9 MAI 2016 : MERCURE PASSE DEVANT LE SOLEIL

Philippe Morel,
Astro Club de France, observatoire Charles Fehrenbach
Morel.Philippe(at)wanadoo.fr


Dernier passage de Mercure le 8 novembre 2006 depuis Los Angeles.

Pour la première fois en France depuis le 7 mai 2003, la planète Mercure va passer à nouveau devant le soleil.

Ces passages sont beaucoup plus rares que ne le sont des éclipses de Soleil. Pour un endroit donné, on en compte 13 ou 14 par siècle. Cette rareté en fait leur intérêt même si le spectacle offert n’a rien de spectaculaire. cette opportunité permet cependant d’observer facilement une planète habituellement très difficile à apercevoir.

Histoire de passages

La première observation avérée d’un passage de Mercure remonte au XIIème siècle. Elle est le fait de l’astronome andaloux Abu Ishaq alBitruji al Ishbili en l’absence d’instrument d’optique. Cette observation est toutefois vraisemblable car le disque de Mercure est visible à l’œil nu par effet de contraste. Bien qu’utilisée depuis 1609, les passages de 1615, 1618 et 1628 semblent avoir échappé aux utilisateurs de lunettes astronomiques et il faudra attendre celui du 7 novembre 1631 et l’observation de l’astronome français Pierre Gassendi. Ce passage avait été prévu par l’usage des tables Rudolfines établies par Johannes Képler quatre ans plus tôt. Il n’existe aucune mention du passage du 3 mai 1661 bien que celui ci a été très facilement observables depuis l’Europe. Il faudra attendre celui du 7 novembre 1677 et l’observation d’Edmund Halley depuis l’île de Sainte-Hélène pour entendre à nouveau parler de Mercure devant le Soleil. L’intérêt suscité alors par ces passages été tenté d’affiner la précision de la mesure de la distance de la terre au soleil par La méthode des parallaxes mais la précision exigée pour ce type de détermination ont fait de Mercure un très mauvais candidat. L’intérêt scientifique de ce type d’observation a dès lors été relégués au rang de l’anecdote.

Une rare opportunité

Bien que beaucoup plus fréquents que les passages de Vénus (2 tous les 120 ans) du fait de sa proximité du Soleil, les passages de Mercure ne sont toutefois pas légion. Il se produisent quand la Terre se trouve dans l’alignement de la ligne d’intersection (ligne des nœuds) du plan de l’orbite de Mercure avec celui du plan de circulation de la Terre (écliptique). Encore faut il y trouver Mercure au même moment, ce qui explique la rareté du phénomène : 13 ou 14 occurrences par siècle même si Mercure passe deux fois par la ligne des nœuds en environ 88 jours. Cette ligne des nœuds pouvant être considérée comme fixe dans sa direction à l’échelle humaine, contrairement à celle de l’orbite lunaire, les passages pourront se produire soit en mai lors du passage de Mercure au nœud descendant, soit en novembre lors du passage de la planète au nœud ascendant. Les passages de mai se produiront selon des suites de 46 ans avec un écart temporel minimal d’une suite à la suivante de 13 ans. Le passage de 2016 est placé sur la suite de celui de 1970 et de celui de 2062, le prochain passage visible en mai sera dans 13 ans, en 2029 sur une suite où le précédent à eu lieu 46 ans avant en 1983 et le suivant 46 ans après en 2075. Celui de mai 2003 largement observé en France se situe sur la suite de celui survenu 46 ans avant, en 1957 et sur celui qui suivra, 46 ans après 2003, soit, 2049. En prenant en compte l’ensemble des suites en cours a chronologie donne donc au final la suite actuelle d’occurrences suivante des passages de mai : 1957, 1970, 2003, 2016, 2049, 2062, 2095, 2108, 2141, soit des durées entre les passages de 13 ou 33 ans. Le même calcul nous indique que les passages de novembre ont une périodicité actuelle de 7, 13 ou 33 ans.

L’orbite de Mercure étant beaucoup plus excentrique que celle de la Terre qui est quasi circulaire, elle sera, en cas d’alignement avec la Terre, bien plus proche de cette dernière quand elle sera au plus loin du Soleil (aphélie) et inversement quand elle sera au plus près (périhélie). L’argument du périhélie de Mercure n’étant que de 29,12° du nœud ascendant, son aphélie sera aussi placé sur la ligne joignant périhélie, centre du Soleil et aphélie (ligne des apsides) à proximité du nœud ascendant de l’orbite de Mercure. Le diamètre apparent de la planète sera donc plus important avec 12’’ de degré en mai contre 10’’ de degré en novembre.

