Eclipse totale de Lune du 27 juillet 2018 : souvenirs d'Iran


L'éclipse totale de Lune du 27 juillet 2018 a été visible la nuit même de l'opposition de la planète Mars. Ces deux opportunités ont conduit le Research Institute for Applied Physics and Astronomy (RIAPA) de l'université de Tabriz (Iran) à organiser les 26 et 27 juillet une école d'été destinée aux étudiants. Les relations constantes et amicales existant déjà depuis de longues années entre le RIAPA, l'observatoire de Nice (Pr. Rozelot) et l'Institut d'Astrophysique de Paris (Pr. Koutchmy) c'est tout naturellement vers ces entités que le Pr. Ajabshirizadeh (RIAPA) s'est adressé pour la partie internationale du contenu de cette école dont le principal temps fort était programmé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tabriz au Khaleh Nasir Toosi Observatory pour l'observation de l'éclipse et de la planète Mars.


© : Fred Espenak et Googlemaps.

La France métropolitaine étant placée bien trop à l'ouest pour bénéficier de bonnes conditions de visibilité de l'éclipse, trouver un site d'observation en altitude plaçant la totalité au voisinage du méridien constituait aussi une aubaine inespérée.




De droite à gauche Jean Mouette, Jean Pierre Rozelot, Jean Luc Martin, Sylvie Laurent entourée de nos deux étudiants-guides bénévoles

La participation française sera conduite par le Pr. Jean Pierre Rozelot accompagné de Sylvie Laurent et Jean Luc Martin, membres du Groupement d’Astronomie Populaire de la Région d'Antibes (GAPRA), de Jean Mouette et Philippe Morel pour la participation de l'Institut d'Astrophysique de Paris.



Coucher de Soleil et lever de Lune sur le Bosphore

De Téhéran à Tabriz

Premier contact avec l'Iran par le survol de Téhéran puis l'arrivée à Tabriz mais partout un chaleureux accueil.






Panorama sur Tabriz depuis le RIAPA


Près du planétarium du RIAPA

Au petit matin du 27 juillet, c'est le début de l'école sur le site du RIAPA avec un auditoire d'environ 200 étudiants et un programme très chargé et minuté en cette université comptant 18 000 étudiants.


Un accueil à la hauteur sur tous les lieux de l'école


Durant le Sorud-é Djomhuri-yé Eslami, hymne national de la République d'Iran


Ouverture de l'école par les Prs. Ajabshirizadeh et Rozelot


Photo de famille de l'école, © : RIAPA


En marge de l'école, © : RIAPA et Philippe Morel, ACF/ObsCF

En marge de l'école ce fut aussi la visite de Tabriz, ancienne capitale de la province d'Azerbaidjan devenue une métropole de 4 millions d'habitants.





La Tabriz aux magnifiques jardins publics envahis dès la fin du jour par toute une population sans distinction de classe sociale venant se délasser, faire de l'exercice physique voire, partager des pique-niques en famille ou avec les voisins, dormir à la belle étoile ou sous tente, ce à quoi invite largement la température d'environ 35°C au coucher du Soleil et l'absence d'interdiction d'une société très respectueuse du bien commun et de la notion de respect et de partage ...



... et où toute occasion est dévolue à la séquence photo souvenir du passage des invités venus de loin.




La Tabriz historique au Grand Bazar grouillant de monde et ses kilomètres d'échoppes aux arcades de briques  édifiées juste après le tremblement de Terre de 1776, le même qui endommageât gravement la Mosquée Bleue constuite au début du XVème siècle et reconstruite dans les années 1970 dans le plus grand respect de l'existant.



A proximité de la Mosquée Bleue nous sommes reçus dans un autre sanctuaire dédié à la couleur bleu nuit où tout type d'instruments astronomiques sont réunis ... malgré l'embargo.



© : Googlemaps.
27 juillet 17h30 c'est l'instant du départ pour le temps fort du séjour : l'observation de l'éclipse et, accessoirement, de la planète Mars depuis le Khaje Nasir Toosi Observatory situé à près de 45 km au sud de Tabriz et à 2000 m d'altitde. une fois sortie de la ville ce sont 45 km de paysages arides de steppe où la seule végétation visible borde les rares rivières d'une zone quasi désertique.


© : Googlemaps.



Peu à peu la route prend de l'altitude et notre montagne d'une nuit apparait entre nuages, ciel bleu et zones orageuses. Plusieurs centaines de visiteurs y sont attendues et deux invités surprise : le vent et les nuages.






Au sommet, trois coupoles et un paysage d'une grande beauté. C'est le moment de la visite des installations.

Le télescope Cassegrain de 40 cm de diamètre


La coupole et le télescope de 60 cm de diamètre, © : RIAPA et Philippe Morel, ACF/ObsCF


Officiels et VIP sont de sortie

Le Soleil glisse lentement vers l'horizon et chaque poussée orageuse s'accompagne d'un renforcement du vent. Le site sera souvent menacé par la pluie mais jamais la cible d'orages.



Le moment est venu d'installer les télescopes. Certains choisissent une terrasse située au sud de l'observatoire jouissant d'un superbe panorama en direction du déroulé de l'éclipse, d'autres privilégient la protection maximale des assauts du vent au pied des coupoles mais pour tous une question se pose : l'éclipse sera t-elle visible et photographiable ?


