Dans la
nuit du 5 au 6 octobre 2017, Triton, satellite de la planète
Neptune alors placé à 4,35 milliards de kilomètres
de nos yeux et d'une magnitude visuelle égale à 13,4
avait rendez-vous avec UCAC4 410-143659, étoile de magnitude
visuelle égale à 12,4 pour une éclipse totale pas
comme les autres.
Il est en effet rare qu'un satellite aussi éloigné soit
aligné avec une étoile plus brillante, donc, une occasion
rêvée de garder un souvenir de ce grand rendez-vous
intéressant au plus haut point la communauté scientifique.
Bien que visitée en 1989 par la sonde Voyager 2,
l'atmosphère de Triton, épaisse de 800 km pour un
satellite mesurant 2707 km de diamètre, reste fort peu connue.
On sait qu'elle est bien moins dense que l'atmosphère terrestre
et qu'elle est composée essentiellement d'azote. Cette
occultation constituait donc une bonne opportunité d'en savoir
un peu plus sur cette dernière mais aussi sur son orbite.
L'occultation à l'observatoire Charles Fehrenbach
La météorologie s'annonçait moins pire que
prévu juste et après le passage d'une perturbation
pluvieuse venue du nord-ouest c'est un ciel de traine qui
s'annonçait. Fait habituel, le coucher de Soleil et le
refroidissement du début de nuit ont lavé
complètement le ciel et la première vision sur la
scène de l'événement était des plus avenante.
Autant en l'absence d'UCAC4 410 -143659 il était facile de voir
Triton à 650 X de grossissement au C14, autant ce soir, ce
dernier était invisible car cerné de l'étoile et
du disque de Neptune.
Triton apparaissait à l'inverse, de manière
évidente entre l'étoile et la planète sur les
acquisitions réalisées à la ZWO AS120. Comme cette
nuit c'est place à la science, le dark est réalisé
vers 20h UT puis débutent une série d'acquisitions toutes
les 15 minutes afin de mettre en évidence le lent rapprochement
de Triton à l'étoile. C'était malheureusement
compter sans les caprices de notre atmosphère et les
dernières images de Meteosat recueillies au pied du C14
annonçaient un gros cadeau venu de notre atmosphère :
l'arrivée d'une zone nuageuse d'une centaine de kilomètres
de longueur dont le grand axe devait cependant passer au nord. Il est
21h15 UT et les nuages commencent à envahir le ciel par le
nord-ouest ...
Tenue de bain pour le C14
... il y en a pour plus d'une heure trente mais chose rassurante, en
amont il n'y a que du ciel dégagé sur plus de 300 km.
Seul problème, une pluie fine de plus en plus insistante
se met à tomber. Impossible de mettre à l'abri le
matériel ; le temps restant entre la fin probable de la pluie et
le début de la séquence d'enregistrement risquant de
rendre impossible la réinstalation et le repointage dans les
délais. C'est l'option bâchage qui s'est donc imposée.
Il est 20h10 et la pluie s'arrête enfin mais la traîne persiste,
encore très dense. Au fil des minutes celle ci de délite
peu à peu, mais ce délitement va prendre environ une
heure, de sorte que ce sera une double occultation d'UCAC4 410 -143659 par Triton mais aussi, de temps à autre par les nuages.
L'occultation presque extraite des nuages
Courbe d'éclat
tronquée par les passages nuageux de Triton en début et fin d'occultation, © : Philippe Morel, ACF/ObsCF
Le
graphe d'évolution de l'éclat de Triton montre à
première vue que le miracle s'est produit avec une descente
d'éclat régulière à partir de l'image
n° 945 et une remontée d'éclat complète
à partir de l'image n°1258 mais avec des oscillations
d'éclat jusque l'image n° 1321 datée à
23h49m17s UT.
L'image n° 945 correspond à 23h47m27s UT et la
n°1258 à 23h48m59s UT, soit une durée d'occultation
de 92 sec, bien plus courte que les 160 sec +/- 10 sec à
l'entrée comme à la sortie prévues par le calcul
sur la ligne de centralité. Une réalité cependant
: la plus courte distance à la ligne de centralité
étant de 608 km, des 160 sec +/- 10sec nous arrivons à
142 sec +/- 10 sec.
L'instant du milieu du phénomène ayant été
déterminée à 23h48m22s UT pour une demi
durée
de 50 à 60 sec, l'émersion devrait se trouver vers
23h49m12s UT - 23h49m22s UT donc, au-delà de ce que montre le
graphique dans la zone d'occultation. Cependant, la baisse
d'éclat et sa remontée
sont parfaitement symétriques et ne peuvent être le fait
de nuages.
Si, de l'image n°1258
à l'image n°1321 se sont réellement montrées
les oscillations atmosphériques, ces dernières se sont
manifestées durant 18,7 sec. En supposant qu'au début de
l'occultation elles ont eu la même durée, cela permet
d'avancer un instant de début d'occultation environ 19 sec avant
23h47m27s UT soit à 23h47m09s UT. Si tel est le cas, nous arrivons à une durée d'occultation de 130 sec.
S'agissant de la durée
des oscillations atmosphériques, ces dernières sont
d'autant plus longues qu'on s'éloigne de la ligne de centralité.
Dans cette hypothèse, le milieu de l'occultation peut être intervenu à 23h47m14s UT. D'autre part, en
retirant 46 sec à 23h48m59s UT (image n°1258) nous arrivons
à
23h48m13s UT, donc, dans la plage temporelle de l'instant du milieu de
l'occultation et à très peu de temps de ce qui a
été déterminé plus haut. Le graphe montre
donc bien la presque totalité de
l'occultation sans parasitage nuageux significatif mais avec un
écrétage de la courbes aux instants de contact mais avec
détermination visuelle possible de l'instant du dernier contact.