le mauvais temps se  maintient et je commence le traitement des images de la veille. Une première petite addition d'images brutes permet de voir les bras spiraux.

Méthode de réduction employée

Lorsque l'on fait de l'observation CCD, un certain nombre de précautions sont à prendre pour pouvoir utiliser ses images dans un objectif un peu scientifique. Ces prérequis sont souvent jugés lourds par les débutants mais ils sont nécessaires si l'on veut vraiment avoir des résultats exploitables par la suite. Parmi ces précautions, je note :
 
- avoir une mise en station permettant des poses d'au moins 30s sans bougé perceptible, ce qui n'est pas le cas ici, malheureusement, le réglage est trop mauvais. L'alignement entre l'axe mécanique et optique du viseur polaire de la monture doit être trop approximatif actuellement. J'y remédierai dès que possible.
- faire des PLU pour chaque combinaison optique (focale, filtres,...)
- enregistrer des images d'offset (précharge)
- enregistrer des images des charges thermiques (noir ou dark en anglais) si on n'en dispose pas encore
- régler l'horloge du PC d'acquisition le plus précisément possible
- indiquer les conditions de prise de vue dans l'entete FITS des images
- pour ma caméra, réguler la température en mode 'Moyen' c'est à dire -10°C au dire du fabricant. Le mode 'Maxi' n'est pas associé à une consigne particulière et donc la température peut fluctuer selon les conditions extérieures.
La règle précis de l'horloge vaut surtout en astrométrie mais l'habitude est bonne à prendre.

Dès que je peux et au chaud, je sauvegarde les images sur des disques Zip qui me permet également le transfert vers le PC de dépouillement. J'envisage par la suite de graver des CD de mes archives.

PRISM est utilisé pour dépouiller les images :
 

- conversion des fichiers FITS au format CPA par la commande Fichier / Conversion de format.
- Les images sont triées par objet observé
- Tri des images mauvaises avec le browser d'image puis au format normal
- Je renomme les images restantes de SN99gi-1 à SN99gi-29
- Début du prétraitement :
- Création d'une image dite Médiane des images de précharge (offset) et de charges thermiques (dark)
- Les PLU sont regroupées par paquets desquels je prends la Médiane puis la Somme totale.
-  La fonction Prétraitement / Enlever Dark, Offset, Flat se charge de prétraiter automatiquement les images du ciel
- Les images de la supernova sont posées 15s seulement, l'opération suivante consiste à les additionner en les recalant : la commande dans PRISM Prétraitement / Addition en série et recalagenécessite :
- de définir le nom générique (ex SN99gi)
- de donner le  numéro de la première et de la dernière image
- Un coefficient de normalisation inférieur à 1 qui, multiplié aux images, permet de ne pas saturer après la somme
- je clique sur Recalage auto et Recalage par intercorrélation
- sélection du répertoire où se trouve les images et
- go !
L'addition est la phase la plus longue (10 bonnes minutes dans ce cas) et c'est à ce moment (et au prétraitement) que la puissance de la machine fait la différence.
- Après un réglage des seuils, on peut alors contempler le résultat de deux soirées d'effort !

- L'analyse peut commencer :

- à l'aide de la carte de champ trouvé sur le Site SNAude, je choisis et repère les étoiles étalons. D'où l'importance d'avoir cette carte au moment de la prise des vues.
- 5 étoiles étalons sont prises : N3184-A, U140, U137, U156 et U159. Les quatres dernières proviennent du catalogue USNO SA-2 , les magnitudes sont dans le Rouge,   c'est à dire dans la zone la plus sensible du capteur.
- la fonction Analyse / Photométrie / Etalonnage permet de désigner manuellement les étoiles et de saisir leur magnitude une par une
- la fonction Analyse / Photométrie / Mesure permet enfin de mesurer l'éclat de la supernova : Mr=14.37+-0.11

Cette méthode a le mérite d'utiliser un modèle des étoiles. Il n'y a pas de zone à selectionner à la main et généralement considérée plus précise que la méthode dite par photométrie d'ouverture également proposée dans PRISM. Testée avec les mêmes étoiles, j'obtiens les résultats suivants selon la zone sélectionnée autour des étoiles et à coté pour les mesures de fond de ciel  :

    14.24  14.34  14.28  14.26 soit 14.29+-0.05ce qui semble être dans ce cas plus précis.
 

J'ai refait la mesure sur les images brutes de télescope et j'ai trouvé 14.44 +-0.18
 

- Rédaction d'un message à destination de la liste Aude-l et notamment Jean-Marie Llapasset qui centralise les mesures et les images et surtout gère le site SNAude. Si vous désirez connaître les autres observations relatives à cette supernova, regardez le lien http://www.supernovae.net/snimages/sn1999/sn1999gi.html


Ce traitement informatique a duré environ 1h mais j'ai découvert les commandes de PRISM un peu au fur et à mesure.

Le matériel utilisé consiste principalement en :

- en télescope Celestron 8 sur monture allemande fixée sur une colonne en béton, le tout protégé par un abri de jardin.
- une caméra CCD faible flux  HiSIS 23 (capteur KAF400 refroidi à -10°C)
- le logiciel d'acquisition est QMips32 v1.4c dédié HiSIS et fonctionne très bien sur
- un petit PC portable d'occasion (IBM Thinkpad 360 : un simple 486DX2-66 avec 20Mo de RAM et 300Mo de disque)
- le PC de dépouillement est à peine plus puissant, malheureusement : Pentium à 100 MHz + 32Mo de RAM
- le logiciel PRISM V3 a été utilisé pour le prétraitement et le dépouillement des images.

Conclusion

Cet exercice parait être un travail de fourmi, il est vrai. Mais la motivation donnée par le fait d'avoir un résultat présentable est vraiment importante.
J'ai essayé de montrer qu'avec un petit peu de méthode et de rigueur, un astronome amateur (débutant ce genre d'observation) équipé d'une caméra CCD peut faire, sans prétention, un peu de 'science à domicile' . Certes, cette supernova serait considérée comme 'facile' par ceux qui m'ont montré le chemin, mais je commence rarement par les exercices difficiles ! Ce genre d'observation a aussi le mérite d'être apprécié des astronomes professionnels et les contacts noués avec les autres amateurs du monde entier sont très fructueux. Je tiens, sur ce point, à remercier tous ceux qui m'ont apporté des commentaires sur le contenu de cette page.
 
 

Et après ?

La supernova SN1999gi est suivie lorsque les temps (t et météo) le permettent.
Voici les premières mesures faites depuis Cesson :
 
Date  Heure   JJ  Magnitude Observations
 09/01/2000   23h23 2451553.4743 14.37 CCD non filtré
 02/02/2000  20h38 2451577.3597 14.43 idem

Pour cette supernova, les informations fournies par le groupe Aude-SN sont centralisées à http://www.supernovae.net/snimages/sn1999/sn1999gi.html puis publiées vers le réseau international VSNET.

La page suivante rassemble tous les résultats obtenus à partir des observations effectuées à Cesson-la-Forêt.

Le texte que vous venez de lire a été écrit peu de temps après les débuts de l'auteur dans l'observation des supernovae. Les résultats successifs permettent de dégager les principaux conseils suivants :
 

Pour toute question, vous pouvez m'envoyez un message.
 

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J'oubliais : si le traitement des images a été réalisé avec PRISM sous Lucarne 95/98,  cette page a été entièrement composée sur un poste Linux,le système d'exploitation des astronomes Libres