Les passages du XXIème siècle

Ce tableau nous montre que le passage du 9 mai 2016 sera le plus long de ce siècle mais pas le plus central. On y remarque aussi la plus longue durée des passages survenant en mai du fait de la moindre vitesse de déplacement de Mercure sur son orbite au voisinage de l’aphélie. Prévoir la visibilité de ces passages est chose facile car le phénomène est visible de tout l’hémisphère terrestre éclairé par le Soleil, Il suffit donc de connaître les instants de lever et coucher de l’astre des jours pour le lieux d’observation.

Le passage de Mercure du 9 mai 2016 en France métropolitaine


Les moments les plus intéressants d’un passage de Mercure devant le Soleil sont l’entrée et la sortie du disque de la planère avec l’effet de goutte noire facile à observer avec des instruments de petit diamètre et le tableau ci-dessus montre qu’à l’évidence le sud est et la Corse seront les moins favorisées puisqu’à Nice, Bastia et Ajaccio la sortie de Mercure du disque du Soleil sera invisible. A l’inverse, l’ouest et le nord seront les régions les plus avantagées avec un Soleil haut de presque 9° à Brest et 5° à Lille à la fin du phénomène.

Fig. [1] : Hauteur du Soleil en fonction de la longitude et de la latitude en France métropolitaine le 9 mai 2016 à 11h12m UT (début du phénomène).



Fig. [2] : Hauteur du Soleil en fonction de la longitude et de la latitude en France métropolitaine le 9 mai 2016 à 18h40m12s UT (fin du phénomène).

Les Fig. [1] et Fig. [2] ont été établies aux instants de début et de fin du passage et portent en abscisse les longitudes (négatives à l’est du méridien de Greenwich) et en ordonnée les latitudes. A une longitude et une latitude choisies ils permettent d’apprécier la hauteur du Soleil au moyen des lignes d’iso-hauteur.

Observer le passage de Mercure

Cette observation exige les mêmes précautions que pour le Soleil. A l’œil nu au travers d’un verre de soudeur à l’arc de grade 14 ou de lunettes d’éclipse les meilleures vues pourront percevoir Mercure sur le disque du Soleil au milieu du phénomène mais beaucoup plus difficilement au début et la fin. Les 12’’ de degré de diamètre apparent de Mercure sont bien en deçà du pouvoir séparateur de l’œil humain mais l’effet de contraste suffit à « éteindre » un cône au niveau de la rétine centrale donnant alors à Mercure un aspect visuel de plus grand diamètre que ne l’est son diamètre apparent réel. Il pourra être très intéressant de tenter de visualiser la présence de la planète par la méthode du sténopé, là encore, au milieu du phénomène.


Fig. [3] : Un passage de Mercure en altazimutal combinant le déplacement propre de la planète à la rotation de champ.

L’observation en lumière blanche (Fig. [3] ) aura tout son intérêt si Mercure à la bonne idée de passer devant des plages faculaires et des taches mais aussi aux moments de l’entrée et de la sortie avec le phénomène de la goutte noire particulièrement visible avec les optiques de petit diamètre.


Fig. [4] : Gros plan sur Mercure du 8 novembre 2006 au Solarmax 90 depuis Long Beach (Californie), © : Philippe Morel, OBSCF/ACF.


En lumière H alpha (Fig. [4] ) le spectacle est tout autre, d’abord parce qu’à diamètre égal, les gouttes noires seront d’autant plus visible en raison du moindre pouvoir séparateur en lumière rouge, ensuite, en raison de la constance de détails sur le disque dans cette lumière, y compris quand le Soleil est très calme.Les passages de Mercure ont en France une bien meilleure probabilité de ciel dégagé en mai qu’en novembre et leur durée est plus importante. Notre siècle n’en comptera que 5 sur un total de 14 et celui ci sera le second. Cette opportunité ne sera pas à rater car même si le prochain passage n’aura lieu que dans 3 ans, le 11 novembre 2019, il faudra attendre 33 ans pour en revoir un en mai … le 7 mai 2049.



Retrouvez la version papier de cet article dans
Astrosurf Magazine n°80, mai juin 2016.

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