© : RIAPA

Cependant, éclipse ou pas, entre tables, chaises, électricité à tous les postes, ravitaillement, éclairage nocturne rouge, rien ne manquait à la parfaite organisation conduite sur place par le Pr. Ajabshirizadeh.


© : RIAPA

Quatre programmes d'imagerie étaient initialement prévus par les participants français : spectrographie du disque lunaire dans l'ombre (Jean luc Martin, télescope Meade LX50 de 203 mm de diamètre, spectrographe Lhires III), imagerie infrarouge et visible de l'ombre (Philippe Morel, télescope Cestron 8" de 203 mm de diamètre), imagerie en timelapse grand champ et en champ rapproché (Jean Mouette, lunette Takahashi FSQ 106 de 106 mm de diamètre). Les conditions météorologique interdiront l'imagerie infrarouge et le timelapse grand champ.



En attendant l'éclipse, © : RIAPA

Le temps passe et les nuages se font de plus en plus épais en direction de l'éclipse. Il est 21h 44m 47s l'éclipse pénombrale débute dans un ciel ne laissant aucun espoir d'éclaircie et de même à 22h 54m 27s pour le début de l'éclipse partielle et à 0h 0m 15s pour le début de l'éclipse totale. Les organisateurs envisagent de plier bagage mais après négociation nous arrivons à obtenir un départ après la fin de la totalité. A ce moment très rares sont les observateurs gardant un espoir d'apercevoir l'éclipse et un premier convoi de déçus de l'éclipse regagne Tabriz vers 1h du matin ... à un moment où quelques étoiles tentaient de percer la couverture nuageuse au zénith. Ces pales lueurs d'spoir se sont fait de plus en plus présentes et à 1h 25m l'éclipse totale apparait furtivement pour la première fois sous un vent redoublant de force. La fin de la totalité sera ainsi faite de courtes apparitions de la Lune le plus souvent balayée de nuages peu épais au déplacement très rapide. Le spectacle visuel est au rendez_vous mais pour l'imagerie c'est une autre affaire !


L'association C8-Alpha 7s ou les outils d'un sauvetage photographique

Compte-tenu de la force du vent il a fallu rapidement se rendre à l'évidence : impossible de sortir une image sans bougé pour une exposition plus longue que 1/20ème de sec. Impossible aussi d'obtenir sur une seule exposition un disque lunaire sans aucun nuage : pour chaque image finale ce sera donc une addition de nombreuses poses instantannées à très haute sensibilité ... mais pas n'importe quelle addition.

Il existe de nombreuses procédures d'addition d'images mais l'une d'entre elles, la pile médiane, ne fait apparaitre sur l'image finale que les seuls détails présents sur plusieurs ou l'ensemble des images élémentaires. Il suffit, dès lors, d'additionner un nombre suffisant d'images selon la couverture nuageuse et le temps d'éclaircie disponible pour récupérer sur l'image finale l'ensemble des éléments non mobiles, donc, pour faire disparaitre les nuages. Ce mode d'addition adoucit de plus très fortement le bruit de fond de l'image finale, autorisant l'usage de sensibilités très élevées.


Cette association a permis d'obtenir des images de la fin de la totalité et de la partie éclipsée de la Lune durant toute la durée de la sortie de l'ombre. Les premières expositions en fin de totalité ont exigé une sensibilité de 51200 ISO à F/D=10 (2000 mm de focale) et une exposition de 1/20ème de sec, les dernières, une sensibilité de 16000 ISO avec la même exposition. Bilan de cet essai : 677 images de l'éclipse ou, pour la plupart, de morceaux d'éclipse, lesquels permettront la réalisation de 16 images additionnées.


L'éclipse se termine et le ciel se dégage de plus en plus ...


... et pour beaucoup, dormir à la belle étoile est devenu une nécessité

Il est 4h du matin et l'éclipse pénombrale vient de prendre fin. Nul ne sait encore si les images seront utilisables mais au moins il restera de bons souvenirs de cette éclipse pour laquelle rien n'a été simple mais surtout le merveilleux souvenir de cette nuit passée au contact d'une jeunesse avide de savoir et jamais avare d'une attention. Place à une courte nuit de sommeil sous 29°C de température.



Le retour vers Tabriz et ses lumières nous attend et va durer environ 1h, reprise des interventions à l'école d'astronomie à 10h30 pour le programme du 28 juillet.



Dernière attention et non des moindres quelques heures avant notre envol, nous sommes invités chez les parents d'un des étudiants en astrophysique. Le thé, les gateaux, la musique et les danses sont au rendez-vous et d'une quinzaine de convives à notre arrivée, nous nous retrouvons rapidement à plus de 40.


... difficile en sortant de retrouver chaussure à son pied !

Dernier regard sur trois jours de rêve

Remerciements :
Au Pr. Ali Ajabshirizadeh, RIAPA, Université de Tabriz,
au Pr. Serge Koutchmy, Institut d'Astrophysique de Paris,
au Pr. Jean Pierre Rozelot, Observatoire de Nice,
A l'ensemble des intervenants et étudiants ayant tout fait pour faire de ce séjour un moment inoubliable.

27 juillet 2018, éclipse totale de Lune : souvenirs d'Iran est paru

dans Astrosurf Magazine n°95, novembre décembre 2018.



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